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 épitaphe

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Narkissos

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MessageSujet: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeMar 17 Fév 2015, 13:16

Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus; ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus. (Apoc. 21:4).

Je n'aurais sans doute pas songé à réciter ce verset ici si je ne l'avais relu la semaine dernière, tel quel (y compris la référence en "Apoc." et non "Rév."), dans un petit village du Limousin où je ne passe que rarement, sur la tombe de mon père, mort (TdJ) il y a déjà plus de onze ans. Outre ce qu'il me rappelle de tristement et gaiement "personnel", fatras de vies, de visages et de textes mêlés, une chose me frappe à chaque fois que je le retrouve à cet endroit: comme il semble étrangement et naturellement à sa place dans le contexte d'un cimetière.
Où la mort est passée, en effet, la mort n'est plus.
Cela semble tour à tour vertigineux et rassurant, de voir des mots ainsi arrachés à un antique délire apocalyptique par un délire herméneutique moderne se recueillir et se reposer dans cette évidence, à la fois immémoriale et neuve, paradoxale et banale, superficielle et profonde.
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeMer 02 Déc 2020, 17:12

Citation :
Où la mort est passée, en effet, la mort n'est plus.


Je trouve ta réflexion très belle et émouvante.

L'expression "la mort ne sera plus" donne l'impression d'une "mort" qui se sent de trop, plus à sa place et qui fait le choix de partir, de disparaitre pour ne pas importuner les habitants de cette nouvelle terre, alors que 1 Cor 15,26 donne le sentiment d'une mort/ennemi qu'il faut combattre, expulser et réduire à néant. Une mort qui veut s'imposer et qu'il faut déloger par la force. Il est impératif de tuer la mort.


Dernière édition par free le Mar 15 Déc 2020, 22:00, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeMer 02 Déc 2020, 18:47

Tout vient à point... Smile

Ce que tu écris me rappelle Der müde Tod (la Mort fatiguée), superbe film muet de Fritz Lang (1921), d'après un conte de(s) Grimm.

Pour ce qui est de tuer la mort, la mort elle-même s'en charge. "Mort : immortel", selon la formule lapidaire de Blanchot: c'est un peu ce que je voulais dire, et ce qui se dit depuis toujours; je repense à la chanson enfantine Had Gadia du rite juif de la Pâque et à ses innombrables variantes populaires (en France: "Ah, tu sortiras, biquette"), qui se terminent par la mort de l'ange de la mort, ou du diable... mais la morale est équivoque, car elle signifie aussi bien que rien, dans la vie, ne fonctionne sans la mort.
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 03 Déc 2020, 12:01

"On écrit pour tuer le temps, pour tuer la mort, pour se guérir d'être en vie." - André Berthiaume 


"Mais le Christ s'est bel et bien réveillé d'entre les morts : il est les prémices de ceux qui se sont endormis. Car, puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection des morts. En effet, comme tous meurent en Adam, de même aussi tous seront rendus vivants dans le Christ, mais chacun en son rang : le Christ comme prémices, puis, à son avènement, ceux qui appartiennent au Christ. Ensuite viendra la fin, quand il remettra la royauté à celui qui est Dieu et Père, après avoir réduit à rien tout principat, toute autorité, toute puissance. Car il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi qui sera réduit à rien, c'est la mort. En effet, il a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu'il dit que tout lui a été soumis, il est évident que c'est à l'exception de celui qui lui a tout soumis. Et lorsque tout lui sera soumis, alors le Fils lui-même se soumettra à celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous" (1 Co 15,20-27).

