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| Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 | |
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| Sujet: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Sam 21 Nov 2020, 10:57 | |
| - Citation :
- Si on laisse de côté la "nouvelle Jérusalem" qui n'appartient qu'à la "couverture" du livre, introduction(s) et conclusion(s) tardives (3,12 / chap. 21--22), et "Babylone" (c.-à-d. Rome, chap. 17--18), il reste un certain nombre d'occurrences du mot (polis) qui ne correspondent ni à l'une ni à l'autre: 11,2.8.13; 14,20; 16,19 et 20,9, où la référence semble bien être à une "Jérusalem" terrestre, sans préjudice de ce que cela signifie dans l'éventuel document original et dans la tête du rédacteur final. On peut facilement lire au chapitre 11 une allusion à la prise de Jérusalem qui sauvegarderait un temple "spirituel" (ce qui est mesuré et non abandonné aux "nations"), susceptible de reparaître intact au ciel (v. 19), le tout étant subsumé dans la "nouvelle Jérusalem" finale où il n'y a pas de temple mais qui est tout(e) temple. Entre les deux la "ville" est un symbole plutôt négatif, sauf en 20,9: mais là elle apparaît dans un télescopage ostensible de métaphores contradictoires, utilisées pourtant en parallèle "synonymique": le "camp" (image du désert) ce n'est justement pas la "ville", mais "le camp des saints" c'est manifestement la même chose que "la ville bien-aimée", dans une représentation de siège et de délivrance miraculeuse qui a d'innombrables précédents littéraires et (pseudo-)historiques: Gog-Magog (v. 8 -> Ezéchiel 38--39) bien sûr, mais aussi 2 Rois 6,14 par exemple, cf. 1,10ss pour le "feu du ciel", ou le siège de Sennachérib au temps d'Ezéchias (2 Rois 18--19 // Isaïe 36--37 // 2 Chroniques 32; cf. Tobit 1,15ss; Siracide 48,18ss; 2 Maccabées 8,19ss; 15,22ss; 3 Maccabées 6,5) qui fournit sans doute le modèle historico-littéraire de base.
https://etrechretien.1fr1.net/t1386-apocalypse-20-1-15-entre-millenium-et-jugement#27445
"Mais la cour extérieure du sanctuaire, laisse-la de côté et ne la mesure pas, car elle a été donnée aux nations ; celles-ci fouleront aux pieds la ville sainte pendant quarante-deux mois (11,2)."Leurs cadavres seront dans la grande rue de la grande ville qui est appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur Seigneur a été crucifié" (11," cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre, et le dixième de la ville s'écroula. Sept mille humains furent tués dans ce tremblement de terre ; les autres furent effrayés et donnèrent gloire au Dieu du ciel" (11,13)L'appellation "ville/cité sainte" apparait être positive mais la cité est ensuite identifiée à "Sodome et Egypte" ce qui implique une Jérusalem souillée. Il s’agit donc dans le chapitre 11 toujours de la même cité, la Jérusalem terrestre. Elle est la cité sainte qui sera piétinée par les nations pendant 42 mois. Le point commun entre Jérusalem l’Égypte et Sodome, c’est qu’il faut en sortir : "Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne soyez pas associés à ses péchés et que vous ne receviez pas une part de ses fléaux" (18,4 - Voir aussi ex 12,31). Jérusalem est la cité où leur Seigneur a été crucifié et elle est la cité dont le dixième s’est écroulé (11,3).Lorsque le verset 2 fait allusion "aux nations qui fouleront aux pieds la ville sainte pendant quarante-deux mois" fait-il référence à un évènement historique ?A quoi se réfère Apocalypse 11,13 quand il indique que "le dixième de la ville s'écroula" ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Sam 21 Nov 2020, 12:15 | |
| Ce passage (11,1-14) paraît assez décalé par rapport aux grands thèmes "chrétiens" et surtout "christologiques" de l'Apocalypse (y compris tout ce qui tourne autour de "l'agneau", si du moins on le comprend ainsi): c'est ce qui a souvent fait penser à une source plus "juive" que "chrétienne" (même si la frontière entre ces deux catégories est loin d'être claire). Quoi qu'il en soit, cette différence sensible aurait au moins deux conséquences négatives pour l'interprétation: celle-ci ne devrait pas trop chercher à harmoniser le chapitre 11 avec le reste du livre, ni même à le comprendre tout seul de façon parfaitement cohérente (à cause de la tension entre la source hypothétique, que nous n'avons pas, et la rédaction finale, dont l'intention éventuelle serait elle-même contrariée par le texte précédent et sous-jacent qu'elle retravaille pour l'adapter).
