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| Le révélé et le caché - Colossiens | |
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Auteur | Message |
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free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Le révélé et le caché - Colossiens Lun 09 Déc 2019, 11:55 | |
| "Pensez à ce qui est en haut, et non pas à ce qui est sur la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, se manifestera, alors vous aussi vous vous manifesterez avec lui, dans la gloire." (3,2-3)
A-t-on déjà analysé cette idée d'avoir sa vie caché avec le Christ en Dieu ?
Régénéré par le baptême, le chrétien a trouvé accès à une vie nouvelle dont il vit effectivement, mais qui reste cachée. « Notre vie est cachée avec le Christ en Dieu » (Col., 3,3). En attendant, le chrétien est invité à souffrir avec le Christ, cette compassion étant un aspect caractéristique d'une vie en union avec Jésus-Christ. C'est dire aussi que la mort et la résurrection doivent être vécues tous les jours. Ce qui est acquis sacramentellement doit être vécu sans cesse comme « imitation », doit nous pousser à modeler notre existence sur celle de Jésus. https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1977_num_51_1_2784
Ces deux versets motivent l’exhortation qui précède. Si le chrétien est mort, (verset 1, note) il a une autre vie, véritable, spirituelle, impérissable, qui est la vie de Christ en lui (verset 4). Cette vie est cachée avec Christ en Dieu ; le monde ne la voit point (comparer 1 Pierre 3.4 « l’homme caché du cœur »). De même que Christ, après avoir achevé son œuvre ici-bas, s’est soustrait aux yeux de la chair, et vit d’une vie céleste et divine dans le sein de Dieu, de même le chrétien, dont Christ est la vie, a part, dès maintenant, par une communion vivante avec lui, à cette existence céleste, quoiqu’il accomplisse encore sa tâche au milieu des combats et des misères de ce monde. https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Colossiens-3.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 10 Déc 2019, 00:09 | |
| La formulation de Colossiens est unique, malgré ce que l'épître aux Ephésiens en retiendra (p. ex. "être [déjà] ressuscités et assis avec / en Christ dans les lieux célestes", 2,6; cf., pour une tout autre théologie, l'équivalence entre le Père qui est "aux cieux" et "dans le secret" en Matthieu 6). Mais elle renvoie à une thématique beaucoup plus large du "caché" et du "révélé" (cf. p. ex. ici, là ou là). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 10 Déc 2019, 09:59 | |
| Il me semble que l'épître aux Colossiens conçoit Dieu comme un mystère tenu caché mais qui se révèle à partir de la personne du Christ : "Car c'est en lui qu'habite corporellement toute la plénitude de la divinité" (2,9). La grâce de Dieu devient présente, elle est, non seulement "entendue" mais elle aussi "connue" (1,6). L'épître aux Colossiens établit une distinction entre une période d'ignorance caractérisée par un mystère caché et un instant de révélation permise par Christ, en faveur des croyants : "ce mystère qui a été caché de tout temps et à toutes les générations, mais qui s'est maintenant manifesté à ses saints" (1,26).
Cette révélation possède génère un plus pour les croyants : "à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est, parmi les non-Juifs, la glorieuse richesse de ce mystère : le Christ en vous, l'espérance de la gloire." (1,27)
Le mystère de Dieu, c'est le Christ (2,2) mais la révélation de ce mystère reste énigmatique, puisqu'il est question du "Christ en vous". |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 10 Déc 2019, 20:22 | |
| Ces "parallèles" internes à l'épître sont tout à fait pertinents, puisqu'en 1,26s on a sensiblement le même jeu de "cacher" / "manifester" ( apo-kruptô / phaneroô) qu'en 3,3s ( kruptô / phaneroô); et en 2,2s quelque chose de très semblable, puisqu'il s'agit de l'intelligence et de la (re-)connaissance ( sunesis, epi-gnôsis) du "mystère" nommé "Christ en vous", en qu(o)i restent cependant cachés ( apokruphoi, d'où "apocryphe", de apo-kruptô, v. 3) les "trésors de sagesse et de connaissance". Que le sujet soit "Dieu", la "divinité", la "plénitude" ( plèrôma), le "mystère", "Christ en vous" ou "vous en Christ", c'est la même chose, la même dynamique paradoxale d'une même révélation qui ne révèle que ce qu'elle cache -- et inversement (cf. ici 3.12.2019 etc.). On a souvent tendance à opposer "mystère" et "gnose", mais il faut remarquer que le langage du "mystère" en Colossiens est tout à fait "gnostico-compatible" -- à telle enseigne que c'est surtout la gnose du IIe siècle qui le développera, en particulier le concept de "plérôme" plutôt délaissé, sinon complètement rejeté, par l'orthodoxie (proto-catholique); cela reste aussi largement vrai de l'épître aux Ephésiens, qui conserve l'essentiel de ce vocabulaire tout en lui donnant un tour nettement plus "ecclésiastique", mais pas (encore) anti-gnostique pour autant (cf. p. ex. 1,9ss; 3,3ss; 5,32; 6,19). |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Ven 13 Déc 2019, 17:47 | |
| - Narkissos a écrit:
- On a souvent tendance à opposer "mystère" et "gnose", mais il faut remarquer que le langage du "mystère" en Colossiens est tout à fait "gnostico-compatible" -- à telle enseigne que c'est surtout la gnose du IIe siècle qui le développera, en particulier le concept de "plérôme" plutôt délaissé, sinon complètement rejeté, par l'orthodoxie (proto-catholique); cela reste aussi largement vrai de l'épître aux Ephésiens, qui conserve l'essentiel de ce vocabulaire tout en lui donnant un tour nettement plus "ecclésiastique", mais pas (encore) anti-gnostique pour autant (cf. p. ex. 1,9ss; 3,3ss; 5,32; 6,19).
