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| Châtiment divin trans-générationnel | |
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free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Châtiment divin trans-générationnel Lun 14 Jan 2019, 17:18 | |
| Dans l'AT on retrouve 2 exemples de châtiment trans-générationnel, la mort de l'enfant né de l'adultère de David (2 S 12,1-15) et le report de la punition méritée par Akhab dans l'affaire de Naboth, sur la génération de ses fils 1 R 21,29 :
« As-tu vu comme Akhab s’est humilié devant moi ? Parce qu’il s’est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur durant ses jours ; c’est durant les jours de son fils que je ferai venir un malheur sur sa maison. » |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Lun 14 Jan 2019, 19:16 | |
| Pour ceux qui nous liraient plus tard, il n'est peut-être pas inutile de signaler que la discussion a commencé ici (depuis le 11.1.2019).Les exemples, en fait, sont très nombreux: l'un des plus massifs (tellement qu'on risque de ne pas le remarquer) c'est l'historiographie des Rois, qui condamne toute la fin de la dynastie de Juda jusqu'à Sédécias pour la seule faute de Manassé, malgré le "bon roi" Josias (en écho direct de la "troisième ou quatrième génération" du Décalogue; cf. 2 Rois 21 et ses rappels en 23,26; 24,3). Mais les plus criants sont dans des récits plus anciens, qui ne sont pas du tout affectés par la relative réserve de la Torah (et quant à la limitation du jugement humain à l' individu coupable, et quant à la limitation du jugement divin à un nombre restreint de générations). Par exemple la mort expiatoire des fils de Saül ( a priori innocents à titre individuel) en 2 Samuel 21. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mar 15 Jan 2019, 14:15 | |
| Le principe du châtiment transgénérationnel inscrit dans le Décalogue, où Dieu punit l'idolâtrie des pères sur les fils, sur trois et quatre générations,(Ex 20,5-6), a fait l'objet de nombreuses critiques, comme l'atteste la plainte des fils de l'époque de l'exil trouvant amer et injuste de devoir payer l'apostasie de leurs pères qui, eux, sont morts (Lm 5,7) : "Nos pères ont péché, mais ils ne sont plus, et c'est nous qui portons le fardeau de leurs fautes."
Ézéchiel réfute e principe du châtiment transgénérationnel en faisant mine de s'en prendre à la sagesse populaire, il évite de critiquer de front le décalogue :
« Qu’avez-vous à répéter ce dicton, sur la terre d’Israël : “Les pères ont mangé du raisin vert et les dents des fils ont été agacées” ?(18,2)
Dt 7,9-10 ; fait cite le principe contesté, mais en en inversant les termes pour mieux masquer qu'il supprime toute mention d'un châtiment transgénérationnel, afin de créer l'illusion que la nouvelle formulation est cohérente avec l'ancienne :
"Tu sauras donc que c'est le SEIGNEUR (YHWH), ton Dieu, qui est Dieu, le Dieu digne de confiance, qui garde l'alliance et la fidélité jusqu'à la millième génération envers ceux qui l'aiment et qui observent ses commandements. Mais il paie directement de retour ceux qui le détestent : il les fait disparaître ; il ne tarde pas à agir envers celui qui le déteste ; il le paie de retour, directement." |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mar 15 Jan 2019, 17:40 | |
| Il n'est pas certain que l'auteur d'Ezéchiel 18 ait connu le "Décalogue", du moins sous la forme où nous le lisons dans Exode 20 et Deutéronome 5. Quoi qu'il en soit, Deutéronome 7 (que j'avais un peu oublié) est très intéressant, il suggère en effet que (cette strate de) la rédaction deutéronomiste n'est pas si à l'aise que je le suggérais avec la formulation traditionnelle du Décalogue, qu'elle n'assume pas aussi tranquillement que ça l'idée d'un Dieu qui continuerait à pratiquer le châtiment transgénérationnel pour son propre compte tout en l'interdisant dans la "justice humaine" (cf. 24,16). Autrement dit, ce n'est pas seulement la contradiction mais aussi l'embarras de la contradiction qui s'inscrivent dans le même "livre". |
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mer 16 Jan 2019, 12:05 | |
