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| L'oeuvre de Larry Hurtardo | |
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Narkissos
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Ven 11 Juin 2010, 00:52 | |
| Brève remarque (qui rejoint ce que j'ai dit à la p. 1 de ce fil, dans mon dernier post du 2 juin): ce n'est pas parce que la christologie puise dans les mots et les concepts de l'hellénisme (alexandrin notamment), qui pour sa part tend vers l'abstraction philosophique (le côté "raison" du logos, le côté "principe" de l'arkhè) qu'elle les utilise exactement dans le même sens. En en faisant des titres christiques, elle leur donne un contenu nettement plus "mythique" et "personnel" (quelqu'un plutôt que quelque chose). On pourrait observer une trajectoire comparable dans la figure du démiurge, de Platon (où il ne s'agit, dans l'intention du moins, que de rendre compte de manière abstraite du rapport intelligible de l'"idée" et de la "matière") à la gnose (où le démiurge est, de nouveau, "quelqu'un"). Le mythe que le logos rationnel avait cru pouvoir domestiquer pour en faire une simple illustration de sa thèse revient dans toute sa force mythique. En ce qui concerne l'arkhè, il faut en outre noter (je l'ai déjà dit ailleurs, mais peut-être un peu trop vite) qu'il existe relativement tôt un développement analogue dans la sphère sapientiale hébraïque. Proverbes 8,22 ne dit pas "Yhwh m'a produite AU commencement" (BE-ré'shith, complément circonstanciel de temps, comme dans la Genèse), mais "Yhwh m'a produite commencement" (ré'shith, attribut de l'objet). Le "commencement" n'est plus une simple indication temporelle, mais une qualification essentielle de la Sagesse (elle n'est pas seulement au commencement, elle est le commencement), dans un sens qui n'est pas loin du concept de "principe". |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 14 Juin 2010, 12:04 | |
| Merci Didier. Questions de profane (moi en l'occurence) Si le Logos "est" le commencement peut-on comprendre qu'il n'a pas de commencement (il est de toute éternité, l'alpha et l'oméga)) ou qu 'avant lui il n' avait rien, il a un commencement mais il est préexistant à tout et au monde ?
« Au commencement était le Logos »... N'aurions nous pas du trouver "Au commencement était le Théos" ? Si le Logos a une existence qui procède de Dieu, comment peut-il être le commencement ?
Le lien que j'ai indiqué donne la traduction suivante du texte grec, « kai ô logos èn pros ton théon, kai théos èn ô logos » = "et le Logos était en direction de Dieu, et dieu était le Logos" Il me semble que tu as déjà abordé ce point Didier, que doit-on comprendre du fait que Dieu était le Logos ? Pour quoi les traduction rendent-elles "Le Logos était Dieu" ? Que penses-tu de la déclarartion suivante : Boismard est encore plus explicite : « Dans la langue du Nouveau Testament, le mot Dieu employé avec l’article (ô théos) désigne d’ordinaire la Personne du Père au sein de la Trinité. Lorsque Saint Jean affirme que le Verbe était avec Dieu, il insinue donc sa distinction d’avec le Père ; il ne dit pas qu’il était autre que le Dieu unique, qu’il n’était pas Dieu, ou qu’il était autre que Dieu. » Concernant « théos » sans l’article, il déclare : « Il ne s’agit plus du Père, mais de Dieu sans précision de Personne. » |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 14 Juin 2010, 13:39 | |
| Contresens grammatical: "dieu était le logos" (je laisse de côté les majuscules pour ne pas compliquer davantage) est une transposition mot-à-mot du grec theos èn ho logos, qui reproduit L'ORDRE des mots mais de ce fait t'induit en erreur quant au SENS de la phrase. Selon l'ordre naturel des mots en français, en effet, tu comprends "dieu (sujet) était le logos (attribut)" alors qu'en grec c'est le contraire, et sans aucune ambiguïté grâce à la syntaxe de l'article: "dieu (attribut, sans article) était le logos (sujet, avec article)": pour rendre le SENS du grec en français il faut bien inverser l'ORDRE des mots et écrire "le logos (sujet) était dieu (attribut)". Cf. 1 Jean 4,8, ho theos agapè estin, "dieu (sujet, article) est amour (attribut, sans article)", et non "l'amour est dieu". Pour le reste, je déclare forfait. |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 14 Juin 2010, 14:14 | |