Peux-tu rappeler, Narkissos, à quoi correspond le terme "plérôme" ? Merci et bonne soirée |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Ven 13 Déc 2019, 19:08 | |
| Désolé d'avoir été si allusif: le mot plèrôma et le concept de "plérôme" ont été assez souvent évoqués sur ce forum, et du paragraphe précédent on pouvait (ou non !) déduire qu'il s'agissait du terme habituellement traduit par "plénitude" dans un certain nombre de textes, en l'occurrence de l'épître aux Colossiens; mais ce n'est manifestement pas suffisant.
Plèrôma est en soi un mot plutôt banal, substantif "concret" (en -ma) dérivé du verbe très courant plèroô = remplir, accomplir, etc., et qui à ce titre peut désigner aussi bien le "contenant" rempli ou à remplir que le "contenu" qui le remplit, le "complément" qui comble un manque, et ainsi de suite (cf. notamment la "pièce" du vêtement en Marc 2,21//Matthieu 9,16, qui paraîtrait banale si le mot ne revenait pas en 8,20, et seulement chez Marc cette fois, pour les "paniers pleins" de la "multiplication des pains"). Son usage ne devient que progressivement "technique", "spécialisé" et "théologique": c'est d'abord une simple traduction (LXX) de l'hébreu (ml') pour "ce qui remplit" la terre en 1 Corinthiens 10,26.28; c'est déjà un mot-clé de l'argumentation de l'épître aux Romains, qu'il s'agisse de la "plénitude = totalité des nations = non-juifs" en 11,12.25, de la "plénitude = accomplissement de la loi" en 13,10, ou de la "plénitude de la bénédiction de l'évangile du Christ" en 15,29; un peu plus loin (à mon avis) dans la même ligne, c'est la "plénitude du temps (khronos)" en Galates 4,4 (cf. Marc 1,15//, avec le verbe plèroô et le sujet kairos); mais c'est surtout dans le Prologue de Jean (1,16) et dans les "deutéro-pauliniennes" (Colossiens 1,19; 2,9s; Ephésiens 1,10.23; 3,19; 4,13) que le terme s'autonomise en se rapportant à la divinité même, voire en devenant, dans son emploi absolu (sans complément de nom), pratiquement synonyme de celle-ci -- mais en la qualifiant dès lors comme un processus en voie d'"accomplissement" ou en quête de "plénitude", et par là-même marqué au moins provisoirement par le manque, l'incomplétude, l'imperfection, la division ou la soustraction indissociables de ce "devenir-complet" (tout en tous ou en tout, etc.).
L'usage "gnostique" ultérieur du terme est lui-même assez diversifié, celui-ci n'en est pas moins globalement caractéristique de la "gnose" (les Pastorales anti-gnostiques l'évitent symptomatiquement, les Pères apologètes, depuis Irénée, critiquent ouvertement ses emplois "gnostiques"). Et quand il l'est le plus nettement (caractéristique de la gnose), c'est la "plénitude" de la divinité reconstituée par la réintégration spirituelle des "élus", tombés par une création malencontreuse dans le "monde" matériel; réintégration qui est aussi pour ceux-ci un "accomplissement" par retour à l'origine d'"avant la fondation (ou le jeter) du monde". Au fond, l'idée gnostique fondamentale, c'est peut-être que l'histoire de "Dieu" (ou de la supra-divinité ineffable, le Père) est inséparable de la nôtre, que "Dieu" n'est pas "complet" sans "nous" -- ou sans une partie ou une dimension décisive de "nous" qui est précisément "divine", ou "supra-divine", et de l'ordre de la "connaissance" (gnôsis, noûs, pneuma, sophia, etc.).
Je ne sais pas si c'est beaucoup plus clair mais on peut toujours y revenir. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Sam 14 Déc 2019, 21:53 | |
| - Narkissos a écrit:
- L'usage "gnostique" ultérieur du terme est lui-même assez diversifié, celui-ci n'en est pas moins globalement caractéristique de la "gnose" (les Pastorales anti-gnostiques l'évitent symptomatiquement, les Pères apologètes, depuis Irénée, le critiquent ouvertement). Et quand il l'est le plus nettement (caractéristique), c'est la "plénitude" de la divinité reconstituée par la réintégration spirituelle des élus tombés par une création malencontreuse dans le "monde" matériel, ce qui est aussi pour ceux-ci un "accomplissement" par retour à l'origine d'"avant la fondation (ou le jeter) du monde". Au fond, l'idée gnostique fondamentale, c'est peut-être que l'histoire de "Dieu" (ou de la supra-divinité ineffable, le Père) est inséparable de la nôtre, que "Dieu" n'est pas "complet" sans "nous" -- ou sans une partie ou une dimension décisive de "nous" qui est précisément "divine", ou "supra-divine", et de l'ordre de la "connaissance" (gnôsis).
