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 de la connaissance à l'amour... et à la connaissance

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Narkissos

Narkissos


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MessageSujet: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMar 09 Aoû 2011, 23:32

"Pour ce qui concerne les viandes sacrifiées aux idoles, nous savons (oidamen) que tous, nous avons de la connaissance (gnôsin ekhômen). La connaissance (hè gnôsis) gonfle d'orgueil, mais l'amour construit. Si quelqu'un pense connaître quelque chose, il ne connaît pas encore comme il faut connaître (ei tis dokei egnôkenai ti, oupô egnô kathôs dei gnônai).  Mais si quelqu'un aime Dieu, celui-là est connu de lui (egnôstai hup'autou)."

"Quand je parlerais les langues des humains et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis une pièce de bronze qui résonne ou une cymbale qui retentit. Quand j'aurais la capacité de parler en prophète, quand je saurais (eidô) tous les mystères et toute la connaissance (pasan tèn gnôsin), quand j'aurais même toute la foi qui transporte des montagnes, si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens, quand même je livrerais mon corps pour en tirer fierté, si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert à rien.
(...)
"L'amour ne succombe jamais. Les messages de prophètes? ils seront abolis; les langues? elles cesseront; la connaissance (gnôsis)? elle sera abolie. Car c'est partiellement que nous connaissons (ginôskomen), c'est partiellement que nous parlons en prophètes; mais quand viendra l'accomplissement, ce qui est partiel sera aboli. Lorsque j'étais tout petit, je parlais comme un tout-petit, je pensais comme un tout-petit, je raisonnais comme un tout-petit; lorsque je suis devenu un homme, j'ai aboli ce qui était propre au tout-petit. Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière confuse, mais alors ce sera face à face. Aujourd'hui je connais (ginôskô) partiellement, mais alors je connaîtrai comme je suis connu (epignôsomai kathôs kai epegnôsthèn)."

Je reviens encore une fois (cf. https://etrechretien.1fr1.net/t314-theoria-ou-la-contemplation ) sur ces deux passages de la Première épître aux Corinthiens (chap. 8 et 13) pour y relever quelque chose qui m'a frappé aujourd'hui (peut-être pas pour la première fois, mais c'est tout comme).
Dans cette opposition de l'amour et de la connaissance qui joue un si grand rôle dans le christianisme primitif (autour de la notion problématique de "gnosticisme" en particulier) et peut-être dans toute notre culture, avec la dissociation croissante du sentiment et de l'intellect, du "coeur" et de "l'esprit" selon le sens bien particulier que le français donne à ces deux mots, je remarque en effet que l'apôtre de l'amour ne peut s'empêcher de réinscrire la connaissance au terme de son éloge de l'amour (cf. aussi Ephésiens 3,19; et en version johannique 1 Jean 4,7s): l'amour ne passe, ne surpasse, ne dépasse et ne laisse derrière lui une certaine connaissance que pour aboutir à une connaissance (et aussi à une "vision") de type, de nature ou de qualité supérieure (distinguée en 13,12 comme epi-gnôsis, de ce terme que la TMN traduisait si mal par "connaissance exacte") -- qui se caractérise en l'occurrence de diverses manières: par sa nécessité (connaître comme on devrait connaître), par sa réciprocité (connaître comme on est connu), par sa "plénitude" (connaître complètement et non plus partiellement).
Et je me dis (même si c'est une conclusion bien plate après de telles hauteurs) que chez l'homo sapiens sapiens toute critique de la connaissance, si radicale soit-elle, finit toujours par se rétablir en apologie de la connaissance, comme tout éloge de l'"ignorance", de la "folie" ou de la "bêtise" (saint Paul encore en 1 Corinthiens 1--2, via Nicolas de Cues, Erasme ou Jean Paul) en "sagesse".
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Patoune

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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMer 10 Aoû 2011, 05:23

Je comprends par là que la vérité est supérieure à l'amour et que l'amour sans vérité n'est pas le véritable amour.
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le chapelier toqué

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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMer 10 Aoû 2011, 11:30

Citation :
Aujourd'hui je connais (ginôskô) partiellement, mais alors je connaîtrai comme je suis connu (epignôsomai kathôs kai epegnôsthèn)."

J'ai de la peine à comprendre le sens de la phrase.

Vermi sot je suis vermisseau je reste.
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Narkissos

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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMer 10 Aoû 2011, 12:43

Citation :
J'ai de la peine à comprendre le sens de la phrase.
Cette fois-ci je n'y suis pour rien... :)
Sur ce côté "miroir" (spéculaire, réflexif) de la "connaissance" (connaître/être connu), voir plutôt l'autre fil (lien dans mon post précédent).
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeLun 05 Oct 2015, 11:52

(Je repensais à 1 Corinthiens 13 et je me suis souvenu de ce fil.)