| - spermologos a écrit:
Pour le reste, je déclare forfait. Les autres questions n'ont-elles aucun sens Le prologue Johannique me semble innover en soulignat l'idée que Dieu n’existe que dans la mesure où le « Logos » est en relation avec lui. |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 14 Juin 2010, 16:52 | |
| @ free: ça n'a rien de personnel, ça tient au sujet. La notion de commencement, portée à l'absolu, conduit à des aberrations logiques et linguistiques qui révèlent les limites de nos catégories mentales, et en particulier de celle que nous appelons le temps: nous ne pouvons ni penser un "commencement du temps" ni imaginer un "temps sans commencement". Sur ce terrain (où la pensée humaine joue depuis la nuit des temps [!], cf. p. ex. saint Augustin) ce ne sont pas tellement les questions, mais les réponses qui "n'ont aucun sens", et il n'est pas inintéressant de s'en rendre compte. - Citation :
- Dieu n’existe que dans la mesure où le « Logos » est en relation avec lui.
Je pense qu'il serait plus exact de dire: on ne peut parler de "Dieu" que dans la mesure où un logos est en relation avec lui. |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Mar 15 Juin 2010, 14:42 | |
| [quote="spermologos Je pense qu'il serait plus exact de dire: on ne peut parler de "Dieu" que dans la mesure où un logos est en relation avec lui.[/quote] L'expression suivante du prologue illustre cette relation particulière. 1) "Logos était en direction de Dieu ou auprés de Dieu, et dieu était le Logos" Cette phrase est mystérieuse. le Logos est-il Dieu au sens de nature divine, d'émanation de Dieu ou de Dieu sans precision mais distinct du Père, (Dieu le père et Dieu le fils) ? ce verset traduit-il une l’unité de substance entre Dieu et le Logos ? Comment expliquer que le Logos soit orienté vers Dieu, en Dieu et soit Dieu ? 2) "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu"
Dieu que pense-tu de commentaire tiré du lien que j'ai donné en reference ? "Dieu » n’est pas un « être préexistant », mais un « être dans son devenir » par le « Logos ». C’est pourquoi, ne disant pas que « Dieu était au commencement », l’auteur du Prologue johannique parle de ce « Logos en mouvement vers Dieu » : ce « Dieu » qui n’existe effectivement que dans la mesure où le « Logos » tend vers lui !" |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Mar 15 Juin 2010, 17:02 | |
| - Citation :
- Dieu que pense-tu de commentaire tiré du lien que j'ai donné en reference ?
Ça serait intéressant d'avoir son avis, en effet... Pour ma part, autant il me semble juste de relever que le Prologue ne parle pas de "l'être de Dieu", autant il me semble hasardeux de tirer de ce silence des conclusions, même négatives, sur "l'être de Dieu" précisément... Tout ce qu'on peut dire (et on l'a déjà beaucoup dit), c'est qu'en effet la théologie du quatrième évangile en général (et pas seulement le Prologue) est dynamique, et que le divin y apparaît "en devenir". Raison de plus, à mon sens, pour ne pas le détourner au profit de catégories statiques d' être et a fortiori d' existence qui ne sont justement pas celles qu'il a choisies. |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Mer 16 Juin 2010, 13:12 | |
| Merci Didier pour ces précisions.
Que peut-on entendre par l'expression(assez hermetique pour moi) "divin y apparaît "en devenir" ? Cette notion de divin "en devnir" est-elle une spécificité Johannique ?
