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 La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah

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Narkissos

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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeJeu 26 Nov 2015, 20:20

La "bonne nouvelle (ou évangile) du royaume (ou règne)" est quand même une formule évangélique (Matthieu 4,23; 9,35; 24,14; + "de Dieu" chez Luc, 4,43; 8,1; cf. 16,16, avec le verbe correspondant). On a aussi "bonne nouvelle / évangile de Dieu" en Marc 1,14s; Actes 8,12; 20,24; Romains 1,1s; 15,16; 2 Corinthiens 11,7; 1 Thessaloniciens 2,2.8s; 1 Timothée 1,11; 1 Pierre 4,17. Après, c'est encore une question de dosage.

Il me semble toutefois que le principal déplacement de la "bonne nouvelle" (adventiste puis) jéhoviste par rapport à l'"évangile" du NT n'est pas un changement de référent (Dieu ou le Christ entendu comme "source" ou "objet" de l'évangile), mais de contenu. Ce n'est plus l'enseignement de Jésus ni son "histoire", ni le "salut chrétien" en général, qui sont au cœur du "message", mais une eschatologie renouvelée par son prétendu "avènement-intronisation" (d'où l'importance de la notion de "royaume/règne", plutôt rapportée au Christ qu'à Dieu du reste) en 1844 1874 1914. C'est évidemment une façon assez superficielle, et éphémère, de donner un coup de neuf à une "bonne nouvelle" deux fois millénaire. D'un autre côté, il n'y a guère d'autre moyen de "restaurer", à cette distance, la dimension eschatologique qui faisait effectivement partie intégrante d'un certain nombre de versions néotestamentaires de l'"évangile": là où celui-ci supposait une fin du monde imminente, on l'entend forcément d'une autre manière quand on sait qu'elle ne l'était pas; la croire à nouveau imminente permet de raviver certains aspects de la "bonne nouvelle originale", mais au prix de distorsions beaucoup plus graves à mon sens*.

Il faut cependant noter que le NT avait déjà des problèmes de "contenu" avec sa "bonne nouvelle": notamment du fait que les évangiles mettent en scène un Jésus proclamant avant sa mort-résurrection une "bonne nouvelle" dont sa mort-résurrection ne peut pas être l'objet, comme elle l'est majoritairement dans les épîtres. Bref, il y avait là des failles que l'adventisme, puis le jéhovisme, ont exploitées pour démonter et remonter "l'évangile" à leur façon.

* Outre le fait tout simple qu'un retour de Jésus-Christ 2000 ou 3000 ans après sa mort, ce n'est plus du tout la même histoire qu'un retour dans sa génération, on y perd, dans un premier temps au moins, tout le bénéfice du travail de réinterprétation (on pourrait dire aussi de deuil) de l'eschatologie péniblement mené, dans le NT même, pour passer d'un "évangile de l'avenir" à un "évangile de l'éternité" (non pas, du reste, que celui-ci soit postérieur à celui-là; mais ceux qui avaient cru à celui-là ont bien dû, quand il n'était plus tenable, se "convertir" à celui-ci). Ce travail-là est à refaire, à chaque fois que de nouvelles attentes futuristes sont déçues. Mais c'est peut-être un cycle nécessaire pour que les différentes versions de "l'évangile" soient réentendues tour à tour, même "déformées" par ce recyclage, faute de pouvoir l'être simultanément, en tout cas par les mêmes personnes.

[Dans le détail des textes, ce changement de perspective générale s'avère souvent catastrophique, comme on l'a plusieurs fois montré, par exemple, au sujet de Matthieu 24,45ss: si l'on croit le maître de maison (kurios) déjà (en partie) "revenu", et son jugement rendu, la question "qui est l'esclave fidèle et avisé ?" cesse d'être une question ouverte, dont la réponse est en suspens; c'est une question dont on connaît déjà la réponse; par là même, une parabole destinée à mettre en garde les détenteurs d'autorité sert, à contresens, de confirmation inconditionnelle de leur autorité. -- Je sais que, "techniquement", la Watch a corrigé il y a peu son interprétation antérieure d'une "arrivée" du maître (ou Seigneur, qui est bien ici Jésus dans sa lecture allégorique) au passé, mais concrètement ça ne change rien à l'utilisation à contresens de la parabole: les TdJ croient toujours savoir "qui est l'esclave fidèle et avisé", comme si le jugement du maître-Seigneur-Jésus avait déjà été rendu.]
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeVen 27 Nov 2015, 12:05

"Que le Seigneur lui accorde de trouver compassion auprès du Seigneur en ce jour-là. Toi-même tu sais mieux que personne combien, à Ephèse, il a rendu de services" 2 Tim 1,18

Ce texte emploie à 2 reprises le titre "Seigneur", est-il question du même "Seigneur" ?
2 Tm 1,2 ; identifie le "Seigneur" à Jésus-Christ ("paix de la part de Dieu, le Père, et de Jésus-Christ, notre Seigneur !").
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeVen 27 Nov 2015, 12:34

Première remarque: ce n'est pas parce que des textes sont "bibliques" qu'ils sont forcément bien écrits, ni bien pensés !