Je suis intrigué par ce texte ... Il est question de réduire la mort à néant dans un contexte cosmique ("après avoir réduit à rien tout principat, toute autorité, toute puissance") avec des références à l'avènement, à la fin et la royauté ... sans aucune allusion à la terre (une royauté sur qui et sur quoi ? Un avènement qui se déroule ou ?). J'ai également le sentiment que la mort est assimilée à une "puissance" cosmique à vaincre comme un principat. Est-il question de la mort humaine ?
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 03 Déc 2020, 12:45

Que "la mort" soit ici "personnifiée", ça ne fait guère de doute et ça n'a rien d'exceptionnel (ainsi celle qu'on écrit "la Mort" ou qu'on dessine en faucheuse à cause de son genre féminin en français comme en latin, mais masculin[e] dans d'autres langues, ho thanatos, der Tod, Death généralement neutre en anglais mais représenté par un Reaper plutôt masculin, comme chez les Monty Python, aussi dans la foulée des "cavaliers de l'Apocalypse"). Dans l'Antiquité elle était même déifiée, notamment au Proche-Orient ancien dont la mythologie constitue la toile de fond des textes "bibliques" hébreux (notre "Ancien Testament"): c'est bien le dieu levantin Môt (théonyme d'abord indiscernable du nom commun "la mort") qu'on reconnaît, par exemple, en Isaïe 25 (l'engloutisseur englouti, ailleurs la "gueule" du she'ol tout naturellement assimilé par les traducteurs de la Septante à l'Hadès grec, etc.). "La mort" n'en est pas moins "humaine" (ou "animale") du fait que ce sont des "vivants", c'est-à-dire des "mortels", qui meurent, même quand ce sont des dieux "immortels" par nature ou par destination.

Il ne faut pas perdre de vue (considération "diachronique" à mon sens indispensable) que l'essentiel de la Première aux Corinthiens se situe au tout début du "paulinisme", et que l'"eschatologie" au sens ordinaire, futuriste, y joue un rôle qui va constamment se réduire dans la suite du corpus: tout ce qui est énoncé ici d'un règne du Christ devant s'étendre progressivement sur les "puissances" cosmiques, y compris "la mort" comme "dernier ennemi", pour se résorber en "Dieu-tout-en-tout/s", va être ramené au passé-présent éternel du mystère-sacrement, du mythe et du rite, dans l'épître aux Romains ou aux Galates, a fortiori dans les "deutéro-pauliniennes" (Colossiens-Ephésiens): le Christ a déjà vaincu la mort et dépouillé les "puissances", il ne s'agit plus pour les croyants que de participer à cette victoire qui ne peut désormais que s'étendre à l'univers. Si l'on ne tient pas compte de cette "évolution" de la pensée "paulinienne" (peu importe le nombre d'"auteurs" qu'elle recouvre), on commet l'erreur de mettre tous les énoncés sur le même plan et on se croit obligé de les recomposer artificiellement dans une doctrine synthétique plus complexe qu'elle n'a jamais été dans aucun des textes "pauliniens", en ajoutant par exemple un chapitre "eschatologique" à une doctrine mystérique ou sacramentelle qui n'en a plus besoin. Alors que l'eschatologie corinthienne -- notamment tout ce chapitre 15 sur la résurrection future, cf. aussi 1 Thessaloniciens 4 -- en est plutôt l'ancêtre ou le prototype, dépassé ou "relevé" dans le mystère lui-même qui se joue au présent et qui a intégré toute eschatologie comme son propre horizon: ce n'est plus un "avènement" qu'on attend, mais la simple "manifestation" de ce qui est déjà, caché, dans le mystère (voir p. ex. ici).
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeMar 08 Déc 2020, 17:28