Comment situes-tu l'approche du prologue de la WT ? |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Mer 16 Juin 2010, 15:08 | |
| Merci de relire mon second post du 7 juin (à la p. 2 du présent fil) et les autres fils consacrés au quatrième évangile: https://etrechretien.1fr1.net/religion-f1/ce-que-je-retiens-de-jean-t303.htm https://etrechretien.1fr1.net/religion-f1/les-particularites-de-selon-jean-t137.htmIl y a chez "Jean" un mouvement de la révélation divine qui s'étend du Père au Fils, et du Fils aux élus, et des élus au monde (avec des étapes intermédiaires que sont, selon les différentes strates du texte, le Paraclet, le disciple bien-aimé par rapport aux apôtres, les apôtres par rapport à "ceux qui croiront par leur parole", "ceux qui ont vu" par rapport à "ceux qui n'ont pas vu", et ainsi de suite). La WT -- comme la plupart des antitrinitaires -- se situe dans une perspective conceptuelle qui est en gros celle de l'Eglise du début du IVe siècle. Elle rejette spécifiquement la construction trinitaire mais partage avec les trinitaires les "acquis" de l'orthodoxie antérieure, et notamment l'idée d'une rupture radicale entre "Dieu" et la "création". La problématique obsessionnelle de cette époque est donc de savoir de quel côté de cette frontière il faut mettre "le Fils de Dieu". La voie "orthodoxe" consiste à le placer résolument du côté de "l'incréé" (Nicée), quitte à nuancer quelques décennies plus tard cette position par la doctrine de l'union hypostatique (Chalcédoine) qui fait relever le Christ incarné des deux côtés (de "l'incréé" par sa nature divine et du "créé" par sa nature humaine). Mais le problème ne se pose en ces termes qu'à cause de la résolution orthodoxe de la "crise gnostique" au cours du IIe siècle. La gnose a opposé sa (supra-)divinité au dieu de la création, l'orthodoxie proclame qu'il y a un seul Dieu mais se voit obligée du coup de distinguer radicalement entre ses "productions": il va donc peu à peu se former une frontière hermétique entre des concepts qui étaient précédemment quasi-interchangeables, p. ex. entre ce qui est "engendré" ou "procède" de Dieu et ce qu'il "crée". Ajoutons à cela une différence sotériologique corollaire: la gnose proclamait la divinité des élus, l'orthodoxie la refuse, mais du coup elle doit développer considérablement la doctrine du Saint-Esprit incréé qui procède de Dieu; les élus, en tant que créatures, ne sont plus divins par nature, mais ils reçoivent la divinité sous la forme (si l'on peut dire) du Saint-Esprit. La plupart des textes du NT sont écrits en amont de ces distinctions. Elles n'existent pas pour eux. "Engendré" et "créé" ne sont pas pour eux des concepts antithétiques. Il n'est donc pas étonnant que quand on leur pose des questions anachroniques ils renvoient des réponses apparemment contradictoires. Ce sont ces réponses contradictoires qui fournissent les arguments des factions opposées dans les débats du IVe siècle, et à chaque résurgence de l'antitrinitarisme, jusqu'au XIXe. En l'espèce, l'insistance des TdJ pour faire du Fils une créature, et donc pour interpréter le theos johannique appliqué au Fils comme une hyperbole somme toute regrettable, est tributaire de l'orthodoxie de la fin du IIe siècle comme son adversaire trinitaire. |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Jeu 17 Juin 2010, 16:14 | |
| Parmi les appellations et désignations du Christ, En 1 Jn 5, 20 semble lui attribuer le titre de "Vrai Dieu". La bible de Jérusalem rend ainsi ce verset : | Nous savons que le Fils de Dieu est venu et qu'il nous a donné l'intelligence afin que nous connaissions le Véritable. Nous sommes dans le Véritable, dans son Fils Jésus Christ. Celui-ci est le Dieu véritable et la Vie éternelle.