| "Maintenant, que la puissance du Seigneur se montre dans sa grandeur, je t'en prie, comme tu l'as dit : « Le SEIGNEUR est patient et grand par la fidélité, il pardonne la faute et la transgression ; mais il ne tient pas le coupable pour innocent, et il fait rendre des comptes aux fils pour la faute des pères jusqu'à la troisième et la quatrième génération. » Pardonne, je t'en prie, la faute de ce peuple, selon ta grande fidélité, comme tu as pardonné à ce peuple depuis l'Egypte jusqu'ici !" Nb 14, 17-19
Dans ce texte on retrouve l'idée d'un châtiment trans-générationnel (il fait rendre des comptes aux fils pour la faute des pères jusqu'à la troisième et la quatrième génération.) et le concept ambiguë d'un Dieu qui pardonne la faute mais qui ne peut innocenter le coupable et par conséquent qui fait rendre des comptes aux fils. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mer 16 Jan 2019, 13:11 | |
| Petite note de traduction: "faire rendre des comptes" traduit ici (et souvent) le verbe hébreu pqd, qui est parfaitement clair en hébreu mais difficile à rendre en français -- impossible en tout cas à traduire toujours de la même façon. Il dit aussi bien la "visite" ou l'"intervention" de Yahvé contre ses ennemis ou en faveur des siens (châtiment ou salut donc, mais le contexte dissipe le plus souvent l'ambiguïté); mais encore, employé transitivement (avec un complément d'objet, ici "faute et transgression"), l'idée d'un mal qui revient (que Yahvé fait revenir) sur ses responsables ou leurs successeurs, leurs ayants-cause si l'on peut dire (ce qui rejoint toutes les idées anciennes de la "rétribution", nemesis, karma etc.). Il faut garder cette notion assez complexe présente à l'esprit chaque fois qu'on trouve dans les bibles traditionnelles (NT compris) des mots comme "visite" ou "inspection", qui reflètent la traduction parfois un peu mécanique de pqd par episkopeô etc. dans la Septante (ce n'est d'ailleurs pas le cas ici ni dans le Décalogue, où le grec traduit intelligemment pqd par apodidômi, "rendre"). |
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mer 16 Jan 2019, 13:35 | |
| "En ces jours-là, on ne dira plus : « Les pères ont mangé des raisins verts, et ce sont les fils qui ont mal aux dents. » Chacun mourra pour sa propre faute : tout homme qui mange des raisins verts, c'est lui-même qui aura mal aux dents." Jér 31, 29-30
Ézéchiel et Jérémie ont insisté sur une rétribution strictement personnelle que les auteurs de Job et Qohélet vont fortement critiquer. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mer 16 Jan 2019, 13:43 | |
| Jamais contents ! Décidément "Dieu" et "la justice" ne font pas bon ménage (ou: la théodicée n'est pas une sinécure). |
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mer 16 Jan 2019, 14:20 | |
| "Le SEIGNEUR vous a entendus. Dans sa colère, il a juré : Aucun homme de cette génération mauvaise ne verra le bon pays que j'ai juré de donner à vos pères,
excepté Caleb, fils de Yephounné ; il le verra, lui, et je lui donnerai, à lui et à ses fils, le pays où il a marché, parce qu'il a rempli ses obligations envers le SEIGNEUR. Même contre moi le SEIGNEUR s'est mis en colère à cause de vous ; il a dit : Toi non plus, tu n'y entreras pas. Josué, fils de Noun, qui se tient à ton service, y entrera ; rends-le fort, car c'est lui qui donnera ce pays comme patrimoine à Israël. — Et vos familles, dont vous avez dit : « Elles seront livrées au pillage ! », et vos fils, qui aujourd'hui ne connaissent pas ce qui est bon ou mauvais, ce sont eux qui y entreront ; c'est à eux que je le donnerai, ce sont eux qui en prendront possession. [size=13]Quant à vous, repartez pour le désert, dans la direction de la mer des Joncs." Dt 1, 34 ss [/size]
La mort ne concerne que la génération fautive, tandis que la rétribution positive de Caleb est transgénérationnelle. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Mer 16 Jan 2019, 16:19 | |
| L'histoire de Caleb (cf. aussi Nombres 13--14; 26,65; 32,12; 34,19; Josué 14--15; 21,12; Juges 1; 3,9; 1 Samuel 25,3; 30,14; 1 Chroniques 2 etc.) est compliquée par ses enjeux ethniques et étiologiques qui nous échappent en grande partie (il s'agit de situer un "clan" et sa localité, Hébron, tantôt à l'intérieur de Juda et d'"Israël" et tantôt en dehors -- comme "qenizzite" = "cananéen"; à rapprocher, sinon à confondre, avec les problèmes "frontaliers" similaires des Qénites = Caïnites, Hittites au sens d'Urie, Gabaonites, Récabites, etc.).