Du v. 24 au v. 28, la structure est concentrique. Le v. 24 annonce la conclusion du v. 28 : « Puis la fin, lorsque le Christ remettra la Royauté au Dieu et Père » n’est autre que le moment où « le Fils lui-même se soumettra à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit totalement en tout » (v. 28). Ce terme suppose la soumission et la destruction des puissances ennemies : « lorsqu’il aura détruit toute principauté, tout pouvoir, tout puissance » (v. 24) ; « lorsqu’il lui aura soumis toute chose » (v. 28). Il y a cependant ici une asymétrie : d’une part la destruction des puissances, d’autre part la soumission de tout (catégorie plus vaste que celle des puissances). Entre ces deux versets, les v. 25-27 forment eux aussi un cycle : deux citations bibliques s’y répondent : « jusqu’à ce qu’il mette ses ennemis sous ses pieds » (v. 25) fait suite à la destruction des puissances et la fonde ; « il a tout soumis, sous ses pieds » (v. 27) précède et introduit la soumission universelle au Christ roi ; à nouveau la soumission dont parle le v. 27 ne s’identifie pas à la victoire destructrice du v. 25, et le « tout » n’y est pas un tout ennemi. Entre ces deux citations, le pivot qui permet le passage de la destruction victorieuse des puissances hostiles au règne harmonieux sur l’univers : le dernier ennemi détruit, c’est la mort (v. 26). Au terme de l’histoire, la plénitude de Dieu en un univers réconcilié, suppose le règne glorieux du Christ, lequel à son tour implique la destruction de toute puissance mauvaise, c’est-à-dire, à l’extrême, de la mort. Sans victoire sur la mort, Dieu ne saurait être entièrement en tous, et subsisterait la faille introduite dans la création par Adam. Hors de cette victoire finale, la résurrection du Christ n’est qu’un leurre. On saisit dès lors pourquoi la résurrection des morts se situe au terme de l’histoire : elle constitue la vérification ultime de ce qui est donné dans la résurrection du Christ, et suppose la victoire complète sur l’ultime ennemi ; même déployée en deux temps, la victoire est une, ou elle n’est pas.

Les deux temps de cette victoire sont christologiques : le premier, la résurrection du Christ, contient le germe du second, qui est son avènement et, indissociablement, la vivification des siens. La perspective de Paul n’est pas celle du destin individuel brisé par la mort : il envisage l’histoire même de l’univers, fracturé par le péché et la mort, ramené à l’harmonie divine par le Christ. Si Paul ne parle que de la vivification de ceux qui sont au Christ, la portée universelle du texte étend virtuellement cette catégorie à tous les hommes. L’urgence d’annoncer l’évangile aux nations trouve d’ailleurs là sa raison. https://books.openedition.org/pusl/5894?lang=fr
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeMer 09 Déc 2020, 01:08

Si "la mort" est l'"ennemi(e)" vaincu(e), ou le "problème" résolu, elle est aussi bien l'"alliée" victorieuse ou la "solution" du problème; quels que soient les camps, les oppositions, les lignes de front ou de démarcation, "elle" est des deux côtés. C'est évident dès 1 Corinthiens, malgré tout ce qui différencie son paulinisme, encore dominé par une eschatologie futuriste, des paulinismes subséquents (je n'y reviens pas, quoique à mes yeux la différence soit considérable): "en Christ" c'est bien "la mort" qui tue "la mort", non seulement la crucifixion-résurrection-élévation de Jésus mais tout ce qui fait du "mystère" chrétien une participation (communion) à celle-ci, pour les "apôtres" et par eux pour les "fidèles-croyants" en général (cf. 1,17s.23; 2,2.8; 4,9; 8,11: 11,26; 15,3.18.20.22.31.36). est la victoire de la mort (15,54ss), telle est la question (d'après Isaïe 25,8 et Osée 13,14 LXX), moins "rhétorique" et plus profondément ambiguë qu'on ne la comprend d'ordinaire -- et peut-être que l'"auteur" ne la comprenait lui-même...
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 13:13

Il y a une autre formule que je trouve très belle (même si elle ne fait allusion directement à "la mort" qui tue "la mort"), c'est celle de 2 Co 5,4 : "pour que le mortel soit englouti par la vie" ... La vie parait être un monstre qui avale et engloutit la mort ... La mort se dilue et disparait dans la vie qui l'inonde et la noie (la mort meurt noyée, dévorée et digérée).
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 16:02

