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 écrire et/ou ne pas écrire

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Narkissos

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MessageSujet: écrire et/ou ne pas écrire   écrire et/ou ne pas écrire Icon_minitimeLun 18 Juin 2018, 13:33

Et quand les sept tonnerres firent entendre (plus littéralement, parlèrent ou dirent) leurs voix, j'allais écrire, mais j'entendis une voix du ciel qui me disait: "Scelle ce qu'ont dit les sept tonnerres et ne l'écris pas."
Apocalypse 10,4

C'est un message "technico-commercial" reçu il y a quelques jours d'un site internet "chrétien" qui m'a rappelé ce verset -- et par la même occasion la propension de certains chrétiens à citer des versets bibliques à tout propos: le message (automatique) portait sur la protection des données informatiques, en raison d'un récent changement de loi. Donc, il y a des choses à ne pas "écrire" ou "enregistrer": il fallait y penser.

Ce passage de l'Apocalypse, digression dans une digression, offre une intéressante mise en abyme de sa propre mise en scène et en écriture. Nous sommes dans un livre qui raconte une "vision" sonore, dont il décrit verbalement les éléments visuels ou non verbaux -- y compris des "livres" vus, ouverts ou fermés, rouleaux scellés ou descellés, cf. ce qui précède -- et "rapporte" les paroles; et qui se met soudain à nous dire qu'il ne nous dit pas tout, en écrivant l'interdiction d'écrire... on retrouve bien sûr là des paradoxes que nous avons souvent relevés, la révélation qui dévoile en voilant ostensiblement, qui montre en cachant et en montrant qu'elle cache, etc.; par un excès du "contenu" sur le "contenant", de la vision sur le récit, la description et l'interprétation, les livres successifs dans le livre, qui s'ouvrent ou qui se mangent, les séries de sept s'ouvrant entre six et sept sur un interlude (c'est encore la situation du chapitre 10) avant de déboucher sur une nouvelle série, etc. Le jeu de l'"écrire" (graphô) et du "sceller" (sphragizô), inspiré de Daniel 8,26 et 12,4.9 (cf. en particulier la version de Théodotion), fait de surcroît une allitération sensible en grec.

L'écriture prenant ludiquement et douloureusement conscience d'elle-même, vieille et passionnante histoire -- de Platon à Derrida, en passant par l'écriture de la non-écriture, dans le cas de Socrate ou de Jésus...
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MessageSujet: Re: écrire et/ou ne pas écrire   écrire et/ou ne pas écrire Icon_minitimeMar 19 Juin 2018, 12:37

La vision de cet ange, comme la vision inaugurale du ch 1 décompose le personnage et le figurativise par des comparaisons (visage ≈ soleil ; pieds ≈ feu) et le situe comme une figure apparaissant sur un fond (nuée, arc en ciel). Au centre du dispositif spatial se trouve donc le petit livret ouvert :
- une écriture disponible par opposition au livre fermé de 7 sceaux, écrit dedans et dehors et dont la lecture est dramatisée. Le 1er livre fait l’objet d’une ouverture difficile (qui sera capable de l’ouvrir ?) ; le 2ème livre est ouvert … mais il n’est pas lu, il est à prendre et à manger ! On pourrait suggérer qu’il est ici question des effets sensibles (corporels, intéroceptifs) de l’écrit et non de ses éléments sémantiques, de son contenu.

La séquence est remarquable par la série des procès d’énonciation qu’elle manifeste et dont il faut essayer d’organiser le parcours. On peut relever en effet les figures suivantes :

- « le cri d’une voix puissante comme un lion qui rugi »t (c’est le son) - « la voix des 7 tonnerres » (c’est une parole qui pourrait être écrite : « scelle ce qu’ont dit (parlé) les 7 tonnerres et ne l’écris pas », 10,4).
Ne pas écrire ce que disent les 7 tonnerres ce n’est pas les faire taire : la limite est posée à l’écrivain et non pas aux autres acteurs. Ce n’est pas un arrêt du procès d’écriture, c’est une limite posée au scriptable (au contenu scriptable). Cela ne doit pas s’écrire : est-ce à dire qu’on ne doit pas le transmettre (cf. l’écriture comme communication) ? Ou bien cela relève-t-il d’une autre sémiotique ?