La formulation de 2 Timothée 1,18 est en effet confuse: elle sous-entend probablement un "jeu de rôles" entre le Père et le Fils, mais il peut fonctionner dans les deux sens. A première vue j'inclinerais (très légèrement) pour l'interprétation: que le Seigneur-Fils lui accorde de trouver compassion auprès du Seigneur-Père, peut-être parce qu'il y a un article dans le premier cas et pas dans le second (ce qui correspond mieux à l'usage dominant de la Septante, kurios sans article = Yahvé). Etant entendu qu'avec les Pastorales (Timothée-Tite), on n'est plus du tout dans le noyau du corpus paulinien (Corinthiens-Romains) qui restreint (presque) systématiquement l'usage de kurios avec et sans article à Jésus.

Pour expliciter un peu en quoi consiste le "jeu de rôles", la structure de la phrase implique 1) un Seigneur-providence ou un Seigneur-grâce (qui accorde ou donne de...) et 2) un Seigneur-juge (devant qui on trouve ou non compassion "en ce jour-là"). Mais comme le Père et le Fils sont également susceptibles de jouer les deux rôles, on interprète, en fait, comme on veut: ou bien a) que le Père-providence lui accorde d'être gracié par le Fils-juge, ou bien b) que le Fils-grâce lui accorde de l'être par le Père-juge. L'attribution du jugement au Fils en 4,1 pourrait faire pencher la balance vers le premier sens (a), au contraire de ce que je suggérais plus haut; mais il ne faut pas non plus trop présumer de la cohérence de l'auteur (qui, en l'occurrence, a vraisemblablement beaucoup moins réfléchi que nous à ce qu'il écrivait !).

---
Nous en avons souvent parlé ailleurs, mais j'y reviens parce que c'est un point essentiel et difficile à intégrer, sinon à comprendre: entre "le judaïsme" et "le christianisme", "l'Ancien Testament" et "le Nouveau Testament", et sans préjudice de leur grande diversité interne, il y a une véritable redistribution (nouvelle donne, new deal) de la divinité, en sorte qu'il est impossible d'établir des relations constantes entre les termes (titres et noms divins) des deux "ensembles". Il ne s'agit pas simplement de rajouter à "Yahvé" devenu "Dieu" (et kurios) un second personnage, Jésus-Christ, qui laisserait l'identité du premier inchangée, de telle manière qu'on pourrait identifier sans reste "Yahvé" au "Père de Jésus-Christ"; pas non plus d'identifier "Yahvé" à "Jésus Seigneur" de telle sorte que "Dieu le Père" serait tout à fait quelqu'un d'autre; pas même d'établir une équation globale entre "Yahvé-Dieu" et "le Père + le Fils". Il y a un peu de tout cela, différemment selon les textes, dans les emplois néotestamentaires de kurios, mais cela ne constitue pas (encore) un système cohérent. Et comme la systématisation ultérieure (notamment trinitaire) va se faire avec d'autres mots-concepts que kurios (lequel s'applique indifféremment à toutes les "personnes-hypostases" trinitaires), elle n'élucide en rien l'usage, globalement fluctuant et définissable seulement de manière locale (texte par texte), de kurios dans le Nouveau Testament.
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Nov 2015, 06:05

Jésus montra que l’appeler “ Seigneur ” impliquait plus que cela. Il dit : “ Vous m’appelez, vous, ‘ Enseignant ’ et ‘ Seigneur ’, et vous avez raison, car je le suis. ” (Jn 13:13). Étant ses disciples, les apôtres étaient ses élèves. C’est pourquoi il était leur Seigneur, ou Maître.
C’est surtout après la mort et la résurrection de Jésus que son titre de Seigneur revêtit une grande signification. Au moyen de sa mort sacrificielle, il acheta ses disciples, devenant ainsi leur Propriétaire
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Nov 2015, 21:37

En français, "maître" peut signifier aussi bien "enseignant" (maître d'école) que "propriétaire, patron" (maître de maison); ce n'est pas le cas des mots grecs (respectivement didaskalos et kurios) qui se rencontrent ici, exceptionnellement, pour évoquer deux types de rapports similaires mais distincts: 1) maître = enseignant / disciple = élève, et 2) maître = seigneur / esclave = serviteur (voir la suite).

