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 asymétrie(s)

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Narkissos

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MessageSujet: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeSam 13 Mai 2017, 22:34

Comme il était à Jérusalem lors de la Pâque, pour la fête, beaucoup mirent leur foi (ou crurent, se fièrent, du verbe pisteuô) en son nom, en voyant de lui les signes (= miracles) qu'il faisait. Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux (ou ne croyait pas en eux, même verbe avec une construction un peu différente, et d'ailleurs variable selon les manuscrits*), car il [les] connaissait (gi[g]nôskô) tous: il n'avait pas besoin que quelqu'un témoignât de l'homme, car lui savait (ou reconnaissait, epi-gi[g]nôskô) ce qui était en l'homme. (Jean 2,23ss).

Ce passage que tout lecteur attentif du quatrième évangile aura remarqué, peut-être avec une certaine perplexité, peut s'entendre de plusieurs manières: il y a, d'une part, l'ambiguïté du "signe-miracle" qui génère différents types de "foi" -- du chaland épaté ou intéressé, en plus d'un sens, par le "miracle", à l'élu qui par le "signe" discerne qui est "Jésus", voit et re-connaît en lui "le Christ", "le Fils de Dieu", et même "le Père dans le Fils" (avec cependant ici un petit problème narratif, dû sans doute aux remaniements du texte: dans l'état actuel du récit, Jésus n'a encore produit aucun "signe" à Jérusalem -- le seul "signe" antérieur a eu lieu à Cana en Galilée; cf. 2,11.18 et surtout 4,54; et aussi 3,2; 4,48; 6,2.14.26.30 etc.); d'autre part, une sorte d'"omniscience" prêtée à Jésus qui lui permettrait de tout savoir de ses interlocuteurs, de "lire dans leurs pensées" (ou dans leur "cœur") indépendamment de ce qu'ils révèlent (p. ex. Nicodème ou la Samaritaine dans la suite) -- c'est déjà souvent le cas dans les Synoptiques (p. ex. Marc 2,8//; Matthieu 9,4; Luc 9,47).

Quand on remarque dans le texte les jeux entremêlés du "croire" et du "connaître", comme j'ai tenté de les mettre en évidence dans la traduction, on perçoit encore une asymétrie significative: le croire dépend d'un "signe" extérieur ou d'un "témoignage" dont "Jésus", lui, n'a pas besoin, car il connaît "l'intérieur" de "l'homme". Un "intérieur" exprimé en grec au neutre, ce qui était en l'homme. Il ne nous est pas dit si cet intérieur neutre de "l'homme" est "bon" ou "mauvais" -- la formule "croire ou mettre sa foi en son nom" est habituellement prise en bonne part, cf. 1,12; 3,18: il n'y a aucun a priori négatif contre ceux qui croient parce qu'ils ont vu des signes (comparer la formulation distincte de 6,26); il est seulement dit que cela, cet intérieur neutre, est (re-)connu pour ce qu'il est. Il peut sans doute s'agir d'"intentions" ou de "motivations" mauvaises ou insuffisantes ("intéressées", par exemple), mais aussi du "meilleur" -- par exemple de ce logos vie et lumière qui "éclaire tout homme" selon le Prologue; ou de ce (autre neutre mystérieux) qui chez les "élus" provient du Père et que le Fils rassemble (cf. 6,37ss etc.). "Ce qui est dans l'homme", dans la perspective du "dualisme johannique", cela vient du "ciel" ou de la "terre", de "Dieu" ou du "monde", de la "lumière" ou des "ténèbres", du "Père" ou du "diable" -- et toujours un peu des deux.

Reste l'asymétrie irréductible, quoique provisoire: entre, dans un sens, un rapport de "foi" de "l'homme" au Christ, qui vient de l'extérieur et s'appuie sur l'extérieur (signe, témoignage), même s'il débouche sur une (re-)connaissance intérieure de sa propre origine dans le Père; et, dans l'autre sens, du Christ à "l'homme", un rapport exclusif de "(re-)connaissance", qui va directement à l'intérieur, sans la médiation d'un signe ou d'un témoignage extérieur. Rapport du Christ à "l'homme" qui est aussi celui du Fils au Père: sauf oubli de ma part, il n'est pas non plus dit dans le quatrième évangile que Jésus "croie" en "Dieu" (ou au "Père"). Voir aussi ici et les nombreuses discussions consacrées à la relation entre "johannisme" et "gnose" (gnôsis = "connaissance").

