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| "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 | |
| | Auteur | Message |
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free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 28 Déc 2018, 17:13 | |
| Celui qui n'a pas connu le péché, il l'a fait pour nous péché, afin qu'en lui nous devenions justice de Dieu." (NBS)
"Celui qui n’avait pas connu le péché, il l’a, pour nous, identifié au péché, afin que, par lui, nous devenions justice de Dieu." (TOB)
Or, qu’il y ait un rapport explicite entre réconciliation et mort du Christ est une donnée des deux passages pauliniens à l’étude, mais il est loin d’être sûr qu’il faille déterminer ce rapport d’une manière sacrificielle, du moins dans une ligne cultuelle où expiation signifierait agir sur Dieu pour qu’il renoue l’alliance. On peut aussi comprendre qu’en Christ, Dieu offre la réconciliation, tout simplement, de manière efficace — et non qu’il l’offre parce que Christ est mort. De fait, 2 Co 5,21 — qui détonne dans la progression du discours — semble jouer sur le registre métaphorique cultuel (le sacrifice pour le péché), à partir d’un jeu de mot, tandis que Rm 5,6-7 renvoie au sacrifice héroïque du héros qui défend sa cité.
https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2015-v23-n2-theologi03341/1042745ar/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 28 Déc 2018, 18:22 | |
| L'interprétation sacrificielle de ce verset est répandue mais très faible: elle se fonde sur le fait qu'en hébreu le même mot (ht't) peut désigner le "péché" (comme irrégularité ou incapacité rituelle ou faute morale) ET le "sacrifice" correspondant (le cas échéant); mais ce n'est pas naturellement ainsi qu'on entend hamartia en grec (la "faute"), pas même dans la Septante où le sens "sacrificiel" du mot (hébreu) est habituellement rendu par une périphrase (c'est le cas de le dire) elliptique (peri hamartias, "pour/concernant un/le péché"; cf. Hébreux 10,6, qui cite le psaume 40 selon la LXX; et Lévitique 5,11 etc., LXX). A supposer que l'auteur ait voulu dire "sacrifice pour le péché" en écrivant hamartia, aucun lecteur ou auditeur grec n'aurait eu la moindre chance de le comprendre ainsi (pas même des chrétiens d'origine juive et familiers de la Septante). Bref, il me semble beaucoup plus simple de lire le texte comme il est écrit: le Christ a été fait "péché", comme il a été fait "malédiction" en Galates (dans un contexte judiciaire et non sacrificiel, d'après le Deutéronome: l'exécution d'un condamné par pendaison -- sur un poteau ou une croix -- n'a rien d'un "sacrifice").
Certes, toutes ces notions ne sont pas sans rapport: on peut toujours considérer un "sacrifice pour le péché" comme une substitution à un châtiment (substitution qui n'est précisément pas permise quand le châtiment s'impose; mais alors on peut dire que le châtiment se substitue au sacrifice, cf. Nombres 15); d'autre part, le "péché" peut contaminer dans une certaine mesure le "sacrifice": la victime doit être "pure" et "sans défaut", mais le prêtre doit quelquefois se purifier après l'offrande (ainsi dans le cas très particulier du jour des expiations, Lévitique 16). Ce qui en revanche n'arrive jamais dans la Torah, et que présupposerait une interprétation sacrificielle du christianisme, c'est que l'exécution d'un innocent se substitue à quoi que ce soit...