Reprocher à la "connaissance" d'être partielle (ek merous), c'est, dans un sens, lui reprocher sa méthode, sa fonction et sa structure, son essence et son existence mêmes. Déjà parce que "connaître" quoi ou qui que ce soit suppose de le distinguer, de le mettre à part, de le séparer, en tant qu'"objet" de connaissance, de tout le "reste"; de s'intéresser à lui, fût-ce provisoirement, à l'exclusion de tout "autre". Plus radicalement encore, toute "connaissance" à la fois implique et exclut son "sujet", ce(lui/lle)-qui-connaît. On ne connaît, comme on ne voit (qui dit connaissance pense vision, de préférence à toute autre perception, c'est le cas ici comme dans beaucoup d'autres textes), qu'à partir d'un "point de vue" situé "quelque part", sous un "angle" déterminé et par rapport auquel le "connu" n'offre jamais qu'un aspect, partiel. Et paradoxalement ce "point de vue" est aussi ce qu'on appelle un point "aveugle": l'œil voit tout (ce qui l'entoure) à l'exception de lui-même, si ce n'est par l'artifice déformant du miroir, également convoqué dans le texte. On a assez glosé sur l'imperfection des miroirs de métal poli de l'Antiquité, mais même le plus parfait miroir ne rendra de soi qu'une image inversée; une image en tout cas, c'est-à-dire une copie ou un simulacre de soi qui pour être conforme n'en sera pas moins faux ni excédentaire par rapport à "l'original". Qu'on multiplie les points de vue et les miroirs, on ne "corrigera" les "illusions d'optique" qu'à les démultiplier, en aggravant leur caractère partiel, fragmentaire et excédentaire, jusqu'à ne plus pouvoir distinguer l'"objet" des "simulacres" (cf. la fameuse scène de la salle aux miroirs dans The Lady from Shanghai d'Orson Welles, entre mille illustrations cinématographiques).

De ce "point de vue" aussi, il me paraît remarquable que ce texte présente comme "idéal" de la "connaissance" eschatologique, parfaite et absolue, qui s'opposerait (comme un miroir ?) à la "connaissance" partielle du présent et se confondrait avec "l'amour", une "connaissance" qui surmonterait (ou relèverait, difficile ici de ne pas penser à l'Aufhebung hegelienne qui d'ailleurs s'en inspire) l'opposition entre "sujet" et "objet": je connaîtrai comme je suis connu -- soit une structure de réciprocité analogue à celle de la formule biblique de l'amour, aimer x comme soi-même. Tout le contraire d'une "connaissance" en somme, et une "connaissance" quand même.

[Outre les textes du NT cités ici et dans le fil connexe, il faudrait relire (une fois de plus) le psaume 139; texte plus "modeste" si l'on veut, parce qu'exempt de prétention eschatologique ou dialectique d'un "sujet humain" à la connaissance divine: Dieu demeure de part en part le seul "sujet" de la connaissance, une connaissance absolue et unilatérale dont l'homme pour sa part est exclusivement "objet" -- en dépit de tous les vains efforts du "sujet humain" pour inverser le rapport sujet/objet de cette connaissance: il n'y a de connaissance humaine, partielle, que par une participation passive à la connaissance divine active, cette participation s'exprimant tout au plus sous l'espèce de l'émerveillement. Non pas connaître Dieu, mais se connaître / savoir connu de lui -- ce qui correspond très exactement à la "connaissance" telle que Paul l'envisage au présent (connaissance non seulement partielle mais réflexive ou spéculaire pour autant que la connaissance que Dieu a de nous nous est miroir), mais non à l'horizon de la "perfection eschatologique".

Ô Yahvé, tu m'as examiné à fond, tu me connais;
toi, tu sais quand je m'assieds et quand je me lève,
tu comprends de loin ma pensée;
tu sais quand je marche et quand je me couche,
et tu pénètres toutes mes voies.
Car la parole n'est pas sur ma langue
que déjà, ô Yahvé, tu la connais entièrement.
Par-derrière et par-devant, tu m'assièges
et tu mets ta main sur moi.
Cette connaissance étonnante me dépasse,
elle est trop élevée pour que je puisse la saisir.

Où pourrais-je aller pour échapper à ton souffle,
où pourrais-je fuir pour t'échapper?
Si je monte au ciel, tu y es;
si je me couche au séjour des morts, tu es encore là.
Si je prends les ailes de l'aurore
pour aller demeurer au-delà de la mer,
là aussi ta main me conduira,
ta main droite me saisira.
Si je dis: Au moins les ténèbres me submergeront,
la nuit devient lumière autour de moi;
même les ténèbres ne sont pas ténébreuses pour toi,
la nuit s'illumine comme le jour,
et les ténèbres comme la lumière.
C'est toi qui as produit les profondeurs de mon être,
qui m'as tenu caché dans le ventre de ma mère.
Je te célèbre, car j'ai été fait de façon merveilleuse.
Tes œuvres sont étonnantes,
je le sais bien.

Mon corps ne t'était pas caché
lorsque j'ai été fait en secret,
tissé dans les profondeurs de la terre.
Quand je n'étais qu'une masse informe, tes yeux me voyaient;
les jours qui furent façonnés,
avant qu'aucun d'eux n'existe.
Que tes pensées, ô Dieu, me semblent impénétrables!
Que la somme en est grande!
Si je les compte,
elles sont plus nombreuses que les grains de sable...
Je m'éveille, et je suis encore avec toi.
]
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tournesol




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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeLun 05 Oct 2015, 19:03

La première pensée qui me vient à l'esprit en lisant ce sujet est celle de Saint-Exupéry dans "Le Petit Prince" : "on ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible aux yeux".

Je ne perçois pas de reproche relatif à la connaissance partielle dont parle Paul, je n'y vois que le constat d'une connaissance spirituelle en germe (connaissance initiatique ?) dont l'amour est une porte qui conduirait vers cette connaissance parfaite, cette plénitude qui est en Christ.

Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse, selon Paul, d'une connaissance au sens d'une perception adéquat du réel qui s'opposerait à une connaissance eschatologique, mais plutôt d'un accomplissement, d'un aboutissement, un peu à la manière des "écailles" tombées des yeux de Paul Actes 9 : 18 (écailles tant physiques que spirituelles).

Paul ne cherche t'il pas à dire que cet amour agapé est une manière de s'ouvrir à une connaissance qui "affranchie, qui libère" et renforce, en une sorte d'aller-retour permanent, la réalité de cet amour.

"Poursuivez l'amour" dit Paul, mais "continuez aussi à rechercher"... ""servez vous de votre intelligence" exhorte t-il les Corinthiens tout au long du chapitre 14.

Mais ce n'est que ma "perception" qui n'a pas encore atteint sa plénitude ...
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Narkissos

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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeLun 05 Oct 2015, 20:40

@ tournesol:

Tout cela me paraît très juste.

Il me faut peut-être préciser que ma réflexion (!) précédente, tout en "partant" (comme on dit si bien) du texte de 1 Corinthiens 13, ne se voulait pas un commentaire exégétique de celui-ci. [Pour énoncer autrement la différence que j'y vois, il y a d'un côté ce que les textes "veulent dire", et que le plus souvent ils disent très bien sans commentaire, de l'autre ce qu'ils "font penser", domaine beaucoup plus vaste et plus incertain mais qui à mes yeux ne manque pas d'intérêt non plus.

Pour en revenir donc à ce que le texte "veut dire",] il est tout à fait exact qu'ici Paul ne "reproche" rien à personne, même s'il explique bien ("car", v. 9) l'abolition future d'une certaine "connaissance" par une sorte de "défaut" de celle-ci, à savoir, précisément, qu'elle est "partielle". Surtout, bien entendu, il ne parle pas de "la connaissance" en général, comme je l'ai fait, mais d'un type de "connaissance spirituelle" très particulier, doublement caractérisé, d'après le reste de l'épître, par un côté "initiatique" (qu'on pourrait situer, dans le schéma classique de l'histoire des religions, quelque part entre "mystère" et "gnose"; cf. 1,5.21; 2,8.11.14ss; 8,1ss) et un côté "charismatique" (c'est sur celui-ci que porte le contexte immédiat, cf. 12,8; 14,6, et ici même en 13,8ss, comme au v. 2, l'association de la "connaissance" aux "langues" et aux "prophéties" des "inspirés" de Corinthe).

A propos du "parfait" ou de l'"accompli" qui s'oppose au "partiel", on peut aussi noter que le terme grec (teleios) évoque parmi beaucoup d'autres choses l'âge ou l'état adulte (celui de l'"homme fait" comme on disait jadis en français) par opposition à l'enfance, ce qui rend encore plus naturelle la "comparaison" du v. 11. Cf. aussi sur ce thème 2,6; 14,20; Ephésiens 4,13; Philippiens 3,15; Colossiens 1,28; Hébreux 5,14; 6,1.

[Par ailleurs, la notion de "perfection-accomplissement" (teleios etc., qui se dit de tout ce qui est parvenu à une certaine "fin", telos, cf. l'"entéléchie" d'Aristote) se distingue plutôt mieux en grec de celle de "plénitude" (plèroô etc., "remplir", souvent au sens de combler un manque) qu'en français où elles tendent à se confondre dans un vocabulaire en partie commun (accompli-complet). La seconde n'intervient quasiment pas dans 1 Corinthiens (hormis la citation de 10,26, "la terre et ce qui la remplit"), mais elle va prendre de plus en plus de place dans les épîtres ultérieures, cf. 2 Corinthiens 10,6; Romains 8,4; 11,12; 13,8.10; 15,13s.19, et bien sûr dans le concept spécifique de "plénitude-plérôme" (plèrôma) qui devient dominant dans les "deutéro-pauliniennes" (Colossiens-Ephésiens) et la gnose. La première en revanche -- le "parfait-accompli" de 1 Corinthiens -- est commune (du point de vue du lexique, sinon du concept) avec le "parfait-accompli" des évangiles synoptiques (Matthieu 5,48; 19,21 etc.).]

-------------

A propos d'epiginôskô / epignôsis (voir le premier post de ce fil), je regrette à la réflexion de ne pas avoir pensé à signaler (ici et surtout dans la NBS !) une nuance possible, quoique beaucoup trop subtile pour être rendue régulièrement en traduction -- sauf à tomber dans la surtraduction grossière façon TMN, celle-ci se trompant en outre de sens; il ne s'agit évidemment pas de connaissance exacte -- la connotation éventuelle n'a rien à voir avec l'exactitude (ni avec la précision, "l'original anglais" accurate tient un peu des deux).

