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 Superstition(s etc.)

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Narkissos

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MessageSujet: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 28 Déc 2015, 16:42

Les expressions de malaise, voire de souffrance, auxquelles ont donné lieu le sujet Joyeux Noël ne devraient pas m'étonner. Il est difficile d'en parler, non seulement parce que ce serait douloureux ou désagréable, mais parce qu'au-delà des raisons explicables on devine quelque chose de réfractaire à toute explication, qui ne se raisonne pas.

Le mot de superstition m'a brûlé les lèvres -- ou les doigts -- avant que je me décide à le lâcher: parce qu'il est "péjoratif" et peut paraître méprisant. Je ne l'emploierais pas si je n'avais pas connu, et si je n'étais pas prêt à reconnaître, une expérience personnelle et même quelque peu "pathologique" de la chose.

Il me semble que le jéhovisme, contrairement à ce qu'il prétend*, génère énormément de "superstitions". Toutes les religions en produisent, peut-être, mais plus ou moins; et, surtout, tout le monde n'y est pas également sensible.

Les superstitions sont souvent plus vivaces et plus tenaces que les croyances: comme des fantômes, elles leur survivent (c'est d'ailleurs le sens étymologique probable du latin superstitio: survivance de traditions dont la "raison" ou le "sens originel" se sont perdus). Un ex-TdJ peut ne plus croire un mot de la doctrine jéhoviste, avoir "démonté" rationnellement un par un ses arguments, et se trouver cependant saisi de malaise ou d'angoisse à l'idée de souhaiter à quelqu'un "joyeux Noël", "bonne année", "bon anniversaire", d'avoir sur ou chez soi un objet à connotation religieuse ou ésotérique, d'entrer dans une église, de manger du boudin ou de se voir prescrire une transfusion sanguine (il y a objectivement là-dedans des choses plus "graves" que d'autres dans leurs circonstances et leurs conséquences, mais ce n'est pas le problème). Ça ne se discute pas: au contraire, toute discussion va provoquer une réaction de défense qui tendra à créer de nouvelles "raisons" (de faire comme si on était toujours TdJ alors qu'on ne l'est plus).

J'ai connu ce type d'"angoisse superstitieuse", à certains moments de ma période TdJ (je rappelle que je n'étais pas "né dedans", je n'y suis resté qu'une "petite" quinzaine d'années à partir de l'âge de 13 ans). Ce n'était donc pas un "fantôme de croyance" en ce sens qu'elle coexistait avec la croyance effective, mais elle ne lui en donnait pas moins l'effet fantomatique d'une "obsession" ou d'une "hantise". Je me souviens (je l'ai déjà raconté) d'une période (de "fragilité psychologique" certainement) où j'ai été littéralement obsédé par le tabou du sang alimentaire, au point de vouloir vérifier la provenance de tout ce que je mangeais et de ne jamais avoir le sentiment de vérifier assez. C'était tout à fait déraisonnable et socialement intenable (même par rapport au comportement des autres TdJ), mais ça ne se "raisonnait" pas. Cercle vicieux alimenté (c'est le cas de le dire) par la Bible même (quoique sur un autre sujet): "S'il a des doutes, il est déjà condamné s'il mange..." (Romains 14). A la limite, ce n'était même plus le sang en soi qui faisait problème, mais la mauvaise-conscience-d'aller-contre-sa-conscience. J'enviais ceux qui n'avaient pas de doute, et je ne cherchais pas le moins du monde à leur en suggérer, mais moi, pour mon malheur, j'en avais. J'en étais arrivé à un quasi-végétarisme que d'autres s'expliquaient par de toutes autres raisons (diététiques, par exemple) que mes "raisons" réelles, qui étaient trop ridicules, même dans ce milieu-là, pour que je les avoue.

Etrangement, ça m'a passé comme c'était venu, je ne saurais pas dire comment. Sans que ma "croyance" en la matière change, mais elle a repris des proportions "normales" ou "raisonnables" (par rapport à la norme du milieu évidemment), elle a cessé de me "hanter". Quand beaucoup plus tard l'ensemble du "système" de croyances s'est effondré, il m'en est resté étonnamment peu de chose (en tout cas des croyances-superstitions susmentionnées). J'ai souffert de la rupture, mais j'ai ensuite "tourné la page" avec une facilité et une légèreté que d'autres ont pu trouver déconcertantes. (Quoique, à la réflexion, des préjugés qui avaient aussi un caractère "superstitieux", par exemple en matière de "morale sexuelle", me soient probablement restés assez longtemps.)

Je suis conscient que ce que j'écris là (ailleurs aussi, du reste !) est dépourvu de toute utilité pratique. Je n'ai aucun "conseil" à donner à quiconque. Tout au plus l'énoncé d'une "règle" que j'ai tenté de suivre à tort ou à raison (je ne sais donc même pas si elle est "bonne" ou "mauvaise", à suivre ou surtout à ne pas suivre): ne pas se faire violence, ne pas se contraindre à tout prix à faire "comme tout le monde" quand on ne le "sent" pas (encore une resucée de Romains 14, lu du côté des "faibles"). Et un "témoignage" qui vaut ce qu'il vaut: si profondément qu'on se sente "coincé" dans une "superstition", une "obsession" ou un "préjugé", cela peut passer comme un cauchemar dont on se réveille et dont on s'étonne après coup -- alors même que quand on y était on croyait ne jamais en sortir.