Merci Narkissos pour ta réponse complète et relativement brève. J'ai compris (enfin) ce que les gnostiques croyaient. Cela me parait assez solide et pas plus particulier que les autres formes de pratiques et croyances chrétiennes. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Dim 15 Déc 2019, 15:38 | |
| Le principal risque de contresens à mon avis, avec la pensée et les textes gnostiques, c'est précisément de les interpréter comme un système de croyance(s) -- ce que pourtant ils ont sans doute été pour un certain nombre d'adeptes et plus encore pour leurs détracteurs, non seulement chrétiens (comme les auteurs des Pastorales ou les Pères "orthodoxes") mais aussi "païens" (comme Plotin, qui au IIIe siècle ignore encore superbement le christianisme "orthodoxe" mais consacre une bonne partie de ses Ennéades aux doctrines gnostiques). Les énoncés "gnostiques", surtout d'allure "mythologique" et spécialement "cosmogonique" et "sotériologique" (généalogie des "éons", récits de la "création-chute", scénarios du "sauveur" et du "salut", etc.), varient et se contredisent allègrement entre eux: c'est bien ce que leur reprochent en particulier les Pères qui les prennent "au pied de la lettre", comme des concurrents de leurs propres "confessions de foi" -- alors que pour le "gnostique" ou le "spirituel" ("pneumatique") ce sont plutôt des exercices de pensée où la différence ne nuit pas, bien au contraire, s'il s'agit non pas de "savoir des choses" comme des "vérités" (ou, pire encore en langage "moderne", des "faits objectifs", "historiques" ou "futurs"), mais de construire une certaine conscience de soi et, partant, des "autres" et du "monde". Le concept de "plérôme" (qui en soi ne dit rien de plus que le "tout-en-tout" de la cosmologie stoïcienne ou de l'eschatologie paulinienne) serait sans doute un des plus "élevés" dans un système de croyance; il ne peut cependant pas être le plus "élevé" dans une pensée de l'origine et de la fin, pour autant qu'il présuppose, rien que pour être pensé, tous ses "contraires": vide, manque, perte, aliénation et altérité, multiplicité et division, retranchement et addition, différence et devenir. Tout comme l'"Un" ne peut être pensé que par opposition à du "multiple", le "Bien" à du "mal", le "Divin" à un "non-divin", le "Père" à des "fils" ou à des "enfants", le "Verbe" ou logos à un "silence", l'"Être" à du "non-être" ou du "néant". Le fond des choses est en-deçà du langage, c'est-à-dire, du point de vue du langage, entièrement négatif: la gnose, comme ce qui reste de "gnostique" dans la théologie orthodoxe et qui en constitue le plus profond, ou le plus abyssal, a au moins l' intuition de cela qui n'en finira plus de ressortir chez les "mystiques" de l'histoire de l'Eglise. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Dim 15 Déc 2019, 17:00 | |
| Voici ce que j'ai trouvé dans Wikipédia :
Le Plérôme, réunion de toutes les entités, ressemble au monde intelligible qui contient les prototypes du réel. Quand on lit le témoignage du Pseudo-Hippolyte de Rome, le Plérôme de Valentin comprend 34 éons (Père et Jésus compris), ou 33 (sans Sigè), ou 28 (Père/Silence, Intellect/Vérité, Logos/Vie, + 10 émanés d'Intellect/Vérité + 12 émanés de Logos/Vie) ou 30 (si l'on écarte Sigè et Sophia des éons intérieurs, et, comme éons extérieurs, Stauros-Horos, Jésus ; ou si l'on groupe 28 + Christ/Esprit-Saint).
"Ici surgit entre les Valentiniens un grave désaccord : les uns... pensent que le Père n'a comme compagne aucun principe féminin, mais qu'il est seul ; les autres... se croient obligés d'associer au Père même de l'univers, pour qu'il devienne père, une épouse, Sigè (le Silence)... Le Père, seul comme il était, émit donc lui-même et engendra l'Intellect et la Vérité, c'est-à-dire une dyade, qui devint la souveraine, le principe et la mère de tous les Éons que les Valentiniens comptent à l'intérieur du Plérôme. L'Intellect, émis en même temps que la Vérité par le Père, fils fécond d'un père fécond, émit à son tour le Logos et la Vie, imitant ainsi le Père. Le Logos et la Vie émettent l'Homme et l'Église. L'Intellect et la Vérité... firent l'offrande d'un nombre parfait, de dix Éons... Il y a dix éons qui procèdent de l'Intellect et de la Vérité et douze qui procèdent du Logos et de la Vie. Cela fait en tout vingt-huit éons. Voici les noms que les Valentiniens donnent aux dix éons : Bythos (fond, abîme) et Mixis (mélange), Agératos (exempt de vieillesse) et Hénosis (réduction à l'unité), Autophyès (qui naît de soi-même) et Hédoné (plaisir), Acinétos (non mû) et Syncrasis (mélange), Monogénès (engendré seul) et Macaria (bienheuse)... Quant aux douze éons, ils procèdent selon les uns de l'Homme et de l'Église, suivant les autres du Logos et de la Vie. Ils les gratifient des noms suivants : Paraclétos (avocat) et Pistis (foi), Patricos (paternel) et Elpis (espérance), Métricos (maternel) et Agapé (amour), Aeinous (intarissable) et Synésis (compréhension), Ecclesiasticos (faisant partie de l'Église et Macaristé (bienheureuse), Thélétos (voulu) et Sophia (habileté, sagesse). Le douzième des douze éons et le dernier de l'ensemble des vingt-huit éons, du sexe féminin et appelé Sophia (habileté, sagesse), remarqua la multitude et la puissance des éons... Elle pleurait et se lamentait pour avoir enfanté un avorton, suivant l'expression des Valentiniens... L'Intellect et la Vérité émirent Christ et l'Esprit-saint pour donner à l'avorton forme et organisation, consoler Sophia et apaiser ses gémissement. Il y eut désormais trente éons, en comptant Christ et le Saint-Esprit... Pour dérober entièrement à la vue des éons parfaits la laideur de l'avorton, le Père émet lui-même un nouvel et unique éon, Stauros (le pieu, la palissade) (qui) devient la limite du plérôme et renferme à l'intérieur de lui-même tous les trente éons ensemble ; ce sont ceux qui ont été émis. Cet éon est appelé Horos (limite), parce qu'il sépare du plérôme ce qui a été laissé en dehors... Les trente éons résolurent donc à l'unanimité d'émettre un unique éon, fruit commun du plérôme... : Jésus, car c'est son nom, le grand souverain pontife."5. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Dim 15 Déc 2019, 18:28 | |
| Wikipedia (francophone) (ré-)cite encore des bouquins des années 1930 et les Pères de l'Eglise (qui, naturellement hostiles à la gnose, tendent à la caricaturer même lorsqu'ils tentent d'en rendre compte aussi honnêtement que possible) alors que la majeure partie des textes gnostiques aujourd'hui disponibles n'ont été redécouverts (notamment à Nag Hammadi) que dans la seconde moitié des années 1940, et publiés, traduits et étudiés encore plus tard...