En effet, et l'"allusion" est peut-être plus claire que tu ne le crois. Pour "engloutir", il faut que "la vie" prenne, littéralement, les traits ou la gueule de "la mort" (du she'ol, etc.); c'est le même verbe grec, kata-pinô (de pinô, boire, sans rapport étymologique apparent avec notre "pinard", encore que...), qui passe d'Isaïe 25,8LXX (pour l'hébreu bl`, avaler, cf. Balaam ou Bélial, suivant les étymologies plus ou moins populaires) à 1 Corinthiens 15,24, puis à 2 Corinthiens 5,4 (cf. aussi 2,7; Matthieu 23,34; Hébreux 11,29; 1 Pierre 5,8; Apocalypse 12,16). Que "la vie" et "la mort", "la vie la mort" comme écrivait parfois Derrida, soient un seul et même jeu, le jeu même, c'est une évidence à peu près universelle mais qui passe à chaque fois par des traits et des traces linguistiques, textuels et imaginaires différents.
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 16:13

Mais Dumbledore cite la Bible à un autre endroit.

Après que Harry et Hermione ont découvert la tombe de la mère et de la soeur de Dumbledore, ils trouvent celle des parents de Harry. Sur cette pierre tombale aussi figure un épitaphe et une autre citation de la Bible: «The last enemy that shall be destroyed is death» (« Le dernier ennemi à détruire, c’est la mort ») (Premier épître aux Corinthiens 15:26). Il est probable que Dumbledore soit également à l’origine de ce choix d’inscription. Le passage cité se réfère à la crucifixion et à la résurrection de Jésus qui détruit la mort. Rowling via Dumbledore aurait pu inscrire n’importe quoi sur la tombe des Potter, alors pourquoi citer la Bible? Je l’imagine trop consciencieuse, en tant qu’écrivain pour oser une telle référence sans que cela soit parfaitement délibéré. https://www.poudlard.org/2007/08/03/explications-de-citations-dans/
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 16:36

Vieille tradition littéraire britannique: avant J.K. Rowling, pour rester dans un genre "ésotérico-fantastique" similaire, J.R.R. Tolkien était aussi chrétien que C.S. Lewis, même si ses références au christianisme sont moins explicites et qu'en conséquence les "évangéliques" le citent nettement moins (ça a d'ailleurs pas mal desservi Lewis à mon sens, en le réduisant pour une bonne partie du public francophone à une "littérature de sacristie"; mais le succès de la "culture populaire" et de ses adaptations cinématographiques n'est pas toujours à l'avantage de la littérature).

1 Corinthiens 15 se réfère, certes, "à la crucifixion et à la résurrection de Jésus", mais en les inscrivant (comme "prémices") dans une perspective eschatologique futuriste, comme on l'a montré plus haut (3.12.2020): la victoire sur "la mort" reste à venir -- ce qui va changer dès l'épître aux Romains et plus encore dans les deutéro-pauliniennes, Colossiens-Ephésiens.
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 17:24

En lisant Paul, j'ai le sentiment que la mort connait dans un premier temps une lente dégradation et une lente agonie, elle se détériore au fur et à mesure qu'il se produit une destruction progressive de l'homme extérieur au profit de l'homme intérieur. A mesure que l'homme extérieur se détruit, l'homme intérieur grandit et la mort se résorbe jusqu'au coup fatal qui lui sera porté par Christ, à ce moment là, la mort sera réduite totalement à néant. La croissance de l'homme intérieur voit la décroissance de la mort jusqu' à sa disparition.
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 18:29

C'est en effet ce qu'on peut comprendre de 2 Corinthiens 4--5.

Mais il faut remarquer ce qui, à ce point, a déjà changé par rapport à 1 Corinthiens (et 1 Thessaloniciens), et ce qui va encore changer par la suite, en Romains-Galates (ou Philippiens) puis en Colossiens-Ephésiens.

Si l'on se risquait à schématiser (le risque étant toujours de trop schématiser), on pourrait avoir quelque chose comme ceci:

1 Corinthiens -> 1 Thessaloniciens: le Christ est mort et ressuscité, c'est la garantie d'une résurrection future à son avènement (parousia).