L'idée de départ paraît cependant assez claire, de par l'intertextualité dont le texte est tissé, comme dans le reste du livre et la plupart des "apocalypses": la mesure du temple (cf. Ezéchiel 40) sert à distinguer un intérieur (le naos ou sanctuaire, le temple stricto sensu) d'un extérieur (cf. 22,15), cour extérieure ou parvis identifié à la "ville sainte" (Matthieu 4,5 etc.) et abandonné aux "nations" (ethnè = goyim, non-juifs, païens) pour qu'elles le foulent aux pieds (cf. Luc 21,24; Zacharie 12LXX; Isaïe 63,18; Psaume 79,1) pendant un temps d'épreuve (cf. 12,6 etc., d'après Daniel); le sanctuaire préservé, lui, réapparaît au ciel (v. 19 etc.): on a donc à la fois une allusion très probable à la prise de Jérusalem et à la destruction du temple (comme dans les Synoptiques, Marc 13 // Matthieu 24 // Luc 21), compensée par une distinction interne à celui-ci: ce qui est détruit n'est que l'extérieur, l'intérieur est céleste et sauvegardé (selon une idée qui peut être chrétienne, mais qui précède aussi largement le christianisme à Qoumrân, chez Ezéchiel, ou dans la tradition relative aux ustensiles du temple cachés, par exemple par Jérémie, avant la destruction néo-babylonienne).
Toute la suite concernant les "deux témoins" est aussi un patchwork de références aux textes de l'AT (ou de la Bible juive), qu'on peut identifier ligne à ligne dans l'annotation de n'importe quelle bible -- la seule référence clairement "chrétienne" au v. 8, "là où [leur] seigneur [aussi] a été crucifié", ayant tout l'air d'une glose.
Le tremblement de terre du v. 13 (aussi v. 19; 8,5) est également d'origine "prophétique", cf. Isaïe 29,6 et surtout Ezéchiel 38,19ss; le "dixième" est unique, mais comparable à d'autres fractions dans les scènes de fléaux du livre (notamment le tiers, 8,7-12; 9,15-18; 12,4), avec l'idée d'une destruction partielle qui à la fois retarde et relance l'attente d'une fin qui n'en finit pas. Néanmoins la survie d'une Jérusalem terrestre ne débouche sur aucun "avenir" perceptible dans le livre (ni de destruction totale, ni de restauration): c'est la "nouvelle Jérusalem" descendant du ciel qui prendra la relève dans les tableaux de conclusion, mais c'est un autre ciel et une autre terre, un autre monde... |
| | | free
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Lun 23 Nov 2020, 11:23 | |
| "Je donnerai à mes deux témoins de parler en prophètes, vêtus de sacs, pendant mille deux cent soixante jours. Ce sont là les deux oliviers et les deux porte-lampes qui se tiennent devant le Seigneur de la terre. Si quelqu'un veut leur faire du mal, du feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis. Oui, si quelqu'un voulait leur faire du mal, il faudrait qu'il soit tué de cette manière. Ils ont le pouvoir de fermer le ciel pour qu'il ne tombe pas de pluie pendant les jours de leur ministère de prophètes, et ils ont le pouvoir de changer les eaux en sang et de frapper la terre de toutes sortes de fléaux, chaque fois qu'ils le veulent" (11,3-6).
l’identité de ces deux témoins est asse énigmatique. Le texte nous renvoi à Zacharie 4.3,11ss : ce sont "les deux oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur de la terre". Les pouvoirs dont ils disposent, fermer le ciel, c’est-à-dire empêcher la pluie, changer les eaux en sang, semblent aussi renvoyer aux figures d’Élie et de Moïse. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Lun 23 Nov 2020, 13:30 | |
| Il est d'autant plus hasardeux d'y chercher une "identité" que ce ne serait probablement pas la même dans le document-source et dans la rédaction finale, selon le point de vue ("juif", "judéo-chrétien", "chrétien" de telle ou telle espèce) concerné... on peut tout imaginer, Jean-Baptiste, Jésus, Jacques, Pierre, le Jean associé aux deux précédents ou celui de l'Apocalypse, d'autres individus inconnus de nous ou plus probablement des communautés, d'avant ou d'après "Jésus" ou 70, du moment qu'ils (ou elles) soient jugés "témoins-martyrs fidèles" par l'(un ou l'autre) auteur -- dans le reste du livre le "témoin-martyr" c'est aussi bien "Jésus" (1,5; 3,14; 22,16.20) que "Jean" (1,2.9), et bien d'autres comme l'Antipas de 2,13, des anonymes ou des ensembles (cf. 6,9; 12,11.17; 17,6; 19,10; 20,4).