Voir plutôt ici (en anglais) et là pour les traductions françaises disponibles en ligne -- comme la recherche interne à ce dernier site n'a pas l'air de fonctionner, on peut chercher directement dans les documents où plèrôma est tantôt transcrit "plérôme", tantôt traduit "plénitude": on constatera assez vite que, d'un texte à l'autre et parfois à l'intérieur d'un même texte, le mot peut être pris dans un sens quasi "technique", absolu ou fortement déterminé OU BIEN selon l'usage courant et relatif, comme plénitude ou totalité de ceci ou de cela; c'est un peu ce qui arrive au mot logos dans les textes plus ou moins marqués par la philosophie platonicienne ou stoïcienne ou la théologie johannique: l'usage spécialisé coexiste avec l'usage ordinaire, ce qui suggère que le mot n'a pas (encore) été capté et accaparé par un dogme unique, univoque et exclusif. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Lun 16 Déc 2019, 12:58 | |
| Pour les Colossiens l'acquisition de la connaissance s'effectue en 2 temps, une connaissance présente qui produit une rupture avec le passé :
"Cette bonne nouvelle est parvenue chez vous, tout comme elle porte du fruit et croît dans le monde entier ; il en est de même chez vous, depuis le jour où vous avez entendu et connu la grâce de Dieu en vérité" (1,6)
" si vraiment vous demeurez, dans la foi, fondés et fermement établis, sans vous laisser emporter loin de l'espérance de la bonne nouvelle que vous avez entendue, qui a été proclamée à toute création sous le ciel et dont moi, Paul, je suis devenu ministre."(1,23)
ET, ce savoir présent est base pour une connaissance future et plus complète, une plénitude de la connaissance :
"C'est pourquoi, nous aussi, depuis le jour où nous l'avons appris, nous ne cessons de prier Dieu pour vous et de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour que vous vous comportiez d'une manière digne du Seigneur, afin de lui plaire à tous points de vue, que vous portiez du fruit par toutes sortes d'œuvres bonnes, que vous croissiez dans la connaissance de Dieu" (1,9-10)
"C'est lui que nous annonçons, en avertissant tout être humain et en instruisant tout être humain en toute sagesse, afin de porter tout être humain à son accomplissement dans le Christ." (1,28)
Notes : Colossiens 1:28 Cf. 3.16. – porter… : litt. faire paraître (comme au v. 22) tout être humain (ou tout homme) accompli (ou parfait, adulte) : cf. 4.12 ; terme apparenté en 3.14 ; cf. 1Co 2.6 ; Ep 4.13n ; voir aussi Mt 5.48 ; Rm 12.2 ; Jc 1.4,25 ; 3.2. https://lire.la-bible.net/verset/Colossiens/1/28/NBS |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Lun 16 Déc 2019, 22:40 | |
| Dans le lexique (français) de l'"accomplissement" se croisent, par nécessité de traduction, (au moins) deux familles de termes, de concepts et d'images assez nettement distinctes en grec: 1) "remplir" (plèrôma, plèroô, pimplèmi etc.) dont on vient de parler (c'est encore plèroô pour "remplir" en Colossiens 1,9) et 2) "achever" (parachever, parfaire, perfection, etc., de teleioô, teleios, teleiotès etc.; ainsi 1,28), où domine l'idée de rapport à une "fin" (telos; cf. téléologie, entéléchie etc.), au double sens du terme, c'est le cas de le dire (fin = terme ET/OU but, objectif, etc.) -- comme l'état d'adulte ou de maturité est (doublement) une "fin" par rapport à l'enfance et à la croissance, et ainsi de suite.