2 Corinthiens: la vie triomphe déjà de la mort, comme l'intérieur de l'extérieur, aussi par le jeu différencié du "nous" apostolique et du "vous" destinataire; c'est un processus communautaire en cours qui doit se parachever (il n'est déjà plus question de parousia ni de résurrection futures, du moins comme des "événements" totalement nouveaux).

Romains -> Galates / Philippiens: vous êtes déjà morts en Christ, quant à la "chair", par le baptême, votre vie est désormais celle de la résurrection du Christ et/ou de l'Esprit, dans la mesure où vous vous laissez transformer, l'horizon de ce processus en cours mais irréversible est l'univers même.

Colossiens-Ephésiens: vous êtes déjà morts, ressuscités et élevés avec le Christ au ciel, l'avenir n'est plus que manifestation (epiphaneia, épiphanie) de ce mystère totalement "accompli" mais encore secret.

J'en reste évidemment aux très grandes lignes, sans préjudice des multiples nuances et précisions à apporter à chaque ligne (c'est ce que j'appelle schématiser); mais cela suffit pour montrer qu'il est impossible de résumer (tout) "Paul" par une "synthèse" doctrinale de ces différentes étapes, dont chacune annule et subsume les précédentes (les "relève", comme disait Derrida pour traduire l'Aufhebung hegelienne; en prend la relève): on peut décrire l'évolution "diachronique" d'une pensée, non la totaliser en "système" ("synchronique" par définition); le problème ne se limitant pas à celui, traditionnel, de l'authenticité littéraire: la pensée de "Paul" a au moins autant "évolué" sur cette question (comme sur bien d'autres) dans les épîtres présumées authentiques (de 1 Corinthiens à Romains p. ex.) qu'entre celles-ci et les présumées inauthentiques (deutéro-pauliniennes, Colossiens-Ephésiens).

Reste qu'à toutes les étapes l'opposition pure et simple de "la mort" et de "la vie" ne tient pas: "la vie" ne vainc pas "la mort" sans le secours de "la mort" (du Christ, de l'apôtre, du chrétien, sous ses formes "sacramentelles" ou "ascétiques", jusqu'à la résurrection ou à la transformation eschatologiques le cas échéant); et inversement "la mort" (du Christ, etc.) ne vainc pas "la vie" (de la chair, du péché, etc.) sans que s'y mêle un peu de "vie" naturelle, de désir, de volonté ou de décision.
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeDim 13 Déc 2020, 11:49

"La mort et le séjour des morts furent jetés dans l'étang de feu. L'étang de feu, c'est la seconde mort" (Ap 20,4).

La Mort et l’Hadès sont jetés dans l’étang de feu, subissant le même sort que le Diable, et l’étang de feu est qualifié de seconde mort. La Mort dans l’Apocalypse de Jean n’est pas le séjour qui accueille normalement les hommes à l’issue de leur vie terrestre, c’est au contraire une puissance mauvaise au service du monde des ténèbres. https://www.academia.edu/8752379/_Apocalypse_20_1_15_Entre_mill%C3%A9narisme_et_jugement_dans_S_C_MIMOUNI_A_SERANDOUR_ED_La_litt%C3%A9rature_apocalyptique_entre_proph%C3%A9tisme_messianisme_et_mill%C3%A9narisme_Paris_Louvain_2010_p_135_174_Revue_des_%C3%A9tudes_juives_169_1_2_