La logique de la "réconciliation" en 2 Corinthiens 5 (katallassô, v. 18ss) est celle de l'échange: le Fils de Dieu devient "péché" en devenant homme (et condamné, maudit, crucifié), nous devenons "justice" en lui (comparer la formulation, à certains égards plus "prudente", de Romains 8,3). Cela peut aussi se lire de façon "sacrificielle", mais selon une version beaucoup plus large du "sacrifice" (même dans le Lévitique, le "sacrifice pour le péché" n'est qu'un préalable au sacrifice de "communion" ou de "reconnaissance" qui en est l'aboutissement, véritable partage du dieu et des mortels). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 04 Jan 2019, 11:45 | |
| - Citation :
- La logique de la "réconciliation" en 2 Corinthiens 5 (katallassô, v. 18ss) est celle de l'échange: le Fils de Dieu devient "péché" en devenant homme (et condamné, maudit, crucifié), nous devenons "justice" en lui (comparer la formulation, à certains égards plus "prudente", de Romains 8,3). Cela peut aussi se lire de façon "sacrificielle", mais selon une version beaucoup plus large du "sacrifice" (même dans le Lévitique, le "sacrifice pour le péché" n'est qu'un préalable au sacrifice de "communion" ou de "reconnaissance" qui en est l'aboutissement, véritable partage du dieu et des mortels).
Merci Narkissos pour ces explications. " Si quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle. Ce qui est ancien est passé : il y a là du nouveau. Et tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation. Car Dieu était dans le Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux humains de leurs fautes, et mettant en nous la parole de la réconciliation." (5, 17-19) Il est étonnant de lire que Dieu était dans le Christ, sans réciproque, comme chez Jean et cela d'autant plus que le v 17, affirme que :"Si quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle". |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 04 Jan 2019, 13:23 | |
| Que ce soit sans réciproque, ou que la réciproque ne soit pas exprimée, ça me semble assez logique dans la mesure où la "réconciliation" se joue sur le devant de la scène, "terrestre", "humain", au lieu même de la "chair" et du "péché". L'important ici est que "Dieu" y soit pleinement en-gagé (à cet égard, la traduction "c'est Dieu qui en Christ se réconciliait le monde" est suffisante, pourvu qu'on n'affaiblisse pas davantage le "en"). La relation inverse, x en Dieu, concerne plutôt l'autre face du mystère, non pas la chair ni la mort mais l'esprit et la vie au-delà.
La récurrence de la formule "en Christ" que tu relèves dans ce passage (formellement la même pour "Dieu" et pour n'importe qui !) est très intéressante: je ne pense pas que l'auteur l'ait "fait exprès", mais pour autant cela ne trahit pas sa pensée, c'en est même une conséquence nécessaire; l'"en Christ" change tout, même "Dieu"; même "le Christ" (v. 16)! "Dieu" est nécessairement impliqué par le changement d'"économie", comme disent les théologiens. Qu'on l'interprète en termes de devenir, de "mystère" qui change effectivement quelque chose dans l'être et dans le temps (c'est généralement le langage "paulinien"), ou en termes de "révélation" ("Dieu" se révèle comme il ne se révélait pas avant, mais bien tel qu'il est "éternellement"; ainsi plutôt dans le johannisme et le deutéro-paulinisme) est, de ce point de vue, accessoire: il y a bien événement, quelque chose arrive qui fait qu'on ne peut plus penser "Dieu" comme on le pensait (et comme on le pense toujours) a priori, "avant la révélation" -- il n'est plus question de "Dieu" sans "Christ", ni sans "nous", ni sans "monde". |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 04 Jan 2019, 14:56 | |
| « Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous » (2 Co 5, 21)
1- Considéré péché ? En tout cas pas pécheur, puisqu’aucun texte de Paul ne peut contredire tous les passages où il affirme la totale soumission du Christ au Père. De plus, il ne pourrait nous obtenir la justice s’il n’était pas lui-même juste. Voir aussi Ga 3, 13 : « le Christ… devenu lui-même malédiction pour nous, car il est écrit : "Maudit soit celui qui pend au gibet" » (punition du blasphème – Lv 24, 16 et Dt 21, 22-23 sont combinés par Josèphe).