---
* Le jéhovisme est évidemment "contre" les superstitions en principe, contre les superstitions communes et populaires (le chiffre 13, le chat noir, passer sous une échelle, etc.), mais il fonctionne de telle manière qu'il arrive quelquefois à en faire des superstitions à l'envers -- sur le mode de la boutade "je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur".
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMar 29 Déc 2015, 12:46

Citation :
Le jéhovisme est évidemment "contre" les superstitions en principe, contre les superstitions communes et populaires (le chiffre 13, le chat noir, passer sous une échelle, etc.), mais il fonctionne de telle manière qu'il arrive quelquefois à en faire des superstitions à l'envers -- sur le mode de la boutade "je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur".

La croyance religieuse n'est-elle pas une forme de superstition ?
Si je devais préciser ma question, la croyance religieuse ne génère-t-elle pas la superstition ?

Quand un article de la WT, voit la main protectrice de Jéhovah dans la vie de certains adeptes, en invoquant le fait que cette protection était la conséquence du fait que le fidèle était dans le "service de Jéhovah", n'est ce pas une forme de superstition ?

Affirmer d'une manière irrationnelle que le mode vie jéhoviste ou le fameux "paradis spirituel" protège le fidèle TdJ toutes sortes de dangers, n'est-ce pas de la superstition ?




La WT invoque le soutient des anges à notre époque moderne :

Lorsque nous considérons l’œuvre de prédication des Témoins de Jéhovah à l’époque moderne, le soutien des anges ne nous paraît-il pas évident ? Par exemple, en Allemagne et en Europe de l’Ouest, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), le peuple de Jéhovah a réussi à résister aux attaques du nazisme. Sous les régimes fascistes catholiques de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal, il lui a fallu endurer la persécution plus longtemps encore. Et durant des décennies, les Témoins ont supporté la persécution dans ce qu’était alors l’Union soviétique et dans ses pays satellites. N’oublions pas non plus la persécution qu’ils ont connue dans certains pays d’Afrique*. Plus récemment, les serviteurs de Jéhovah ont été victimes d’une persécution impitoyable en Géorgie. Satan a fait tout ce qui était en son pouvoir pour mettre un terme à l’activité des Témoins de Jéhovah. Pourtant, leur organisation a survécu à cette opposition et a connu une grande expansion. Cela tient en partie à la protection assurée par les anges."
http://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2007206


La superstition est toujours chez les autres. La croyance religieuse et la superstition présupposent de l'imagination et de l'irrationalité qui permettent à l'esprit du croyant de dépasser la réalité visible.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMar 29 Déc 2015, 13:30

Comme à peu près chaque fois qu'on dit "il ne faut pas confondre", à propos d'un couple de (quasi-)synonymes (vitesse et précipitation, courage et témérité, et - pourquoi pas - religion et superstition), pour distinguer en fait un "bien" d'un "mal", une "norme" d'un "excès", ou un "usage légitime" d'un "abus", chacun (chaque époque, chaque milieu en tout cas) définit la différence exactement comme il veut, selon ses critères du moins: les mots en soi n'offrent aucune résistance. Ce qui est "superstition" ici sera "religion" là. A la limite, personne n'est jamais vraiment "superstitieux" à la première personne et au présent, parce que la connotation péjorative du mot qui représente le côté "négatif" de l'antithèse suppose une prise de distance dont le sujet concerné est précisément incapable, en tout cas sur le moment. Tout au plus peut-on prendre conscience d'un sentiment d'enfermement dans une "croyance (ou un résidu de croyance) malheureuse" qu'on ne parvient ni à justifier ni à quitter tout à fait.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMer 30 Déc 2015, 12:28

Le premier est un passage de Théophraste, le disciple d’Aristote, traduit par La Bruyère. Voici ce que dit Théophraste : « La superstition semble n’être autre chose qu’une crainte mal réglée de la divinité. Un homme superstitieux, après avoir lavé ses mains et s’être purifié avec de l’eau lustrale, sort du temple et se promène une grande partie du jour avec une feuille de laurier dans sa bouche. S’il voit une belette, il s’arrête tout court, et il ne continue pas de marcher que quelqu’un n’ait passé avant lui par le même endroit que cet animal a traversé, ou qu’il n’ait jeté lui-même trois petites pierres dans le chemin, comme pour éloigner de lui le mauvais présage ». Ce qui me semble-t-il fait l’intérêt de ce petit texte, c’est qu’il analyse la crainte superstitieuse comme le dérèglement, l’exagération morbide et paralysante d’une crainte présentée, elle, comme normale : la crainte de la divinité. La superstition serait une religion abusive, outrancière, exagérée, une pathologie de la religion ?

La croyance religieuse
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMer 30 Déc 2015, 14:20

@ free: Je me suis permis de corriger ton lien (qui ne fonctionnait pas).