La nuance la plus caractéristique d'epiginôskô, là où elle joue sans l'ombre d'un doute, c'est re-connaître (l'arbre à ses fruits, Jésus incognito, marchant sur la mer ou ressuscité, Elie en Jean-Baptiste, l'infirme après sa guérison, l'enseignement de Jésus chez ses disciples, la voix de quelqu'un, la terre où l'on échoue, etc.; cf. Matthieu 7,16.20; 14,35; 17,12; Marc 6,33.54; Luc 24,16.31; Actes 3,10; 4,13; 27,39). Par extension, c'est un savoir second, obtenu après coup, qui résulte d'un événement, d'une information ou d'un processus cognitif; une conclusion, une déduction ou une constatation par exemple (à voir Zacharie gesticuler sans pouvoir parler, on "comprend" qu'il a eu une vision, Luc 1,22; on "apprend" que Jésus est à tel endroit, 7,37; Pilate "comprend" que Jésus relève de l'autorité d'Hérode après avoir demandé s'il était galiléen, 23,7; on "apprend" après coup l'existence d'un complot, Actes 9,30, on "comprend" qu'Alexandre est juif quand il a commencé à parler, 19,34, on torture, on instruit un procès, on mène une enquête pour "savoir", "vérifier" ou "s'assurer" de qqch, Actes 22,24; 23,28; 24,8.11; 25,10, on "comprend" trop tard que Paul est citoyen romain, 22. 29, on "apprend" que la terre où l'on a échoué et que l'on n'avait pas "reconnue" tout de suite est l'île de Malte, 28,1). Il est naturellement hors de question de traduire toutes ces occurrences du verbe de la même manière, a fortiori par "reconnaître", mais on voit bien le rapport.

Il se peut qu'une nuance analogue joue, y compris pour le substantif epignôsis, dans les occurrences où elle n'est pas si évidente, mais elle est plus difficile à apprécier (comme eût dit M. de La Palice) et quasiment impossible à (bien) traduire (d'autant qu'en français les confusions à éviter sont nombreuses: "reconnaître" est aussi employé pour le vocabulaire distinct de la "confession", "reconnaissance" pour la "gratitude", et si tout ça n'est jamais tout à fait sans rapport il ne faudrait pas non plus tout mélanger). Pour revenir à notre texte, il n'est pas impossible d'y entendre un chouïa (un écho, une harmonique, presque rien) de "je (re-)connaîtrai comme je suis (re-)connu" -- mais on ne peut guère rendre cette nuance éventuelle et en tout état de cause ténue sans surtraduire et générer des ambiguïtés étrangères au texte -- donc, en (bonne) traduction, on y renonce. Mais ça aurait probablement mérité d'être suggéré en note.

A toutes fins utiles, j'indique ci-après quelques références où une nuance similaire me semble pouvoir jouer tout aussi finement: Matthieu 11,27 (de la [re]-connaissance réciproque du Père et du Fils); Marc 2,8; 5,30; Luc 5,22 (de la [re]-connaissance par Jésus des pensées humaines) ; Luc 1,3 (de la [re]-connaissance des "faits" évangéliques); Romains 1,28.32 (de la [re]-connaissance "naturelle" de Dieu et de sa justice par la "conscience" des païens; cf. 10,2 qui pourrait se rattacher à cette idée a contrario); 3,20 (de la [re]-connaissance du péché par l'effet de la loi); 1 Corinthiens 14,37 (de la [re]-connaissance escomptée du caractère "spirituel" des consignes pauliniennes par les "spirituels"); 16,18; Philémon 6 (de la [re]-connaissance de la valeur de telle ou telle personne); 2 Corinthiens 1,13s; 6,9 (de la [re]-connaissance du ministère des "apôtres"); 13,5 (de la [re]-connaissance du Christ en soi); Ephésiens 1,17; 4,13; Colossiens 1,6s.10; 2,2; 3,10; 2 Pierre 1,2s.8; 2,20s (de la [re]-connaissance de Dieu ou du Christ dans sa révélation); Philippiens 1,9 (sans contexte déterminant, mais dans un parallèle intéressant avec la "sensibilité", aisthèsis = "esthétique"); 1 Timothée 2,4; 4,3; 2 Timothée 2,25; 3,7; Tite 1,1; Hébreux 10,26 (de la [re]-connaissance de la vérité).

Tout cela est bien sûr à replacer dans le contexte très général du concept grec (notamment mais pas exclusivement socratique, platonicien etc.) de la connaissance comme re-connaissance, qui peut d'ailleurs s'exprimer tout aussi bien par le simple verbe ginôskô ou le substantif gnôsis pourvu que le contexte y aide un peu. P. ex. Jean 10, les brebis [re]-connaissent la voix du berger; c'est d'ailleurs une notion centrale du johannisme (qui se contente toujours des formes simples, ginôskô et gnôsis, et même du plus banal oida, "savoir"), puis de la "gnose" dans toutes ses formes, que les "élus" reconnaissent le Christ et en celui-ci le Père parce qu'ils en sont eux-mêmes issus.
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeDim 24 Oct 2021, 14:07

Parce qu'un autre fil m'a amené à relire celui-ci, j'y ajoute ce texte auquel je repense par ailleurs, et dont je pense qu'il y aurait sa place, notamment en écho au psaume 139, avec la même référence inhabituelle à l'inconnu ou l'occulte de la gestation:

De même qu'il n'y a pas chez toi savoir (connaître) quel chemin du souffle (esprit), comme des os dans le ventre de la femme enceinte (la pleine), de même tu ne sais (connais) pas le faire du dieu qui fait le tout. (Qohéleth 11,5; la Septante traduit ici presque mot-à-mot, jusqu'à l'ambiguïté de la syntaxe).