2- Jésus s’est substitué à l’humanité pécheresse. Voir la suite : « pour que nous devenions justice de Dieu. »
3- Le sens de péché comme sacrifice d’expiation du péché (voir Lv 4, 25.29) ne convient pas au contexte, notamment parce que les destinataires n’y étaient sans doute pas préparés. Lire cette formule en fonction de trois registres différents, tous habituels chez Paul, mais il ne prévient pas ! - Registre moral, considère et évalue le comportement : Jésus est pécheur ; - Registre juridique : détermine comment les autorités l’ont considéré ; c’est le registre de Ga 3, 13, avec les références aux stipulations de Lv et Dt ; - Registre rituel, donc symbolique : il concentre en lui le péché de son peuple pour l’en libérer à la manière de la victime du sacrifice ; voir la deuxième partie du verset : « pour que nous devenions justice de Dieu ». Question : comment comprendre le rôle actif de Dieu qui « fait » son Fils « péché » ? Tout est relié à Dieu, en premier lieu la cause du salut… Là plus qu’ailleurs on ne tient pas compte des causes secondes. http://biblissimo.com/article-vases-d-argile-paul-2corinthiens-42198325.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 04 Jan 2019, 16:07 | |
| C'est amusant que les commentateurs, au moins "amateurs", pensent rarement à Romains 8,3, que j'ai évoqué plus haut, pour "éclairer" 2 Corinthiens 5,21. L'analogie est pourtant évidente, ainsi que la différence (gain de prudence, disais-je, mais dans un sens suspect d'hérésie "docétique"): il l'a fait péché -> il l'a envoyé dans la ressemblance de la chair du péché. C'est que les deux textes sont a priori rangés (mais sans la moindre justification contextuelle) dans deux "boîtes" dogmatico-narratives différentes, qui ne communiquent pas directement entre elles. Le verset de Romains est référé à l'"incarnation", celui de 2 Corinthiens à la crucifixion. C'est cependant, à l'évidence, une variation du même thème. |
| | | free
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| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 04 Jan 2019, 16:26 | |
| Synthèse de la pensée de Paul, l’épître aux Romains prolonge en fait les intuitions théologiques de l’épître aux Galates. Pour le thème qui nous occupe, le passage clé se trouve au v. 3 : « En envoyant son propre Fils dans la condition de notre chair de péché, [Dieu] a condamné le péché dans la chair ». Que signifie que Jésus est venu « dans la condition de notre chair de péché » ? Tout simplement qu’il a pleinement et entièrement vécu la condition humaine. Et tout particulièrement qu’il a été exposé à la puissance négative du péché. Pour Paul, cela signifie concrètement qu’il a subi la mort la plus infamante qui soit à l’époque, à savoir la crucifixion : » obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix » (Ph 2,8 ).
En remportant la victoire sur le péché, c’est-à-dire sur la puissance de négativité qui prend possession du corps et le rend esclave de son pouvoir de mort, le Christ offre aux hommes d’en être libéré et de devenir « enfants de Dieu » dès maintenant (cf. v 15 : « nous crions : Abba Père »), c’est-à-dire à même la condition corporelle qui est celle du croyant. L’adoption filiale (v. 15) concerne bien la totalité de l’existence humaine, corps mortel compris (cf. v. 11 : « L’Esprit [de Dieu] donnera aussi la vie à vos corps mortels »). Le croyant est ainsi au bénéfice d’une puissance résurrectionnelle qui opère une ouverture dans l’univers clos d’un corps, certes toujours voué à la mort mais à qui est promise une vie qui dépasse la simple existence biologique : « Car si vous vivez de façon charnelle (lit. « selon la chair »), vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez » (v.13). Pour le croyant qui prend au sérieux la proclamation paulinienne, la conséquence est que son existence corporelle, n’est plus marquée du sceau de la négativité (la « chair » en tant qu’expérience de la puissance du péché). À aucun moment, donc, il ne s’agit de fuir la dimension corporelle de la condition croyante : une telle attitude serait la négation même de l’incarnation du Fils de Dieu ! https://journals.openedition.org/cerri/1255#tocto2n6 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Ven 04 Jan 2019, 16:46 | |
| Cuvillier, qui n'est pourtant pas un "amateur", ne pense pas non plus à 2 Corinthiens 5 quand il commente Romains 8... J'incline par ailleurs à voir la relation entre Romains et Galates d'une façon presque symétrique à la sienne (Galates non "ébauche" de Romains, mais simplification et dramatisation, voire caricature ultérieures, sur la voie qui aboutira au "marcionisme"). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Mer 09 Jan 2019, 12:10 | |
| - Citation :
- La logique de la "réconciliation" en 2 Corinthiens 5 (katallassô, v. 18ss) est celle de l'échange: le Fils de Dieu devient "péché" en devenant homme (et condamné, maudit, crucifié), nous devenons "justice" en lui (comparer la formulation, à certains égards plus "prudente", de Romains 8,3). Cela peut aussi se lire de façon "sacrificielle", mais selon une version beaucoup plus large du "sacrifice" (même dans le Lévitique, le "sacrifice pour le péché" n'est qu'un préalable au sacrifice de "communion" ou de "reconnaissance" qui en est l'aboutissement, véritable partage du dieu et des mortels).