Sur la notion de "rançon" ou de "rachat", distincte en principe du "sacrifice", voir ici.
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMar 01 Déc 2015, 11:53

La confession de la résurrection pascale (Rm 1O,9b) engendre celle de la seigneurie de Jésus. Cette seIgneurie trouve dans la résurrection son explication; Jésus tient de la résurrection sa seigneurie . L'Église primitive semble avoir cru d'abord en la résurrection de Jésus. Qu'il suffise pour l'instant d'invoquer deux textes, 1 Co 15,3b-5 et Rm 4,18-25. Dans le premier de ces textes, le kérygme (1 Co 15, II) nettement présenté comme prépaulinien (1 Co 15,3) ne mentionne que le mystère mort-résurrection et les apparitions du ressuscité. Pas un mot sur la seigneurie de Jésus, qui n'en est pas pour autant à supprimer de la tradition kérygmatique prépaulinienne, mais à voir comme un privilège christologique résultant de la résurrection. Dans le second texte mentionné, celui de Rm 4,18-25, la foi chrétienne est comparée à celle d'Abraham et caractérisée par la croyance en la résurrection de Jésus: " Nous à qui la foi sera comptée puisque nous croyons en Celui qui a ressuscité d'entre les morts Jésus notre Seigneur" (Rm 4,24).

https://www.erudit.org/revue/ltp/1979/v35/n1/705700ar.pdf
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMar 01 Déc 2015, 14:12

Excellent article.

Le rapport entre "seigneurie" et "résurrection" dépend aussi du type de christologie qu'on envisage "avant Paul". La question principale, à mon sens, n'est pas celle de l'"altitude" (au sens où l'on parle de christologie "haute" ou "basse" pour situer, de façon "essentielle", c.-à-d. fixe et statique, le personnage du Christ plus ou moins "haut" sur une échelle entre "Dieu" et "les hommes" ou "la création" -- cela sera surtout le problème du IVe siècle); mais plutôt celle du mouvement, descendant puis ascendant, ou bien principalement ascendant, qui est attribué à Jésus-Christ.

J'insiste: à Jésus-Christ, compris comme un "tout" indivisible. Dans toutes les versions connues de "l'évangile", en effet, il y a une "descente" suivie d'une "montée", mais de qui ou de quoi ? Ou bien on considère 1) que l'"Esprit", ou un "Christ" spirituel / céleste (le Verbe, le Fils de Dieu, le Fils de l'homme), descend sur terre, prend l'apparence d'un homme de chair et de sang, joue incognito le drame de la Passion et remonte essentiellement intact, triomphant des puissances cosmiques et infernales et révélant ainsi sa véritable nature/identité spirituelle et céleste; ou bien 2) que l'Esprit descend pour s'emparer du destin d'un homme (un simple homme, un homme comme un autre, un homme de chair et de sang qui, lui, n'est pas "descendu du ciel"), l'entraîner à la mort avant de l'élever, par une résurrection et/ou une ascension, de sa nature "mortelle" à une "immortalité" qui ne lui est pas "naturelle". En deux mots et sous réserve d'une définition précise de ceux-ci, épiphanie d'un dieu dans le premier cas, apothéose d'un homme dans le second.

Cette nuance, qui peut paraître subtile, est décisive, entre autres choses quant à l'attribution à "Jésus-Christ" du titre de "Seigneur": dans la version 1, "Jésus-Christ" est Seigneur (Seigneur de gloire, 1 Corinthiens 2,6ss) depuis toujours, c'est par cela même que son périple sauve: il n'a fait que dissimuler sa qualité (s'en "vider", dit Philippiens 2) pour mieux la révéler ensuite; dans la version 2, au contraire, l'homme "Jésus" devient effectivement "Seigneur" (et "Christ", et "Fils de Dieu", toutes choses qu'il n'était pas auparavant) par sa résurrection/élévation post mortem (cette élévation pouvant être ensuite rapportée, par anticipation ou prolepse, à la Transfiguration, au Baptême, voire à sa naissance ou à sa conception -- limite où l'on bascule de la version 2 à la version 1: un Jésus Fils de Dieu dès sa conception n'a jamais pu devenir Fils de Dieu; un pas de plus en marche arrière et il est l'incarnation d'un Fils de Dieu préexistant).

Ces deux grands types de christologie sont déjà mêlés, mais encore aisément repérables, dans le NT: la doctrine spécifiquement paulinienne et johannique relève clairement du type 1 (Jésus-Christ est le Fils de Dieu venu du ciel / du Père); mais le type 2 est aussi représenté dans la trame du récit de Marc (et par conséquent de Matthieu et de Luc) ou dans les discours des Actes (chap. 2, 3, 10, 13); il est même perceptible dans le corpus paulinien, là où celui-ci se réfère à des éléments extérieurs à la christologie proprement paulinienne (p. ex. Romains 1,2ss ou la fin de l'"hymne" de Philippiens 2), et il va par la suite s'affirmer contre l'autre, notamment dans les christologies dites adoptianistes (Jésus n'est pas Fils de Dieu par nature, mais par "adoption"), judéo-chrétiennes (ébionites etc.) ou autres (p. ex. Paul de Samosate).