Avec ce seul commentaire: je trouve remarquable qu'une "religion" classique (la piété du psalmiste, dans le cadre liturgique du judaïsme du Second Temple), une "sagesse religieuse", mais sceptique et opposée à toute idée de "révélation" (Qohéleth), et une "religion de la révélation" de type "myst(ér)ique" ("Paul") ou "gnostique" ("Jean") aboutissent à des énoncés aussi similaires en matière de "connaissance" (sans d'ailleurs qu'il y ait référence littéraire évidente de l'une à l'autre). Convergence de tous les "savoirs" dans le "non-savoir" (qui est d'ailleurs un leitmotiv de Qohéleth, cf. v. 2,6; 2,19; 3,21; 5,1; 6,12; 8,1.7.17; 9,1.5.10.14s; c'est par là que son "scepticisme" rejoint son "épicurisme", on ne sait pas => profiter de l'instant, du moment, de l'occasion, du temps `t-kairos: carpe diem).
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeLun 25 Oct 2021, 16:21

Paul de Tarse affirme, dans un passage central (1 Co 13, 12) : « À présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors, ce sera face à face. À présent, ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis connu. » Voir dans un miroir, ce n’est pas voir parfaitement, comme le montrent les miroirs remontant à l’Antiquité qui nous sont conservés. Bien plus, comme le montrent les images antiques de miroir, cet objet, pour les Anciens, transformait plus la réalité qu’il ne la reflétait. On le comprend dans les représentations de Persée et de Méduse, où la Méduse réelle n’est jamais l’image de la Méduse du miroir, on le voit également dans la légende de Narcisse, dans lequel le reflet n’est jamais identique au personnage reflété. Voir dans un miroir, c’est aussi voir le futur en pratiquant la catoptromancie, comme le rappelait Hans Conzelmann. Mais surtout, voir dans un miroir, c’est voir de manière indirecte, comme le rappelle un passage de Plutarque qui contient lui aussi ἔσοπτρον et αἴνιγμα, dans lequel il affirme qu’adorer les dieux de l’Égypte en des animaux est une connaissance imparfaite, comme dans un miroir, mais une connaissance toute de même. Pour l’instant, nous vivons sur une certaine asymétrie puisque nous connaissons indirectement, mais sommes connus directement. Mais bientôt, l’asymétrie se transformera en symétrie. 

https://journals.openedition.org/pallas/266
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeLun 25 Oct 2021, 17:38

Sur cet article, voir ici (29.5.2020) et là (18.12.2017; 3.9.2018; 1.10.2021).

Le texte de Plutarque est lisible ici (§ 76).

En ce qui concerne le miroir dans 1 Corinthiens et le NT en général (cf. aussi 2 Corinthiens 3,18; Jacques 1,23), les références du paragraphe précédent (§ 15, notes 18-19) à la Sagesse et à Philon (dont je ne vois plus de traduction française en ligne) sont encore plus pertinentes par leur proximité historique, littéraire, religieuse et culturelle; mais elles montrent surtout combien l'image (!) du miroir (comparaison ou métaphore) est courante, et son emploi varié -- en particulier selon qu'on insiste plutôt sur la ressemblance ou sur la différence de l'image à ce qu'elle reflète (c'est aussi le cas dans le NT), et surtout selon ce dont on parle -- ainsi dans le premier exemple donné de Philon (De Somniis) c'est le nombre 7 qui offre à l'intellect (tout au moins formé selon une certaine tradition, pythagoricienne et platonicienne) une image en miroir de la divinité et de son rapport au monde (penser le 7 comme le sommet d'une pyramide, 1 + 2 + 4...).
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMar 26 Oct 2021, 10:36

AIMER PERMET DE CONNAÎTRE

Ce n’est pas l’amour qui rend aveugle, mais le sentiment amoureux. L’amour, l’agapè, lui, rend la vue. Car, et c’est par là que s’accomplit le texte de Paul, l’amour permet de connaître vraiment. L’amour, écrit Paul, c’est ce qui nous permet de passer d’une connaissance partielle à une connaissance parfaite, nous pourrions dire une connaissance ultime, puisque c’est le mot grec téléios qui est employé ici, ce mot qui renvoie à l’accomplissement, à la fin. En utilisant la métaphore du miroir, Paul déclare que nous ne voyons par le miroir que de manière énigmatique (ainigma). Certes, les miroirs n’étaient pas, à l’époque, ce qu’ils sont aujourd’hui en termes de qualité de réflexion. Mais ce n’est pas seulement sur la qualité de l’image que la métaphore attire notre attention. Certes, une image est toujours partielle par rapport à ce qui est reflété. Mais le face à face remet aussi l’image à l’endroit, dans le bon sens. Par l’amour, l’homme cesse d’être une énigme parce que nous n’avons pas seulement accès à la surface des choses, à l’enveloppe, mais aussi parce l’amour reforme ce qui est déformé par notre vision des choses ...

Mais voilà qu’un visage nous fait face, un visage qui n’est pas réduit à sa face visible : un visage qui demeure infiniment transcendant par rapport à toutes les images que nous pouvions avoir sur la personne en question. Emmanuel Lévinas, dans Totalité et infini, parle d’épiphanie à ce sujet : il y a un visage qui en appelle à moi, qui rompt avec le monde. Aimer, c’est accepter de laisser tomber les grilles de lecture, les définitions qui définissent ce qui est en réalité infini. Aimer, c’est apprendre de l’autre qui il est au lieu de lui imposer un rôle. Ainsi Shakespeare fait-il dire à Don Pedro, dans Much ado about nothing I, 1 : « Mon amour t’enseignera. Et tu verras comme il est capable d’apprendre toute leçon difficile qui peut te faire du bien. »