Pour ce qui concerne le présent sujet, en effet, le thème de la "génération condamnée" s'accorderait plutôt avec le refus du "châtiment transgénérationnel" (bien que ça reste un jugement collectif et non individuel). Quant à la disproportion du positif et du négatif, de la bénédiction et de la malédiction, elle est aussi compatible avec le "transgénérationnel" (3 ou 4 vs. 1000 générations).
Soit dit en passant, on peut trouver un lointain écho de cette problématique dans la "génération" des évangiles synoptiques, notamment celle "qui ne passera pas" dans le discours dit eschatologique (Marc 13//). Il s'agissait bien au départ de rapporter à un même "sujet" (collectif, mais pas "transgénérationnel") la crucifixion de Jésus-Christ, la ruine de Jérusalem et la parousie (ce sont bien ceux qui l'ont crucifié/transpercé qui doivent le voir [re-]venir). Mais avec le temps, ce sens ne sera plus tenable et la "génération" sera forcément lue au (contre-)sens ethnique de "descendance", l'antijudaïsme virant de lui-même à l'antisémitisme (non plus une génération mais le "genre" ou la "race" juive, jusqu'à la fin du monde; "que son sang soit sur nous et sur nos enfants", déjà chez Matthieu...). |
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Jeu 17 Jan 2019, 16:23 | |
| Un élément de la rhétorique divine est particulièrement efficace dans cette dissuasion. il s’agit de l’implication des générations futures dans l’exercice des attributs divins. « trois ou quatre générations » du côté de la menace (v. 5), «mille » générations du côté de la promesse (v. 6). si le chiffre des «mille » se comprend aisément comme une hyperbole pour signifier la durée illimitée de la bienveillance de dieu pour qui demeure dans l’alliance, la référence aux « trois et quatre générations » est moins évidente ; elle est pourtant particulièrement effective.
Précisons d’abord que la punition dite transgénérationnelle est un phénomène connu du Proche-Orient ancien et de la Grèce antique. elle est caractéristique, écrit Jeffrey tigay, des sociétés où « les individus ne sont pas vus comme des entités séparées, mais comme inextricablement liés à leur parenté, en incluant les générations passées et futures ». de nombreux textes anciens évoquent ainsi l’extension d’une punition aux générations à venir. ce qui est singulier dans le texte biblique est toutefois le chiffre des trois ou quatre (générations) : pourquoi pas deux ou cinq ?
Dans leur révélation en ex 20,5-6, la justice et la miséricorde divines se présentent en effet comme rétributives : c’est au comportement libre et effectif de l’homme que répond le dieu juste et bienveillant, et ceci d’une génération à l’autre. cette rétribution n’a rien d’un mécanisme généralisant ou arbitraire ; elle ne porte sur les nouvelles générations que si ces dernières perdurent dans le comportement louable ou condamnable de leurs pères : dieu visite « la faute des pères chez les fils sur trois et quatre générations de ceux qui me haïssent (c’est-à-dire s’ils me haïssent) » ; il fait preuve de bienveillance fidèle « à des milliers (de générations) de ceux qui m’aiment et gardent mes commandements (c’est-à-dire s’ils m’aiment et gardent mes commandements) ». Les verbes « aimer » et « haïr » qui figurent dans ces phrases sont caractéristiques des traités de vassalité du Proche-Orient ancien, où ils signifient respectivement « faire preuve de loyauté » et « faire preuve de félonie ». c’est dans le cadre de cette alliance que dieu tout à la fois promet et menace de « visiter » les siens, en les mettant en garde : que la génération présente n’expose pas les générations suivantes aux retombées de choix malheureux, les mettant notamment en danger de récidive. dans ce dernier cas, en effet, la sanction du père retomberait sur le fils, le petit-fils et l’arrière-petit-fils.