La christologie jéhoviste est un curieux mélange (mais on peut dire que toutes les christologies, même "orthodoxes", le sont selon des modalités et à des degrés divers, pour la bonne raison que le "mélange" est déjà dans le NT, surtout si on le lit d'une manière harmonisatrice): d'un côté, elle garde du type 1 l'idée d'une préexistence (plutôt archangélique que strictement "divine" en l'occurrence) du Christ terrestre; et, ce qui est plus original, l'idée que l'homme Jésus ne ressuscite pas du tout (puisque ce qui "ressuscite", contrairement au sens ordinaire de la "résurrection" d'un homme mort, c.-à-d. d'un cadavre, c'est l'esprit préexistant à "l'homme"). Il y a donc "descente" d'un être intermédiaire entre Dieu et les hommes et "remontée" de cet être à une position toujours intermédiaire, quoique supérieure à la première sans qu'on voie très bien ce que ça change. De l'autre côté (2), l'humanité ("parfaite") du Christ terrestre est affirmée, mais uniquement en vue de la "rançon" qui y met aussi un terme. Elle n'est pas "simple apparence" au sens "docète" du mot, elle est cependant artificielle et provisoire. En somme, il me semble qu'on y perd à la fois la principale force significative du type 1 (en Jésus-Christ c'est Dieu lui-même qui vient aux hommes, sans préjudice des distinctions internes à la "divinité" que cela implique entre "le Père" et "le Fils") et du type 2 (en Jésus-Christ c'est l'homme qui est élevé à Dieu).

---
La christologie commande toujours une sotériologie: l'idée qu'on se fait de "Jésus-Christ" détermine un type de "salut" (sôteria) particulier. Une christologie "spirituelle", descendante et ascendante (1), est naturellement propice à une sotériologie de genre "gnostique": le mouvement de l'Esprit attire à soi le "spirituel" disséminé et emprisonné dans le "monde" pour le sauver du monde (ainsi dans l'Evangile selon Jean); mais elle peut aussi avoir une dimension ou un horizon "cosmique", et aboutir à la perspective d'une harmonisation ou réconciliation du "monde" (kosmos) -- ainsi dans la tradition paulinienne, qui culmine sous ce rapport avec l'épître aux Ephésiens. De l'autre côté, une christologie ascendante et "adoptioniste" au sens le plus large (2) peut paraître plus "progressiste", en ouvrant, à partir de Jésus "sauveur sauvé", à l'homme et au monde même une voie d'"élévation" (paradoxale pour autant qu'elle passe par la croix), de "spiritualisation", voire de "divinisation" au sens qu'en a retenu le christianisme oriental, qui n'est pas un simple retour (qu'on pourrait aussi qualifier de régression) vers l'origine.

Par rapport à cela, le "salut" jéhoviste est centré sur la terre et l'humanité telle qu'elle est (ce qui n'est pas très étonnant pour une doctrine élaborée aux XIXe et XXe siècles, mais n'aurait guère satisfait les Anciens): même ceux qui vont au "ciel" n'y vont en théorie que pour une raison utilitaire, puisque le "royaume des cieux" a pour seule fin le rétablissement de la "perfection humaine" et du "paradis terrestre". Pourtant on ne voit pas très bien en quoi ils y seront "utiles"; non seulement la fonction des "élus" (= 144.000), mais celle du Christ-esprit-ressuscité dans cette affaire est obscur: rois et prêtres, mais pour quoi faire, que "Jéhovah" ne puisse pas faire tout seul ? Le seul rôle de Jésus-Christ (homme) qui paraisse tout à fait clair dans la doctrine jéhoviste est formel, accompli et terminé: d'avoir rendu cela "légalement possible" en se prêtant au tour de passe-passe juridique de la "rançon". Accessoirement, d'avoir servi de "modèle moral" (mais pas beaucoup plus en fait que d'autres "personnages bibliques" régulièrement donnés en exemple). En matière d'autorité effective, Jésus "Maître-Seigneur" (kurios) ou même "Maître-Enseignant" (didaskalos) compte bien moins, concrètement, pour le TdJ moyen, que ce qui est lu chaque semaine dans La Tour de Garde (y compris quand celle-ci dit ce-qu'il-faut-faire-pour-faire-comme-Jésus): cette remarque vaudrait sans doute en principe pour toutes les Eglises et leurs "magistères" avoués ou non, mais, en fait, plus ou moins quand même...
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMer 08 Jan 2020, 14:22