Jean, néanmoins, le prophète de l'Apocalypse, a projeté ses désirs dans son récit. A l'instar de plusieurs auteurs du Nouveau Testament, il attend la manifestation prochaine du Christ qui mettra fin à la persécution (1. 1 ; 2, 16 ; 3. 11 ; 22.6.7.12.20). L'étonnant du récit est que l'angoisse et l'espérance du chrétien ne restent pas muettes, interdites. Elles sont capables de s'élaborer imaginairement, de symboliser, c'est-à-dire d'engendrer un corps de signes, et même de se symboliser, c'est-à-dire de se projeter dans des représentations, et d'en être aussitôt, à tort ou à raison, par conviction ou par illusion, allégées, soulagées, rassurées. L'espérance se recueille dans l'image et, par l'image, le vide compact de la mort semble s'ouvrir au rayonnement d'un autre jour. L'image d'une espérance ainsi projetée devient plus forte que l'angoisse de la persécution et de la mort : on attend avec ardeur et passion la venue prochaine du Christ. Les puissances du mal et de la mort sont présentées comme déjà vaincues par l'apparition du Cavalier céleste qui s'en vient anéantir la Bête, le Faux-prophète et leurs armées, et par l'ange qui descend pour enfermer Satan. Que révèle ce scénario du combat eschatologique, sinon que le chrétien ne peut vaincre de lui-même les puissances du mal et de la mort, et qu'il lui faut attendre le salut d'un autre ? La force ou l'énergie de la foi n'est pas le résultat de l'effort humain ; elle est un don de l'au-delà, le don de la grâce salvifique de Dieu. La foi s'appuie uniquement sur Dieu de qui elle tient sa force : le combat eschatologique et mythique ne dit rien d'autre. « Et la victoire qui a vaincu le monde, c'est notre foi» (/ Jn 5,4).

https://www.nrt.be/fr/articles/le-regne-des-mille-ans-et-la-seconde-mort-origines-et-sens-ap-19-11-20-6-991
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeDim 13 Déc 2020, 13:11

L'étang (ou le lac -- dans le NT et hors de l'Apocalypse, le mot n'est employé que par Luc pour le "lac" de Gennésareth ou de Galilée, que les autres évangiles appellent "mer") de (ou du) feu (association des deux "éléments" contraires, l'eau et le feu, qui est aussi celle de la tradition de Sodome, Gomorrhe, etc. et de la mer Morte -- notamment par le soufre qui se retrouve des deux côtés, et bien sûr dans la Géhenne qui prolonge dans l'imaginaire la "vallée de Hinnom" à Jérusalem), interprété comme "seconde mort" (thanatos deuteros, toujours masculin en grec), ne se trouve qu'au début et à la fin du livre, dans la "couverture" au sens large (2,11; chap. 20ss); l'"étang de feu" apparaît déjà sans son "explication" au chapitre 19, avec ce curieux effet, peut-être dû au hasard des rédactions successives, qu'il coexiste avec tous les "mondes" et même avec l'absence de "monde": à la fin du premier, à l'issue des deux batailles des chapitres 19 et 20 avant et après le millénium, dans l'interlude sans ciel ni terre de la "résurrection des morts" et du "jugement dernier", et avec les "nouveaux cieux" et "nouvelle terre", sans "mer" pourtant, du chapitre 21.

L'Apocalypse n'échappe cependant pas à la règle que "la mort" est de tous les côtés, aussi bien de celui du vainqueur, Christ, martyr ou fidèle, qui ne vainc que par elle (il faudrait dire par lui), que du vaincu: cf. 1,5.17s; 2,8.10s; 6,8; 9,6; 11,8ss; 12,11; 14,13 etc.
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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeVen 06 Aoû 2021, 11:28