c’est ici que la référence aux « trois ou quatre » générations donne toute sa mesure. cette référence s’explique en effet par une donnée de fait dans l’expérience humaine : un homme peut, de son vivant, être témoin de la coexistence de trois ou quatre générations. La donnée d’expérience se retrouve dans la Bible : de Joseph, père d’Ephraïm et de Manassé, on apprend qu’il « vit les fils d’Ephraïm jusqu’à la troisième génération ; les fils de makir, fils de Manassé, naquirent sur les genoux de Joseph » (gn 50,23) ; de Job, rétabli dans sa fortune, le narrateur nous dit qu’il « vit ses fils et les fils de ses fils jusqu’à la quatrième génération » (Jb 42,16). À propos de la formule des attributs, Vincent sénéchal peut dès lors écrire :
"[les] trois ou quatre générations sanctionnées représenteraient un groupe familial contemporain, puisqu’il est possible dans une famille ou dans un clan que les grands-parents vivent avec leurs petits-enfants, voire avec leurs arrière-petits-enfants. Ainsi conçue, cette clause décrirait donc une sanction encourue par un clan ou une famille"
On mesure alors la pointe persuasive du discours divin : prends garde à ne pas verser dans l’idolâtrie, dit en substance le dieu du Sinaï, tu verrais, de ton vivant, les retombées malheureuses de tes choix sur tes enfants, tes petits-enfants et tes arrière-petits-enfants. de différentes manières donc la révélation des attributs vient renforcer rhétoriquement l’interdit de la représentation ; elle entend susciter de la part du peuple un engagement responsable dans l’alliance.
https://www.nrt.be/docs/articles/2016/138-1/2178-Justice+et+mis%C3%A9ricorde.+Les+attributs+de+Dieu+dans+la+dynamique+narrative+du+Pentateuque.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Ven 18 Jan 2019, 12:39 | |
| L'exégèse narrative et l'esprit jésuit(iqu)e sont faits pour s'entendre... :)
A noter aussi dans cet article quelques compléments sur les points évoqués plus haut, notamment Deutéronome 7 et l'hébreu pqd.
Que "trois ou quatre générations" correspondent grosso modo à la dimension de l'expérience humaine, individuelle et collective -- mémoire et perspective "vives" et par conséquent plus "réalistes" que la tradition culturelle de l'histoire ancienne, de la légende ou du mythe (à laquelle appartiendrait plutôt le langage "fabuleux" des "mille générations") -- tout cela me paraît très juste et mérite en effet d'être souligné. |
| | | free
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| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Ven 18 Jan 2019, 14:17 | |
| Ex 34,5-6 : Yhwh passa devant lui et proclama : « Yhwh, Yhwh, dieu de miséricorde et de grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en vérité, gardant sa bienveillance à des milliers de générations, supportant la faute, la révolte et le péché, et/mais sans innocenter, visitant la faute des pères chez les fils et les fils de leurs fils sur trois et quatre générations».
Nous avons pu croire sur la base de la révélation fondatrice en ex 20 que l’attribut de justice, qui y venait en tête, jouissait d’une primauté. Cet attribut vient ici en second, après ce qui constitue une inflation de l’attribut de miséricorde. Par rapport à la formulation d’Ex 20,5-6, l’énonciation des attributs se fait donc ici dans l’ordre inverse.
Le phénomène mérite qu’on s’y arrête un instant. La citation en ordre inversé est en fait une technique scribale qu’on appelle la loi de seidel, du nom de l’exégète moshe seidel, qui l’a identifiée. Lorsqu’un scribe cite un passage d’un texte qui fait autorité, il inverse l’ordre des (deux) éléments constitutifs de ce passage. Ainsi en est-il très probablement en Ex 34, qui présente toutes les apparences d’une réécriture exégétique de la formule du décalogue. Pour manifester sa dette à l’égard du texte matriciel qu’est Ex 20, le scribe-rédacteur d’ex 34 en a inversé l’ordre, permutant la séquence de ses deux éléments.