On peut établir un parallèle entre ce reste juif et le reste des Israélites spirituels repentants qui a été délivré de Babylone la Grande en 1919. Jusqu’à cette date, ces Israélites spirituels avaient accordé une importance excessive à Jésus, le Messie, et à son Épouse, la congrégation chrétienne. Mais, désormais, ils allaient accorder plus d’importance au Père céleste du Messie, à Jéhovah Dieu lui-​même. On avait très peu parlé des relations de Dieu, l’Époux céleste, avec l’Israël spirituel, notamment depuis 1892. La nouvelle alliance conclue par Dieu était mal comprise.

 La Tour de Garde anglaise du 1er janvier 1926 (édition française de mars 1926) contenait un article intitulé “Qui honorera Jéhovah ?”. Dès lors, l’intérêt pour le Dieu de l’Israël spirituel ne cessa d’augmenter. En 1934, une série d’articles intitulée “Ses alliances” parut dans les éditions anglaises du 1er avril au 15 juillet de La Tour de Garde (éditions françaises du 1er juillet au 15 septembre). Ces articles rappelaient avec force aux Israélites spirituels que la nouvelle alliance conclue par Jéhovah, avec le Messie Jésus comme médiateur, les concernait. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1976206
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMer 08 Jan 2020, 15:35

Autrement dit: malgré son antitrinitarisme, le russellisme restait essentiellement "chrétien", trop "chrétien" pour Rutherford; sans préjudice, chez ce dernier, de la part de sincère hostilité au christianisme historique et à tous ses symboles, et (de la part) d'opportunisme ou de stratégie "marketing" (pour exister en marge du christianisme historique, il fallait s'en démarquer davantage).

Quoi qu'il en soit, il y a là un problème de fond du "monothéisme" dont tous les "schismes" sont à divers degrés les symptômes: avec un seul Dieu, les "médiations" semblent nécessaires et en même temps (ou aussitôt après) elles apparaissent toujours de trop. Dès qu'on ne voit plus "Dieu" dans "le Christ" et "le Christ" en "Dieu", on se retrouve dans une situation de concurrence illégitime où tout ce qui est attribué à l'un est retiré à l'autre; et de ce point de vue, si peu qu'on accorde au "médiateur" ce sera toujours trop.
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMer 29 Jan 2020, 12:01

La deuxième épitre de Pierre désigne Jésus comme "Notre Seigneur" (1,2 ; 1,11 ; 1,14 ; 1,16 ; 2,19 ...), or au chapitre 3, nous retrouvons des expressions contenant le titre "Seigneur", que naturellement nous appliquerions à Dieu, le Père :

"Il est cependant un point que vous ne devez pas oublier, bien-aimés : c'est que pour le Seigneur un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le pensent. Il est patient envers vous : il ne souhaite pas que quelqu'un se perde, mais que tous accèdent à un changement radical. Cependant le jour du Seigneur viendra, comme un voleur. En ce jour-là, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront et la terre, avec ses œuvres, sera mise à découvert. Puisque tout cela est appelé à se dissoudre ainsi, comment ne devriez-vous pas vivre ! C'est avec une conduite sainte et avec piété qu'il vous faut attendre et hâter l'avènement du jour de Dieu, où les cieux enflammés se dissoudront et où les éléments embrasés se fondront. Or nous attendons, selon sa promesse, des cieux nouveaux et une terre nouvelle, où la justice habite." (3,8-13) NBS

"Considérez que la patience de notre Seigneur est votre salut, comme Paul, notre frère bien-aimé, vous l'a aussi écrit selon la sagesse qui lui a été donnée." (3,15) NBS

"croissez plutôt dans la grâce et la connaissance de Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur. A lui la gloire, maintenant et jusqu'au jour de l'éternité ! Amen !" (3,18)



"Toutefois, que ceci ne vous échappe pas, bien-aimés : pour Jéhovah, un jour est comme mille ans, et mille ans comme un jour Jéhovah n’est pas lent à réaliser sa promesse, comme certains le pensent, mais il est patient avec vous, car il ne veut pas que même un seul soit détruit, mais il veut que tous parviennent au repentir.  Cependant le jour de Jéhovah viendra comme un voleur, et en ce jour le ciel disparaîtra avec fracas, mais les éléments devenus brûlants seront dissous, et la terre et les œuvres qui s’y trouvent seront mises à découvert.  Puisque toutes ces choses doivent être ainsi dissoutes, réfléchissez au genre de personnes que vous devez être, des personnes qui accomplissent des actes de sainte conduite et des actions marquées par l’attachement à Dieu,  tout en attendant et en gardant constamment à l’esprit la présence du jour de Jéhovah, au cours duquel le ciel sera détruit dans les flammes et les éléments fondront sous l’effet de la chaleur brûlante !   Mais selon sa promesse, nous attendons un nouveau ciel et une nouvelle terre dans lesquels habitera la justice." (TMN) 