Le critère de la "raison" suppose un "optimisme philosophique" comme celui de l'hellénisme ou des Lumières, la foi en une raison universelle ou du moins partagée (ce qui ferait du "bon sens" un sens commun), toujours contredite par l'expérience de la diversité effective (chacun voit la raison à sa porte, ce qui paraît déraisonnable à l'un paraît raisonnable à l'autre).

Il ne nous reste plus guère que l'aspect "langage" de la raison (logos, ratio), mais celui-ci n'est pas un critère, puisque à peu près tout "s'exprime", "s'explique" et "se partage" avec des mots et des "raisons". On n'a même plus besoin de "religion" ou de "secte" pour ça quand on a Internet.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMer 30 Déc 2015, 17:46

Citation :
Je suis conscient que ce que j'écris là (ailleurs aussi, du reste !) est dépourvu de toute utilité pratique. Je n'ai aucun "conseil" à donner à quiconque. Tout au plus l'énoncé d'une "règle" que j'ai tenté de suivre à tort ou à raison (je ne sais donc même pas si elle est "bonne" ou "mauvaise", à suivre ou surtout à ne pas suivre): ne pas se faire violence, ne pas se contraindre à tout prix à faire "comme tout le monde" quand on ne le "sent" pas (encore une resucée de Romains 14, lu du côté des "faibles"). Et un "témoignage" qui vaut ce qu'il vaut: si profondément qu'on se sente "coincé" dans une "superstition", une "obsession" ou un "préjugé", cela peut passer comme un cauchemar dont on se réveille et dont on s'étonne après coup -- alors même que quand on y était on croyait ne jamais en sortir.

Parmi les TdJ que j'ai cotoyé, il en existe un un, qui a continué a me fréquenter (malgré les menaces des anciens). Récemment, il a eu un enfant. Avec sa femme, ils ont décidé que leur fils célèbrerait les anniversaires à l'école et la noël. La maman garde un trop mauvais souvenir de son enfance ou elle s'efforçait de toute ses force de rejeter ces fêtes "païennes, "coincée dans un préjugé" qui l'obligait à se démarquer, à être différente, sans être capable de l'assumer et ressentant une grande souffrance avec le sentiment de vivre un "cauchemar". Désirant épargner cette souffrance à leur fils, les parents ont décidé que leur enfant participerait à ces fêtes.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeVen 01 Jan 2016, 14:53

Décidément l'enfant réveille -- peut-être surtout, face à lui, ce sens de la "responsabilité" vertigineuse (quoique largement illusoire) devant la "page blanche".

Les croyances et les habitudes fragilisées peuvent n'y pas résister, surtout si on les a soi-même mal vécues: ce qu'on a supporté tant bien que mal, il devient impensable de le transmettre -- sans garantie d'ailleurs que ce qui le remplacera vaudra mieux. Chez d'autres, au contraire, la même circonstance et les mêmes "raisons" (sens accru de la "réalité" et de la "responsabilité") les feront redoubler de "sérieux" dans leur engagement religieux, ou suscitera un tel engagement quand il n'existait pas auparavant -- je suis convaincu que la conversion de mon père et de sa seconde épouse au jéhovisme, peu après la naissance de leur fille, a été motivée par un tel désir de "prendre un bon départ sur de bonnes bases"...

Bonne année à qui en voudra!
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 04 Jan 2016, 15:48

Si l'on ne rentre pas dans le compromis des formes religieuses, le besoin de superstition risque de ressurgir (à l'extérieur du giron des religions) dans des formes totalement médiocres et quelquefois fanatiques. Ainsi, on constate que c'est souvent dans les pays protestants (où on a prêché une foi théiste, sécularisée et démythologisée) que se multiplient les sectes et les superstitions, alors que dans les pays catholiques (où le magistère de l'Eglise a accepté le culte des saints, des sources et des esprits), la propension à la superstition a davantage été assumée et contrôlée par les rituels et les dogmes de l'Eglise officielle.

http://www.protestantsdanslaville.org/documents-archive/M22.htm
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 04 Jan 2016, 16:41

Free, as-tu déjà ouvert un livre d'histoire sur le catholicisme et le protestantisme ?
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 04 Jan 2016, 17:15

Béréenne attitude a écrit:
Free, as-tu déjà ouvert un livre d'histoire sur le catholicisme et le protestantisme ?

BA,

Cette citation n'a pas pour objectif de critiquer une religion en particulier mais de souligner les "avantages" d'une superstition assumée et contrôlée.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 04 Jan 2016, 20:30

free a écrit:
Béréenne attitude a écrit:
Free, as-tu déjà ouvert un livre d'histoire sur le catholicisme et le protestantisme ?

BA,

Cette citation n'a pas pour objectif de critiquer une religion en particulier mais de souligner les "avantages" d'une superstition assumée et contrôlée.

Comique, free ....
Tu mets du rouge .... puis tu critiques le protestantisme et ses dérivés ... puis tu me dis que cette section ne sert pas à cela ! Smile

Free, a
free a écrit:
Si l'on ne rentre pas dans le compromis des formes religieuses, le besoin de superstition risque de ressurgir (à l'extérieur du giron des religions) (...) on constate que c'est souvent dans les pays protestants (où on a prêché une foi théiste, sécularisée et démythologisée) que se multiplient les sectes et les superstitions (...)