Dieu exauce son prophète en mettant sa miséricorde en tête de la révélation de son être. Loin d’être lié par un ordre, quel qu’il soit, dieu est libre d’ordonner ses attributs selon l’ordre qu’il choisit et il les veut ici infléchis en faveur de la miséricorde. en Ex 34,6-7, la miséricorde prend non seulement le dessus, mais elle se trouve également dûment amplifiée. Le phénomène est bien sûr rédactionnel, mais il est aussi projeté à l’intérieur du monde narratif, et attaché au personnage de dieu. en reformulant ce qu’il a dit, dieu renchérit sur sa ḥesed ; sa « bienveillance » est affirmée par deux fois dans la formule d’ex 34 et pourvue d’une série de spécifications nouvelles (« qui fait grâce », « lent à la colère », « riche en vérité », « supportant la faute et le péché »).
Pour le lecteur qui vient d’Ex 20, et qui a pu croire que les attributs étaient liés à une hiérarchie figée, la révélation d’Ex 34 est donc le lieu d’une surprise : l’ordre des attributs n’est en rien lié à une séquence donnée. dans un récit, le phénomène de la surprise lorsque saute aux yeux du lecteur un élément dont il ignorait jusqu’à l’existence – déclenche toujours une relecture des données préalables, à la lumière de l’élément nouveau qui vient d’être révélé. La révélation d’ex 34 projette ainsi une lumière rétrospective sur l’annonce de dieu en Ex 33,19, au plus serré de l’interaction entre dieu et moïse. dieu a alors annoncé : « Je fais grâce à qui je fais grâce [racine ḥanan], et je fais miséricorde à qui je fais miséricorde [racine raḥam] ». cette double annonce, comprend le lecteur, a anticipé les deux attributs que dieu met à présent en tête de son auto présentation révisée : « Yhwh, Yhwh, dieu de miséricorde [raḥum] et de grâce [ḥanun] » (Ex 34,6). dès sa réponse en 33,10, comprenons-nous à présent, dieu s’était déjà aligné sur la révélation révolutionnaire de 34,6-7.
https://www.nrt.be/docs/articles/2016/138-1/2178-Justice+et+mis%C3%A9ricorde.+Les+attributs+de+Dieu+dans+la+dynamique+narrative+du+Pentateuque.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12459 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Châtiment divin trans-générationnel Ven 18 Jan 2019, 15:40 | |
| Les effets d'inversion (symétrie, cycle, chiasme, inclusion, etc.) sont si courants dans le langage et l'écriture en général, le plus souvent parfaitement involontaires en tant que tels, passant inaperçus des auteurs comme des lecteurs-auditeurs (même quand ils résultent d'un souci stylistique, de rythme notamment) que leur survalorisation dans l'exégèse depuis une cinquantaine d'années, sous l'influence d'un structuralisme mal digéré, frise souvent le grotesque.
Quoi qu'il en soit, le fait est qu'un Dieu unique sujet doit "gérer" ses multiples attributs, comme on dit, et régler les conflits qui en résultent au cas par cas -- tantôt la justice l'emporte sur la miséricorde, tantôt la miséricorde sur la justice, jusqu'au point (luthérien p. ex.) où elles finissent par se confondre -- il aurait donc à tout le moins un moment casuiste, voire jésuite avant la lettre...
--- Pour bien comprendre qu'opposer 3 ou 4 à 1000 générations ce n'est pas un simple rapport arithmétique (= 1/333,3333... ou 1/250), mais bien le contraste de deux choses de nature différente et en un sens incomparables, l'une pensable, imaginable, représentable et l'autre non, il suffirait de se rappeler que l'"histoire humaine", selon des critères anciens (comme les "généalogies bibliques") ou modernes (comptée comme telle depuis l'invention de l'écriture), ne totaliserait même pas le quart de "mille générations". Que précisément nous ne le pensions pas, qu'un chiffre comme mille affole notre esprit de telle sorte qu'en le disant nous ne pensions rien du tout, voilà déjà qui devrait donner à penser, comme dit l'autre. |
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