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| prédication(s) | |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: prédication(s) Mer 21 Nov 2018, 13:49 | |
| Pour quelqu'un qui, comme moi, a été Témoin de Jéhovah, fût-ce dans un lointain passé, le verbe "prêcher" et le substantif "prédication" gardent une connotation particulière. Cela tient en partie à une différence d'usage bien connue: dans la plupart des Eglises, la "prédication" est le sermon ou l'homélie, qui s'adresse concrètement à l'assemblée des fidèles, même si le prédicateur a en vue un public plus large; chez les TdJ, c'est au contraire une activité entièrement tournée vers l'extérieur, vers ceux qui ne sont pas des adeptes mais sont susceptibles de le devenir: soit ce que d'autres Eglises nomment "évangélisation", et qui peut aussi s'appeler "propagande", "publicité" ou "prosélytisme" -- termes aujourd'hui péjoratifs, mais qui ne l'ont pas toujours été. Cela tient encore davantage, bien entendu, à la forme et à l'importance particulières de cette activité chez les TdJ (de mon temps principalement le porte-à-porte, une obligation en principe pour tous les adeptes, mesurée en temps, contrôlée par des "rapports d'activité", etc., sur le modèle commercial du colporteur devenu entre-temps VRP; modèle plus large dans un sens, plus étroit dans un autre puisque le prédicateur ne s'adresse généralement qu'à une personne, tout au plus à une famille à la fois). La prédication ecclésiastique, de son côté, a viré depuis longtemps au ridicule dans la langue courante: "sermon" (cf. "sermonner") et "prêcher" (cf. "prêchi-prêcha") évoquent un discours moralisateur et ennuyeux. La prédication n'en est pas moins essentielle à l'"évangile", comme ce nom l'indique: une "bonne nouvelle", quoi qu'on entende exactement par là, s'"annonce" ou se "proclame" (d'où l'importance, dans le NT, des verbes euaggelizomai -- dans l'"évangile", euaggelion, il y a bien l'"ange", aggelos, "messager" ou "émissaire" -- ou kèrussô, d'après kèrux, le héraut, d'où aussi "kérygme", kèrugma, pour le "message"). La référence à la "parole" (autre terme-clé, de la notion biblique et spécialement prophétique de "parole de Dieu" au concept grec et philosophique du logos) est encore plus fondamentale, même dans l'écriture (avec ou sans majuscule). Je ne cite pas de textes, nous les connaissons par cœur: tous les protagonistes du NT (je ne dis pas tous les croyants ni tous les chrétiens) "prêchent", Paul, Jean-Baptiste, Jésus et les apôtres dans les évangiles, Etienne ou Philippe dans les Actes; c'est-à-dire qu'ils parlent, non seulement oralement (ça va de soi) mais publiquement, même pour dire des choses fort différentes à des auditoires non moins différents, et dans une vaste diversité de contextes réels ou fictifs: dans le désert, au bord du lac, sur la montagne ou dans la plaine, sur la place publique, au temple, dans des synagogues ou des assemblées de croyants réunis dans la maison de tel ou tel. L'idée d'"enseignement" ou d'"endoctrinement" est toute proche (cf. le "catéchisme" ou la "catéchèse", qui évoquent aussi l'oralité), celle de "discours" (public) encore plus qui convoque toute la "rhétorique" ancienne, codifiée depuis les sophistes jusqu'à l'époque romaine, en contexte politique ou juridique surtout (notamment chez Quintilien): art de l'argumentation, de la persuasion, de la démonstration convaincante, voire contraignante, avec ses aspects "logiques" et "pathétiques" (appel au raisonnement et au sentiment). Mais la "prédication" a quelque chose de plus "élémentaire" ou "sommaire", de l'ordre de la proposition, indicative et éventuellement impérative, affirmation et/ou ordre (exemplairement dans sa formule synoptique: "le règne de Dieu s'est approché" ou "est là"; "repentez-vous", "convertissez-vous", ou encore plus simplement "changez"). Cela rejoint d'ailleurs pour partie ce qu'on appelle "prédication" en logique formelle, c'est-à-dire la proposition de base qui associe un "sujet" (S) et un "prédicat" (p) au moyen d'une "copule" exprimée ou non par le verbe "être" à la troisième personne du présent de l'indicatif, "S (est) p", soit l'expression minimale de l'affirmation et de l'information vraie ou fausse (l'impératif au contraire échappant à la détermination du vrai et du faux, cf. Aristote). A la prédication du prédicateur répond en outre la "confession" ( homologia) des interlocuteurs, également orale, publique en son cadre, formelle et concise. Se souvenir de la "prédication", c'est se souvenir de l'"oralité" (chose qui disparaît sur Internet, tout au moins dans le format "forum"; qui revient peut-être avec YouTube et consorts); mais aussi d'un certain sens de la simplification ou du résumé, de la formule marquante, qui dit tout en une phrase susceptible d'être répétée, rappelée, prêchée et confessée, voire récitée, rabâchée ou ressassée en devise, mot d'ordre, slogan, mantra. On n'a, à cet égard, que l'embarras du choix, dans la Bible et ailleurs, de telles formules qui répondent souvent à la forme de la "prédication" logique: Dieu est amour, Dieu est esprit, Dieu est lumière, Jésus est Seigneur, Christ est ressuscité, Dieu est mort, tout est permis, tout est grâce, cela se pense comme cela se proclame, même quand cela s'écrit... Nous sommes ici tout près (je n'étais pas parti de là, mais j'y reviens) de notre discussion récente sur la parrèsia: une chose est de savoir quoi dire ou quoi penser (la détermination de la "vérité"), une tout autre chose, quoique nécessairement liée, est de le dire effectivement, de le "prêcher" ou de le "proclamer" à la fois comme "la vérité" et comme "sa vérité". En tant que religion de (la) foi, le christianisme dépend de cette "prédication" -- non au sens où ce serait une activité de tous les chrétiens mais au sens que la "foi" de tout chrétien lui répond (cf. Romains 10). Je repense à la "trinité" de la "parole de Dieu" chez K. Barth: dans le Christ, dans l'Ecriture et dans la prédication, qui ne se confond pas avec les autres "hypostases" bien qu'il s'agisse toujours de la même "parole de Dieu". --- Retour à la parenthèse autobiographique: ce qui rend particulière l'entente du mot, c'est avant tout l'expérience de la chose. Je me souviens surtout de la "prédication", jéhoviste ou autre, parce que je l'ai pratiquée, inégalement mais assez longtemps, et avec la difficulté spécifique du bègue, qui ne prend jamais la parole sans appréhension parce que pour lui elle ne va pas de soi. Et pourtant c'est plutôt un bon souvenir, de dire ce qu'on croit, et de le croire assez pour le dire, alors même qu'on ne croit plus exactement la même "chose", que le "contenu" et la "forme" changent, tout au moins en partie. L'écriture a d'autres avantages, mais elle ne le remplace pas tout à fait.