"Et considérez que la patience de notre Seigneur est salut, comme notre bien-aimé frère Paul vous l’a aussi écrit selon la sagesse qui lui a été donnée" (TMN)

"Continuez plutôt à grandir dans la faveur imméritée et la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. À lui soit la gloire, et maintenant et jusqu’au jour d’éternité. Amen." (TMN)


Concernant 2 Pierre 3,15 ; pourquoi la TMN conserve-t-elle le terme "Seigneur", alors que dans les v8 à 13, elle insère l'occurrence "Jéhovah" ? 
Concernant (3,15), la TMN renvoi à Rm 2,4 qui fait explicitement référence à la patience de Dieu. (
https://wol.jw.org/fr/wol/b/r30/lp-f/nwt/61/3#s=15&study=discover )
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMer 29 Jan 2020, 12:39

Tout simplement à cause de l'adjectif possessif (notre Seigneur), dont l'équivalent grec (hèmôn) n'est d'ailleurs pas présent dans tous les manuscrits mais massivement attesté au v. 15: "notre Jéhovah" serait, sinon impossible, pour le moins bizarre en français comme en anglais ou en grec; et pour autant que l'usage habituel de l'hébreu "biblique" reste sur ce point un modèle, il l'exclut tout à fait: un nom propre n'est normalement jamais pourvu d'un suffixe possessif (*mon, ton, son, notre votre, leur Yhwh) ni "construit" à l'équivalent d'un génitif (*le Yhwh de qqn ou de qqch) -- ce n'est pas forcément vrai en hébreu pré-biblique, cf. les formules de Kuntillet Arjud qu'on pourrait traduire, p. ex., "le Yhwh de Témân et son Ashéra"; et même dans l'hébreu biblique on peut en deviner des vestiges, comme "Yhwh-çb'wt" généralement traduit "Yahvé-des-armées"); mais ça se discute, un peu dans le vide faute de corpus suffisant.

Toutes les insertions de "Jéhovah" dans le texte du NT sont injustifiées, mais celles-ci (2 Pierre 3,8ss) sont moins catastrophiques que d'autres (p. ex. Romains 10; 14 etc.) en ce qu'elles ne détruisent pas  le sens général du texte: la référence est bien à un "Dieu" semblable au "Yhwh" de l'AT (allusion au psaume 90, "jour de Yhwh" etc.) -- sauf qu'en l'occurrence "le Seigneur Jésus" n'en est nullement distingué: c'est en cela que la Watch prend le problème à l'envers, en abordant tous les "Seigneur" (kurios) du NT avec la question préalable en forme d'alternative "Dieu OU Jésus", ce dont les auteurs, de toute évidence, ne se soucient absolument pas (pour eux ce n'est pas une question et encore moins une alternative).
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Mar 2020, 20:06

"En effet, ce n'est pas sur nous-mêmes que porte notre proclamation : nous proclamons que Jésus-Christ est le Seigneur, et que nous-mêmes sommes vos esclaves à cause de Jésus." 2 Co 4,5 NBS

"Non, ce n’est pas nous-mêmes, mais Jésus Christ Seigneur que nous proclamons. Quant à nous-mêmes, nous nous proclamons vos serviteurs à cause de Jésus." (TOB) 

La NBS traduit "le Seigneur" et la TOB n'emploie pas l'article "le", comment expliquer cette différence ?
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Mar 2020, 22:59

(Je m'excuse d'avance pour le caractère "technique", grammatical, de ce qui suit.)

Il n'y a pas d'article dans le texte grec, mais le problème est de traduire la fonction d'"attribut de l'objet" correspondant au double (voire triple) accusatif.

Je m'explique, du moins j'essaie: avec un verbe de parole, de connaissance, de jugement (ici kèrussô = proclamer, en Romains 10 homileô = confesser), l'enchaînement de deux accusatifs (<=> compléments d'objet direct) signifie souvent que l'un est l'attribut de l'autre (ou des autres s'il y en a plus que deux): proclamer/confesser Jésus Seigneur (double accusatif en grec), ce n'est pas simplement proclamer ou confesser "Jésus Seigneur" ou "le Seigneur Jésus", c'est proclamer ou confesser Jésus comme Seigneur, autrement dit que Jésus est (le) Seigneur. Tu me diras que ça ne nécessite pas l'article, mais ici le problème est encore compliqué par la série de trois (3) formules similaires: nous proclamons 1) non nous-mêmes (accusatif simple), mais (adversatif fort, alla) 2) Jésus Christ (ou Christ Jésus, selon les manuscrits) comme (le) Seigneur (triple accusatif, où le dernier, kurios, est vraisemblablement à entendre comme l'attribut des deux premiers), et/mais (de, adversatif faible) 3) nous-mêmes (finalement) comme vos esclaves (double accusatif) à cause de Jésus. Suivant cette analyse, le traducteur doit rendre non seulement le sens de l'attribut dans les deux derniers cas, mais encore entre ceux-ci l'opposition ou la distinction entre le Seigneur et les esclaves. D'où le choix de l'article défini, qui se discute mais se défend.
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMar 31 Mar 2020, 11:54