La discussion sur Rm 12, me ramène sur ce fil, la chair est condition du péché, elle tend d’elle-même vers la mort et s'opposition à l'Esprit de Dieu qui est vie, je comprends mieux la formule "il l'a fait pour nous péché" mais en même temps, je me demande comment Paul appréhendait l'idée du Christ "en chair" donc en opposition avec l'Esprit de Dieu. Paul exprime (quand même) une idée audacieuse, puisque la puissance d’injustice et de mort a son siège dans la chair même, or c’est dans cette même chair que Dieu s'est introduit dans le monde, d'ailleurs certains textes insistent beaucoup sur le caractère concrètement charnel de la réalisation du salut par le Christ :"Et, il faut le reconnaître, le mystère de la piété est grand : Il s'est manifesté dans la chair, il a été justifié dans l'Esprit, il est apparu aux anges, il a été proclamé parmi les nations, il a été cru dans le monde, il a été enlevé dans la gloire." 1 Tim 3,16"Car c'est lui qui est notre paix, lui qui a fait que les deux soient un, en détruisant le mur de séparation, l'hostilité. Il a, dans sa chair, réduit à rien la loi avec ses commandements et leurs prescriptions, pour créer en lui, avec les deux, un seul homme nouveau, en faisant la paix, et pour réconcilier avec Dieu les deux en un seul corps, par la croix, en tuant par elle l'hostilité." Ep 2, 14 ss"il vous a maintenant réconciliés, par la mort, dans son corps de chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche" Col 1,22 Paradoxalement, le fait que la chair de l’homme et de celle du Christ soit identique est bien une condition fondamentale du salut. qui se manifeste dans la réalité ordinaire de la chair de Jésus. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Mer 09 Jan 2019, 13:31 | |
| C'est bien pour ça que la "prudence", à ce stade (je parle du paulinisme de Romains et de Philippiens p. ex., non de celui d'avant, p. ex. 1--2 Corinthiens, ni de ceux d'après, deutéropauliniennes et Pastorales), est d'allure "docétique". La "chair" n'étant, pour le Fils de Dieu, qu'une apparence (ressemblance, etc.) nécessaire pour rejoindre l'homme déchu dans son "monde", mais non une vraie "nature", sans quoi il serait précisément dans l'incapacité de sauver qui que ce soit -- il y a "déguisement" parce qu'il s'agit de tromper les puissances du monde, 1 Corinthiens 2,6ss. L'orthodoxie ultérieure, par réaction à la gnose et en particulier au marcionisme, prendra une autre direction en affirmant l'union hypostatique du "vrai Dieu vrai homme" (c'est déjà sensible dans les Pastorales). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Mer 09 Jan 2019, 16:43 | |
| Il est étonnant de remarquer que les propriétés attribuées, dans l'évangile Jean, à la chair du Christ sont exactement inverses de celles qui caractérisent la chair pécheresse chez Paul :
"C'est moi qui suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours ; et le pain que, moi, je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde. (...) Jésus leur dit : Amen, amen, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'avez pas de vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le relèverai au dernier jour. Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang est vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, comme moi en lui." Jean 6,51 ss
La chair du Christ est caractérisée dans Jean comme puissance de vie, elle n'incarne pas le péché comme chez Paul. La chair du Christ est présentée comme nourriture, parce que sa chair est destine à communiquer, comme par assimilation, la vie.