Dernière édition par Narkissos le Jeu 22 Nov 2018, 13:05, édité 1 fois |
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Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 22 Nov 2018, 13:03 | |
| - Citation :
- Cela rejoint (je n'étais pas parti de là, mais j'y reviens) notre discussion récente sur la parrèsia: une chose est de savoir quoi dire ou quoi penser (la détermination de la "vérité"), une tout autre chose, quoique nécessairement liée, est de le dire effectivement, de le "prêcher" ou de le "proclamer" à la fois comme "la vérité" et comme "sa vérité". Le christianisme est essentiellement lié à cette "prédication", non au sens où ce serait une activité de tous les chrétiens mais au sens que la "foi" de tout chrétien en dépend (cf. Romains 10).
" Comment donc invoqueraient-ils celui en qui ils n'ont pas mis leur foi ? Et comment croiraient-ils en celui qu'ils n'ont pas entendu proclamer ? Et comment entendraient-ils, s'il n'y a personne pour proclamer ?Et comment proclamerait-on, si l'on n'est pas envoyé ? Ainsi qu'il est écrit : Qu'ils sont beaux, les pas de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles ! " Rm 10,14-15 - Citation :
- Se souvenir de la "prédication", c'est se souvenir de l'"oralité" (chose qui disparaît sur Internet, tout au moins dans le format "forum"; qui revient peut-être avec YouTube et consorts); mais aussi d'un certain sens de la simplification ou du résumé, de la formule marquante, qui dit tout en une phrase susceptible d'être répétée, rappelée, prêchée et confessée, voire récitée, rabâchée ou ressassée en devise, mot d'ordre, slogan, mantra. On n'a, à cet égard, que l'embarras du choix, dans la Bible et ailleurs, de telles formules qui répondent souvent à la forme de la "prédication" logique: Dieu est amour, Dieu est esprit, Dieu est lumière, Jésus est Seigneur, Christ est ressuscité, Dieu est mort, tout est permis, tout est grâce, cela se pense comme cela se proclame, même quand cela s'écrit...
" Je vous ai transmis, avant tout, ce que j'avais moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures. Il a été enseveli, il s'est réveillé le troisième jour, selon les Ecritures. Il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois : la plupart d'entre eux sont demeurés en vie, quelques-uns se sont endormis dans la mort. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Après eux tous, il m'est apparu, à moi aussi, comme à un avorton." 1 Cor 15, 3 ss 1 Co 15:3 contient les termes propres à la transmission orale et constitue une référence explicite à la tradition orale, surtout lorsqu'on rapporte ce texte à celui de 1 Cor 15,11 : " Ainsi donc, que ce soit moi, que ce soient eux, telle est notre proclamation et telle est la foi à laquelle vous êtes venus." On imagine facilement que dans les Eglises primitives, les croyants pratiquaient la confession de foi, par exemple, la tradition "Jésus est Seigneur" est introduite soit par ‘que toute langue confesse (Ph 2:11), ou encore par ‘nul ne peut dire’ (1 Co 12:3).On retrouve aussi des propositions liées à l’idée de proclamation qui paraissent clairement comme des formules d’introduction " C’est pourquoi il est dit " (Ép 5:14) ou encore "Cette parole est certaine" (2 Tm 2:11). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 22 Nov 2018, 13:33 | |
| Dans 1 Corinthiens 15,3ss, on a peut-être un exemple de concurrence et de complication de la tradition orale et écrite, puisque la liste des "apparitions" semble surchargée d'ajouts successifs (la tradition orale modifie le texte, le texte modifie aussi la tradition orale).
Il y a sans doute une différence à faire entre la "confession" (p. ex. "Jésus est Seigneur") et la "citation" qui peut être de l'Ecriture, même au-delà de notre "canon", mais aussi d'une "hymne" chrétienne, cantique ou poème chanté, psalmodié ou récité; auquel cas il s'agit encore d'une forme de "tradition orale", mais d'un autre genre, rituel ou liturgique, devenue texte et citée comme tel. A la base il y a bien cependant une autre forme d'oralité, tout aussi importante à l'expérience communautaire de la "foi" (chant, répons, etc.; cf. déjà les "Psaumes" du Second Temple).
Soit dit en passant, la formule "il est dit" facilite la lecture (c'est presque inévitable): le texte dit "il dit" (legei), sans sujet exprimé (Dieu ? l'Esprit ? l'Ecriture ? rien n'oblige en fait à en suppléer un, puisque c'est une formule stéréotypée); quoi qu'il en soit, la même formule introduit indistinctement des citations de toute provenance, "canonique" ou non, juive ou chrétienne, connue ou inconnue (de nous !).
La "prédication" (sermon, homélie) se distingue, dans une liturgie traditionnelle, par une rupture de forme: on revient le cas échéant de la langue sacrée à la langue profane (même dans une messe en latin, on "prêche" en français; on trouverait sans doute des analogies dans les synagogues et les mosquées, au moment où on délaisse l'hébreu ou l'arabe coranique pour la langue ordinaire), on ne chante plus, on ne récite plus, on ne lit plus (en tout cas pas un texte préalablement connu; les sermons sont souvent écrits mais les bons sermons le font oublier), on parle (presque) normalement. C'est là qu'un "sens", ou un "message", se dégage de la forme du "culte" ou du "service" (liturgique), où le "sacré" se manifeste au "profane" (prédication inséparable donc de l'exégèse, de l'interprétation, de l'explication, de la traduction, mais aussi du résumé, de la récapitulation, du rassemblement en parole claire et concise). Et c'est surtout par la place (concrètement, le temps) qu'il prend que les Eglises se différencient (minime en Orient, de plus en plus importante en Occident, prédominante dans le protestantisme, envahissante chez certains "évangéliques"). Au bout, évidemment, le risque du "bavardage", mais aussi la chance d'un "genre littéraire" extrêmement riche, pour autant que les sermons sont (aussi) écrits: des Pères de l'Eglise à Kierkegaard en passant par Luther, Calvin ou Bossuet, les sermons forment des textes d'autant plus passionnants qu'ils sont effectivement passés par la parole, et qu'ils en gardent le ton. (Même Nietzsche, fils de pasteur, écrit souvent comme on "prêche".)