Les "deux témoins" renvoient avant tout à la règle du témoignage minimal selon la Torah (et aussi bien le droit romain: testis unus, testis nullus; cf. Deutéronome 17,6; 19,15; Matthieu 18,16; 25,60; Jean 8,17; Hébreux 6,18; 1 Jean 5,7s; on peut encore penser aux "apôtres" ou autres "disciples" des Synoptiques, envoyés deux par deux, Marc 6,7//); les sacs à la délégation des deux émissaires d'Ezéchias en 2 Rois 19,1ss // Isaïe 37,1ss, les oliviers et les lampes à Zacharie 4 comme tu l'as dit, le feu de la bouche à 2 Rois 1,10 (Elie), mais aussi à Jérémie 5,14 ou aux théophanies des Psaumes (22,9; 97,3), les cieux fermés de nouveau à Elie (1 Rois 17,1; Jacques 5,17), l'eau changée en sang à Moïse (Exode 7; l'évocation générale des "plaies" ou "fléaux" rappelle la LXX de 1 Rois = 1 Samuel 4,8), la bête de l'abîme (9,1 etc.) à Daniel 7 (v. 3 et 21; cf. Apocalypse 12,7.17; 13,1.7; 16,14; 19,19; 17,8), les corps sur la place ou la grande rue à Ezéchiel 11,6 ou Jérémie 22,8, l'assimilation de Jérusalem à Sodome ou à l'Egypte à Isaïe 1,9s; Ezéchiel 16,46.49; Joël 4,19, le refus de sépulture au Psaume 79,2s, la joie des nations à Psaume 105,38, la résurrection à Ezéchiel 37, la crainte qui tombe sur les assistants à Genèse 15,12; Exode 15,16; Psaume 105,38 (encore), la montée au ciel à 2 Rois 2,11 (Elie encore), le tremblement de terre à Ezéchiel 38 (déjà dit plus haut), le "Dieu du ciel" (appellation d'origine perse) à Daniel 2,18s; Jonas 1,9; Esdras 1,2s etc.
Il ne faut évidemment pas y voir un simple "collage" de textes, mais une façon d'écrire sous-tendue de part en part par des réminiscences littéraires.
Au-delà de l'analyse littéraire, l'interprétation n'a que l'embarras du choix, y compris dans les critères de son choix: si par exemple on veut voir dans la succession des tableaux de l'Apocalypse une séquence "historique", fût-ce au sens de l'"histoire sainte", et dans ce qui suit (11,15ss et chap. 12, la septième trompette, la femme et l'enfant) la naissance ou l'avènement du Messie identifié au Christ chrétien, alors on sera naturellement porté à discerner dans les "deux témoins" quelque chose de pré-chrétien, par exemple "les prophètes de l'Ancien Testament" (et on en trouvera alors autant de confirmations qu'on voudra, dans les parallèles littéraires, dans les effets de "paires", Moïse / Aaron ou Elie / Elisée, dans la coïncidence de Moïse et Elie à la Transfiguration synoptique, etc.). Même les "trois jours et demi", outre la symbolique daniélique du nombre 3 1/2 surexploitée dans le reste du livre, peut renvoyer à Jonas déjà pris ailleurs comme "signe" de la mort-résurrection de Jésus (malgré l'incompatibilité formelle du "troisième jour" et de "trois jours et trois nuits")... |
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mar 24 Nov 2020, 11:50 | |
| "Alors le septième ange sonna de la trompette. De grandes voix retentirent dans le ciel, qui disaient : Le royaume du monde est passé à notre Seigneur et à son Christ ; il régnera à tout jamais !" (11,15) En effet, 11,15ss c'est "la fin" dans un (autre) "cycle" (celui des trompettes), et dans ce cycle-là il n'y a pas de "millénium"; à ce point toute l'histoire est terminée, ce qui n'empêchera pas le texte de continuer par un nouvel "interlude", ou une série d'interludes (chap. 12ss), et de relancer un autre "cycle" d'approche et d'attente de "la fin" (celui des "fléaux" / "coupes", chap. 15ss). A la limite, chaque "cycle" constitue un "scénario" apocalyptique à part entière et différent des autres, qui se suffirait à lui-même si le texte ne continuait pas (mais il continue, c'est le gag); il n'y aurait aucune raison de privilégier le dernier, qui comporte un "millénium" (chap. 20), sur les autres qui n'en comportent pas, si ce n'est justement qu'il est le dernier. Encore le millénium est-il à sa manière un interlude, qui retarde (encore !) une "fin" déjà advenue (chap. 19); même la série des "tableaux finals" (chap. 21--22) pourrait fonctionner comme un autre interlude, s'il y avait une suite... https://etrechretien.1fr1.net/t1101p200-questions-des-lecteurs |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mar 24 Nov 2020, 12:36 | |
| Merci et bravo de retrouver, d'extraire et de "ventiler" les éléments exégétiques que nous avons jetés pêle-mêle dans cet interminable fil fourre-tout (questions des lecteurs... de La Tour de Garde)... je vois qu'il y en a pas mal sur l'Apocalypse autour de fin octobre début novembre 2018.