Cela me rappelle -- je n'y avais pas pensé avant de relire ce texte, ce n'est donc pas ce qui m'y a conduit (au moins consciemment) -- ce qu'un article cité dans un autre fil (à propos de Jonas) disait d'un "Dieu" qui "croit en l'homme". Le Jésus johannique, en tout cas, ne croit pas en l'homme, parce qu'il le connaît -- et cela peut s'entendre aussi bien dans un sens "optimiste" que "pessimiste".

---
* ouk episteuen auton autois, Sinaïticus-Alexandrinus-Vaticanus etc., mot-à-mot "il ne fiait pas lui à eux", formule assez curieuse avec le pronom simple (auton = "lui") à l'accusatif (= complément d'objet direct); normalement cet emploi transitif direct et indirect (avec l'accusatif et le datif en grec) signifie "confier qqch à qqn", cf. p. ex. Luc 16,11. On pourrait donc l'entendre dans un sens très fort: il ne se confiait / ne se livrait / ne se (ou s'en) remettait pas à eux.
- ouk episteuen heauton autois, "il ne se fiait pas lui-même à eux", P66 etc., même chose avec le pronom réfléchi qui clarifie l'objet direct (heauton = lui-même).
- ouk episteuen autois, "il ne croyait pas en eux", P75 etc.
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeLun 15 Mai 2017, 16:21

"Mais Jésus, lui, ne croyait pas en eu", cette expression me semble être chargée d'une connotation négative et péjorative, on pourrait la rendre par "il n’avait pas foi à leur foi" et rapprocher cet épisode de celui de Jean 6, ou le narrateur précise, "Une grande foule le suivait parce que les gens avaient vu les signes qu’il opérait sur les malades". Pour Jésus, cette foi n'était pas intime et profonde. En Jean 6,26 ("Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n’est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé des pains à satiété"), les hommes suivent Jésus par intérêt et sans discernement, ils ne saisissent pas la portée des signes mais juste l'opportunité de profiter de ces miracles.Jésus a procédé comme en 1 Jean 4,1, "examinez plutôt les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu".
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeMar 16 Mai 2017, 01:25

Sauf qu'en 2,23ss, comme je le disais précédemment, ceux qui croient en Jésus "parce qu'ils ont vu les signes" font précisément ce que Jésus, en 6,26, reproche à ses interlocuteurs de ne pas faire ("ce n'est pas parce que vous avez vu des signes"; cf. aussi 12,37) !

On pourrait imaginer, bien sûr, une "hiérarchie" de la réception (excellente, bonne, passable, médiocre, mauvaise, nulle) -- celle du chapitre 6 serait "pire" que celle du chapitre 2, celle-ci correspondant grosso modo à ce qui est reproché à Thomas au chapitre 20: avoir besoin de "voir" pour "croire" (cf. aussi 4,48). Reste 1) que "croire (ou mettre sa foi) en son nom" est une formule positive (1,12; 3,18), 2) que les "signes" sont bien donnés pour susciter la "foi" (2,11; 6,2.14; 7,31; 20,30s), et 3) que l'asymétrie en 2,23ss est aussi entre "croire" et "(re-)connaître".
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeMar 16 Mai 2017, 12:55

Citation :
On pourrait imaginer, bien sûr, une "hiérarchie" de la réception (excellente, bonne, passable, médiocre, mauvaise, nulle) -- celle du chapitre 6 serait "pire" que celle du chapitre 2, celle-ci correspondant grosso modo à ce qui est reproché à Thomas au chapitre 20: avoir besoin de "voir" pour "croire" (cf. aussi 4,48). Reste 1) que "croire (ou mettre sa foi) en son nom" est une formule positive (1,12; 3,18), 2) que les "signes" sont bien donnés pour susciter la "foi" (2,11; 6,2.14; 7,31; 20,30s), et 3) que l'asymétrie en 2,23ss est aussi entre "croire" et "(re-)connaître".