Qu'est-ce qu'une secte ? Sans réfléchir, comme cela, qu'est-ce qui te vient en premier ? En fonction de quoi définir une secte ?
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 04 Jan 2016, 20:57

Houziaux, dans cet article, me semble poser assez bien le problème -- je me suis arrêté au passage sur le mot "déance", que j'ai trouvé joli et supposé ancien, avant de le chercher en vain chez Littré et Furetière (pour ne rien dire de Google qui le corrige d'office en "séance"): sauf faute de frappe ou de scan, ce serait plutôt un néologisme (sinon un houziaulogisme), mais bien trouvé, en symétrie à "créance" (comme la dette ou le débit au crédit) et en consonance heureuse avec "fiance" et "béance".

J'ajouterais seulement que les ecclésiologies catholique (ou orientales) et protestante sont peut-être moins radicalement opposées qu'on pourrait le croire à première vue, dans la mesure où au sein du protestantisme on peut "changer d'Eglise" (dénomination / institution) sans conséquence dramatique en général. Il y a des parcours individuels, par exemple du pentecôtisme au protestantisme libéral (et quelquefois en sens inverse) qui, s'ils ne sont pas forcément bien vus par les communautés quittées, n'entraînent tout de même pas les anathèmes (ni surtout l'ostracisme social) du jéhovisme envers ses "apostats". Autrement dit, si l'on veut comparer "le protestantisme" et "le catholicisme" sur ce point, ce n'est jamais une Eglise-dénomination protestante (pas même l'Eglise réformée "unie" à laquelle appartient l'auteur) qu'il faut comparer à "l'Eglise catholique", mais l'ensemble du "réseau" des Eglises protestantes qui se reconnaissent mutuellement (jusqu'à un certain point) malgré leurs différences.

Un pasteur protestant "libéral" aura souvent tendance à considérer certaines croyances "évangéliques" ou certaines pratiques "charismatiques" (p. ex.) comme des "superstitions" -- et s'il n'y est pas lié institutionnellement il aura plus de liberté pour le dire qu'un prêtre catholique qui, même quand il n'en pense pas moins, ne peut guère critiquer ouvertement les croyances ou pratiques similaires qui ont cours dans d'autres milieux ou courants de sa propre Eglise. Réciproquement, les pasteurs évangéliques ou pentecôtistes pourront tonner chez eux contre le "libéralisme" théologique et l'assimiler à une perte ou à une trahison de la foi. Mais quand tout ce petit monde se retrouvera ensemble dans les mêmes associations "interdénominationnelles" (genre Fédération protestante ou Sociétés bibliques), chacun devra (et, le plus souvent, saura) mettre ses particularismes et ses griefs en sourdine...

---

Cela ramène en effet à la question de la "secte", dont on connaît bien l'ambiguïté (entre un sens "neutre" et un sens "péjoratif", que l'anglais d'ailleurs distingue par deux mots différents, respectivement "sect" et "cult" -- ce dernier devenant autrement ambigu, entre contexte ancien, p. ex. "mystery cult", et moderne, "religions vs. cults"). On pourrait dire que le protestantisme a d'abord "réveillé" le sens neutre de la "sect(e)", tout en favorisant secondairement et involontairement son sens péjoratif. Traité globalement de "secte" par l'Eglise catholique romaine (dans l'apologétique de la Contre-Réforme, les Réformateurs protestants comme Luther et Calvin sont des "sectaires", c.-à-d. des "hérétiques" et des "schismatiques", de fait sinon par intention), il a bon gré mal gré assumé cette qualification en lui redonnant un sens positif très semblable au sens ancien d'hairesis ("hérésie") qui désignait objectivement les "écoles" philosophiques (platonicienne, aristotélicienne, etc.) ou religieuses (pharisiens, saducéens dans le judaïsme): c'est une économie de la diversité institutionnelle, où on ne voit rien de mal à ce que différentes "écoles" doctrinales s'organisent en "Eglises" autonomes, sans être reliées dans une institution commune et englobante. De ce point de vue les "Eglises" protestantes qui ont pris la relève de l'Eglise catholique en tant qu'Eglises d'Etat dans l'Europe du Nord ne pouvaient plus rien objecter théologiquement à ce que de nouvelles "Eglises-sectes" leur échappent à leur tour -- et elles se sont montrées, de fait et au moins par nécessité de cohérence, bien plus tolérantes à leur égard que l'Eglise catholique (ce n'est pas pour rien que toute la "liberté de religion" et même "de pensée" qui ne pouvait pas s'exprimer en France a trouvé refuge en Angleterre ou aux Pays-Bas, puis en Amérique où il n'y a jamais eu d'"Eglise d'Etat" et où la "liberté de religion" impliquant l'autonomie et l'égalité des cultes quels qu'ils soient au regard de l'Etat est devenue un principe fondateur). Le revers de la médaille, si l'on veut, c'est que plus il est facile de "changer de religion", moins il est nécessaire pour chaque Eglise de faire place à une diversité interne. Quand il suffit de traverser la rue pour trouver ou fonder une autre Eglise avec une autre doctrine et une autre pratique, quand tout débat interne trouve là une solution toute simple, il n'y a plus guère de motivation à changer les institutions existantes. D'une part cela favorise la tendance de certains groupes à se distinguer des autres "par principe" et à se fermer totalement sur eux-mêmes (donc à devenir des "sectes" = "cults" au sens péjoratif moderne), d'autre part l'ensemble de la "liberté religieuse" (qui se doit de tolérer jusqu'aux intolérances particulières) tend à se concevoir sur le modèle d'un "libre-marché" où le seul critère qui vaille est celui de la viabilité économique (une Eglise "naît" dès que son "offre" correspond à une "demande", et "vit" aussi longtemps que ça dure).