En effet, la succession des cycles (approximatifs) qui s'enchaînent les uns aux autres donne à l'ensemble un effet spiral ou hélicoïdal, comme on l'a dit là et ailleurs (on tourne en rond mais on avance, on avance mais on tourne en rond, ça vaut pour nous comme pour l'Apocalypse). |
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mar 24 Nov 2020, 13:13 | |
| "Les nations se sont mises en colère, mais ta colère est venue, ainsi que le temps de juger les morts, de récompenser tes esclaves, les prophètes, les saints et ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands, et de ruiner ceux qui ruinent la terre ! (11,18)
"à ce point toute l'histoire est terminée" ... Effectivement, il est question de la colère divine qui se déchaine, de juger les morts comme en (20,12), de récompenser comme en (22,12), de récompenser les petits / grands (13.16 ; 19.5,18 ; 20.12). Les petits / grands sont tour à tour détruits et récompensés. Dans ce texte, nous retrouvons une synthèse de tous les scénarios de l'Apocalypse. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mar 24 Nov 2020, 14:44 | |
| Comme ce genre de "synthèse" revient régulièrement du début à la fin du livre, elle est à la fois rappel ou réplique des précédentes et annonce, anticipation ou prolepse des suivantes, dans un mouvement en principe sans "fin" de reprise et de répétition (aussi au sens théâtral de ces termes, avant-première et après-dernière) de la "fin". A cet égard l'analyse littéraire de l'Apocalypse se confond avec une analyse clinique, ou une symptomatologie de l'eschatologie en général, une phénoménologie des effets paradoxaux que produit chez un individu comme dans un groupe quelconque le désir et l'attente d'une " fin". Il est d'ailleurs remarquable que la rédaction de l'Apocalypse, à l'instar de nombreux textes "prophétiques" ou cultuels (p. ex. les Psaumes), s'impatiente de sa propre patience à l'égard d'une fin constamment différée: ainsi le "jusqu'à quand" de 6,10, ou l'annonce solennelle, précisément à propos de la septième trompette, qu'"il n'y aura plus de temps" (10,6s, khronos ouketi estai) -- alors qu'il y en aura encore. Au-delà du sens contextuel de "délai", on peut bien entendre là une protestation contre le "temps", celui de l'histoire comme celui du récit. |
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mer 25 Nov 2020, 11:32 | |
| Le ministère prophétique : Ap 10-11Situés entre la sixième (9, 13-21) et la septième trompette (11, 15-19), 10, 1 à 11, 14 forment une unité littéraire et constituent ce que l'A. appelle une pause dont le but est de «marquer la place nécessaire qu'occupe dans l'eschatologie le ministère des prophètes» (p. 149-150). Au ch. 10, l'ange remet au voyant un petit livre que celui-ci doit avaler avant de recevoir l'ordre de prophétiser. Pour l'A. ce petit livre contient l'annonce du jugement de Dieu (qui s'effectuera sans délai: v. 5), confiée au ministère prophétique actuel des chrétiens. Il appartient à ceux-ci de révéler aujourd'hui et le salut et le jugement de Dieu, symboliquement représentés par le goût à la fois doux et amer du petit livre avalé. En cela, la prédication chrétienne contribue à l'achèvement eschatologique. Et d'après l'A., le ch. 1 1 qui campe les deux témoins offre l'accomplissement de ce qui est dit sur la prophétie au ch. 10. L'A. montre tout d'abord que les mensurations de l'espace (le temple et l'autel : v. 1-2) et du temps (42 mois ou 1260 jours : v. 2-3) renvoient essentiellement à la préservation que Dieu garantit à son peuple et à ses prophètes, alors même qu'ils sont menacés de toutes parts au milieu de ce monde. Pour l'A., le temps des 42 mois est donc le nôtre, placé depuis Pâques sous le double éclairage de la victoire de Dieu sur le mal et la mort et de la domination de ceux-ci limitée par Dieu en son jugement. Du point de vue de l'Église, ce temps est donc celui de laprophétie : celle-ci trouve sa forme et son contenu dans le témoignage de Jésus (cf. 19, 10). En ce sens, les deux témoins sont prophètes et on notera, avec l'A., le parallélisme de leur destin avec celui du Christ, explicitement indiqué pour la mort (v. . Ces deux témoins, qui sont -ils? Prenant ses distances à l'égard des discussions passionnées sur ce point, l'A. ne cherche pas à les identifier avec des personnages historiques (Pierre et Paul, par exemple) et les considère plutôt comme «l'image générale et typique de la nouvelle prophétie» (p. 164). En particulier, le v.6 atteste que cette prophétie accomplit celle de l'ancienne alliance puisque, l'A. le montre, les deux témoins opèrent des signes qui renvoient à Moïse et à Elie. Mais cet accomplissement ne peut avoir lieu qu'en référence au Christ, et les témoins ne sont pas autrement traités que lui dans un monde qui déclare son hostilité radicale (allusion à Sodome et à l'Egypte au v. . Le sens de leur vie et de leur mort ne peut alors être révélé que par Dieu, qui les ressuscite (v. 11) et les fait entrer dans sa vie «sous les yeux de leurs ennemis» (v. 12). Par l'actualité qu'il donne au jugement eschatologique, le temps de la prophétie est donc nécessaire à l'achèvement inauguré par Dieu à la résurrection du Christ. https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1983_num_14_2_1973_t1_0221_0000_1 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mer 25 Nov 2020, 11:55 | |
| Le commentaire de P. Prigent, que j'ai beaucoup pratiqué jadis, est excellent pour une lecture "chrétienne" de l'Apocalypse, au sens d'un christianisme classique (catholique, protestant, orthodoxe ou oecuménique), sans doute pas très éloigné d'ailleurs des dernières strates ou étapes de la rédaction du livre (notamment ce que j'appelle sa "couverture", chap. 1--3 / 21--22): l'accent porte moins sur l'eschatologie spécifique du texte que sur sa théologie générale, sa christologie en particulier, et sa forme liturgique (remarquablement mise en valeur par Prigent), toutes choses qu'il partage en gros avec la "grande Eglise" et qui l'ont finalement rendu acceptable aux yeux de celle-ci (même si sa "canonisation" n'a pas été facile). Naturellement cela fonctionne beaucoup mieux sur l'ensemble que sur le détail, surtout quand celui-ci résulte de perspectives très différentes de cette théologie-là (donc pour les éventuels documents anciens intégrés et superficiellement retravaillés par une rédaction ultérieure, comme c'est probablement le cas de 11,1-13).
