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| L'agneau immolé/égorgé... | |
| | Auteur | Message |
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le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: L'agneau immolé/égorgé... Lun 10 Sep 2018, 11:01 | |
| - Narkissos a écrit:
- Je repense aussi, dans le même genre, à la formule maladroite de l'Apocalypse (13,8 ), "ceux dont les noms ne sont pas écrits dans le livre de l'agneau immolé/égorgé depuis la fondation du monde". Le traducteur peut, certes, dissiper l'ambiguïté en rattachant le "depuis la fondation du monde" à "écrits" plutôt qu'à "immolé/égorgé". N'empêche que le "malentendu" (l'agneau immolé/égorgé depuis la fondation du monde) fait bien partie intégrante du texte et qu'il est fascinant, et au fond pas plus "problématique", si l'on y réfléchit un peu, que le texte tel qu'il apparaît dans une traduction qui l'a débarrassé du "malentendu"...
Comment comprendre "depuis la fin du monde" comme cela est exprimé dans le verset? (mentionné dans un autre fil) ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: L'agneau immolé/égorgé... Lun 10 Sep 2018, 12:00 | |
| Ce n'est que "depuis la fondation du monde", mais "depuis la fin du monde" serait encore mieux !
Il est de toute façon impossible de comprendre ce type de langage sans se familiariser tant soit peu avec la notion ancienne et classique d'"éternité", qui a certes beaucoup varié elle-même d'une période, d'un milieu ou d'un auteur à l'autre, mais nous est foncièrement et globalement étrangère.
Tout ce qui nous reste, à nous modernes, de l'"éternité" c'est l'idée d'une durée sans commencement ni fin. Nous n'y voyons plus autre chose que du "temps"; non que l'"éternité" dont je parle soit sans rapport au "temps": elle est au contraire dans un rapport essentiel avec lui comme son "autre", son envers ou son complément: un "point de vue", si l'on veut, qui embrasserait d'un coup d'œil l'ensemble du "temps" et tous les événements qui s'y succèdent, et devrait être pour cela comme "extérieur" à cet ensemble. Donc, pas celui d'un "mortel" ou d'un "étant" ordinaire, situé "dans" le "temps".
Ce "point de vue" impossible, mais en même temps(!) nécessaire à toute pensée du "temps", c'était anciennement celui des dieux, classiquement celui de "Dieu". Dans un langage de type "mythologique", ce peut être celui du "ciel", mais aussi celui d'un "avant" ou d'un "après" le monde et son temps (ce qui pour nous se réduit à une absurdité, dans la mesure ou "avant" et "après" sont des notions temporelles, qui n'ont de sens que "dans le temps" et n'en "sortent" pas).
Je reviens à l'Apocalypse, qui présuppose un "monde" avec un "commencement" et une "fin", même si la "fin" l'intéresse davantage que le "commencement". L'idée d'un "livre de vie" qui depuis le commencement du monde contient d'avance les noms des élus, passés, présents et futurs (l'auteur ne veut sans doute dire rien d'autre que ça, cf. 17,8 ) offre précisément un tel "point de vue", "éternel", sur le temps et l'histoire. C'est un tel point de vue que supposent tous les énoncés du NT sur la "prédestination" ou l'"élection avant la fondation du monde" (Ephésiens 1,4 etc.), et aussi sur la "fin du monde": tout événement de l'histoire est susceptible d'un aspect éternel, du point de vue d'un "ciel" conçu comme "hors du temps", ou d'un "avant-le-temps" qui connaîtrait d'avance l'ensemble du "temps", ou d'un "après-le-temps" qui le récapitulerait a posteriori (notamment dans un "jugement dernier"). Or ce qu'en Apocalypse 13,8 l'auteur dit (peut-être) sans le vouloir, à la faveur d'une expression approximative (non pas seulement le livre écrit comme en 17,8, mais l'agneau immolé "avant la fondation du monde") c'est (peut-être) un "accident" dans un sens, un lapsus calami, mais en même temps c'est une "vérité" imparable du point de vue de l'éternité. A supposer que la mort du Christ soit un événement historique, "dans le temps", c'est aussi, sub specie aeternitatis, un "événement éternel" (soit une absurdité par rapport au concept ordinaire d'événement, mais une tautologie par rapport à celui d'éternité qui ne connaît précisément d'événement que sous son "aspect éternel"). Autrement dit, le sens "extraordinaire" du texte (l'Agneau immolé depuis la fondation du monde) n'est pas, au fond, plus absurde que son sens "ordinaire" (le livre écrit depuis la fondation du monde). Et il rejoint d'autres énoncés "christologiques" similaires (Jean 17,24; Hébreux 9,26; 1 Pierre 1,20 -- Ephésiens 1,4 étant aussi "christologique", puisque c'est "en Christ" que les élus le sont, élus ou choisis, "avant la fondation du monde"). |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: L'agneau immolé/égorgé... Lun 10 Sep 2018, 13:55 | |
| Merci Narkissos pour ces explications qu'il me faut lire et relire… afin d'en saisir le sens. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: L'agneau immolé/égorgé... Lun 10 Sep 2018, 21:16 | |
| J'aurais dû commencer par l'autre bout (le texte): Apocalypse 13,8 dit, de ceux qui se prosterneront (futur !) devant la "bête", que leurs noms (mot-à-mot) "n'ont pas été écrits dans le livre de l'agneau égorgé depuis la fondation du monde". La formule est ambiguë: en grec comme en français, on peut comprendre que c'est l'agneau qui a été égorgé depuis la fondation du monde, c'est même la lecture la plus "naturelle" au premier abord. Quand on réfléchit à ce qu'on dit, on peut douter: en 17,8, où il n'y a pas d'agneau immolé, ce sont bien les noms qui sont écrits depuis la fondation du monde, et l'ambiguïté de 13,8 peut résulter d'une simple maladresse rédactionnelle.
N'empêche que l'ambiguïté est bel et bien dans le texte, et que si l'un de ses deux sens possibles (au moins) nous paraît plus "énorme" que l'autre, en fait les deux nous sont également incompréhensibles: si nous ne comprenons pas comment l'agneau (ou Jésus-Christ) pourrait avoir été immolé depuis la fondation du monde, nous ne comprenons pas davantage comment des noms de personnes contemporaines du texte, ou à venir, pourraient avoir été écrits dans un livre depuis la fondation du monde. Pour cela il faut se référer à un concept de l'"éternité", et de son rapport au "temps", qui ne nous sont pas familiers (d'où mon post précédent, qui sera peut-être un peu plus lisible à partir de là. Sinon tant pis !). |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: L'agneau immolé/égorgé... Lun 10 Sep 2018, 23:06 | |
| Merci pour ces précisions… c'est plus clair. Mais cela ouvre de nouveaux horizons |
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| Sujet: Re: L'agneau immolé/égorgé... | |
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