Le rédacteur de l'évangile de jean semble attendre des auditeur de Jésus, cette asymétrie entre "croire" et "(re-)connaître". La réaction type attendue est celle que nous retrouvons en Jean 3,2 : " Rabbi, nous savons que tu es un maître venu de la part de Dieu ; car personne ne peut produire les signes que, toi, tu produis, si Dieu n'est avec lui.". Autre attitude et réaction qui manifeste aux yeux de l'auteur une véritable foi, celle de Marthe, "Elle lui dit : Oui, Seigneur, moi, je suis convaincue que c'est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde." (11,27).
Les signes doivent obliger les témoins à un discernement, à "voir"  au-delà de leur réalité matérielle et un questionnement sur la personne de Jésus.
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeMar 16 Mai 2017, 14:13

On peut aussi noter que les dialogues johanniques, comme la "dialectique" socratico-platonicienne dans un autre genre, s'efforce généralement de prendre les interlocuteurs là où ils en sont pour les mener plus loin, pour les faire passer d'un "extérieur" à un "intérieur" même relatifs (pédagogie-mystagogie): c'est vrai de Nicodème, qui "sait" ou croit savoir ce qu'il "sait" à cause des "signes", et qui doit entrer dans le royaume de Dieu ou la vie éternelle par la "nouvelle naissance" ou "naissance d'en haut"; de Marthe au chapitre 11, qui récite le credo phariséo-chrétien sur la "résurrection" -- et spécifiquement chrétien sur "l'identité" du Christ -- et qui est invitée à entrer dans la résurrection-vie qu'est "Jésus"; et aussi de ceux qui suivent Jésus après la multiplication des pains au chapitre 6, exhortés, même en vain, à ne pas en rester là. Cette "dynamique de progression", pour reprendre une expression à la mode, me semble plus significative qu'une "échelle de valeurs" statique qui hiérarchiserait simplement les divers types de réception. (Evidemment, il n'y a pas de dialogue de ce genre en 2,23ss, puisque c'est le narrateur seul qui parle.)
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeMer 17 Mai 2017, 12:35

Citation :
d'autre part, une sorte d'"omniscience" prêtée à Jésus qui lui permettrait de tout savoir de ses interlocuteurs, de "lire dans leurs pensées" (ou dans leur "cœur") indépendamment de ce qu'ils révèlent (p. ex. Nicodème ou la Samaritaine dans la suite) -- c'est déjà souvent le cas dans les Synoptiques (p. ex. Marc 2,8//; Matthieu 9,4; Luc 9,47).

L'évangile de Jean insiste beaucoup sur le fait que Jésus possède une connaissance sans limite. 

"Maintenant, nous savons que tu sais tout et que tu n'as pas besoin que personne t'interroge ; c'est pourquoi nous croyons que tu es sorti de Dieu" Jean 16,30

"Une troisième fois, il dit : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait dit une troisième fois : « M’aimes-tu ? », et il reprit : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t’aime. » Et Jésus lui dit : « Pais mes brebis" Jean 21,17

L'apôtre Paul confirme cette "omniscience" de Jésus. 

"Par conséquent, ne jugez pas avant le temps, avant que vienne le Seigneur. C’est lui qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et mettra en évidence les desseins des cœurs. Alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui revient." 1 Cor 4,5
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeMer 17 Mai 2017, 14:29

Chez Paul (et pour cause) il ne s'agit pas du "Jésus terrestre", personnage de récit ("humain" ou du moins en interaction avec "l'histoire des hommes"), mais d'une "figure spirituelle" (et en l'occurrence eschatologique: variation sur le thème du "jugement dernier") qui se confond avec "Dieu" autant qu'elle s'en distingue (les deux choses, confusion et distinction, identité et différence si l'on préfère, étant d'ailleurs nécessaires à sa fonction révélatrice). Que Dieu ou les dieux "sachent tout", à tout le moins qu'ils en sachent plus que les mortels, ça fait partie de leur "description de poste", si je puis dire (cf. le lien supra et notamment le psaume 139).