Mais c’est aussi un sceau (encore un !) – sfragison -. Sceller n’est la celer ; il ne s’agit pas de cacher un message tenu secret, mais au contraire de clore comme accompli ce qui a été écrit et d’en donner le signe authentique. On peut alors se demander à quel genre de « signe » appartient ce sceau ? Des 7 tonnerres, il reste ce qu’on pourrait appeler « la lettre », c’est-à-dire la marque, ou la trace qui demeure comme manquant au message transmis, un signe qui n’est pas à prendre comme le signifiant d’un signifié, quelque chose du « sensible » (la voix des 7 tonnerres) qui n’a pas d’interprétant, ou bien un vide, un « trou » restant dans l’écrit.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00359592/document
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MessageSujet: Re: écrire et/ou ne pas écrire   écrire et/ou ne pas écrire Icon_minitimeMar 19 Juin 2018, 13:52

Intéressant !

Malgré ce que le métalangage et le parti-pris sémiotiques peuvent avoir d'assommant à forte dose, ils constituent un contrechamp très utile de l'exégèse "classique" orientée vers le "sens", le "message", ce que le texte "veut dire" ou, dans le meilleur des cas, "faire"; il s'agit en somme de comprendre comment fonctionne un texte, comment il dit ce qu'il dit et fait ce qu'il fait. De ce point de vue, l'"apocalypse" (celle dite de Jean comme les autres) constitue un "objet" -- une "machine" -- tout à fait passionnant.

Evidemment, on ne peut pas le faire sans "neutraliser" le fonctionnement de la structure qu'on décrit (démonte, déconstruit, etc.), sans qu'il cesse de produire son "effet". Il faut tôt ou tard en revenir à une lecture plus simple ou plus naïve, mais enrichie de ce détour.
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MessageSujet: Re: écrire et/ou ne pas écrire   écrire et/ou ne pas écrire Icon_minitimeMer 20 Juin 2018, 10:22

Une prédiction doit être tenue secrète jusqu'au moment de sa réalisation, afin de ne pas exposer l'auteur et de ne pas donner une intelligence trop importante du "mystère de Dieu" à des ennemis potentiels ou à des personnes non-initiées. Une prophétie ne doit pas être comprise avant le temps de sa réalisation.


"Attardez-vous et soyez stupéfaits ! Fermez les yeux et devenez aveugles ! Ils sont ivres, mais ce n'est pas de vin ; ils titubent, mais ce n'est pas sous l'effet de l'alcool. Car le SEIGNEUR a répandu sur vous
un souffle de torpeur, il a fermé vos yeux (les prophètes), il a voilé vos têtes (les visionnaires) . Toute cette vision est pour vous comme les mots d'un livre cacheté que l'on donne à un homme qui sait lire, en disant : « Lis donc cela, je te prie ! » et qui répond : « Je ne peux pas, car il est cacheté. » Ou comme un livre que l'on donne à un homme qui ne sait pas lire, en disant : « Lis donc cela, je te prie ! » et qui répond : « Je ne sais pas lire. » Is 29, 9 ss
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MessageSujet: Re: écrire et/ou ne pas écrire   écrire et/ou ne pas écrire Icon_minitimeMer 20 Juin 2018, 14:37

Voir (éventuellement) ici.
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MessageSujet: Re: écrire et/ou ne pas écrire   écrire et/ou ne pas écrire Icon_minitimeVen 01 Mar 2019, 11:40

Narkissos a écrit:
Voir (éventuellement) ici.



Et il importe en outre de bien comprendre ce qui sous-tend le processus d’élaboration des livres prophétiques : le matériau littéraire à partir duquel s’est constitué le livre prophétique n’était pas aux yeux du rédacteur prophétique un matériau ordinaire car les oracles en question étaient déjà reçus par lui comme parole de Dieu. Cette réception des oracles comme parole de Dieu représente à la fois une contrainte et un facteur stimulant dans l’exercice de sa créativité. Une contrainte parce qu’il ne pouvait les manipuler à sa guise ; une stimulation parce que, comme « parole de Dieu », ces oracles ne pouvaient être morts : ils devaient conserver leur actualité même plusieurs siècles après leur énonciation.  La créativité du rédacteur s’est donc exercée dans ce cadre très particulier que l’on pourrait comparer — comparaison n’est pas raison — à une restauration de bâtiment qui aurait pour objectif de le rendre à son usage, tout en en préservant les parties antiques. Ainsi les rédacteurs prophétiques se situent à l’intérieur d’une tradition, laquelle véhicule un certain nombre de textes qu’elle tient pour inspirés par Dieu. De ce point de vue-là, on est assez loin de l’image chère aux romantiques, du prophète dans son splendide isolement qui reçoit la totalité de sa prédication par une communication immédiate avec la divinité. Le rédacteur est inséré dans une communauté croyante avec laquelle il partage un catéchisme commun, pourrait-on dire. Et il part de là, c’est-à-dire qu’il part des oracles communément reçus par son lectorat comme parole de Dieu, et c’est dans la manière dont il va agencer ces oracles qu’il peut produire du neuf.