De toute façon, la coexistence et le dialogue entre des conceptions plus ou moins "superstitieuses" (ou "rationnelles") de la religion, à l'intérieur d'une même institution ou en dehors, impliquent l'ambiguïté d'un langage commun (d'aucuns diront "langue de bois") qui tout à la fois les rend possibles et les limite. On ne "s'entend" qu'avec des "malentendus", et quand on les dissipe on cesse de "s'entendre". La règle de respect différencié de Romains 14 (qui se laisserait aisément transposer en "ne pas mépriser ceux qu'on tient pour des 'superstitieux', ne pas juger ceux qu'on tient pour des 'mécréants'") demeure la clé de toute communication, et elle implique de part et d'autre une forme d'autocensure; mais pour être efficace, entre simple politesse formelle et hypocrisie caractérisée, encore faut-il que chacun lui trouve des raisons dans son propre système de croyance: des raisons de croire que "Dieu" ou "l'Esprit", quelle que soit l'idée qu'on s'en fait, agit aussi dans et par les autres, si autres soient-ils.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeDim 10 Jan 2016, 01:39

Narkissos a écrit:
Les superstitions sont souvent plus vivaces et plus tenaces que les croyances: comme des fantômes, elles leur survivent (...)  vérifier la provenance de tout ce que je mangeais et de ne jamais avoir le sentiment de vérifier assez. (...)J'en étais arrivé à un quasi-végétarisme que d'autres s'expliquaient par de toutes autres raisons (diététiques, par exemple) que mes "raisons" réelles, qui étaient trop ridicules, même dans ce milieu-là, pour que je les avoue.

(...) Quand beaucoup plus tard l'ensemble du "système" de croyances s'est effondré, il m'en est resté étonnamment peu de chose (en tout cas des croyances-superstitions susmentionnées). J'ai souffert de la rupture, mais j'ai ensuite "tourné la page" avec une facilité et une légèreté que d'autres ont pu trouver déconcertantes. (...).

Depuis mon arrivée dans votre forum, je me suis plusieurs fois demandé où étaient les femmes ex-tjd. (Pourquoi, si peu sur votre forum?). Il me semble que dans le jéovisme, les femmes sont discriminées et ont peu droit à la parole. Est-ce que, comme pour d'autres le sang, plusieurs femmes ex-tjd pourraient avoir tourné la page Tdj, tout en gardant dans l'idée que la femme est 'inférieure' à l'homme et donc ne pas se sentir la possibilité (le droit, l'autorisation, le ... ???) d'écrire sur ce forum pour des raisons un peu similaires ... aussi 'inexprimables' au premier abord ? Ou bien, vous les avez fait fuir, par vos 'prises de tête' et elles étaient nombreuses auparavant ?hum hum hum ... Embarassed

Ou elles ont un autre forum entre 'elles' ? Comment les femmes se sortent de ses 'superstitions' là, après plusieurs années chez les tdj ?
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeDim 10 Jan 2016, 04:41