Didier, est ce la bonne traduction et pourquoi certaines traduction ne retiennent pas cette leçon, evitant d'attribuer lce titre à Jésus. |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Jeu 17 Juin 2010, 16:51 | |
| Il faut d'abord prendre en considération le parallélisme général de la Première épître de Jean et du quatrième évangile, qui sont en grande partie des variations sur les mêmes thèmes. Comparer ici, en particulier, Jean 17,3 où se retrouvent les mêmes termes clés. autè de estin hè aiônios zoè, hina ginôskôsin se ton monon alèthinon theon kai hon apesteilas Ièsoun Khriston oidamen de hoti ho huios tou theou èkei kai dedôken hèmin dianoian hina ginôskômen ton alèthinon, kai esmen en tô alèthinô, en tô huiô autou Ièsou Khristô; houtos estin ho alèthinos theos kai zôè aiônios
Question traduction, il y a différentes manières d'analyser la phrase. P. ex., on pourrait voir trois attributs au lieu de deux: c'est lui qui est le véritable, dieu et la vie éternelle (encore une fois je tâche de mettre de côté le faux problème des majuscules).
La question sur laquelle se focalise le débat à arrière-pensée dogmatique, à savoir: "celui-ci" (houtos) renvoie-t-il au Père ("le Véritable" dans les deux phrases précédentes) OU au Fils ("dans son Fils Jésus-Christ") est à contresens du mouvement du texte, qui consiste précisément à superposer les deux du point de vue de "nous". La grammaire ("celui-ci" renvoie normalement au dernier sujet mentionné, donc au Fils en l'occurrence) est ici d'une utilité limitée (car l'usage de la syntaxe est fluctuant). Ce qu'il faut surtout bien voir, c'est que si l'on suit le mouvement rhétorique du texte ça n'a strictement aucune importance. Le véritable (opposé aux idoles, v. 21), c'est "dieu-en-jésus-en-nous" et "nous-en-jésus-en-dieu". Utiliser ce texte pour distinguer entre les termes de cette "équation dynamique", c'est l'utiliser à rebours de son intention.
Ce qui me paraît absolument clair en tout état de cause, c'est 1) que le christianisme johannique, contrairement à d'autres courants néotestamentaires sans doute, n'a aucune réticence à appeler Jésus "dieu" (cf. Jean 1,1.18 et 20,28, qui forment une "inclusion" ostensible au début et à la fin de l'évangile, à un stade relativement avancé de son développement; aussi 5,18; 10,33, qui dans la manière de l'ironie johannique laissent les "adversaires" énoncer à leur insu une vérité qui les dépasse); 2) que cette divinité est en même temps dynamiquement ou téléologiquement inclusive, puisqu'elle n'apparaît en lui que pour se révéler en d'autres (ceux qui sont "de Dieu", "enfants de Dieu", "nés de Dieu"); 3) qu'elle est paradoxalement corollaire d'une absolue dépendance du Père ("je ne fais rien de moi-même", etc.) qui peut aussi s'exprimer en termes de subordination (noter que le fameux "le Père est plus grand que moi", en 14,28, fait écho au v. 12: la divinité manifestée dans les élus après le départ de Jésus et son retour au Père sera "plus grande" qu'en lui seul; cf. 1,50; 5,20; 10,29; et 12,20ss). Toutes choses qui se comprennent très bien dans une perspective dynamique, mais qui deviennent des contradictions insurmontables dès lors qu'on les analyse en termes d'ontologie statique, où la logique binaire et exclusive reprend fatalement le dessus (Jésus ne peut pas ÊTRE à la fois dieu et inférieur à dieu, etc.) |
| | | free
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 21 Juin 2010, 11:37 | |
| He 1,5 : « Auquel des anges, Dieu n’a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré… ? Et encore, je serais pour lui un Père et il sera pour moi un Fils ? »