L’Évangile est-il un manifeste transhumaniste avant l’heure ? Formulée en ces termes, la question constitue évidemment un anachronisme ! Toutefois, on peut légitimement se demander si la foi chrétienne en une résurrection des morts ne coïncide pas trait pour trait avec le « désir mortifère d’immortalité» qui se trouve au principe du transhumanisme. Affirmer, selon le verset retenu pour titre de cette contribution, que « le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort » (1 Co 15,26), n’est-il pas nier la condition de finitude propre à l’humanité ? N’est-ce pas faire miroiter la possibilité, plus ou moins captieuse, d’un dépassement de l’humain dans un posthumain et, partant, en appeler à rien moins que la mort de l’homme ? On notera d’ores et déjà le paradoxe apparent qui ferait de la disparition de la mort, la disparition de l’humain lui-même : la fin de la mort signerait la mort de l’homme – du moins de l’homme tel que nous le connaissions jusqu’à présent. Le christianisme serait-il porté par l’espoir d’en finir avec l’humanité par incapacité d’assumer en particulier le poids de la chair ? Ne serait-il pas juste alors d’affirmer que ce composé de technologie et de métaphysique qu’est le transhumanisme s’offre aujourd’hui comme la chance de réaliser le programme, demeuré jusque-là inabouti, de la plus inhumaine des religions ? Je laisse ces questions en suspens pour proposer quelques analyses d’après le chapitre 15 de la Première épître aux Corinthiens et d’après certaines sections du chapitre 7 de l’Épître aux Romains, dans lequel Paul réécrit à sa façon le mythe de la création et de la chute en Genèse 2-3. Je tâcherai de mettre en exergue certaines articulations du texte biblique, tout en effectuant une relecture de quelques motifs anthropologiques et théologiques en compagnie principalement de Denis Vasse, Irénée de Lyon, Eberhard Jüngel et Gerhard Ebeling. 

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2016-1-page-111.htm
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Narkissos

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MessageSujet: Re: épitaphe   épitaphe Icon_minitimeVen 06 Aoû 2021, 12:34

Merci encore pour cet article très stimulant.

Comme presque tout ce qu'il dit me semble juste et profond, je ne lui adresserais qu'une critique superficielle, mais large, qui pourrait s'appliquer aussi bien à la plupart des textes "théologiques" débordant sur (ou instrumentalisant) la philosophie, la psychologie ou la psychanalyse: à ce niveau de réflexion, il faut une forte dose de malhonnêteté intellectuelle, de mauvaise foi ou d'hypocrisie (ce n'est pas exactement la même chose) pour prétendre, ou seulement laisser croire, que la pensée peut encore se ranger sous une étiquette ou un drapeau quelconque (biblique, chrétienne, paulinienne, luthérienne, lacanienne, etc.), et surtout pour l'opposer ainsi à d'autres (païennes, pharisiennes, gnostiques, transhumanistes, etc.). On sait pertinemment quel travail de tri et/ou de réinterprétation on a dû faire dans sa propre tradition (disons "biblique", "judéo-chrétienne" ou "protestante") pour en arriver à un tel discours, en éliminant ou en ignorant tout ce qui l'y contredit à l'évidence (ainsi la tradition éminemment "biblique" du "Dieu jaloux", jamais évoquée ici puisqu'on veut que le "jaloux" ce soit l'homme, ou le serpent, opposés précisément à "Dieu"). Ce qui implique aussi de simplifier et de caricaturer ses "adversaires" -- comme si un judaïsme, un paganisme, un gnosticisme ou même un transhumanisme ultramoderne n'étaient pas capables d'arriver par leurs propres moyens à des énoncés similaires, pourvu qu'ils soient pensés au même degré de profondeur.

Et puis, comment se garder à ce point du pas de plus, ou du pas de trop, où un tel discours s'abîmerait irrésistiblement dans le silence de sa propre profondeur ? (Réponses possibles à cette question "rhétorique": mauvaise foi, hypocrisie, lâcheté, paresse, prudence, diplomatie, pédagogie, mystagogie, je ne sais.) Dans la mesure où l'"identité" et l'"altérité", le "moi" et l'"autre", ne s'opposent plus, ne se définissent plus l'un contre l'autre mais l'un par l'autre, alors il n'y a vraiment plus rien à dire, du moins plus rien à en dire en général, du point de vue extérieur et surplombant d'une "théorie", fût-elle "relationnelle".

(Voir aussi ce fil, qui part d'ailleurs d'un texte plutôt "gnosticisant" -- la connaissance, gnôsis, c'est la vie, zôè, et inversement.)
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