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Mer 09 Jan 2019, 17:48 | |
| Pour rappel, ce passage (v. 51ss) est habituellement considéré comme une addition "orthodoxe" au quatrième évangile, possiblement caricaturée par un reste de "mauvais esprit" johannique (forcer grossièrement le trait "sacramentel" au premier degré, dans son aspect le plus "matériel" -- on pourrait traduire "bâfrer la chair" -- c'est aussi une façon de le neutraliser). Ailleurs la "chair" est tout aussi négativement connotée que chez Paul (pas plus loin qu'au v. 63, qui contribue ainsi à déjouer l'ajout; cf. 1,13; 3,6; 8,15).
Reste, évidemment, le "devenir-chair" du Prologue (1,14) et ses échos dans les épîtres (1 Jean 4,3; 2 Jean 7). Mais là encore il est contrebalancé par les usages négatifs de sarx (1,13; 1 Jean 2,16); et, surtout, un examen attentif montre qu'on est très loin d'une "incarnation" au sens où on l'entend habituellement (devenir un homme particulier): c'est la venue du logos (dans les épîtres, de "Jésus-Christ", ce qui est tout autre chose) dans le kosmos et/ou parmi les siens, soit une perspective beaucoup plus large, dans tous les sens (avant / après / ailleurs), qu'une "vie de Jésus" (terrestre). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Dim 15 Nov 2020, 13:46 | |
| "En effet, lorsque nous étions encore sans force, le Christ, en son temps, est mort pour des impies. A peine mourrait-on pour un juste ; peut-être quelqu'un aurait-il le courage de mourir pour un homme bon. Or voici comment Dieu, lui, met en évidence son amour pour nous : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. A bien plus forte raison, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous donc sauvés de la colère par son entremise ! Car si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu au moyen de la mort de son Fils, à bien plus forte raison, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie" (Rm 5,6ss).
Je dénote deux schémas, d'une part : pécheurs, justifiés, réconciliés et sauvés et d'autre part, mort, sang et vie.
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Dim 15 Nov 2020, 14:55 | |
| Nous parlions il n'y a pas longtemps de "mystère bipolaire", de "logiciel binaire" ou de "moteur à deux temps" à propos de la logique (dialectique) paulinienne: celle-ci atteint en effet dans l'épître aux Romains son niveau d'élaboration et de précision maximal, sinon absolu: le vocabulaire en tout cas s'organise en système, les mots se rangent autant que possible d'un côté ou de l'autre d'une ligne de partage ou d'une zone de passage décisive, quoique insaisissable en son point d'articulation (là où ça "joue"): chair-loi-péché-mort-croix-sang/évangile-foi-justification-réconciliation/résurrection-vie-esprit-gloire-règne, par exemple. Bien sûr il faut se garder de systématiser le texte au-delà de l'effet de système qu'il produit lui-même, encore plus d'exporter le système à d'autres textes pauliniens moins ou autrement systématiques. N'empêche que le lecteur a l'impression de comprendre "comment ça marche": c'est toute la force et la faiblesse du paulinisme. Un avantage toutefois d'une telle "mécanique" (mystère-système), c'est de déjouer, de neutraliser ou de relativiser, par sa reprise différenciée mais reconnaissable d'un contexte à l'autre, la séparation habituelle des "sujets" ou des "domaines" (théologie, christologie, pneumatologie, ecclésiologie, sotériologie, eschatologie): qu'on parle de "Dieu", de "Jésus", de "l"Esprit", de "l'Eglise", des "sacrements", du "salut" individuel, collectif ou universel, de la "fin du monde" ou de l'"au-delà", d'"éthique", d'"ascèse" ou de "mystique", on dit toujours essentiellement la même chose; le "mystère" est essentiellement un, unité organique plutôt qu'assemblage artificiel de doctrines hétéroclites. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Lun 16 Nov 2020, 11:44 | |