Le NT et en particulier l'évangile de jean font-ils une diffrence entre les verbes "créer" et "engendrer" ? Heb 1,5 semble souligner le fait que Dieu n'aurait engendré uniquement Jésus et pas les anges (peut être seulement créés) et que la relation "Père/Fils ne s'appliquerait qu'a Dieu/Jésus. Jésus n'étant pas un ange ou un ange en chef mais Dieu le fils...? Le Christ Johannique est-il issu de la substance du Père ou de même substance que le Père ? Le Verbe est-il avant toute forme création (matérielle et spirituelle), incrée ? |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 21 Juin 2010, 13:13 | |
| L'épître aux Hébreux prend clairement position contre une christologie angélique, qui existe simultanément et encore plus tard dans d'autres composantes du christianisme primitif, par exemple chez Justin Martyr. A ce stade c'est donc une option particulière et il n'y a aucune raison de présupposer les mêmes vues chez d'autres auteurs, à défaut d'indices explicites dans leurs textes. Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'auteur aux Hébreux et Justin puisent à la même "logologie" alexandrine qui, elle, ne distingue pas: chez Philon le logos est aussi bien "Fils premier-né" qu'"archange", preuve que ces qualificatifs ne sont pas (encore) perçus comme contradictoires. Il faut aussi remarquer, pour ne pas manquer la pointe exacte de la rhétorique de l'épître aux Hébreux (et ne pas la confondre avec les débats d'une christologie ultérieure), que les anges y sont moins opposés au Fils en tant que "créatures" qu'en tant que "serviteurs" (1,7.14, leitourgoi, diakonoi; cf. l'opposition analogue du "Fils" au "serviteur" Moïse, therapôn, en 3,5s). On voit aussi poindre ici comme dans beaucoup d'autres textes une dévaluation relative de la création-fabrication (1,2; 4,13; 9,11; 12,27), mais celle-ci n'est pas exploitée pour opposer le Fils aux anges (alors que plus tard ce sera l'essentiel du débat). En ce qui concerne le Prologue de Jean, il faut observer (ce qui est malheureusement impossible dans beaucoup de traductions) que le texte grec évite soigneusement le vocabulaire de la création (il n'emploie ni ktizô, créer, ni poieô, faire-fabriquer) au profit d'une problématique plus subtile de l'être et du devenir ( eimi / ginomai). (P. ex., au v. 3, "tout est devenu par lui" -- qui, avec les gros sabots de la Bible en français courant, devient "DIEU a FAIT toutes choses par lui", total contresens: l'auteur se garde bien de faire du logos un démiurge). - Citation :
- Le Christ Johannique est-il issu de la substance du Père ou de même substance que le Père ?
Là, j'avoue ne pas saisir ta distinction: même selon les concepts trinitaires du IVe siècle l'un n'empêche pas l'autre, puisque la SUBSTANCE ( ousia, substantia) est COMMUNE aux trois "personnes"... |
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 21 Juin 2010, 14:32 | |
| - spermologos a écrit:
- En ce qui concerne le Prologue de Jean, il faut observer (ce qui est malheureusement impossible dans beaucoup de traductions) que le texte grec évite soigneusement le vocabulaire de la création (il n'emploie ni ktizô, créer, ni poieô, faire-fabriquer) au profit d'une problématique plus subtile de l'être et du devenir (eimi / ginomai). (P. ex., au v. 3, "tout est devenu par lui" -- qui, avec les gros sabots de la Bible en français courant, devient "DIEU a FAIT toutes choses par lui", total contresens: l'auteur se garde bien de faire du logos un démiurge).