Au-delà de ces considérations linguistiques, l'oscillation entre le "déjà" et le "pas encore" (dans un sens vous avez ou vous êtes déjà ce que dans un autre sens vous n'avez ou n'êtes pas encore, et inversement), le passé-présent de l'indicatif indiquant un "acquis" et le présent-futur ou l'impératif de la promesse ou de l'exhortation, traverse à peu près toutes les rhétoriques du NT -- depuis le premier paulinisme de la correspondance corinthienne (p. ex. vous êtes [devenus] >< vous serez / soyez saints, etc.). |
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 17 Déc 2019, 10:30 | |
| Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie au moyen d'une philosophie trompeuse et vide, selon la tradition des humains, selon les éléments du monde, et non pas selon le Christ. Car c'est en lui qu'habite corporellement toute la plénitude de la divinité, et vous êtes comblés en lui, qui est la tête de tout principat et de toute autorité. En lui vous avez aussi été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite par des mains humaines : par le dépouillement du corps de la chair, par la circoncision du Christ. Ensevelis avec lui par le baptême, vous vous êtes aussi réveillés ensemble en lui, par la foi de l'action de Dieu qui l'a réveillé d'entre les morts. Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et par l'incirconcision de votre chair, il vous a rendus vivants avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos fautes ; il a effacé l'acte rédigé contre nous en vertu des prescriptions légales, acte qui nous était contraire ; il l'a enlevé en le clouant à la croix ; il a dépouillé les principats et les autorités, et il les a publiquement livrés en spectacle, en les entraînant dans son triomphe." - Col 2,8ss
Pour Col, la primauté et la gloire du Christ sont condition de la plénitude des croyants, ainsi les croyants n’ont dès lors pas à être enlevés en la demeure céleste pour y entendre la révélation du mystère divin. Col, insiste beaucoup sur la primauté du Christ, ("afin d'être en tout le premier" - 1,18), il est le premier-né d’entre les morts (1,18), et il est tout en tous (Col 3,11), Seule la médiation du Christ peut amener la réconciliation universelle (1,20), la médiation des êtres célestes est inutile. Le texte établit-il un lien entre "l'acte rédigé contre nous" et le dépouillement des autorités célestes ?
Je dois avouer que je trouve ce texte encore plus mystérieux que le mystère divin. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 17 Déc 2019, 11:18 | |
| En 2,10 "vous êtes comblés" (peplèrômenoi, de plèroô au participe parfait passif, qui connote un "acquis"), fait évidemment écho au plèrôma ("plénitude") du v. 9.
Même si l'"acte" (kheiro-graphon, exactement "manu-scrit") du v. 14 n'est pas expressément identifié à la loi (l'image pourrait être aussi celle d'un acte d'accusation ou de condamnation, d'un contrat ou d'une reconnaissance de dette, et tout cela peut aussi bien s'y combiner), son association aux "prescriptions légales" (dogmata, où l'on reconnaîtra notre mot "dogme") montre assez clairement que c'est bien elle qui est visée (cf. la "réécriture" d'Ephésiens 2,15) -- la loi juive comme paradigme de la loi en général (nomos), comme c'est déjà le cas dans l'épître aux Romains; mais ici, comme dans Galates, loi nettement distinguée de "Dieu" et associée aux puissances cosmiques (cf. les "anges" dans Galates) régissant l'ordre du "monde" matériel (voir la suite). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 17 Déc 2019, 11:40 | |
| "Dès lors, que personne ne vous juge à propos de ce que vous mangez ou buvez, pour une question de fête, de nouvelle lune ou de sabbat : tout cela n'est qu'une ombre de ce qui est à venir, mais la réalité, c'est le corps du Christ. Ne vous laissez pas frustrer par les gens qui se complaisent dans « l'humilité » et le « culte des anges » au gré de leurs visions ; ils sont gonflés de vanité par la pensée de leur chair, et ils ne s'attachent pas à la tête par laquelle tout le corps, bien uni grâce aux jointures et aux articulations qui le desservent, grandit d'une croissance qui vient de Dieu." (2, 16-19)
La note en bas de page de la NBS indique que le terme « l'humilité » "a probablement ici le sens de dévotion, voire de mortification". peut-être un ascétisme et des rites purifications en vue de visions et révélations célestes, ce qui aurait détourné l'attention des croyants du Christ, seul moyen de parvenir à la plénitude du divin.
au gré de leurs visions : litt. ce qu’il a vu en entrant (dans le sanctuaire ?) ; la formulation rappelle peut-être une expression consacrée dans les cultes à mystères qui, depuis l’Orient, s’étaient répandus dans tout l’Empire romain ; son emploi ici pourrait évoquer la participation au culte que les anges rendent à Dieu, dans le cadre d’une vision apocalyptique ; certains mss ajoutent une négation : se fiant à ce qu’il n’a pas vu. https://lire.la-bible.net/verset/Colossiens/2/18/NBS |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 17 Déc 2019, 13:54 | |
| Le caractère péjoratif de l'"humilité" est ici imposé par le contexte immédiat (de même au v. 23); c'est pourtant bien le même mot (tapeinophrosunè) qui représente ailleurs (pas plus loin qu'en 3,12 !) une "vertu" typiquement "chrétienne"...