Mais ce savoir divin se communique aussi à certains mortels, qui en savent dès lors plus que le commun des mortels: dans les textes narratifs de l'AT c'est souvent le cas des prophètes (voyants, devins, "hommes des dieux" ou "de Dieu"), mais aussi, selon des modalités différentes, du prêtre ou du sage; et notamment du roi qui peut rassembler toutes ces "fonctions" (David, Salomon). L'effet narratif est toujours le même -- c'est un effet de surprise: quelqu'un "sait" d'un savoir extraordinaire ce qu'il ne peut pas "savoir" d'un savoir ordinaire. Du coup, la figure du "Jésus terrestre" (même johannique) est toujours d'une ambiguïté frustrante pour une "christologie" essentialiste, qui veut lui assigner à tout prix une "identité", divine ou autre: ce qui est dit de lui peut se dire de "Dieu" comme du plus humble "prophète".

Le texte johannique souligne de son côté une évidence qui peut s'appliquer à tous ces textes: là où il y a "savoir", il n'y a plus ni besoin ni utilité de "croire". Pourtant nul n'accède à aucun "savoir", fût-ce le plus "intérieur" (inné, infus), sans passer par le "croire".
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeDim 12 Mai 2024, 22:05

Une foi qui doit grandir

La finale de ce récit a de quoi surprendre : Beaucoup crurent en son nom à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux  (2,23-24) ! Littéralement, il ne croit pas en eux, parce qu’il connaît ce qu’il y a dans l’homme (2,25). La foi basée sur les signes ne tiendra pas devant l’épreuve. Elle doit devenir foi en la parole que Jésus a dite. En lui, toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, les éléments d’une même construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit Saint. (Ep 2,21-22) C’est le passage que nous sommes appelés à vivre pendant le Carême. « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20,29)

https://www.interbible.org/interBible/cithare/celebrer/2018/b_careme_03.html


Les thèmes « voir » et « entendre » dans l’Évangile selon Jean

En même temps, l’insuffisance et l’inefficacité de « voir » et d’« entendre » des auditeurs apparaissent dès le début de la mission de Jésus. Le narrateur remarque en 2,23-24 : « 23 Comme il était à Jérusalem durant la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il faisait. 24 Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous. » Au ch. 6, après le signe de la multiplication des pains et des poissons, Jésus dit à la foule en 6,36 : « Vous me voyez et vous ne croyez pas. » À la fin de la mission de Jésus, il semble que les signes qu’il opère servent à peu de choses, puisque le narrateur raconte en 12,37 : « Bien qu’il eût fait tant de signes devant eux, ils ne croyaient pas en lui. »

Il existe une incapacité de « voir » et d’« entendre » dans l’Évangile. Jésus accuse les Juifs qui cherchent à le faire périr (cf. 5,18) en 5,37-38 : « 37 Et le Père qui m’a envoyé, lui, m’a rendu témoignage. Vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face, 38 et sa parole, vous ne l’avez pas à demeure en vous, puisque vous ne croyez pas celui qu’il a envoyé. » En 8,43, Jésus leur dit : « Pourquoi ne reconnaissez-vous pas mon langage ? C’est que vous ne pouvez pas entendre ma parole. » Quant aux Pharisiens, ils sont incapables de « voir », alors même qu’ils affirment qu’ils voient ! Jésus leur dit en 9,41 : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais vous dites : Nous voyons ! Votre péché demeure. »

Il existe donc plusieurs nuances de sens des thèmes « voir » et « entendre ». Dans cet article, nous observons l’utilisation des termes liés aux thèmes « voir » et « entendre » dans le quatrième Évangile.

b) Le verbe theôreô (24 f.)

Le verbe theôreô (voir, contempler) apparaît en 24 occurrences en 2,23 ; 4,19 ; 6,2.19.40.62 ; 7,3 ; 8,51 ; 9,8 ; 10,12 ; 12,19.45a.45b ; 14,17.19a.19b ; 16,10.16.17.19 ; 17,24 ; 20,6.12.14. Le sens de ce verbe, dans son contexte, peut être classé en quatre catégories : (1) la vue insuffisante, 1 f. : 2,23 ; (2) la perception : « vous voyez que… », 1 f. : 12,19 ; (3) la vue physique, 14 f. : 6,2 ; 6,19 ; 7,3 ; 9,8 ; 10,12 ; 14,19a.19b ; 16,10.16.17.19 ; 20,6.12.14 ; (4) la vue théologique, 8 f. : 4,19 ; 6,40 ; 6,62 ; 8,51 ; 12,45a.45b ; 14,17 ; 17,24.