"Au profit d'une problématique plus subtile de l'être et du devenir"...tellement subtile quelle me parait incomprehensible J'ai beau lire tes explications très instructives et très interessantes, j'ai du mal a cerner la notion de l'être et du devenir. J'ai trouvé un lien interessant mais qui est compètement hermétique pour moi...help please 3. Toutes choses ont été faites par Lui (le Verbe), et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui. 4. En Lui était la vie et la vie était la lumière des hommes. " Il est à noter que le terme grec ginomai (devenir, venir dans l’existence) permet de mieux saisir la distinction, implicite dans les deux versets du Prologue que nous commentons, entre l’être essentiel, préexistant, c'est-à-dire l’être éternel, idéal en Dieu, et l’être réel (ou créé) en proie au devenir. Dans le texte grec, ponctué à la manière des Pères, l’«être» de la sphère intra-divine se trouve opposé au «devenir» de l’éon extra-divin : «Ce qui est devenu, en Lui était vie». " http://www.sombreval.com/Meditations-sur-Jean-1-4-Ce-qui-est-devenu-etait-vie-en-Lui_a697.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Lun 21 Juin 2010, 15:27 | |
| - Citation :
- 3. Toutes choses ont été faites par Lui (le Verbe), et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans Lui. 4. En Lui était la vie et la vie était la lumière des hommes.
Si ça peut te rassurer, avec une traduction comme celle-là il est impossible de rien comprendre au texte. Le traducteur sort le verbe "faire" de son chapeau, comme en plus il le met au passif on ne sait plus si le "par" qui suit introduit un complément de moyen (= celui par l'intermédiaire de qui il est fait) ou d'agent (= celui qui fait), et la ponctuation (orthodoxe et tardive) qu'il choisit ruine la métrique et la logique du texte au profit d'une redondance sur le verbe inexistant ("rien de ce qui a été fait n'a été fait", alors que le texte ne parle pas de "faire" !) et d'un faux sens ("en lui était la vie"). A mon avis ce n'est pas de commentaires supplémentaires que tu as besoin, mais de LIRE le texte dans une traduction minimale, en faisant simplement attention au jeu des deux verbes que je rends respectivement par ÊTRE et devenir (sachant qu'on pourrait un peu faciliter la lecture en français en scindant la traduction des emplois absolus [sans prédicat] et copulatifs [avec prédicat] de ce dernier entre advenir et devenir, mais je préfère m'en tenir au strict minimum): Dans le commencement ÉTAIT le logos; le logos ÉTAIT face au dieu; le logos ÉTAIT dieu. Il ÉTAIT dans le commencement face au dieu. Tout est devenu par lui, pas une chose n'est devenue sans/hors de lui. Ce qui est devenu en lui ÉTAIT vie et la vie ÉTAIT la lumière des humains. La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas saisie. (...) Il ÉTAIT la vraie lumière qui éclaire tout humain venant dans le monde. Il ÉTAIT dans le monde, et le monde est devenu par lui, mais le monde ne l'a pas connu. Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli; mais à tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de dieu (...) Ceux-là sont nés, non pas de sang, ni de volonté de chair, ni de volonté d'homme, mais de dieu. Le logos est devenu chair; il a dressé sa tente en/parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire comme d'un fils unique du père, plein de grâce et de vérité. (...) Nous, en effet, de sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce pour grâce; dieu, personne ne l'a jamais vu; unique, dieu, celui qui EST contre le sein du père, celui-là l'a révélé. P.S. Si je puis me permettre une ultime recommandation (qui sera aussi, malgré tout, un commentaire!), ce serait, avant de (ne pas?) poser des questions à un tel texte, d'être un moment attentif à son mouvement poétique: quelque chose, être et devenir, verbe et dieu, lumière et vie, grâce et vérité, coule secrètement depuis le "commencement" jusqu'aux extrémités de "toutes choses" qu'il génère sans jamais tout à fait s'identifier à elles, ni se laisser capter par elles. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: L'oeuvre de Larry Hurtardo Mar 20 Juil 2010, 14:40 | |
| Pour ceux qui lisent l'anglais et s'intéressent au sujet initial de ce fil, Larry Hurtado a commencé un blog: http://larryhurtado.wordpress.com/ |
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