Pour rappel, l'image de la "tête" (kephalè) et du "corps" (sôma), différente de celles de 1 Corinthiens (au chap. 11 le Christ-tête est rapporté à l'homme comme celui-ci à la femme, non à l'Eglise; au chap. 12 l'Eglise-corps est tout entière identifiée au "Christ", non une "tête" distincte) n'est que superficiellement rattachée à l'Eglise en Colossiens, par les gloses ostensiblement ajoutées à l'hymne cosmologique de 1,15ss (v. 18, le corps "c'est-à-dire l'Eglise"); d'où le fait qu'en 2,10 le Christ soit dit la tête, non de l'Eglise, mais de l'ensemble des puissances cosmiques -- selon le sens original probable de l'hymne, sans les gloses... |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 17 Déc 2019, 14:38 | |
| - Citation :
- Pour rappel, l'image de la "tête" (kephalè) et du "corps" (sôma), différente de celles de 1 Corinthiens (au chap. 11 le Christ-tête est rapporté à l'homme comme celui-ci à la femme, non à l'Eglise; au chap. 12 l'Eglise-corps est tout entière identifiée au "Christ", non une "tête" distincte) n'est que superficiellement rattachée à l'Eglise en Colossiens, par les gloses ostensiblement ajoutées à l'hymne cosmologique de 1,15ss (v. 18, le corps "c'est-à-dire l'Eglise"); d'où le fait qu'en 2,10 le Christ soit dit la tête, non de l'Eglise, mais de l'ensemble des puissances cosmiques -- selon le sens original probable de l'hymne, sans les gloses...
Le lexeme «tête» ne fait pas référence à celui de «corps» ; une occurrence: [Saints de Colosses], vous vous trouvez pleinement comblés en celui qui est le chef de toute Autorité et de tout Pouvoir (Col 2,10). 1) Pour éviter de laisser entendre que les êtres créés de l'univers spirituel invisible forment un corps dont le Christ serait la tête, la TOB a traduit le mot grec képhalè (litt. «tête») par «chef» qui est l'un de ses sens dérivés. Le syntagme figé «à la tête de» conviendrait tout aussi bien, vu qu'il n'implique aucune référence à «corps». https://www.erudit.org/en/journals/ltp/1992-v48-n1-ltp2142/400659ar.pdf"Ensevelis avec lui par le baptême, vous vous êtes aussi réveillés ensemble en lui, par la foi de l'action de Dieu qui l'a réveillé d'entre les morts." (2,12) Jusqu’à présent, nous avons constaté l’insistance que met Paul sur la préséance absolue du Christ, qui est au dessus de tout et domine tout. On pourrait alors se demander si son élévation même ne l’éloigne pas des baptisés. Or il n’en est rien, déclare Paul à ses lecteurs: «ensevelis avec lui dans le baptême, c’est aussi avec lui que vous êtes ressuscités par la foi en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts» (Col 2,12; voir aussi 3,1). Si, de fait, les baptisés sont ressuscités avec lui, ils ne sauraient être séparés ni éloignés de lui; ils sont déjà avec lui au ciel. Col 3,1 peut en conséquence demander aux croyants de «chercher les choses d’en haut»; non qu’ils devraient contempler le Christ comme s’ils étaient très en dessous de lui : étant ressuscités avec lui, étant avec lui, ils doivent regarder les réalités du lieu où ils demeurent avec le Christ, c’est-à-dire aux cieux. Les croyants ne pouvaient désirer une union plus forte. Mais la (nouvelle) formulation de Col et Ep n’est pas sans problèmes, car, c’est la première fois que l’apôtre parle de la résurrection des croyants comme d’un état déjà obtenu. Si, en Rm 6,4-8 par ex., la résurrection était pour la fin des temps, elle est ici décrite comme un état déjà acquis, comme un effet du baptême. Certes Paul ne dit pas que les croyants ont déjà le corps glorieux que la résurrection leur assurera à la fin des temps. Cet emploi figuré – dérivé du premier – dissocie ce que les protopauliniennes maintenaient ensemble, à savoir la vie ressuscitée et la gloire avec Christ. De fait, en Rm 6,1-14; Rm 8, et 1Co 15, la résurrection finale implique une totale transformation du corps terrestre – sa glorification –, puisque, par elle, les croyants irradieront la gloire divine, avec et comme le Ressuscité, leur gloire étant la sienne, indissociablement. Mais Col 2,12-13 et 3,1-4 font une distinction entre le déjà là de l’être-ressuscité avec Christ – que les protopauliniennes appellent la vie nouvelle et transformée du baptisé –, et la manifestation finale où les croyants seront dans la gloire avec leur sauveur (Col 3,4). [url=http://www.theologica.fr/!_TheologieDogmatique/CHRISTOLOGIE/La chrsitologie de l%27%C3%A9p%C3%AEtre aux Colossiones.pdf][url=http://www.theologica.fr/!_TheologieDogmatique/CHRISTOLOGIE/La chrsitologie de l%27%C3%A9p%C3%AEtre aux Colossiones.pdf[/url]]http://www.theologica.fr/!_TheologieDogmatique/CHRISTOLOGIE/La%20chrsitologie%20de%20l%27%C3%A9p%C3%AEtre%20aux%20Colossiones.pdf[/url][/url] |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mar 17 Déc 2019, 18:28 | |
| Aletti a raison d'insister sur la dimension cosmologique de la théologie (christologie, sotériologie) de l'épître aux Colossiens. Cette dimension n'est certes pas tout à fait absente du paulinisme antérieur, mais elle y est circonscrite, soit à la "victoire" paradoxale de la croix sur les puissances cosmiques (1 Corinthiens 2,6ss), soit à l'horizon eschatologique (1 Corinthiens 15 et surtout Romains 8 ). Là, elle est d'emblée posée par l'hymne initial(e) (Colossiens 1,15ss) qui fait bien du Christ la "tête" du kosmos depuis la création de celui-ci -- nonobstant les gloses "ecclésiastiques" qui réduisent artificiellement et péremptoirement son "corps" à l'"Eglise". Le rapport de l'Eglise au monde, ou aux puissances cosmiques, ne sera pensé plus avant -- ou du moins esquissé -- que dans la reprise "aux Ephésiens" (cf. notamment 3,9ss).