@ B.a.
Bien que pour des raisons "historiques" il y ait certainement une large majorité d'ex-Témoins de Jéhovah parmi ceux qui ont contribué à ce forum au fil des années, et que des questions relatives aux Témoins de Jéhovah y reviennent plus souvent qu'ailleurs, il n'a pas été conçu comme un forum d'ex-Témoins de Jéhovah ni sur les Témoins de Jéhovah. Qu'il le soit (devenu ou resté) malgré tout en grande partie huit ans après sa création, c'est plutôt l'échec de son projet initial -- parce qu'il n'a pas réussi à intéresser durablement d'autres participants, ni à intéresser ses participants réguliers à d'autres sujets (un peu comme dans la blague anglaise malheureusement intraduisible: This is a nonprofit corporation. It wasn't meant to be, it just turned out this way -- très approximativement: "c'est une société non lucrative: ce n'était pas son but, ça s'est seulement trouvé comme ça").
Des forums d'ex-TdJ et/ou sur les TdJ, il y en a plein sur Internet, j'en ai moi-même fréquenté deux ou trois dans les années 2000 avant de me replier sur celui-ci (précisément parce qu'il tentait d'élargir la perspective), et ils m'ont paru assez équilibrés en termes de participation masculine et féminine (pour autant qu'on puisse jamais savoir avec des pseudonymes !). Je ne dis pas que le sexisme jéhoviste n'ait pas laissé des traces chez les ex-TdJ hommes et femmes, mais elles ne me semblent pas les plus évidentes.
Au passage, si tu a(vai)s lu le début de ce fil et suivi le lien indiqué dans le premier post, tu a(urai)s pu comprendre qu'il faisait écho à la difficulté qu'éprouvait notamment une participante à "tourner la page" du jéhovisme, en l'occurrence par rapport aux "fêtes de fin d'année" que les TdJ rejettent comme "païennes".
Quant aux "prises de tête", comme tu dis, elles ont sans doute "fait fuir" beaucoup, hommes et femmes, mais pour ma part je n'ai plus aucun scrupule à cet égard (j'en ai eu, mais ça aussi ça m'a passé). Les forums et autres "réseaux sociaux" consacrés au "partage d'expérience" en tout genre sont assez nombreux pour que celles et ceux qui ont envie d'autre chose (de réfléchir, par exemple) aient aussi le droit de le faire: sur Internet au moins ça ne mange pas de pain. Que ce genre d'exercice attire et retienne peu de participants -- un peu plus de lecteurs si j'en juge par la fréquentation quotidienne des "invités" -- n'a aucune importance à mes yeux. S'il y a aujourd'hui péril d'extinction en matière de "communication", ce n'est pas en termes de quantité mais de qualité et de diversité: une conversation inhabituelle soutenue par deux ou trois interlocuteurs vaut bien le bavardage (chat) de mille qui ne réserve aucune surprise.

Pour revenir au sujet, la notion de "superstition(s)" implique une hiérarchie ou une échelle de "valeurs", où ce qu'on dénomme ainsi occupe le rang le plus bas (la "superstition" est présumée inférieure à la "religion", à la "foi", à la "connaissance", à la "raison" ou à la "science", selon les références du moment). Là où s'y mêle l'idée de progrès (historique, collectif ou même individuel), ce qui est ainsi mé-prisé se trouve aussi rejeté du côté du passé (à dépasser ou à surmonter). Mais cette idée même de progrès vient de loin, elle n'est pas seulement "moderne". Bien avant les Lumières et les révolutions industrielles (le "progrès" scientifique et technique), la Réforme protestante s'est targuée de s'affranchir des superstitions catholiques, l'humanisme de la Renaissance des superstitions du moyen-âge, le christianisme des superstitions du judaïsme ou du paganisme, le monothéisme juif des superstitions polythéistes ou païennes. Le présent qui croit avoir ici et maintenant l'avenir pour lui seul a toujours derrière lui un long passé-lignage par rapport auquel il peut comparer avantageusement son "progrès" tout en y trouvant la justification de celui-ci: en "dépassant" il "prolonge", toujours dans le même "sens" -- le "sens du progrès" passé étant naturellement lu a posteriori dans l'alignement du "sens du progrès" présent-futur. Mais cela aussi peut apparaître comme une "superstition", et des plus désastreuses. Et cette "superstition"-là, on ne la "dépassera" pas sans remettre en question le "sens" même du "dépassement" (donc de "l'histoire", y compris "chrétienne", "judéo-chrétienne", "biblique" ou "sainte").
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeJeu 13 Oct 2016, 13:07

Narkissos a écrit:
Comme à peu près chaque fois qu'on dit "il ne faut pas confondre", à propos d'un couple de (quasi-)synonymes (vitesse et précipitation, courage et témérité, et - pourquoi pas - religion et superstition), pour distinguer en fait un "bien" d'un "mal", une "norme" d'un "excès", ou un "usage légitime" d'un "abus", chacun (chaque époque, chaque milieu en tout cas) définit la différence exactement comme il veut, selon ses critères du moins: les mots en soi n'offrent aucune résistance. Ce qui est "superstition" ici sera "religion" là. A la limite, personne n'est jamais vraiment "superstitieux" à la première personne et au présent, parce que la connotation péjorative du mot qui représente le côté "négatif" de l'antithèse suppose une prise de distance dont le sujet concerné est précisément incapable, en tout cas sur le moment. Tout au plus peut-on prendre conscience d'un sentiment d'enfermement dans une "croyance (ou un résidu de croyance) malheureuse" qu'on ne parvient ni à justifier ni à quitter tout à fait.

Qui échappe réellement à la superstition ?

De nombreuses personnes qui n'ont pas une fibre religieuse particulièrement developpée, nourrisent une vraie fascination pour la "fatalité" ("ce n'était pas son heure" ou l'inverse). Qui ne craint les coups du sort : accidents graves, maladies mortelles ... ?
Qui n'est pas sensible à l’idée de destin ?

