Cela nous dit quelque chose de pas très amusant. Il y a de nombreux cas dans l'histoire qui montrent que quand on s'accroche à une description, quand les pensées se figent et deviennent très peu perméables aux critiques, la science perd dix, vingt ans, voire des siècles. J'aimerais bien que la science bouge, que les débats s'instaurent, que les connaissances progressent, mais j'ai le sentiment personnel que cet aspect frigorifié ralentit l'avancée de la recherche. C'est peut-être lié à son économie : pour proposer un projet, il faut pratiquement que vous soyez sûr du résultat que vous allez trouver. Or ce n'est pas la démarche naturelle de la science : on devrait explorer et faire autant d'expériences pour invalider les concepts que pour les valider. Dans ce livre, nous voulions souligner à quel point notre conception de l'Univers est fragile.
Le modèle du Big Bang nous sert de colonne vertébrale et je n'ai rien contre. Cette façon de penser l'Univers dans sa globalité et son évolution était un bon excitateur de neurones au départ. Mais cela fait sans doute vingt ou trente ans qu'on aurait dû s'apercevoir qu'on est sur une forme de fausse piste. Quand cela ne marche pas, il faut regarder ailleurs mais trop peu d'efforts sont faits dans cette direction. On ne veut pas trop aller dans l'inconnu et il faudra sans doute des découvertes fortuites très fortes pour faire basculer les choses. Je serais un jeune chercheur, je serais moyennement enthousiaste à l'idée de me lancer dans la cosmologie puisqu'on nous dit que tout est trouvé. Cela me fait penser à lord Kelvin qui prétendait, à la fin du XIXe siècle qu'il n'y avait plus rien à découvrir en physique et qu'on allait seulement raffiner des décimales. C'était juste quelques années avant l'arrivée de la relativité et la mécanique quantique...
Extrait de l'article qui bien sur ,nous parle à nous tous sur ce forum.