Comme on l'a déjà remarqué, tout cela se dit sur le mode du "mystère" et par son jeu de "caché-révélé", à ce stade parfaitement compatible avec une pensée de type (proto-)gnostique. Le rejet du "monde" ou l'indifférence au "monde" (kosmos) associés ordinairement à la gnose témoignent, soit d'un durcissement ultérieur, soit et plus souvent d'une incompréhension (traditionnelle et moderne) de la logique (ou dialectique) "gnostique" en général. Dans l'évangile selon Jean, les énoncés négatifs sur le "monde" s'accordent en définitive avec un Prologue qui fait découler tout être du logos dieu, vie et lumière, tout comme l'hymne de Colossiens 1 du "Fils" -- non seulement en découler mais y demeurer en quelque sorte englobé ou enveloppé; non seulement "de lui" ou "par lui" mais "en lui" et "pour lui". Il y a un moment de rejet et un moment d'assomption du "monde", "moments logiques" qui ne sont pas forcément à comprendre comme des "temps" successifs dans un scénario historico-eschatologique ou mythique, bien qu'ils ne puissent guère se penser et surtout s'exposer autrement.
---
Retour sur le paragraphe précédent: les énoncés cosmologiques sont évidemment problématiques pour nous qui n'habitons plus le même "cosmos". Des cieux et des enfers étagés au-dessus et au-dessous d'une terre-surface centrale, habités et gouvernés par toutes sortes de "puissances", à l'univers de l'astronomie moderne (même très vulgarisée par l'éducation publique et la culture générale) où ni la planète dite Terre, ni l'étoile dite Soleil, ni la galaxie dite Voie Lactée ne représentent plus le "centre" de rien, il y a un ou des mondes, et plus de "monde" du tout... Notre univers mental est cependant toujours "centré", plus que jamais peut-être (égo-, éco-, ethno-, socio-, psycho-, techno-, culturo- et spécio-centré), mais d'un centrage "subjectif" totalement déconnecté de toute représentation "cosmique". Traduire les "puissances" des cosmologies néotestamentaires en termes de "forces" et de "structures" socio-politiques, comme cela s'est beaucoup fait dans la seconde moitié du siècle dernier, est une façon de récupérer une partie de leur "sens", tout en y perdant l'essentiel, c'est-à-dire précisément le rapport au "cosmos" ou au "tout" dont nous ne pouvons peut-être rien dire de significatif mais qu'il nous faut pourtant penser, si nous devons penser. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mer 18 Déc 2019, 09:50 | |
| "En lui vous avez aussi été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite par des mains humaines : par le dépouillement du corps de la chair, par la circoncision du Christ." (2,11)
Comment comprendre le verset 11b, qui parle du « dépouillement du corps charnel, par la circoncision du Christ » ? Les commentateurs se partagent surtout entre deux positions : Paul parlerait, soit de ce qui arrive au croyant – en venant à la foi, ce dernier rejette la vie de péché qui a été la sienne jusqu’alors –, soit de ce que le Christ a fait à la croix et qui est appliqué, à présent, aux chrétiens. Suivant cette seconde interprétation, « la circoncision du Christ » ne se référerait pas à notre action ou à notre foi, mais à l’œuvre du Christ que nous recevons dans notre union avec lui. C’est la position de la plupart des commentateurs. Quelle que soit l’interprétation retenue, il faut souligner que le sens de la circoncision – le dépouillement de la chair (conçue comme siège du péché), dépouillement que représente la circoncision physique – est ici relié au baptême. Pour être plus précis encore, la clause participiale du verset 12 indique le moyen par lequel l’action du verbe principal se réalise : « Vous avez été circoncis […] en étant ensevelis avec lui par le baptême. » http://larevuereformee.net/articlerr/n277/en-christ-vous-avez-ete-circoncis-bapteme-et-circoncision-en-colossiens-2 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mer 18 Déc 2019, 10:36 | |
| Indépendamment des enjeux confessionnels (interminable guéguerre, intra-protestante et intra-évangélique en l'occurrence, autour du baptême des enfants), Cobb me semble avoir très bien compris et exposé le texte. On pousserait à peine plus loin sa logique en remarquant qu'à la lettre, ce passage relativise autant l'importance du "baptême chrétien", en tant qu'acte rituel, individuel, familial ou communautaire, lui aussi "fait par des mains humaines" (kheiro-poièton), que celle de la "circoncision juive", puisque les deux sont accomplis ensemble et l'une par l'autre dans le Christ mystère qui ne relève d'aucune "décision" ou "acte" humain et particulier... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mer 18 Déc 2019, 12:51 | |
| "il vous a maintenant réconciliés, par la mort, dans son corps de chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche" (1,22) NBS
"que maintenant Dieu vous a réconciliés grâce au corps périssable de son Fils, par sa mort, pour vous faire paraître devant lui saints, irréprochables, inattaquables" (1,22) TOB