(Formule quasi-proverbiale en Allemagne, dont l'humour est malheureusement intraduisible: Der Pfarrer darf über alles predigen, nur nicht über zwanzig Minuten -- le pasteur peut prêcher sur tout, mais pas au-delà de vingt minutes, avec la même préposition dans les deux cas... Kierkegaard répète aussi souvent une formule danoise du même genre: tout a une fin, même le sermon du pasteur Untel...) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 22 Nov 2018, 15:56 | |
| Au contraire de cette réactivation de l'antique discipline de la rhétorique dans l'univers profane, il est étonnant de constater combien on se préoccupe rarement de l'homélie en Église catholique, notamment dans le domaine francophone. Très peu d'impulsions pastorales vigoureuses ont été données à ce propos par les Conférences épiscopales ou les Congrégations romaines, et un nombre très restreint de publications en français lui ont été consacrées ces dernières années.
En effet, l'homélie est d'abord un acte de foi en Église, qui continue de croire que la prédication liturgique actualise la Parole de Dieu, selon l'exemple de l'homélie de Jésus à la synagogue de Nazareth: «Aujourd'hui, proclame Jésus, en refermant le rouleau d'Isaïe 61 qu'il venait de lire, s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture» (Lc 4,16-21). Quel modèle inégalable, notamment par sa brièveté !
Comme relation interpersonnelle, l'homélie dépend de la qualité de la relation interlocutive. Si le prédicateur se rend attentif à ses auditeurs, s'il prie pour leur disponibilité intérieure, s'il croit en leur capacité de se laisser rejoindre par le Verbe, cela se sent et change tout. Présider l'eucharistie et prêcher sont des actes d'abord spirituels: combien l'assemblée se laisse toucher par la qualité de présence liturgique du célébrant ! Pour aider à prier, prions. Ainsi que le dit si bien la prière des Pueri Cantores (les «petits chanteurs»): «Frères, chantons (prions) pour que l'on prie, pour qu'on regarde un peu le ciel ! ».
Servir la Parole et non s'en servir
Le but de l'homélie consiste à transmettre la Parole à la communauté, afin de nourrir celle-ci et de la faire vivre. Pour faire parler les textes, il s'agit donc d'entamer avec eux la conversation, de « surprendre » la conversation originelle qui a présidé à leur rédaction (« le monde derrière le texte ») et de se pencher attentivement sur leur texture littéraire, leur genre littéraire, leur construction, leur fonction au sein de l'ensemble du Canon des Écritures («le monde du texte»). C'est seulement par une ascèse que peut s'engager la conversation avec la personne du prédicateur puis avec l'assemblée liturgique («le monde devant le texte»). Cette ascèse articule des approches diachroniques et reconstructives, pour déterminer l'enracinement historique des textes, avec des méthodes synchroniques et narratives, afin d'établir leur agencement littéraire, leur portée rhétorique, leur contexte dans le Livre auquel ils appartiennent, leur visée théologique spécifique. Les prédicateurs catholiques devraient s'imposer la même discipline que leurs homologues réformés, en lisant régulièrement un ou deux grands commentaires bibliques. Puissent-ils continuer de rester informés des recherches académiques en exégèse, de cultiver une saine curiosité théologique ! https://journals.openedition.org/rsr/404#tocfrom1n3 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 22 Nov 2018, 17:16 | |
| Article long mais intéressant, au contraire de tant d'homélies catholiques contemporaines (à ce que j'entends quand il m'arrive d'entrer au hasard dans une église), courtes et insipides !
On retrouve là le problème général de la "division du travail" et de la "spécialisation"; on peut passer sa vie à l'exégèse scientifique de quelques textes, sans jamais en ressortir pour en tirer une parole pertinente, contemporaine, susceptible d'atteindre le "profane" -- on s'y risquera d'ailleurs d'autant moins qu'on est (plus) conscient des problèmes exégétiques; du coup, ce sont surtout les ignorants (Audiard dirait les cons, mais c'est souvent injuste) qui ont quelque chance d'"oser", avec plus ou moins de génie, de talent, de culot ou d'inconscience selon le cas...
Un autre aspect de la question (qui apparaît un peu dans cet article) est le rapport entre "prophétie" et "prédication". Ce n'est certainement pas la même chose, mais il y a quand même entre les deux une intersection significative -- au point où le prophètès, comme on l'a vu encore récemment, n'est pas l'oracle proprement dit, mais l'interprète en langage clair de l'inspiration immédiate et inintelligible; et où l'exégète renonce à être le commentateur "neutre" et "savant" d'un texte indifférent pour courir le risque d'une sorte d'"inspiration" engagée. C'est encore le rapport, fût-il coïncidence existentielle autant qu'étymologique, entre parrèsia et parousia. Pas de "présence" ni d'"actualité" sans audace. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 22 Nov 2018, 17:37 | |
| - Citation :
- Article long mais intéressant, au contraire de tant d'homélies catholiques contemporaines (à ce que j'entends quand il m'arrive d'entrer au hasard dans une église), courtes et insipides !
Non seulement les homélies sont "courtes et insipides" mais elles sont souvent prononcées sans enthousiasme, sans volonté de toucher le cœur ou d'instruire et sur un mode routinier ou le prêtre à l'air d'être le premier à s'ennuyer. Je dirais dans ces cas que l'homélie est plus subie qu'appréciée et partagée. L'homélie catholique a du mal, a soutenir la comparaison avec le prédication protestante. L'Eglise catholique semble être sensible à cette situation : 90% de travail et 10% d’Esprit Saint !Concélébrant parfois, je suis effaré de voir des prêtres lire des homélies qu’ils ont téléchargé sur internet… ! Je n’insiste pas sur l’attention que portent les paroissiens à une telle lecture, souvent monocorde, d’un texte dont l’intelligence échappe au prêtre puisqu’il ne l’a pas écrit. Les paroissiens se réveillent en général quand le son s’arrête… Pardonnez‐moi d’être un peu dur ici, mais nous avons été ordonnés pour 3 fonctions, dont l’une est l’enseignement et la prédication. La Prédication, la préparation d’une homélie, c’est donc d’abord un travail intellectuel et spirituel, une étude priée des textes de la liturgie dominicale. Cette étude, comme toute étude intellectuelle, nous porte à interroger des sources. Il est important d’en avoir de bonnes (Le Jésus de Nazareth, de Benoit XVI, par exemple. Le Seigneur, de R. Guardini, est aussi excellent. De nombreux livres existent ici. Et pourquoi pas puiser aussi de l’inspiration sur d’autres grands maîtres : Cantalamessa (online), ou plus ancien tel Lacordaire, tel Père de l’Eglise,…). Prêcher, c’est enseigner. Et enseigner, c’est d’abord préparer son enseignement. L’une des grandes erreurs du Renouveau Charismatique fut de croire que l’Esprit Saint faisait le travail. Si nous n’apportons pas notre part de travail et de sueur, l’Esprit Saint ne peut agir. Le Christ avait besoin de 5 pains et de 2 poissons pour nourrir les foules entières… 2 heures de travail sont un minimum pour l’homélie dominicale. 3 heures sont plus normales.[url=http://www.theologie.fr/Fiche - ReunionsEfficaces.pdf] http://www.theologie.fr/Fiche%20-%20ReunionsEfficaces.pdf[/url] |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 22 Nov 2018, 20:55 | |
| Oui. Je trouve décidément aux propos du pape François (fin du document) une certaine "fraîcheur" (un pape ne devrait pas dire ça ?).