D’où vient ce neuf ?

D’une part, de la foi du rédacteur prophétique qui le stimule à présenter cette parole de Dieu de manière vivante et parlante pour ses contemporains. Si Dieu est Dieu, alors sa parole doit nécessairement continuer à avoir du sens pour les hommes et les femmes de sa génération. C’est l’idée que la totalité du sens n’a pas été dévoilée lorsque la parole de Dieu a été révélée pour la première fois. Mais que ce dévoilement se réalise petit à petit à la faveur des circonstances de l’histoire. Cette idée est exprimée à plusieurs reprises dans le livre d’Isaïe : « Enferme un témoignage, scelle une instruction parmi mes disciples » (8,16) ; « Maintenant va, écris-le sur une tablette, grave-le sur un document, que ce soit pour un jour à venir, pour toujours et à jamais » (30,Cool ; « Qui a agi et accompli ? Celui qui dès le commencement appelle les générations ; moi YHWH, je suis le premier, et avec les derniers je serai encore » (41,4).

Pour dévoiler ce sens caché des oracles, la médiation exercée par l’agencement de ces oracles au sein d’un livre est déterminante. « La vision de la totalité était pour vous comme les mots d’un livre scellé qu’on donne à celui qui sait que c’est un livre en lui disant : ‘lis donc ceci’ et il dit : ‘je ne peux point car il est scellé’. Puis on donne le livre à celui qui ne sait pas ce qu’est un livre en disant : ‘lis donc ceci’ et il dit : ‘je ne sais pas ce que c’est qu’un livre’ » (29,11-12).
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2004-1-page-16.htm
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MessageSujet: Re: écrire et/ou ne pas écrire   écrire et/ou ne pas écrire Icon_minitimeVen 01 Mar 2019, 13:05

Très intéressant -- cela rejoint un peu ce que je disais hier sur Daniel, du constant "recyclage" des textes dans le même "livre" et d'un "livre" à l'autre; et aussi ceci, du moins pour le jeu (plus ou moins dangereux) des "textes" et du "livre".

Il faudrait, bien sûr, être et rester conscient de l'illusion de perspective qui constitue la perspective même. Que le rapport à un "texte", à l'ensemble d'un texte d'autant plus qu'il est long (du petit au grand "livre biblique", à la Bible-livre de tel ou tel "canon", à la "littérature" ou au "corpus") varie considérablement pour des raisons tout à fait "techniques" (avec toujours derrière la "technique" une sociologie, une économie, une histoire). On ne se fait pas la même idée d'un texte selon qu'on l'entend lire à haute voix et par petits bouts à la synagogue ou à l'église et qu'on n'en mémorise que des phrases ou des "histoires", qu'on peut le lire soi-même en y accédant occasionnellement dans un rouleau difficilement maniable ou dans un codex déjà plus facile à "consulter", dans un livre imprimé qu'on a chez soi, ou sur un écran d'ordinateur qui permet instantanément toutes les recherches et les comparaisons, l'accès à des introductions et à des commentaires avec des "plans" d'ensemble, etc. Et avec un niveau et un genre d'"éducation" différent, de l'analphabète au "savant" de telle ou telle époque et "formation".

Le principal problème pour un bibliste contemporain qui dispose d'outils sans précédent pour accéder simultanément ou presque à une "vision d'ensemble" et au moindre "détail" d'une littérature et d'un corpus plus vastes que jamais, c'est justement qu'il en sait trop, beaucoup plus en tout cas que les "auteurs", "rédacteurs", premiers lecteurs ou auditeurs des textes qu'il étudie. Et que tout ce qui l'aide à les "comprendre" l'empêche aussi de les "comprendre" en se mettant à leur place, au point de vue de leur perspective et de leur horizon limités. La conscience de ce problème peut sans doute mener à une paralysie exégétique (tout sens "original" nous est à jamais inaccessible, qu'on place l'"origine" au niveau du "livre définitif" comme de chacun de ses "morceaux") mais aussi et par là même à une libération de la lecture: puisque nous n'accéderons jamais à un sens "original", ne craignons pas de lire, d'écrire et d'inventer, sans prétention d'"autorité" et sans (trop de) souci d'"authenticité"; paradoxalement c'est peut-être encore ainsi qu'on est le plus proche des "auteurs" et "rédacteurs" anciens, qui de toute évidence ont aussi usé d'une semblable "liberté" dans leur propre "contexte", à jamais perdu pour nous.
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