La traduction de ce texte me semble sensiblement différente et n'implique pas le même sens ("dans" et "grâce"). La NBS me parait exprime l'idée de "réintégration" dans le corps du Christ ("dans"), alors que la TOB fait du corps du Christ un moyen qui permet la réconciliation. Est-ce au moment précis de la mort du Christ que les croyants ont réintégré le corps du Christ ? Le v27 opère un renversement, "le Christ en vous" (des échos johanniques ?),
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mer 18 Déc 2019, 13:19 | |
| Question d'appréciation linguistique: tout dépend dans quelle mesure on estime le grec "biblique" en général et celui de tel ou tel texte en particulier "contaminé" par des hébraïsmes; en hébreu, une même préposition (b[e]) "signifie" couramment (= se traduit en français) "dans" et "par", alors qu'en grec il y a une riche palette de prépositions qui distingue en principe les relations, dont en pour "dans" (au sens de l'inclusion statique, sans mouvement) et dia pour "par" (notamment au sens du moyen); on peut toujours imaginer qu'un auteur écrit en pour "par", mais en ce qui me concerne je préfère nettement la "correspondance formelle" (en -> "dans" ou "en"); surtout dans les textes "théoriques", surtout quand ceux-ci jouent abondamment des différences prépositionnelles du grec (de x, en x, par x, pour x), surtout quand ils le font de façon ostensiblement paradoxale (x en y ET y en x, dans les deutéropauliniennes comme dans les textes johanniques en effet, c'est un paradoxe, ça ne va pas de soi, mais ça devient une tautologie redondante quand on le traduit autrement -- comme la TMN et son "en union avec").
Dans la mesure où "le Christ" est pensé comme "mystère", passé-présent-futur ET éternel (ça non plus ce n'est pas une tautologie, même si ça y ressemble), le "moment précis de la mort du Christ" n'a strictement aucun sens chronologique (ni "historique", ni "narratif"): il y a une continuité évidente entre le "corps de chair" du v. 22 et le "corps" pour lequel l'apôtre continue de souffrir dans sa "chair" (v. 24, avec ou sans l'explicitation "c'est-à-dire l'Eglise", comme au v. 18)... |
| | | free
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mer 18 Déc 2019, 13:57 | |
| Suffisamment appuyé, à notre avis, le choix du sujet Dieu fait apparaître l'acteur Christ dans le rôle actantiel d'Adjuvant, moyen par et à travers lequel Dieu a donné la vie aux Colossiens. Ce qui s'exprime sur la composante discursive par la figurativisation du Christ comme lieu topique du salut, à l'aide d'une abondance étonnante de figures d'ordre spatial qui vont de l'englobant universel à un corps en croix. En lui, en son corps, habite la plénitude de la divinité, en lui vous êtes comblés, en lui vous avez été circoncis, dans la circoncision du Christ, avec lui vous avez été ensevelis dans le baptême dans lequel, avec lui vous avez été ressuscites (et non par lui), avec lui Dieu vous fit-vivre-avec, il triomphera des Principautés et Puissances en elle (la croix) ou en lui (le Christ). https://www.erudit.org/en/journals/ltp/1900-v1-n1-ltp2142/400658ar.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Mer 18 Déc 2019, 23:42 | |
| CharabiaMétalangage sémiotique à part, je suis tout à fait d'accord pour conserver au en sa valeur "spatiale" ou "locale" essentielle ("dans"), sans préjudice d'ailleurs des autres relations logiques (moyen, agent, etc.) qu'elle peut impliquer ou sous-entendre mais que précisément le texte n'explicite pas. Pour la même raison, du reste, je ne vois guère l'utilité de distinguer un "sujet" sous-entendu (Dieu OU Christ) là où le texte ne le fait pas, et où l'auteur n'en éprouve pas le besoin... et encore moins de récapituler sous le nom propre "Jésus" (sept fois seulement dans toute l'épître, dont apparemment un "autre Jésus", 4,11), avec tout ce qu'il suggère anachroniquement d'"humanité", d'"individualité" et de "personnalité" ordinaires, les occurrences bien plus nombreuses de "Christ" (environ 25 fois, sans la moindre référence à une "onction" ni même à un concept "messianique"), "Fils" (1 fois) ou "Seigneur" (12 fois). Tant qu'à être "littéral", il faut l'être jusqu'au bout et lire, tout bêtement, ce qui est écrit...
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| Sujet: Re: Le révélé et le caché - Colossiens Jeu 19 Déc 2019, 09:30 | |
| En Colossiens, le Christ parait être à la fois, humain et divin, la notion de corps de chair ou périssable est souvent employée en rapport avec le Christ (Il mourra sur une croix: "par le sang de sa croix" et "son corps de chair" - 1, 20,22) et dans le même temps, il est dit du Christ : "Car c'est en lui qu'habite corporellement toute la plénitude de la divinité" (2,9). Paradoxalement, dans le texte de (2,9) la plénitude divine se manifeste "corporellement" en Christ. On peut également noter que l'auteur place le Christ comme créature et comme créateur, la créature s'identifie au créateur :
- créature : "le premier-né de toute création" (1,15)
- créateur : "car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, le visible et l'invisible" (1,16)
Christ est le lieu de la divinité ("en lui ... divinité") et celui de la création qu'il englobe ("en lui tout est créé"). Pour Colossiens, la divinité se vit dans la chair. |
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