Tout le monde ou presque l'a dit: le "protestantisme" est l'échec de la Réforme, qui n'a pas réussi à réformer la seule chose qu'elle voulait vraiment réformer, à savoir la prédication catholique. On se retrouve d'un côté avec une parole proliférante dans une religion et une culture indigentes, de l'autre avec un rite et une tradition qui se méfient de la parole et du sens comme de leur ombre. Au bout du compte, une "modernité laïque" qui redoute autant la pensée que le signe et se réfugie dans la fuite en avant d'une technique insignifiante.
Je garde une certaine tendresse pour l'idée luthérienne, avec sa conception ouverte, rayonnante ou centrifuge de l'Eglise: qu'on s'attache à prêcher l'évangile (de la grâce) et à administrer les sacrements (qui "font" ce que "dit" la prédication), sans s'occuper du reste (et notamment de "discipliner" l'Eglise ou la cité, comme chez Calvin et tant d'autres). Certes, c'est aussi "la porte ouverte" à toutes les dérives éthiques et politiques (la fameuse théorie des "deux règnes", qui s'oppose autant en principe au pouvoir temporel de l'Eglise qu'aux révolutions anabaptistes pour autant que celles-ci se veulent théologiquement fondées, et à laquelle on a tout reproché, jusqu'au nazisme quatre siècles plus tard). C'est pourtant, me semble-t-il, la seule "logique" conforme à une "grâce" qui s'annonce et s'accorde sans calculer les conséquences...
Très accessoirement, l'histoire des prêtres qui pompent leurs sermons sur internet (et doivent de temps en temps en copier d'assez peu catholiques !) m'a rappelé a contrario la standardisation centralisée des "discours publics" (l'équivalent jéhoviste) par la Watchtower. Je n'avais jamais fait que des discours "libres" (que je composais essentiellement d'après les articles d'Aid to Bible Understanding) jusqu'à ce que ce soit interdit; et le premier que j'aie dû faire d'après un "plan" imprimé, je l'ai fait dans la congrégation de Louviers, et encore de façon trop "libre" (je m'en souviens parce qu'il y avait dans l'assistance un membre du Comité de filiale qui essayait désespérément de suivre ce que je disais dans le "plan" et qui était toujours perdu, alors que pourtant je l'avais suivi dans les grandes lignes, mais en disant les choses à ma façon). Bref, cet exercice auquel j'avais pris jusque-là un certain plaisir avait perdu tout son intérêt. Mais je trouve assez remarquable, par comparaison, que l'Eglise catholique si centralisée et dogmatique qu'elle soit n'ait jamais cherché à "standardiser" ses prédications, alors qu'elle en aurait tous les moyens techniques et qu'au plan du "contenu" comme de la "forme" elle aurait peut-être davantage à y gagner. Pour le meilleur et pour le pire, le prêtre catholique a plus de liberté et d'initiative (même s'il ne sait pas quoi en faire) que l'orateur jéhoviste dans une organisation censément non hiérarchique, ça fait rêver...
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| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 22 Nov 2018, 21:40 | |
| Cela me rappelle "le discours spécial" qui est prononcé une semaine après le mémorial. L'orateur doit lire le texte imprimé sans rajouter quoique ce soit de personnel. J'ai pratiqué l'exercice 2 fois en étant plus mal à l'aise que l'auditoire… Mes filles m'avaient alors déclaré :"Tu avais l'air coincé"... |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Ven 23 Nov 2018, 10:58 | |
| Je n'ai pas connu ça (Dieu merci !). De mon temps, pour autant que je me souvienne, seuls certains discours des assemblées de circonscription et de district étaient intégralement écrits et lus mot-à-mot, et c'étaient généralement les plus hautes "huiles" (anciens du Béthel, surveillants itinérants, ou le gratin des "locaux") qui se les tapaient.
Le plus comique, c'est que nous avions appris (à "l'Ecole théocratique", avec ou sans "ministère" selon les périodes) que c'est justement ce qu'il ne fallait pas faire, tout écrire et tout lire (les instructions ont peut-être changé depuis). On nous recommandait plutôt le "plan à mots-clés" qui conservait au discours une part d'improvisation et donc de "naturel"; ce qui me convenait davantage et dont j'ai d'ailleurs gardé l'habitude ensuite, même dans les Eglises protestantes qui avaient plutôt la pratique contraire (écrire un texte intégral, quitte à s'en écarter selon les circonstances). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Ven 23 Nov 2018, 11:10 | |
| - Citation :
- Je garde une certaine tendresse pour l'idée luthérienne, avec sa conception ouverte, rayonnante ou centrifuge de l'Eglise: qu'on s'attache à prêcher l'évangile (de la grâce) et à administrer les sacrements (qui "font" ce que "dit" la prédication), sans s'occuper du reste (et notamment de "discipliner" l'Eglise ou la cité, comme chez Calvin et tant d'autres).