Bien entendu, à une telle distance du texte il n'est plus question de "prouver" quoi que ce soit, chaque argument se retournant avec une facilité déconcertante: l'histoire (évangélique) de "Jésus" se réfère elle-même constamment au prophétisme vétérotestamentaire (Moïse, Samuel, Elie-Elisée, Isaïe, Jérémie, Jonas... Jésus lui-même est reçu ou rejeté comme les prophètes); d'autre part, même si l'on prend la référence à la crucifixion de plain-pied avec le reste du texte, au lieu d'y voir une glose "christianisant" superficiellement l'ensemble, rien n'empêche de la rapporter aux prophètes préchrétiens comme le fait si souvent le NT (Isaïe a vu sa gloire, etc.). |
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mer 25 Nov 2020, 15:23 | |
| En revanche, la structure de ce septénaire est très semblable à celle du précédent. (a) Tout commence avec la remise au ciel des sept trompettes (8,2-5; voir en 4,1 – 5,14 la remise du livre aux sept sceaux). (b) Les six premières sonneries de trompettes (8,6 – 9,21) ouvrent la porte aux signes avant-coureurs de la fin, tout comme l’avaient fait les six premiers sceaux (6,1-17). Cette fois, les fléaux sont pour la plupart décrits sur base du récit des plaies d’Égypte19 (Ex 7,14 –12,36). Il y a cependant malgré tout une retenue, car, à chaque fois, seul un tiers des réalités affectées est frappé. C’est bien l’indice que le récit se situe au plan des signes avant-coureurs et non encore de la fin. Ces signes devraient avoir valeur d’avertissement, mais en vain semble-t-il. En effet, tout comme pharaon en Égypte s’est toujours davantage endurci, de même les hommes ne se repentent pas, mais s’endurcissent (9,20-21). Survient ensuite avant la septième sonnerie de trompette un délai (10,1 – 11,14) tout comme dans le septénaire des sceaux (7,1-Cool. En fait, la présentation est un peu alambiquée. L’ange jure d’abord qu’il n’y aura plus de délai à la sonnerie de la septième trompette (10,6-7). Mais il y en a bien un puisque celle-ci est différée à 11,15. Et ce délai est confirmé par le fait que le voyant ne doit pas encore écrire le message des sept tonnerres (10,4). Au lieu de cela, il doit avaler un petit livre qui a dans la bouche la douceur du miel mais qui est amer aux entrailles – sans doute une figure de l’Évangile20. Et, muni de ce viatique, il doit prophétiser aux peuples, aux nations et aux rois (10,9-11). L’idée de délai est à nouveau présente dans le chapitre 11, avec les deux témoins qui doivent prophétiser durant quarante- deux mois (11,2) ou mille deux cent soixante jours (11,3). C’est la durée approximative de la persécution d’Antiochus IV Épiphane (Dn 7,25; 12,7) qui a duré de 165 à 168. C’est le chiffre symbolique du temps limité (trois ans et demi, c’est la moitié de sept, le nombre parfait) laissé aux persécuteurs avant l’achèvement final. On a beaucoup discuté de l’identité des deux témoins. Sur base de 11,6, certains traits semblent empruntés aux missions d’Élie et de Moïse (le premier des prophètes selon la tradition juive). Certains ont pensé à Pierre et Paul. Mais c’est peut-être trop précis. En tout cas, ces témoins semblent bien accomplir le ministère prophétique confié à Jean (11,7.10 à rapprocher de 10,11). C’est pourquoi, la plupart du temps on y voit «la personnification de la mission prophétique» de l’Église, une mission qui va jusqu’à une mort des disciples comparable à celle en croix de leur maître (11,Cool, non sans une association aussi à sa résurrection (11,11-12). (d) Après le délai, l’évocation du triomphe final survient en fin de septénaire (11,15-19), tout comme dans le septénaire des sceaux (7,9-17). Cette fois, on n’y présente plus les morts en train d’être jugés, mais on assiste à la proclamation céleste de la réalisation du jugement (11,18). Et le verset final (v. 19) dit le sens de cet achèvement: le temple du ciel s’ouvre et l’arche d’alliance apparaît. C’est dire que le dessein divin arrive à son terme. Tel est bien, en effet, le sens de la septième trompette selon 10,7: «Aux jours où l’on entendra le septième ange, quand il commencera de sonner de sa trompette, alors sera l’accomplissement du mystère de Dieu (êtelésqj tò mustßrion toÕ qeoÕ), comme il en fit l’annonce à ses serviteurs les prophètes». On sait que, selon 2 M 2,8, l’arche de l’alliance cachée par Jérémie dans une grotte du mont Nébo doit être à nouveau manifestée à la fin des temps. C’est ce qui se réalise avec la septième trompette et cela figure l’alliance, la communion entre Dieu et les fidèles enfin parvenue à son achèvement. https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2013_num_44_4_4168 |
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Mer 25 Nov 2020, 16:28 | |
| (Comme dirait Boby Lapointe: "pour une sonnerie, c'est une belle sonnerie".)