Les religions acceptent facilement les notions de"miracle" et de "mystère", n'impliquent-elles pas des concepts comme la "magie" et la "superstition" ?
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeJeu 13 Oct 2016, 14:04

La notion de destin me paraît extrêmement significative: d'un côté, elle relève à 100 % de la "superstition", pour autant qu'elle est injustifiable "rationnellement" ou "objectivement"; de l'autre, c'est un corollaire indispensable de toute "subjectivité" -- de la "perspective" ou du "point de vue" d'un "sujet" qui perçoit à partir de soi et ne saurait rien comprendre sans le rapporter à soi, de sa "rétrospective" aussi qui ne peut envisager un "présent" ou un "avenir" qu'à la façon du passé immuable qu'il est effectivement appelé à devenir, sur le modèle de l'écriture indélébile: "c'était écrit" (mektoub), car tout ce qui se passe "s'écrit" et sera ou aura été "écrit", une fois pour toutes. Si absurde que le destin (ou ce qui en tient lieu, par exemple l'idée d'un dieu attentionné à moi ou à nous pour le meilleur et pour le pire) paraisse objectivement à un esprit rationnel, il demeure, même en tant que fiction, complémentaire de (la fiction de) "soi", donc de toute "identité" et de toute "histoire". Et s'il a d'évident défauts, il n'est pas non plus dénué de vertus pratiques (cf. Jacques le fataliste et son maître).
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeSam 15 Oct 2016, 18:23

La superstition est différente de pays en pays et d'époque en époque. Même à travers le filtre du mondialisme il reste toujours une part de son "pays" de son lieu de naissance avec ses coutumes, sa lecture de la vie.

De nombreuses manifestations de superstition du passé peuvent nous paraître bien enfantines, n'oublions pas l'usage voulant acheter un billet de loterie particulièrement un vendredi 13 parce que ce jour peut porter bonheur pour certains, tandis que d'autres y voient un signe de malchance et attendent l'arrivée du samedi 14 pour oser enfin respirer...
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeDim 16 Oct 2016, 01:23

Le 13 est plutôt associé aux cultures (populaires) chrétiennes (treize à table en référence à la Cène, Jésus plus les Douze, y compris Judas, en rapport -- à un jour près ! -- avec le Vendredi-Saint); ailleurs d'autres chiffres (et d'autres jours) sont "néfastes". Mais il est en effet intéressant de remarquer qu'une superstition se renverse plus facilement qu'elle ne s'efface: le 13 porte chance ou malchance, mais il n'est pas anodin, il reste "marqué" même si le sens de cette marque change du tout au tout...
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 17 Oct 2016, 11:01

Il n'y a pas dans les hôtels en Islande d'étage portant le numéro 13, ainsi on passe du 12e étage au 14e!!! Bien que dans la réalité physique il existe un 13e étage.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 17 Oct 2016, 12:31

Narkissos a écrit:
La notion de destin me paraît extrêmement significative: d'un côté, elle relève à 100 % de la "superstition", pour autant qu'elle est injustifiable "rationnellement" ou "objectivement"; de l'autre, c'est un corollaire indispensable de toute "subjectivité" -- de la "perspective" ou du "point de vue" d'un "sujet" qui perçoit à partir de soi et ne saurait rien comprendre sans le rapporter à soi, de sa "rétrospective" aussi qui ne peut envisager un "présent" ou un "avenir" qu'à la façon du passé immuable qu'il est effectivement appelé à devenir, sur le modèle de l'écriture indélébile: "c'était écrit" (mektoub), car tout ce qui se passe "s'écrit" et sera ou aura été "écrit", une fois pour toutes. Si absurde que le destin (ou ce qui en tient lieu, par exemple l'idée d'un dieu attentionné à moi ou à nous pour le meilleur et pour le pire) paraisse objectivement à un esprit rationnel, il demeure, même en tant que fiction, complémentaire de (la fiction de) "soi", donc de toute "identité" et de toute "histoire". Et s'il a d'évident défauts, il n'est pas non plus dénué de vertus pratiques (cf. Jacques le fataliste et son maître).

L'AT rapporte une histoire assez cocasse qui illustre la peur irraisonnée de la malédiction prononcée contre soi. Ce récit est rapporté en Jg 17, il est question d'un fils qui rend à sa mère l'argent qu'il lui avait volé. Ce fils ne rend pas cette argent par remords de conscience mais parce qu'il a peur de la malédiction que sa mère a prononcée. Lorsque le fils se dénonce, paradoxalement, la mère, le béni, afin d'annuler les effets de sa malédiction, car elle avait maudit, son fils, sans le savoir.
L'argent volé, étant l'objet de la malédiction, la mère, pour conjuger la malédiction, choisit de rendre cette argent à son fils sous la forme d'objets de culte, comme si ce vol n'avait jamais eu lieu. Pourtant le fils craint toujours les effets de la malédiction de sa mère et ce n'est quaprès avoir "embauché" un lévite, qu'il se sent rassuré.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeLun 17 Oct 2016, 13:36

@lct: j'avais entendu parler de n° 13 "sauté" (skipped), mais pas spécialement en Islande (où je suis pourtant allé, mais pas à l'hôtel !).