Luther commente Ga 3, 2, auditus fidei, et le parallèle avec le fides ex auditu va ici de soi. Il soulève une question traditionnelle de l’exégèse depuis saint Jérôme : si l’on ne peut croire sans entendre (Rm 10, 14), « comment les sourds deviendront-ils chrétiens » et qu’en sera-t-il de l’effet des paroles du baptême sur l’enfant qui ne les comprend pas ? Le commentaire de Luther renverse les termes du problème : ceux qui ont des oreilles entendent-ils vraiment (Mt 11, 15) ? La « mémorable leçon » de Paul est ailleurs, dans l’idée que la parole de grâce, « en même temps qu’elle frappe l’oreille, répand intérieurement l’Esprit ». L’auditus fidei est ce par quoi l’Esprit est reçu et il est nécessairement auditus verbi ; en ce sens précis, « la parole seule (solum verbum) est le véhicule de la grâce de Dieu »Trois ans plus tard, en 1522, la formule est passée dans la prédication de Luther, toujours à partir du fides ex auditu : « il n’y a pas d’autre chemin que ce chemin de la foi, lequel est indiqué par la seule parole de Dieu, comme Paul le dit en Rm 10, “la foi vient de l’écoute” ». Un sermon de 1529 a la même conclusion, invoquant « la vraie montée au ciel » : - Citation :
- Au prédicateur qui prêche fidèlement succède l’écoute véritable, puis la foi, cette foi est sans repos et se rapproche de Dieu, elle perçoit ton impiété et tes péchés et te pousse auprès de Dieu.
https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2014-3-page-563.htm - Citation :
- Cela me rappelle "le discours spécial" qui est prononcé une semaine après le mémorial. L'orateur doit lire le texte imprimé sans rajouter quoique ce soit de personnel. J'ai pratiqué l'exercice 2 fois en étant plus mal à l'aise que l'auditoire… Mes filles m'avaient alors déclaré :"Tu avais l'air coincé"...
Ce fameux discours "spécial" n'avait rien de spécial et était d'une platitude consternante et ressemblait plus à de la propagande qu'à un discours qui visait à instruire. La prédication et l'homélie sont d'excellentes occasions pour l'enseignant de susciter du plaisir à lire la Bible, à se poser des questions sur sa foi et sa position de croyant, sans obligatoirement tomber dans les discours enflammés et qui jouent sur la sensibilité comme dans les prédications évangéliques. L'étude des paraboles ou des béatitudes peuvent vraiment enrichir un croyant, surtout si on y apporte un soupçon d'érudition. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Ven 23 Nov 2018, 12:21 | |
| Article précieux (sur Luther) !
J'en relève deux choses qui sont directement liées à notre sujet:
1. La "monotonie" fondamentale, assumée et résolue comme défaut et comme qualité, faiblesse et force, d'une prédication qui n'a au fond qu'une seule chose à dire, toujours la même (unité essentielle et donc synonymie fonctionnelle de "l'Evangile", de "la grâce", de "la foi", de "Dieu", de "Jésus-Christ", du "Saint-Esprit", de la "Parole", etc.), sous la variation et même l'opposition (dialectique ou paradoxale, p. ex. "la croix" et "la gloire") des formules. Grandeur et misère à la fois de la prédication luthérienne, de ne vouloir et de ne pouvoir être rien d'autre que ça, et de le savoir. C'était déjà chez Paul, c'est encore dans la théologie "dialectique" du XXe siècle (Barth, Bultmann, Ebeling; j'ajouterais volontiers Jüngel). Et entre-temps cela a trouvé sa traduction musicale chez Bach (basse continue et contrepoint).
2. Le rapport tantôt complémentaire, tantôt conflictuel (donc "dialectique" encore) entre la parole de l'"universitaire" (au sens "scolastique", c.-à-d. aristotélicien) et celle du "prédicateur": tout le "schisme" luthérien en dépend (la pensée de Luther était parfaitement recevable dans l'université catholique, ce qui ne l'était pas c'est qu'elle s'expose à l'église, en passant par la même occasion du latin à l'allemand); symétriquement, l'abandon quasi empirique de toute la problématique théorique qui ne supportait pas cette "traduction", qui n'était pas "prêchable": il y a un côté technique, pragmatique, artisan, de "savoir-faire" ou de "métier" dans ce critère. Et bien sûr Luther a derrière lui une longue tradition de savants ET prédicateurs chez les mystiques allemands, notamment Eckhart et Tauler, avec leurs "traités" d'une part et leurs "sermons" d'autre part, mais de plus en plus consonants (encore ou déjà la "monotonie" essentielle).
Dernière édition par Narkissos le Ven 23 Nov 2018, 15:14, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: prédication(s) Ven 23 Nov 2018, 15:11 | |
| L’art. 41 est décisif d’un point de vue théologique, de par l’affirmation de la sacramentalité de la Parole de Dieu, de l’Écriture sainte lorsqu’elle est proclamée7. C’est la première fois qu’un texte du Magistère exprime aussi explicitement que la Parole devient sacrement par l’action de l’Esprit Saint.
41. C’est encore en faisant l’homélie que le président exerce sa charge propre et son ministère de la parole de Dieu. Par elle, en effet, il introduit ses frères dans l’intelligence savoureuse de la Sainte Écriture; il ouvre l’esprit des fidèles à l’action de grâce pour les merveilles de Dieu; il nourrit leur foi en cette Parole qui, dans la célébration, par l’action de l’Esprit Saint, devient sacrement; il les prépare enfin à une communion fructueuse et les invite à faire leurs les principes de la vie chrétienne.
La seule partie entièrement nouvelle se trouve dans les art. 44 à 48, où l’on parle du devoir des fidèles dans la liturgie de la parole. Ils doivent être des auditeurs actifs (art. 47), écoutant «la parole de Dieu avec cette vénération intérieure et extérieure qui, de jour en jour, développera en eux la vie spirituelle et les fera entrer plus profondément dans le mystère célébré» (art. 45), croyant en la présence du Christ dans la Parole proclamée (art. 46), mus par l’action de l’Esprit Saint (art. 47).
Le second lien, entre le ministère de proclamation de l’évangile et celui de l’homélie, semble moins immédiatement évident. Dans quelle mesure les affirmations sur la sacramentalité de la Parole de Dieu proclamée font-elles de la proclamation évangélique et de l’homélie un acte présidentiel de nature similaire? On pourrait voir dans l’homélie un «lieu carrefour» d’exercice des charges de sanctification et d’enseignement de celui qui préside la communauté dans son ensemble et plus particulièrement l’assemblée liturgique. En dehors de considérations pratiques et finalement logiques faisant que celui qui proclame, prêche aussi, le lien le plus profond entre la proclamation et l’homélie serait le fait qu’elles soient toutes deux un acte présidentiel.
L’homme contemporain est-il «capable» d’écouter une homélie ?