Article intéressant, même si je suis réservé quant à l'analyse structurelle (comme toujours ou presque en "chiasme", ABCDC'B'A'), parfois pertinente sans que l'intérêt en soit jamais très clair, et galvaudée dans l'exégèse biblique depuis les années 1970 (je n'aurais d'ailleurs pas cru que cette mode, vague séquelle des structuralismes des "sciences humaines" dans les "sciences bibliques", soit aussi persistante). En l'occurrence, il me semble que l'apparence d'unité formelle qu'elle produit sert surtout à occulter des disparités autrement évidentes (dans le cas qui nous intéresse[?], la rupture de 11,1-13 par rapport à ce qui précède et à ce qui suit), et même d'autres correspondances formelles à mes yeux bien plus claires (entre 1--3 et 21--22, l'effet "couverture" presque totalement neutralisé par le schéma de Focant). Mais indépendamment de la thèse principale, il y a toujours du bon à prendre (p. ex. la référence à Jérémie selon 2 Maccabées 2, à laquelle j'ai fait trop brièvement allusion plus tôt: voir aussi la note 11 p. 524-5). |
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Jeu 26 Nov 2020, 13:12 | |
| La grande cité où leur Seigneur a été crucifié.
Les raisons pour lesquelles certains auteurs localisent à Rome l'épisode des deux témoins (XI, 3-13) sont données comme un prétexte, et quel prétexte ! « Certains auteurs (par exemple M. E. Boismard et J. Munck...) soupçonnent en XI, 8 une glose (20) sous prétexte qu'à partir du chapitre XII, la grande Cité, objet de la condamnation divine, est toujours Rome et non Jérusalem (cf. XVI, 19 ; XVII, 18 ; XVIII, 10, 16, 18, 19) ».
Cet « à partir » vaut son pesant d'or ; car, à notre connaissance, il n'est pas une seule fois question de la grande cité avant le passage litigieux XI, 8, et le chapitre XVI « à partir (duquel) » l'application à Rome ne peut être contestée.
Dans le compte rendu des Recherches, cette même opinion était présentée d'une manière encore plus sommaire : « En XI, 8, a-t-on le droit de supprimer les mots : là où leur Seigneur a été crucifié, pour faciliter l'identification des deux témoins martyrisés, avec saint Pierre et saint Paul?».
Le premier reproduit l'opinion du R. P. Boismard à laquelle j'applaudis, sans estimer pour autant qu'elle supprime toute difficulté, puisqu'en fait je ne m'en contente pas. Après avoir rappelé l'épisode des deux témoins gisant sur la place de la grande Cité appelée allégoriquement Sodome et l'Egypte, où leur Seigneur a été crucifié — précision qui oriente la pensée vers Jérusalem — j'écrivais: «Mais objecte avec raison le R. P. Boismard, dans l'Apocalypse, l'expression : la grande Cité désigne toujours Babylone (Rome) (XVI, 19 ; XVII, 18 ; XVIII, 10, 16, 18, 19 - et 21 - ), tandis que Jérusalem est appelée soit la Cité bien-aimée (XX, 9), soit la Cité sainte (XI, 2, XXI, 2-10) ; il est particulièrement invraisemblable que Jérusalem, appelé Cité sainte en XI, 2, soit qualifiée de Sodome et d'Egypte quelques versets plus loin (v. ; d'ailleurs ce surnom d'Egypte est inexplicable, donné à Jérusalem, tandis qu'il s'applique à merveille à Rome, la cité persécutrice de l'Israël nouveau, sur laquelle va s'abattre la série des plaies divines. De même c'est toujours Rome qui est accusée d'avoir versé le sang des prophètes (XVI, 6 ; XVIII, 20-24), comme dans le verset 8. Toutes ces raisons le prouvent assez, la grande Cité dont il est parlé dans XI, 8, ne peut être que Rome ; les derniers mots du verset qui l'identifient à Jérusalem sont donc une glose» (24). J 'ajoutais: «On ne saurait mieux dire».