Mais voilà qu’un visage nous fait face, un visage qui n’est pas réduit à sa face visible : un visage qui demeure infiniment transcendant par rapport à toutes les images que nous pouvions avoir sur la personne en question. Emmanuel Lévinas, dans Totalité et infini, parle d’épiphanie à ce sujet : il y a un visage qui en appelle à moi, qui rompt avec le monde. Aimer, c’est accepter de laisser tomber les grilles de lecture, les définitions qui définissent ce qui est en réalité infini. Aimer, c’est apprendre de l’autre qui il est au lieu de lui imposer un rôle. Ainsi Shakespeare fait-il dire à Don Pedro, dans Much ado about nothing I, 1 : « Mon amour t’enseignera. Et tu verras comme il est capable d’apprendre toute leçon difficile qui peut te faire du bien. »

https://oratoiredulouvre.fr/libres-reflexions/predications/l-amour-qui-transcende-les-totalitarismes-1-corinthiens-13
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMar 26 Oct 2021, 11:46

Sur les (nombreux) problèmes "logiques" de ce chapitre (où le plus souvent on cherche tout sauf de la "logique"), voir surtout ce fil.

"L'amour" et "la connaissance" ont au fond le même rapport impossible (ou aporétique) avec le "tout" (totalité, perfection, accomplissement): il n'y a pas plus d'"amour absolu" que de "connaissance absolue", parce que l'"amour" comme la "connaissance" supposent un "point de vue" relatif, partiel et partial, un rapport à d'"autres" qui ne sont pas "soi", et qu'en dehors d'une telle "situation" (p. ex. quand "Dieu serait tout en tout/s") les mots ne veulent simplement plus rien dire. Mais cela ne les empêche pas -- en attendant -- de jouer avec le "tout", au bord de ce "tout" où tout sens, toute différence significative, s'abîmerait absolument (c'est le cas de le dire). En l'espèce, "l'amour" joue exemplairement avec le "tout" dans 1 Corinthiens 13 (quatre fois pas/panta = "toutes choses / tout", comme "objet" des verbes dont "l'amour" est a priori le "sujet", dans le seul v. 7).
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMer 27 Oct 2021, 15:18

Foi et vérité

Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (cf. Is 7, 9). La version grecque de la Bible hébraïque, la traduction des Septante faite à Alexandrie d’Égypte, traduisait ainsi les paroles du prophète Isaïe au roi Achaz. La question de la connaissance de la vérité était mise de cette manière au cœur de la foi. Toutefois, dans le texte hébraïque, nous lisons autre chose. Là, le prophète dit au roi : « Si vous ne croyez pas, vous ne pourrez pas tenir ». Il y a ici un jeu de paroles fait avec deux formes du verbe’amàn : « vous croyez » (ta’aminu), et « vous pourrez tenir » (ta’amenu). Effrayé par la puissance de ses ennemis, le roi cherche la sécurité que peut lui donner une alliance avec le grand empire d’Assyrie. Le prophète, alors, l’invite à s’appuyer seulement sur le vrai rocher qui ne vacille pas, le Dieu d’Israël. Puisque Dieu est fiable, il est raisonnable d’avoir foi en lui, de construire sa propre sécurité sur sa Parole. C’est lui le Dieu qu’Isaïe appellera plus loin, par deux fois, « le Dieu de l’Amen » (Cf. Is 65, 16), fondement inébranlable de fidélité à l’alliance. On pourrait penser que la version grecque de la Bible, en traduisant « tenir ferme » par « comprendre », ait opéré un changement profond du texte, en passant de la notion biblique de confiance en Dieu à la notion grecque de compréhension. Pourtant, cette traduction, qui acceptait certainement le dialogue avec la culture hellénique, ne méconnaissait pas la dynamique profonde du texte hébraïque. La fermeté promise par Isaïe au roi passe, en effet, par la compréhension de l’agir de Dieu et de l’unité qu’il donne à la vie de l’homme et à l’histoire du peuple. Le prophète exhorte à comprendre les voies du Seigneur, en trouvant dans la fidélité de Dieu le dessein de sagesse qui gouverne les siècles. Saint Augustin a exprimé la synthèse du « fait de comprendre » et du « fait d’être ferme » dans ses Confessions, quand il parle de la vérité, à laquelle l’on peut se fier afin de pouvoir rester debout : « (…) en vous, [Seigneur], dans votre vérité (…) je serai ferme et stable » (17). À partir du contexte, nous savons que saint Augustin veut indiquer comment cette vérité fiable de Dieu est sa présence fidèle dans l’histoire, sa capacité de tenir ensemble les temps, en réunissant la dispersion des jours de l’homme, comme cela émerge dans la Bible (18).

Lu sous cet angle, le texte d’Isaïe porte à une conclusion : l’homme a besoin de connaissance, il a besoin de vérité, car sans elle, il ne se maintient pas, il n’avance pas. La foi, sans la vérité, ne sauve pas, ne rend pas sûrs nos pas. 

https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Archives/Documentation-catholique-n-2512-C/Si-vous-ne-croyez-pas-vous-ne-comprendrez-pas-cf.-Is-7-9-2013-07-16-982778
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeMer 27 Oct 2021, 17:59

Texte intéressant (quand on arrive à le lire en rusant avec le cache du site de "La Croix"): je ne sais pas d'où il sort, mais ça ressemble fort à du Ratzinger (= Benoît XVI), grand inquisiteur pourfendeur du "relativisme".