La question de la Liturgiefähigkeit posée en 1964 par Romano Guardini pourrait s’appliquer à l’homélie. Que l’homme contemporain soit «capable de liturgie», c’est-à-dire capable de participer à la liturgie, de percevoir et même comprendre un peu sa vraie nature, est une question vaste et cruciale. Plus précisément, est-il capable d’écouter une homélie avec profit spirituel, intellectuel, humain? Il faut probablement répondre par la négative et entrer dans les solutions esquissées par Angelus Häußling18. Ceci renvoie de surcroît à une autre «capacité», celle d’entendre et de comprendre un tant soit peu la Bible. https://www.nrt.be/docs/articles/2004/126-1/589-Du+sermon+%C3%A0%C2%A0+l%27hom%C3%A9lie.+Nouvelles+questions+th%C3%A9ologiques+et+pastorales.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Ven 23 Nov 2018, 16:18 | |
| C'est très instructif (en tout cas pour moi qui connais peu le catholicisme), et en même temps il y a quelque chose d'un tantinet "surréaliste" dans ce débat technico-dogmatique imperturbable sur une prédication qui a perdu en à peine un siècle la quasi-totalité de son auditoire; non moins "surréaliste", bien entendu, le fait que nous en parlions, entre ex-"prédicateurs" hérétiques à divers titres, sans Eglise et (presque) sans auditoire... (deux miroirs valent mieux qu'un pour une mise en abyme) Les contre-modèles qui servent ici ou là de modèle de recours ou de secours sont intéressants aussi: le "dialogue" question-réponse de Platon ou du catéchisme, caricaturé par l'enseignement jéhoviste avec la question au bas de chaque paragraphe; le discours du "tribun" politique indiscernable du bateleur de foire, grandeur et misère du logos...Je repense à l'histoire que racontait Bergman (dans Laterna magica, je crois) à propos des Communiants: celle de son père pasteur (luthérien) qui assurait son service ( Dienst), même malade, même dans une église vide. Reflet lointain mais fidèle de cette "monotonie" luthérienne (géniale ou pitoyable, émouvante ou agaçante, toujours "dialectique"), de cette incapacité de faire autrement ( Ich kann nicht anders). Et à ce cher professeur de NT, mort récemment, qui répondait aux candidats pasteurs qui l'interrogeaient sur leur "vocation": si vous pouvez faire autre chose, faites-le ! |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: prédication(s) Sam 24 Nov 2018, 20:44 | |
| Le temple le plus important que les protestant utilisent à Genève porte le nom de St-Pierre... On peut y voir la chaise sur laquelle s'asseyait Calvin…
Généralement c'est le pasteur Vincent Schmid qui prononce le sermon… très souvent fort intéressant que l'on peut retrouver dans son intégralité sur le site internet de St-Pierre.
Il n'y a une petite centaine d'assistants. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Dim 25 Nov 2018, 12:30 | |
| En France aussi, les prédications protestantes sont généralement d'excellente qualité (ça fait un moment que je n'en ai pas entendu, mais j'en ai entendu beaucoup pendant une bonne dizaine d'années et je ne vois pas de raison que ça ait changé). Surtout dans les "hauts-lieux" des grandes villes qui font un peu "vitrine", mais même ailleurs (le dernier auquel j'aie assisté, je crois, c'était dans un petit village des Cévennes, avec une jeune pasteure scandinave, et c'était fort intéressant); et aussi chez les "évangéliques" des principales fédérations (Eglises libres, baptistes, etc.), pour autant que leurs pasteurs sont convenablement formés.
Bien sûr le critère est largement culturel: un "bon" sermon, en France comme en Suisse, et pour les catégories sociales dominantes du protestantisme historique qui sont nettement plus "cultivées" que la moyenne, c'est sobre, concis, intelligent, profond, méditatif ou allusif, en plus d'un sens "spirituel". En Afrique ou en Amérique latine, ou dans une moindre mesure dans les Eglises évangéliques et pentecôtistes européennes qui touchent un public plus populaire et sans "passé protestant", c'est plus long et plus bruyant, plus émotionnellement intense aussi. Ça fait cliché mais ce n'est pas faux pour autant: l'Eglise évangélique que j'ai le plus longtemps fréquentée à Paris, très "classique", prêtait ses locaux à une Eglise latino-américaine; entre le culte français du dimanche matin et le culte espagnol de l'après-midi, un observateur qui n'aurait rien compris aux langues ni aux discours n'aurait guère pu penser qu'il s'agissait de la même "religion", puisque tout y était audiblement différent: la musique et les chants, le silence recueilli ou les exclamations de l'assistance, le ton du prédicateur...
J'ai souvent l'impression, a contrario, que la prédication catholique actuelle a une extrême méfiance envers l'intelligence (une volonté de "simplifier" qui tourne à la niaiserie, j'avais dû faire la remarque à propos des "messes de minuit", qui rassemblent encore du monde). Il y a sans doute une majorité de prêtres très âgés et très peu instruits dont on sent qu'ils "ne peuvent pas faire mieux", mais il y en a aussi de visiblement brillants qui se retiennent et s'excusent presque de risquer ici ou là un début de réflexion... |
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| Sujet: Re: prédication(s) Lun 26 Nov 2018, 15:04 | |
| Homélie : les dix erreurs à ne pas commettre
7. Le spiritualisme Il ne s’agit pas ici de parler de sorcellerie mais du défaut contraire par rapport à celui que l’on vient d’évoquer, à savoir le moralisme. Et de quoi s’agit-il ? D’homélies qui, au lieu d’avoir des racines concrètes dans la vie quotidienne des fidèles ou de leur société, volent au-dessus des nuages, spéculant sur des aspects pseudo-mystiques qui n’ont aucune incidence réelle.
8. L’intellectualisme L’intellectualisme est un défaut proche du spiritualisme, mais plus culturel, et très répandu. À cause de la formation rigoureuse et intellectuelle reçue au séminaire, où textes, thèses et présentations sont les seuls modes d’expression demandés, il arrive de penser, à tort, que celles-ci sont le bon moyen pour communiquer avec les fidèles au cours d’une homélie. On pense alors faire de l’homélie une exégèse historique et critique ou narrative, comme une leçon de théologie dogmatique ou fondamentale.
9. La catéchèse Un défaut proche de l’intellectualisme est celui de faire une catéchèse. Cette tentation est très subtile, due à une tradition, surtout primitive, dans l’Église : instruire les fidèles, durant l’homélie, sur les mystères chrétiens. C’est le cas, notamment, des homélies catéchétiques ou mystagogiques des premiers siècles. Ces catéchèses (celles de Cyrille de Jérusalem ou d’Ambroise) furent redécouvertes durant la période patristique, vers les années 50, louant à juste titre leur patience pédagogique. Nombreux sont les diocèses à avoir désormais développé un programme de catéchèses mystagogiques pour les catéchumènes adultes. Le problème qui nous intéresse ici c’est que l’homélie durant l’Eucharistie n’est pas le bon moment pour faire une catéchèse. https://fr.aleteia.org/2017/06/19/homelie-les-dix-erreurs-a-ne-pas-commettre/ |
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| Sujet: Re: prédication(s) Lun 26 Nov 2018, 19:40 | |
| C'est assez symptomatique que le temps maximal d'une homélie catholique représente le quart ou la moitié d'un sermon protestant "normal" -- en Europe, du moins.