(1) La première occurrence du verbe theôreô en 2,23 décrit une vue insuffisante. Le narrateur raconte en 2,23-24 : « 23 Comme il [Jésus] était à Jérusalem durant la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue (theôrountes) des signes qu’il faisait. 24 Mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous. » Cette manière de voir (theôreô) les signes est imparfaite, elle a besoin d’être approfondie.

https://leminhthongtinmunggioan.blogspot.com/2017/05/les-themes-voir-et-entendre-dans.html
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MessageSujet: Re: asymétrie(s)   asymétrie(s) Icon_minitimeLun 13 Mai 2024, 00:37

Comme j'avais essayé de l'expliquer au début de ce fil -- que j'ai dû relire parce que ça remonte à 2017 -- je ne crois pas qu'il faille entendre quelque chose de négatif, de privatif (manque), de péjoratif ou de dépréciatif dans ce passage. La "foi" de ceux qui croient par les "signes" n'est pas dévalorisée ("insuffisante", "imparfaite", etc.) par rapport à quelque autre "foi", c'est le rapport ou la fonction de "foi" même, a priori commun(e) à tous les disciples, qui contraste avec le rapport de "connaissance" spécifique du Fils, rapport aussi bien aux "siens" qu'aux "hommes" en général ou au "Père". La "foi" ne convient pas au Christ johannique (contrairement à d'autres textes, qu'on y inclue ou non la "foi de Jésus-Christ" dans le corpus paulinien), il ne "croit" en personne, pas plus en "Dieu" ou au "Père" qu'en ses "disciples" -- même le "disciple bien-aimé", comme sa désignation l'indique, il l'aime, il n'est pas dit qu'il croie en lui; par contre il "connaît" les siens, comme le berger ses brebis, et les autres aussi, comme il "connaît" le Père...

Par ailleurs, ainsi que je l'ai rappelé encore récemment sur une autre section du quatrième évangile, il me paraît inutile et plutôt nuisible de chercher dans les textes johanniques à distinguer et à opposer des (quasi-)synonymes, a fortiori de cataloguer les acceptions ou "sens" distincts de chaque terme grec, comme si une "polysémie" pouvait se laisser découper, cloisonner, ranger dans des boîtes étanches entre lesquelles le traducteur ou l'exégète ferait son choix plus ou moins motivé, mais toujours arbitraire -- ce faisant on passe à côté, non seulement du fonctionnement de la langue en général, mais surtout de l'usage "poétique" du langage johannique, jeu ou danse de termes, d'idées et d'images foncièrement interchangeables, aux antipodes de la précision et de l'univocité statiques d'un langage "technique".

Cela vaut pour les "jours" et les "signes" du début de l'évangile, que le lecteur schématique, à la recherche de structures ou de symbolismes, est tenté de compter sans y parvenir, n'y trouvant finalement pas son compte -- on peut bien arriver à sept jours ou à sept signes, on ne les aura pas trouvés ainsi numérotés dans le texte et on restera seul responsable de son petit calcul. Que ce soit en partie rédactionnel et/ou accidentel, comme on l'a rappelé dès le post initial, cela ne change rien à l'effet du texte tel qu'il est, qui invite au calcul et perd le calculateur en chemin -- effet finalement similaire aux fameux "malentendus" johanniques qui ne sont jamais formellement dissipés, laissant s'énoncer les opinions des uns et des autres sans choisir entre elles, sans confirmer les unes et réfuter les autres: le texte, comme le Christ, va son chemin comme si de rien n'était, indiquant ça et là d'autres pistes, plus ou moins bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses, mais sur lesquelles personne ne peut s'égarer bien longtemps s'il continue à lire le texte, ou à suivre son Christ.
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