En fait la Septante d'Isaïe 7,9b lit probablement un texte hébreu différent (qu'il s'agisse d'une autre "édition" effectivement disponible, ou d'une erreur de lecture ou de transcription du même texte), qui impliquerait l'assonance de deux racines ('mn et byn), plutôt que de deux formes (hiphil et niphal) de la même ('mn). Ce ne serait d'ailleurs pas la seule difficulté de la phrase, pourtant courte, car les traductions usuelles escamotent en son milieu une conjonction (ky = car, parce que) qui ne présente aucun sens évident, ce qui pourrait appeler un remaniement plus profond des v. 8s (cf. BHS ad loc.: "la tête d'Aram = Syrie c'est Damas, la tête de Damas c'est Reçin / la tête d'Ephraïm c'est Samarie, la tête de Samarie c'est le fils de Remaliah / si vous ne croyez pas en moi (ou ne me faites pas confiance, ne m'êtes pas fidèles; en lisant by au lieu de ky, en supprimant la répétition jugée accidentelle de l' t'm[y]nw et en transférant ici 8b), d'ici 65 ans Ephraïm sera brisé [et ne sera] plus un peuple" -- indication chronologique de toute façon anachronique dans le contexte principal). Ce ne serait pas la première fois, ni la dernière, qu'une "phrase célèbre" engageant des siècles de méditation profonde résulterait d'un accident de transmission...

Toujours est-il que le commentaire saute un peu vite de la "compréhension" ou "intelligence" (byn / suneimi) à la "vérité" ou à la "connaissance": on peut croire à une vérité, et même la connaître ou la savoir, sans pour autant la "comprendre", et à l'inverse on peut parfaitement "comprendre" des choses incertaines ou fausses... Autrement dit l'intelligibilité n'est nullement un critère de vérité (je dirais même, une fois de plus: bien au contraire).
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeJeu 28 Oct 2021, 11:24

"il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il se réjouit avec la vérité" (13,6)

« car nous sommes sans pouvoir contre la vérité, nous n’en avons que pour la vérité » (2 Co 13,Cool. L’apôtre érige ainsi « la vérité » en principe de son action, une action qu’il mène selon 2 Co 4,2 en vue de la pleine « manifestation de la vérité ». On ne s’étonnera donc point que la « vérité » qualifie, en définitive, la prédication même de Paul, son annonce qu’il présente comme une « parole de vérité63 », assurant avoir toujours « parlé de tout avec vérité ».

Au moment de conclure, nous avons conscience que l’exégèse d’1 Co 13,6b n’a que peu d’éléments stables à offrir au systématicien. Mais l’idée singulière d’une « vérité » à la fois christo-théologique et pratique dans laquelle l’ἀγάπη trouve foncièrement sa joie lui inspirera peut-être quelques pages que nous aurions grand plaisir à lire ...

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02530430/document
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeJeu 28 Oct 2021, 12:34

Micro-exégèse de qualité (j'aurais personnellement tendance à accorder aux questions d'auteur, d'intention et de destinataires beaucoup moins d'importance dans l'analyse d'un texte; le résultat illustrerait d'ailleurs, si besoin était, que ça ne sert pas à grand-chose).

Tout aussi significatifs que le couple "injustice / vérité" (cf. p. <39> et note 47) seraient "amour / vérité", "amour / justice" ou "amour / injustice" (cf. 2 Corinthiens 6,7; Ephésiens 4,15.24; 5,9; 6,14; 2 Thessaloniciens 2,10.12).

Il ressort en tout cas que toutes les notions "positives" (amour, vérité, justice, etc.), portées à leur limite (l'absolu, l'idéal), se (con)fondent (cf. supra 26.10.2021) et que les mots deviennent littéralement interchangeables (et par conséquent aussi leurs "contraires" ou leurs antonymes "négatifs"). C'est le premier effet ("performance") de ce genre de texte, que de rendre synonymes des mots qui d'ordinaire ne le sont nullement, et de noyer toute définition de "sens" dans un dualisme vague (bien / mal).
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeVen 29 Oct 2021, 11:31

Au chapitre XIII de la première aux Corinthiens l'apôtre parle du charisme de « science », 1 Cor. XIII, 8, d'une « science totale  d'une connaissance de « tous les mystères », v. 2. Cette science, toute hypothétique d'ailleurs dans la pensée de l 'apôtre, a pour objet les « secrets divins » ; elle est accordée en vue du bien général et elle a le même objet que la foi. Or, comme la sagesse 'chrétienne, cette science destinée à éclairer l'objet de la foi, ne peut être que partielle et fragmentaire en cette vie; elle aura son terme à la mort, v. 12-13. Elle est comme la pensée et le raisonnement de 'l'enfant, si on les compare à ceux de l'homme mûr. Elle fera place dans l'autre vie à une connaissance d'un autre ordre. Actuellement, en effet, nous1 voyons les choses de la foi comme dans un miroir, c'est-à-dire par reflet et d'une manière plus ou moins imparfaite. Nous me sommes pas directement en contact avec l'objet; 1 Cor. XIII, 9-12.