@free: ce récit illustre à merveille la fonction sociale des "superstitions", qui n'est d'ailleurs pas tout à fait dépassée: hors "superstition", quel est le sens du serment (au tribunal p. ex.) ? Qu'est-ce qui rend le "parjure" plus grave que le "simple mensonge", si ce n'est la superstition du serment et de ce qu'il invoque, explicitement ou implicitement (jugement de Dieu ou des dieux, malheur à moi si je mens, etc.) ? Que le riche, le juge, le roi "superstitieux" craigne un pouvoir réel de la malédiction du pauvre, de la victime, de l'opprimé (comme en témoignent parmi d'autres beaucoup de textes "bibliques"), c'était la seule chance du pauvre, de la victime, de l'opprimé dans la société antique -- et elle tenait précisément à ce que nous appelons "superstition".
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMar 18 Oct 2016, 11:50

Narkissos a écrit:
@free: ce récit illustre à merveille la fonction sociale des "superstitions", qui n'est d'ailleurs pas tout à fait dépassée: hors "superstition", quel est le sens du serment (au tribunal p. ex.) ? Qu'est-ce qui rend le "parjure" plus grave que le "simple mensonge", si ce n'est la superstition du serment et de ce qu'il invoque, explicitement ou implicitement (jugement de Dieu ou des dieux, malheur à moi si je mens, etc.) ? Que le riche, le juge, le roi "superstitieux" craigne un pouvoir réel de la malédiction du pauvre, de la victime, de l'opprimé (comme en témoignent parmi d'autres beaucoup de textes "bibliques"), c'était la seule chance du pauvre, de la victime, de l'opprimé dans la société antique -- et elle tenait précisément à ce que nous appelons "superstition".

Un autre récit de l'AT met en scène les rois David et Salomon en 2 Sam 16.

Shiméi, du clan de la maison de Saül, prononça des malédictions à l'encontre de David. Un compagnon de David proposa de lui couper la tête, mais David s'y oppose et dit :

" laissez-le maudire, si le SEIGNEUR le lui a dit.Peut-être le SEIGNEUR regardera-t-il ma misère et me rendra-t-il le bonheur, au lieu de sa malédiction d’aujourd’hui."

La volonté de couper la tête de celui qui maudit David correspondait à un geste qui avait pour objectif d'annuler les effets de la malédiction.

La malédiction ne semble pas inquièter David, outre mesure, même si Dieu est vu comme une certaine "fatalité". David accepte de faire grâce à Shiméï. Pourtant sur son lit de mort, David fait promettre à son fils Salomon de faire mourir Shiméï. Salomon fait executer Shiméï en disant :

" le SEIGNEUR fera retomber ce mal sur ta tête. Mais le roi Salomon est béni  " (1 Rois 2,44). 


Salomon et David n'étaient pas totalement rassurés. Salomon a éprouvé le besoin de prononcer une formule de bénédiction pour annuler les effets de la malédiction.


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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMar 18 Oct 2016, 16:09

La "sagesse" de Salomon dans cette affaire consiste surtout à construire la situation qui lui fournira un prétexte formel pour éliminer Shiméi sans se rendre coupable -- la malédiction à elle seule ne suffirait pas à justifier une exécution politique, comme celle envisagée en 2 Samuel 16, qui l'aurait plutôt aggravée (le récit ne présuppose manifestement pas la Torah, p. ex. Exode 22,28). En assignant Shiméi à résidence et en engageant par serment la parole de celui-ci, Salomon peut le condamner à la première incartade: le "sang" de Shiméi sera "sur sa (propre) tête", sa malédiction lui retombera dessus, la dynastie de David en sera dégagée. Ce n'est sans doute pas très "moral", mais c'est "logique" -- dans le cadre d'une logique "superstitieuse" si l'on veut, mais pas très différente de celle d'un "sursis" pénal ou d'une liberté conditionnelle dans notre droit.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMar 18 Oct 2016, 16:32

Au sujet des "malédictions" que l'on retrouve dans le Bible, il me vient à l'esprit une quetion :

Concernant l'histoire de Balaam, si la malédiction était sans effet, pourquoi donc Dieu n'aurait-il pas simplement laissé le devin maudire Israël ?

En empêchant  Balaam de maudire, Dieu (dans le récit) semble confirmer l'idée, selon laquelle, ce devin a réellement la capacité de prononcer  des bénédiction ou des malédiction est efficaces.

Jér 7,4 semble indiquer que les israëlites pensaient que le Temple les protégait  comme un fer à cheval, de la colère divine.
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MessageSujet: Re: Superstition(s etc.)   Superstition(s etc.) Icon_minitimeMar 18 Oct 2016, 17:24

Tout à fait.

Cependant, cette "logique" (non seulement "superstitieuse", mais "magique", dirions-nous peut-être) qui sous-tend de nombreux récits anciens (bibliques entre autres), et sans laquelle ceux-ci deviennent incompréhensibles, d'autres textes (parfois les mêmes, au gré des rédactions successives) s'en distancient au profit d'autres logiques (ainsi justement Jérémie). Par exemple, quand on croit à une rétribution individuelle, juste et systématique, assurée de toute façon par une divinité omnisciente et omnipotente (croyance "superstitieuse" aussi si l'on veut, mais moins "magique" au sens où l'homme n'y intervient plus), les bénédictions et malédictions perdent beaucoup de leur utilité.
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