Ce n'est pas très facile à comprendre (du moins pour moi) mais j'avoue que tu as su te mettre à mon niveau dans ta démonstration, ton explication et je t'en suis reconnaissant.
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeVen 10 Avr 2020, 11:50

Chaque fois, j'ai la (mauvaise ?) curiosité de voir comment la TMN, rend les textes :

Car voici ce que nous vous disons par la parole de Jéhovah*+ : que nous les vivants qui survivons jusqu’à la présence du Seigneur*+, nous ne précéderons en rien ceux qui se sont endormis [dans la mort] ; 16 parce que le Seigneur* lui-​même descendra du ciel+ avec un cri de commandement, avec une voix d’archange+ et avec la trompette+ de Dieu, et ceux qui sont morts en union avec Christ ressusciteront d’abord+. 17 Ensuite nous les vivants qui survivons*, nous serons, ensemble* avec eux+, emportés+ dans des nuages+ à la rencontre+ du Seigneur* dans les airs ; et de cette façon nous serons toujours avec [le] Seigneur*+. 18 Continuez donc à vous consoler les uns les autres par ces paroles. (1 Th 4,15ss) TMN


Le "Seigneur" du v 15, devient "Jéhovah" mais par la suite tous les "Seigneur" sont maintenus, car en rapport direct avec Christ.

Verset 15,  Seigneur* = “ du Seigneur ”, אAVg ; B : “ de Jésus ”.

Verset 16, Seigneur* = “ le Seigneur ”, אABVg ; J7,8,13,14 : “ Jéhovah ”.

Verset 17, Seigneur*  = “ du Seigneur ”, אABVg ; J7,8 : “ de Jéhovah ”.

        [le] Seigneur*+ = “ Seigneur ”, אABVg ; J7,8,13,14,24 : “ Jéhovah ”.

Que doit-on comprendre de ces renvois ? La TMN fournit des références "J" qui lui servent à fonder et à justifier l'insertion de l'occurrence "Jéhovah", pourtant sur ces versets, elle refuse de suivre la leçon des références "J", bien sûr, parce que le contexte décrédibilise ces références "J", conclusion, les "J" ne sont pas fiables.  


Dernière édition par free le Mer 01 Déc 2021, 16:16, édité 2 fois
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeVen 10 Avr 2020, 12:40

Pour rappel, toutes les références "J" de la NWT/TMN sont des traductions tardives (de la fin du moyen-âge pour les premières de la liste et modernes pour toutes les autres) du grec en hébreu, qui ne portent pas "Jéhovah" mais le Tétragramme hébreu ou l'un de ses substituts conventionnels, et qui surtout n'engagent que leurs traducteurs et n'attestent d'absolument RIEN qui concerne le texte grec du NT. Bien que ça puisse passer pour un détail, leur présentation sous forme codée dans les notes et les appendices de la NWT/TMN est encore le plus malhonnête de l'affaire, parce que dans l'esprit du lecteur ça les met au même niveau que les témoins réels du texte, qu'il s'agisse des manuscrits grecs (Sinaïticus, Alexandrinus, Vaticanus etc.) ou des versions anciennes (comme la Vulgate latine).

L'aberration et l'incohérence du résultat (sur lesquelles je n'insiste pas) ne tiennent pas seulement à l'arbitraire des "principes" théoriques (dans tel type de cas "Seigneur", dans tel autre "Jéhovah"), mais aussi à leur application concrète à des textes et à des contextes différents, qui fait toujours apparaître des conflits de "principes" et de "cohérences" contradictoires auxquels on n'avait pas pensé en fixant les "principes"; de fait, même quand les "principes de traduction" sont moins arbitraires que ceux de la Watch, on arrive toujours dans l'application à des cas où il faut trancher, arbitrairement, entre telle et telle traduction, donc choisir de donner la priorité à un "principe" sur un autre, en fonction du contexte, ce qui génère fatalement de nouvelles incohérences (j'ai passé plus de dix ans de ma vie à faire ça, c'est donc un problème que je connais plutôt bien).