Une partie de la différence tient sans doute au rapport entre l'homélie et l'eucharistie: en théorie il est à peu près le même, il y a toujours une "identité" de principe entre la "parole de Dieu" prêchée dans le sermon et incarnée dans le sacrement, malgré les divergences d'interprétation de ce dernier. Mais cette identité est elle-même susceptible d'interprétation plus ou moins étroite ou large. La pratique catholique l'entend le plus souvent au premier degré, ce qui débouche sur la répétition sans fin d'un catéchisme élémentaire, réduit au "grand récit" (Jésus est venu, il est mort, il est ressuscité) -- parler d'"autre chose" paraît presque incongru. Par contre, là où l'on comprend l'unité ou la synonymie générale de la théologie chrétienne (comme dans cette "monotonie" luthérienne dont on parlait plus haut), on sait qu'on ne parlera jamais d'"autre chose". Et on peut, du coup, parler de beaucoup d'"autres choses", aussi bien d'un texte biblique particulier que d'un point de théologie systématique ou fondamentale, à condition de le rapporter en fin de compte à l'unique (évangile, mystère, etc.), comme une autre façon de dire la même chose. Il en résulte aussi des visions très différentes du catéchisme, de la théologie et de la Bible -- vague souvenir enfantin ou fantasme d'une science inutilement compliquée, réservée aux spécialistes, ou bien complexité dans laquelle on peut s'aventurer avec la simplicité fondamentale d'une "foi" qui s'y retrouvera toujours. |
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| Sujet: Re: prédication(s) Mer 28 Nov 2018, 17:12 | |
| En tant qu' ex-TdJ, j'ai été surpris de constater qu'à l'église durant la messe aucun participant n'avait son propre exemplaire de la Bible , que des portions de la Bible étaient lues sans commentaire et que durant de nombreuses messes il n'y avait pas d'homélie ou lorsqu'elle avait lieu, le prêtre se contentait de lire un texte sur lequel il n'avait manifestement pas médité ... J'avoue que cela me laissait sur ma faim. Je pense que les fidèles expriment de grandes attentes vis-à-vis de l’homélie du dimanche, et à l’inverse, une grande déception lorsqu’ils se sentent peu nourris.
Ce serait l'autre face du carême. Elle est d'ordre intellectuel. C'est l'exhortation directe et orale des fidèles par les pasteurs, à travers des sermons et autres conférences de carême. On l'appelle aussi «éloquence sacrée». Cet art oratoire a laissé de grands textes littéraires. Il connaît aujourd'hui un réveil inattendu. Pas de privation, l'abondance règne et les conférences de carême refleurissent dans les diocèses de France. En dignes héritières d'une vénérable institution, les conférences de carême de Notre-Dame-de-Paris : elles sont toujours retransmises sur France Culture en direct, le dimanche après-midi, ou sur Radio Notre-Dame et la télévision KTO. Ne pas «rendre le terrain favorable aux sectes» Un souci d'éloquence et d'exhortation assez récent, dont la portée dépasse d'ailleurs ces quarante jours particuliers. En quelques mois, pas moins de trois ouvrages ont été publiés sur ce sujet et, en octobre dernier, un synode d'évêques réunis à Rome sur la Bible avait encouragé les prédicateurs catholiques à se renouveler sérieusement, comme si l'ennui ou la vacuité de certaines homélies menaçaient. Mgr Gérald Kicanas, évêque de Tucson (États-Unis), n'a pas hésité à stigmatiser les sermons creux : «La prédication peut, de nos jours, devenir insipide, être une simple formulation ayant perdu son inspiration et laissant un vide chez celui qui l'écoute.» L'évêque tanzanien de Singida, Mgr Desiderius Rwoma, a, lui, pointé un autre risque : «Les homélies sèches, politiques, sociologiques ne font que rendre le terrain favorable aux sectes.» On assiste ainsi à une sorte de mobilisation «silencieuse» autour de l'«ambon», ce lieu de prédication qui a remplacé les magnifiques chaires de bois sculptées, pour soigner le fond mais aussi la forme de l'enseignement oratoire, et ordinaire, de l'Église. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/02/25/01016-20090225ARTFIG00441-le-retour-de-l-art-de-la-predication-dans-l-eglise-.php |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Mer 28 Nov 2018, 18:48 | |
| A ce que j'ai vu, chez les TdJ les bibles ont été largement remplacées par les tablettes et smartphones, ce qui permet aussi de regarder tout autre chose en attendant que ça passe...
L'inépuisable métaphore de la "nourriture spirituelle" -- au risque de l'indigestion et de l'écœurement -- jouit pourtant dans la messe catholique ou le culte luthérien (et réformé "avec Sainte-Cène") d'une coïncidence extrêmement favorable: parler (lire, chanter), écouter, manger et boire. Entre la parole liturgique chantée, récitée et lue, "sacrée" et un peu "étrangère" même dans la langue "vulgaire", et l'acte sacramentel (plus ou moins) proprement dit, la prédication est l'unique moment du "sens", qui peut aussi bien rassembler l'ensemble en un tout cohérent (dire le "mystère", mustèrion-sacramentum) que le faire voler en éclats s'il donne l'impression d'une parenthèse ou d'une digression sans aucun rapport avec ce qui précède et ce qui le suit. Comme la mayonnaise, ça prend ou ça ne prend pas et c'est un tour de main, même s'il s'agit de langue. On comprend que le sermon soit autant objet de crainte que de désir ou d'"attente". D'autant que -- cercle vicieux -- ceux qui vont encore à l'église sans y trouver du "sens" sont souvent ceux qui en cherchent le moins, et que ceux qui en cherchent sont habitués à en trouver ailleurs (l'église étant passée en à peine un siècle du statut d'unique lieu de parole, surtout à la campagne, à une situation de concurrence sauvage: livres, journaux, théâtre, cinéma, radio, télévision, internet). Reste la possibilité, étroite mais réelle, de se différencier par un certain type de parole qui n'existe pas ailleurs, et qui manque.