Quant à supprimer des mots gênants, j'en suis si éloigné que je notais : « La substitution d'une Apocalypse chrétienne à une Apocalypse juive expliquerait peut-être la confusion dont témoigne à cet endroit le texte qui nous est parvenu : « La grande Cité que l'on nomme allégoriquement Sodome et l'Egypte où leur Seigneur a été «crucifié». Pour l'auteur juif la Cité était Jérusalem ; des chrétiens ont pu préciser : Où le Seigneur a été crucifié ». Dans notre Apocalypse où la Cité est Rome, la glose aurait malencontreusement reparu ». https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1964_num_38_1_2374 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Jeu 26 Nov 2020, 16:45 | |
| Sous des dehors policés, les règlements de comptes entre clercs étaient quelquefois féroces, en ces premières années de confluence turbulente entre catholicisme savant et critique biblique... :)
Si l'on admet le caractère hétéroclite du texte, rien ne requiert qu'une formule comme "la grande ville" désigne toujours la même chose d'un bout à l'autre du livre: inutile donc d'importer Rome-Babylone au chapitre 11, d'autant que la glose christianisante (là où leur Seigneur aussi a été crucifié) s'entend mieux de Jérusalem que de Rome (même aux chapitres 17--18 Rome, la ville, reste distincte de l'empire, comme la prostituée de la bête qui se retourne contre elle). Mais bien sûr rien n'empêche non plus, une fois le livre constitué tel qu'il est, de rétroprojeter Rome sur le chapitre 11... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Ven 27 Nov 2020, 11:21 | |
| "Après les trois jours et demi, un esprit de vie venant de Dieu entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds ; une grande crainte s'empara de ceux qui les voyaient. .Ils entendirent du ciel une voix forte qui leur disait : Montez ici ! Ils montèrent au ciel dans la nuée, et leurs ennemis les virent. A cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre, et le dixième de la ville s'écroula. Sept mille humains furent tués dans ce tremblement de terre ; les autres furent effrayés et donnèrent gloire au Dieu du ciel" (11,11-13).
Les jugements tout seuls ne conduisent pas au repentir (9, 20-21). Le témoignage des témoins, lui, conduit au repentir, bien qu’il ne le fasse pas indépendamment des jugements, mais en conjonction avec eux (11, 6.13). Ce n’est pas seulement que leur témoignage rendu au Dieu véritable et à sa justice renforce la preuve des jugements – même si leur persévérance dans le témoignage, au prix de leur vie, est certainement une preuve puissante -, ni même simplement que les jugements ne soient intelligibles comme jugements de Dieu que lorsqu’ils sont accompagnés d’un témoignage verbal. Il s’agit plutôt du fait que les jugements eux-mêmes n’expriment pas l’intention gracieuse de Dieu de pardonner à ceux qui se repentent. Bien que l’impression générale que ce passage laisse des témoins puisse paraître sévère, nous devons donner tout son poids au fait – unique indication de ce qu’ils disent – qu’ils sont habillés de sacs (11, 3), le symbole de la repentance (cf. Jonas 3, 4-10 ; Mt 11, 21 ; Lc 10, 13). Cela signifie que, confrontés à un monde addoné à l’idolâtrie et au mal (9, 20-21), ils proclament le seul véritable Dieu et la venue de son jugement sur le mal (cf. 14, 7), mais ils le font comme un appel au repentir. Aussi, dès lors que l’on se rend compte que leur témoignage n’est pas réfutés par leur mort mais justifié comme véridique (11, 11-13), tous ceux qui le voient se repentent. Le verset 13 signifie certainement que tous les survivants se repentent authentiquement et reconnaissent le seul Dieu véritable. La description de leur réponse correspond à l’invitation de l’ange qui, en 14, 6-7, appelle toutes les nations à reconnaître Dieu. Elle contraste également avec 9, 20-21 (cf. 16, 9-11). Après les jugements des trompettes, « le reste » (hoi loipoi) ne se repentit pas (9, 20) ; après le tremblement de terre qui accompagnait la justification des témoins, « le reste » (hoi loipoi) des hommes craignirent Dieu et lui rendirent gloire (11, 13).
Le résultat positif et remarquablement universel du témoignage des deux témoins est souligné par l’arithmétique symbolique de 11, 13. Dans les jugements annoncés par les prophètes de l’Ancien Testament, un dixième (Is 6, 13 ; Amos 5, 3) ou sept mille personnes (1 R 19, 18) constituent le reste fidèle qui est épargné, tandis que le jugement balaye la majorité. Jean renverse cette estimation dans une allusion subtile caractéristique. Seul un dixième des hommes subit le jugement, et le « reste » (hoi loipoi) épargné est constitué par les neuf dixièmes. Ce n’est pas la minorité fidèle mais la majorité infidèle qui est épargnée, afin qu’elle puisse se repentir et croire. Grâce au témoignage des témoins, le jugement est salvifique. De la sorte, Jean indique la nouveauté du témoignage des témoins à l’opposé des prophètes de l’Ancien Testament qu’il a utilisé comme des précédents. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne les sept mille qui sont une allusion au ministère d’Élie. Celui-ci devait faire venir le jugement sur tous, excepté les sept mille fidèles qui sont épargnés (1 R 19, 14-18). Les deux témoins vont produire la conversion de tous, excepté des sept mille qui sont jugés. Naturellement, le contraste est réalisé en termes symboliques, et il serait donc inopportun de se demander pourquoi les sept mille ne pourraient par avoir, eux aussi, été convertis. https://testimonia.fr/les-deux-temoins-du-livre-de-l-apocalypse/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Ven 27 Nov 2020, 12:14 | |
| Lecture chrétienne assez classique d'un texte qui l'est peut-être moins (chrétien, ou d'un christianisme classique). On remarquera, symptomatiquement, qu'elle s'appuie beaucoup sur la "couverture" du livre et en particulier les chapitres 1--3, qui ont bien pour effet de "christianiser" l'ensemble dans un sens plus proche de la "grande Eglise" que ne paraîtrait, sans eux, le corps du livre.