En l'occurrence, l'incohérence n'est pas seulement locale ou contextuelle (entre les kurios remplacés par "Jéhovah" OU traduits par "Seigneur" dans le même passage et manifestement pour le même référent), mais aussi transversale et intertextuelle (pourquoi Paul ne dit-il pas "je dis ça, moi, non Jéhovah", en 1 Corinthiens 7 p. ex. ?).
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMer 01 Déc 2021, 16:38

L' Évangile de Jean utilise rarement kyrios pour faire référence à Jésus pendant son ministère , mais le fait après la résurrection , bien que le vocatif kyrie (qui signifie monsieur ) apparaisse fréquemment. L' Évangile de Marc n'applique jamais le terme kyrios comme référence directe à Jésus, contrairement à Paul qui l'utilise 163 fois. Lorsque Marc utilise kyrios (par exemple, dans 1:3, 11:9, 12:11, etc.), c'est en référence à YHWH/Dieu. Marc utilise cependant le mot dans des passages où il n'est pas clair s'il s'applique à Dieu ou à Jésus, par exemple dans 5:19 ou 11:3. 

https://stringfixer.com/fr/Kyrios_(biblical_term)

"Au moment où Jésus montait dans le bateau, l’homme qui avait été possédé le supplia de le laisser aller avec lui+. 19  Mais il ne le lui permit pas. Il lui dit : « Retourne chez toi, dans ta famille, et raconte-​leur tout ce que Jéhovah a fait pour toi et comment il a eu pitié de toi. » 20  L’homme s’en alla et commença à proclamer en Décapole ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous les gens étaient stupéfaits" (Marc 5,18-20 - TMN).

"Comme il montait dans le bateau, celui qui avait été démoniaque le suppliait de le garder avec lui. Il ne le lui permit pas, mais il lui dit : Va-t'en chez toi, auprès des tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi, comment il a eu compassion de toi. Il s'en alla et se mit à proclamer dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous étaient étonnés" (NBS).
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MessageSujet: Re: La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah   La place du "Seigneur Jésus" dans le culte des Témoin de Jéhovah - Page 2 Icon_minitimeMer 01 Déc 2021, 17:26

C'est surtout chez Luc (voir ici 6.10.2021) que "le Seigneur" (ho kurios) est employé en lieu et place de "Jésus", même avant la "résurrection", dans des contextes narratifs (hors dialogue où l'appellation, surtout au vocatif, kurie-kyrie, est plus "naturelle" comme "formule de politesse" au premier degré; ce n'est évidemment pas une raison de la traduire par "Monsieur", non seulement parce que cette formule moderne est grotesque dans un texte ancien, mais surtout parce que le texte est à "double entente": le lecteur-auditeur "chrétien", dans un cadre "liturgique", reconnaît dans l'appellation banale d'un dialogue l'invocation cultuelle, ce qui devient impossible avec "Monsieur" -- ou toute autre formule qui, même moins ridicule, escamoterait le mot "Seigneur").

L'indice formel le plus clair que "Seigneur" fonctionne comme substitut de "Yahvé", c'est l'absence d'article, conformément à l'usage le plus caractéristique de la Septante: Yahvé remplacé par kurios et non par ho kurios. Or en Marc 5,19 il y a l'article (la seule variante significative, c'est "Dieu", ho theos, à la place du "Seigneur", ho kurios, dans le Codex de Bèze notamment). Bien entendu, cela n'empêche pas qu'on comprenne "Dieu" au "premier degré" du récit (dialogue), mais rend aussi possible et même inévitable pour le lecteur-auditeur l'assimilation de "Dieu" à "Jésus" (le miracle, l'exorcisme en l'occurrence, c'est aussi bien "Jésus" que "Dieu" qui l'a "fait"; ce qui devient explicite au v. 20).

Plus généralement, l'emploi néotestamentaire de kurios tend à assimiler "Dieu" et "Jésus" plutôt qu'à les distinguer. Même l'usage (proto- ou deutéro-)paulinien qui réserve kurios à "Jésus" (ou au "Christ") et le distingue formellement de theos s'inscrit au fond dans la même logique: un seul Dieu, un seul Seigneur (un seul Esprit, une seule foi, etc.), c'est l'un qui domine et l'emporte sur toutes les différences. De ce point de vue la TMN, en divisant au petit bonheur les occurrences de kurios entre "Jéhovah" et "Seigneur", n'est pas seulement dépourvue de toute justification textuelle, elle est à contresens du mouvement même des textes. (Mais je ne m'en serais peut-être jamais aperçu si j'étais resté scotché sur le détail de chaque verset avec la question "Dieu OU Jésus", en forme d'alternative: il m'a fallu une relecture cursive des textes du NT pour m'en rendre compte.)
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