La recherche et l'anticipation des "attentes" est à cet égard un piège, puisque c'est le meilleur moyen de ne pas se distinguer. Toute la littérature et le spectacle contemporains sont paramétrés sur ce modèle qui évite soigneusement tout risque et toute chance à se régler d'avance sur l'attente de l'attente, en calculant jusqu'à la dose de surprise, de nouveauté, de scandale et de provocation statistiquement souhaitable et tolérable. A la sortie, la même bouillie partout, tout juste colorée et aromatisée un peu différemment ici ou là... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: prédication(s) Mer 28 Nov 2018, 20:29 | |
| J'ai l'impression, mais je peux me tromper qu'après le début du Concile Vatican II, le passage de la célébration de la messe en langue courante et non plus en latin, a sonné la fin des belles homélies.
Auparavant le seul moment pendant lequel le prêtre s'exprimait en français était les quelques minutes du sermon. Mais dès lors que toute la messe peut être suivie beaucoup plus facilement par tout un chacun, l'effort du célébrant n'est plus le même pour l'homélie. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Mer 28 Nov 2018, 23:07 | |
| C'est possible, et ça ne laisse pas d'interroger sur le rapport du rite et de la pensée -- tout ce dont je me souviens pour ma part des retombées de Vatican II, du point de vue très limité du pensionnaire d'une école catholique, c'est que la messe a soudain cessé d'être obligatoire dans l'établissement (et aussi, mais ça nous éloigne un peu du sujet, que l'"instruction religieuse", toujours obligatoire, est devenue en partie une étude de la Bible, précédée curieusement d'un cours d'éducation sexuelle, préalable nécessaire -- dixit le prêtre de service -- à la lecture de la Genèse...). Comme j'ai aussitôt exercé ma liberté de ne plus assister à la messe, je n'ai guère profité -- ni pâti, du reste -- du passage au français, d'autant que les TdJ sont assez vite arrivés sur ces entrefaites. Je me rappelle, par contre, que la question "pourquoi la religion change-t-elle ?" avait beaucoup de succès en "prédication" (version TdJ).
Brassens avait été prophétique...
Il faut une subtile alchimie d'acte et de parole, de faire et de dire, pour que les deux ne soient plus qu'un (que l'acte soit parole et que la parole soit acte, que le faire dise et que le dire fasse). Ce n'est même pas une question de proportion. Dans une messe en latin la parole intelligible est rare et le geste (y compris le chant ou la récitation plus ou moins comprise) prédominant, dans un culte réformé c'est le contraire, mais ça peut réussir ou rater dans les deux cas.
Dernière édition par Narkissos le Jeu 29 Nov 2018, 12:16, édité 1 fois |
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Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 29 Nov 2018, 12:03 | |
| Le contexte liturgique
Il faut se rappeler maintenant que « la proclamation liturgique de la Parole de Dieu, surtout dans le cadre de l’assemblée eucharistique, est moins un moment de méditation et de catéchèse que le dialogue de Dieu avec son peuple, dialogue où sont proclamées les merveilles du salut et continuellement proposées les exigences de l’Alliance ». L’homélie a une valeur spéciale qui provient de son contexte eucharistique, qui dépasse toutes les catéchèses parce qu’elle est le moment le plus élevé du dialogue entre Dieu et son peuple, avant la communion sacramentelle. L’homélie reprend ce dialogue qui est déjà engagé entre le Seigneur et son peuple. Celui qui prêche doit discerner le cœur de sa communauté pour chercher où est vivant et ardent le désir de Dieu, et aussi où ce dialogue, qui était amoureux, a été étouffé ou n’a pas pu donner de fruit.
L’homélie ne peut pas être un spectacle de divertissement, elle ne répond pas à la logique des moyens médiatiques, mais elle doit donner ferveur et sens à la célébration. C’est un genre particulier, puisqu’il s’agit d’une prédication dans le cadre d’une célébration liturgique ; par conséquent elle doit être brève et éviter de ressembler à une conférence ou à un cours. Le prédicateur peut être capable de maintenir l’intérêt des gens durant une heure, mais alors sa parole devient plus importante que la célébration de la foi. Si l’homélie se prolonge trop, elle nuit à deux caractéristiques de la célébration liturgique : l’harmonie entre ses parties et son rythme. Quand la prédication se réalise dans le contexte liturgique, elle s’intègre comme une partie de l’offrande qui est remise au Père et comme médiation de la grâce que le Christ répand dans la célébration. Ce contexte même exige que la prédication oriente l’assemblée, et aussi le prédicateur, vers une communion avec le Christ dans l’Eucharistie qui transforme la vie. Ceci demande que la parole du prédicateur ne prenne pas une place excessive, de manière à ce que le Seigneur brille davantage que le ministre. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200256.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: prédication(s) Jeu 29 Nov 2018, 13:03 | |
| Un des problèmes (je me réfère surtout à la suite de ce texte, qui a déjà été évoqué plus haut; mais cela touche aussi à tout ce dont ici l'homélie se distingue, catéchèse, cours, conférence, etc.), c'est que le prédicateur ne peut plus tabler sur une "culture populaire" relativement homogène. Il a devant lui des gens qui par ailleurs regardent tel ou tel type d'émission télévisée, OU suivent tel ou tel site internet, OU lisent tel ou tel genre de livre, voient tel ou tel genre de film, etc. On ne peut absolument plus présumer de ce qu'il y a dans les têtes, on sait seulement que ce sera très différent d'une tête à l'autre. La pratique du dialogue dans une communauté donnée peut y suppléer dans une certaine mesure, mais cela suppose un travail considérable hors du culte ou de la messe -- visites, entretiens privés, organisation de réunions (autour d'un texte biblique ou autre, d'un spectacle, d'un film, etc.) où les gens s'expriment -- réunions qui auront d'ailleurs toutes les chances d'attirer un autre public que celui qui vient au "service" religieux proprement dit (ce dont le pasteur peut se réjouir, mais il ne sera pas plus avancé quant à la connaissance du public de sa prédication !). D'un autre côté, le prédicateur se doute bien que la majorité de ceux à qui il s'adresse n'ont aucun autre contact avec la Bible ni avec la théologie -- tout au plus de très vagues souvenirs d'un catéchisme enfantin. C'est dans un sens une raison de "faire simple", mais dans un autre ce serait aussi une raison de courir le risque d'enseigner. (De proche en proche, la hantise du "cours magistral" se propage de l'école primaire à l'université, la simplification domine partout et la complexité est toujours remise à plus tard, la terreur de l'"élitisme" aboutit à l'hyper-élitisme du tout petit nombre, d'une "aristocratie" intellectuelle qui ne sert plus à rien ni à personne puisqu'elle renonce d'elle-même à enseigner quand on ne le lui interdit pas.) |
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