"Donner gloire" à Dieu (cf. 14,7; 16,9 etc.) est toutefois une formule ambiguë dans un contexte de jugement, où elle peut signifier un aveu ou une reconnaissance de culpabilité qui ne change rien au verdict (exemplairement Josué 7,19; comparer 1 Samuel 6,5; 3 Esdras 9,8; Jean 9,24 etc.); bien sûr elle peut aussi être prise en bonne part, surtout quand elle est employée par des fidèles (4,9 etc.), mais alors il n'est pas nécessairement question de repentance. D'une façon plus générale, la contemplation de la récompense des "justes" (ici la résurrection et la montée au ciel) fait partie intégrante de la punition des "méchants" dans de nombreuses scènes de jugement (cf., très loin de l'"apocalyptique" en apparence, Sagesse 2 et 5; mais aussi Isaïe 66, Psaume 112, Matthieu 25 ou Luc 16). Et la réciproque est encore plus fréquente (Jérémie 11,20; 20,12; Malachie 3,18; Job 22,19s; Psaumes 52,7; 58,10s; 91,8s; 107,42 etc.)... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Lun 07 Déc 2020, 13:42 | |
| Pâques et l'Exode Au chapitre 12, "la Révélation de Jésus Christ" franchit une étape décisive : la septième trompette vient de sonner, le Temple de Dieu dans le ciel s'ouvre et l'arche de l'alliance "apparaît" (11,19). Dans un livre qui "donne à voir", l'utilisation pour la première fois de ce mot est importante. Avec le mot "apparaître" nous sommes en effet mystérieusement plongés dans le vocabulaire des apparitions pascales du Ressuscité. Un axe de lecture qui se conjoint à une autre : l'Exode.
Le mot "signe" apparaît trois fois dans l'Apocalypse : ici (v. 1 et 3) et en 15,1. Son emploi n'est pas neutre. Dans le Quatrième Évangile, il désigne les actes salvifiques de Dieu dans l'histoire. Or le premier de ces signes est, par excellence, l'Exode auquel nous renvoient quelques images. Le désert où s'enfuit la femme rappelle l'autre désert où le peuple, fuyant Pharaon, a expérimenté la protection de Dieu qui le nourrit de la manne. Et si la femme reçoit des ailes d'aigle pour s'échapper, c'est en écho à la parole du Seigneur : "Vous avez vu vous-mêmes ce que j'ai fait à l'Égypte, comment je vous ai portés sur des ailes d'aigles et vous ai fait arriver jusqu'à moi" (Ex 19,4). Plus tard, devant la mer de cristal, les vainqueurs de la bête chanteront "le cantique de Moïse et de l'agneau" (Ap 15,3). Ainsi, sur fond d'Exode et de Pâques prennent sens les signes donnés. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1444.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jérusalem et les deux témoins - Apocalypse 11 Lun 07 Déc 2020, 17:31 | |
| Ce qui est traduit par "apparaître" en 11,19; 12,1.3, c'est l'aoriste passif (ôphthè = "fut vu[e]") d'un des verbes pour "voir" (optanomai), qui... apparaît aussi à l'actif en 1,7 (tout oeil le verra) et 22,4 (ils verront sa face) -- dans la "couverture" du livre donc. C'est un hébraïsme, ou un septuagintisme (emploi typique de la Septante) qui calque en grec les emplois hébreux de r'h, "voir", en particulier pour les "théophanies" ou les "visions" prophétiques où la divinité se fait exceptionnellement voir (p. ex. le Yahvé-yira'eh de Genèse 22,14, où le nifal de r'h est traduit par ôphthè). De même, outre 12,1.3 et 15,1, le terme pour "signe" (sèmeion) revient en 13,13s; 16,14; 19,20, et le verbe apparenté sèmainô en 1,1 (révélation-apocalypse "signifiée" ou "donnée en signes")...
Beaucoup plus généralement, ça me paraît une très mauvaise idée d'expliquer l'Apocalypse (dite "de Jean" dans le texte) par le quatrième évangile (dit "de Jean" seulement par la tradition ultérieure). Il y a assurément des points de contacts verbaux et thématiques entre les deux textes, mais aussi d'énormes différences... Si les réminiscences de l'Exode sont assez évidentes en Apocalypse 12, la référence aux Pâques chrétiennes, c'est-à-dire à la résurrection du Christ (même combinée au motif de l'élévation-ascension au ciel) l'est beaucoup moins. Il y a, certes, des correspondances entre la résurrection-élévation du Christ et la "naissance messianique" ("engendré" d'après le psaume 2), mais il faut aller les chercher dans des textes très disparates (l'introduction de Romains, les discours des Actes, l'épître aux Hébreux p. ex.). |
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