Cependant, la perfection à laquelle tous sont appelés n'exige-t-elle point en cette vie une connaissance immédiate ou une expérience directe des choses de Dieu ? L 'apôtre parle des «trésors de science » qui sont  cachés en Jésus-Christ : Col. II, 3 ; il dit que tous les chrétiens peuvent comprendre « la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance » et qu'ils peuvent « être remplis' de toute la plénitude de Dieu » ; Eph. III, 17-20. 

https://www.persee.fr/docAsPDF/rscir_0035-2217_1935_num_15_3_1661.pdf
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeVen 29 Oct 2021, 12:22

Pour une exégèse catholique et plutôt "antimoderniste" de 1935 (les textes "gnostiques" de Nag Hammadi, p. ex., n'étaient pas encore découverts), c'est sérieux et très bien documenté (on y trouvera entre autres, sur le "miroir", p. 344, certains des textes de Philon dont je ne voyais plus de traduction disponible sur Internet, supra 25.10.2021). Il est d'autant plus intéressant de remarquer ce qui à l'époque allait de soi et n'était donc ni questionné ni pensé, par exemple l'identification tacite de l'arrivée de "ce qui est parfait / accompli" à la mort individuelle du croyant débouchant sur une "autre vie" -- pourtant l'auteur parle aussi (p. 335ss) de l'eschatologie paulinienne, qui ne se confond nullement avec la mort particulière...
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeLun 22 Nov 2021, 18:45

Il n'y a plus lieu d'opposer "amour" et "connaissance" dès lors que l'un et l'autre sont pensés comme ek-statiques: ouverture ou sortie de "soi", rapport de soi à un autre, ou plutôt à un "être" (même au sens d'"étant") qui n'est ni "soi" ni "autre", ou à la fois l'un et l'autre; où il ne s'agit plus de dominer ou de maîtriser, de changer, de transformer, de modifier ou d'affecter l'autre, ni d'en recevoir ou d'en absorber quoi que ce soit, d'en tirer profit ou parti, pas davantage de s'y sauver ou de s'y perdre. De ce point de vue "intérêt" (inter-esse, "entr'être") et "désintéressement" deviennent équivalents (ce que Nietzsche n'a peut-être pas su ou voulu comprendre de l'esthétique de Kant), dans un même mouvement contradictoire d'ex-ap-propriation (ainsi Derrida traduit-il l'Ereignis heideggerien, "événement-avènement" longtemps entendu à partir du "propre", eigen; mais cela fonctionne tout autant selon une étymologie plus exacte, de l'augen visuel, apparition et regard). Ce serait aussi l'idéal ("ascétique", selon Nietzsche, on pourrait dire en meilleure part "gratuit" ou "libéral", au sens de "généreux") de la "science" moderne, à ceci près qu'elle ne coïncide jamais vraiment avec cet "idéal", puisqu'elle est d'emblée assujettie à des fins et à des moyens "techniques" et utilitaires: il faut que la science serve à quelque chose, ou du moins qu'on la serve; pourtant la "science" en soi, la science comme pur savoir, scientia-Wissenschaft, s'il y avait jamais rien de tel, serait plutôt -- comme l'"amour" -- étrangère à toute utilité, à tout service, à toute valeur et à toute justification: simple con-science de ce qui est ou arrive -- même si c'est tout sauf simple, à cause de la complexité du réel et de l'impossible supplément qu'y représente une "science" ou une "conscience", à la fois dans ledit réel et hors de lui, pour le "connaître" tout en en faisant partie intégrante (soit le "transcendantal" kantien, transcendance dans l'immanence, ni dedans ni dehors ou les deux à la fois).

L'impossibilité de distinguer "science" et technique, utilité, usage, valeur, évaluation, jugement, prix, marché ("connaissance" d'une part, "bien" et "mal" ou "bon" et "mauvais" d'autre part), ce serait peut-être là la vraie "malédiction" de l'Eden, dont la portée ne ferait que s'étendre avec la "civilisation" et la "technique" (ce que je retrouve, entre autres choses, dans [la] Porcherie de Pasolini)...
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MessageSujet: Re: de la connaissance à l'amour... et à la connaissance   de la connaissance à l'amour... et à la connaissance Icon_minitimeSam 04 Déc 2021, 12:56

De là (cf. post précédent) on pourrait également réentendre les formules initiales de 1 Corinthiens 13: sans l'"amour" je ne suis rien et rien ne me sert à rien, certes, mais avec l'"amour" aussi (ou non plus), dans la mesure où cet "amour" m'aliène à jamais de tout "être" et de tout attribut ou prédicat (être moi, soi, nous, quelque chose, n'importe quoi) comme de tout "avoir" et de tout objet (y compris "avoir l'amour", qui ne se dit d'ailleurs que négativement, si je n'ai pas l'amour), dépouillant ou dépossédant le "sujet" même (je) de toute consistance "propre". Ce qui rejoindrait encore ceci.

Même le sujet "Dieu" y passe, si je puis dire: sous ce rapport on penserait plutôt à la Première de Jean, "Dieu est amour" (il y est également "lumière", il était déjà -- sans verbe "être" -- "esprit" dans le quatrième évangile), mais c'est tout aussi vrai en 1 Corinthiens 13 dont "Dieu" (de même "Jésus", "le Christ" ou "l'Esprit") est remarquablement absent: là où l'"amour" devient "sujet" (y compris au sens grammatical, en l'occurrence), il n'y a plus de place pour aucun autre "sujet". On pourrait en dire autant de la "connaissance", à une nuance de connotation près ("affective" ou "cognitive"), du moins en-deçà du naufrage de toute dénotation (sens, signification, désignation, référence) dans l'"absolu".
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