| Mais Jésus « a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette qui nous était contraire ; il l'a supprimée en la clouant à la croix » (Col 2, 14). « Devenu malédiction », il « nous rachète de cette malédiction de la Loi » (Ga 3, 13), satisfaisant la visée profonde de la Loi, du sein même de ce monde d'impuissance et de transgressions. Ainsi, l'amour de Dieu nous libère de la prison maudite où l'homme s'était plongé. Jésus s'est « soumis à la Loi » (Ga 4, 4), seul capable de la satisfaire et de nous communiquer la Loi nouvelle qu'est l'Esprit…
Ecoutons plutôt saint Paul dans son épitre aux Romains (8, 1-4) :
« II n'y a donc plus maintenant de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. La loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t'a affranchi de la loi du péché et de la mort. De fait, chose impossible à la Loi, impuissante du fait de la chair, Dieu, en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair, afin que le précepte de la Loi fût accompli en nous dont la conduite n'obéit pas à la chair mais à l'esprit. »
Ce texte vient nous montrer combien ce n'est pas la satisfaction juridique d'un Dieu bafoué qui est visée — mais précisément la destruction du péché par Dieu. Ce que la Loi ne pouvait faire, en tant que norme extérieure, liée à la chair, Dieu l'a fait. « En déclarant que Dieu a condamné le péché dans la chair, Paul entend donc affirmer la victoire de Dieu par son Christ sur le péché. » http://213.221.152.218/pages/echos/ESM077023.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 Lun 16 Nov 2020, 12:25 | |
| La "satisfaction juridique d'un Dieu bafoué" fait allusion à l'interprétation classique de saint Anselme de Cantorbéry, Cur deus homo (Pourquoi Dieu s'est fait homme), qui reflète les idées féodales du haut moyen âge (honneur et satisfaction du seigneur): si cette interprétation a longtemps dominé la théologie catholique, elle n'y a pas, à ma connaissance, de caractère "dogmatique" (d'où la diversité du discours de la théologie catholique moderne à ce sujet, qui se traduit par exemple dans les annotations successives de la Bible de Jérusalem).
Je ne crois pas, tu l'auras compris, à une "synthèse" thématique de l'ensemble du NT ni même du seul corpus paulinien, sur ce "thème" ni sur aucun autre: chaque texte dit ce qu'il dit et quand on veut mixer les énoncés de 2 Corinthiens, de Romains, de Galates ou de Colossiens, on aboutit forcément à une doctrine hybride qui ne correspond exactement à aucun d'entre eux. (Pour reprendre ma métaphore précédente, on peut bien reconnaître entre les textes "pauliniens" le même "logiciel", mais dans différentes éditions qui ne sont pas totalement compatibles entre elles, encore moins totalisables en une seule.) Il est d'ailleurs remarquable qu'aucune "synthèse" de ce genre ne fonctionne sans l'addition subreptice d'idées supplémentaires, qui ne se trouvent telles quelles nulle part -- par exemple que Jésus s'est "soumis à la loi"; "Paul" n'a jamais dit ça, le texte de Galates 4,4 le dit seulement "devenu d'une femme et sous la loi" (condition humaine et juive, si l'on veut), ce qui n'implique en soi aucune idée de soumission, d'obéissance (à) ou d'observance de "la loi". Ailleurs (p. ex. Philippiens) le Christ peut être dit "soumis" ou "obéissant", mais non à la loi... |
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| Sujet: Re: "Il l'a fait pour nous péché" 2 Corinthiens 5,21 | |
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