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 séparé cherche désir

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Narkissos

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MessageSujet: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeSam 16 Jan 2021, 13:00

"Séparé cherche désir, s'emporte contre (met à nu ?) tout bon sens." (Proverbes 18,1).

Il y a quelques phrases (bibliques surtout, pas seulement) dont je peux dire qu'elles m'ont accompagné (presque) toute ma vie: souvent agréables et secourables, parfois sombres comme une menace ou la hantise d'un destin. Ce verset ressortit pour moi à la seconde catégorie: je l'entends encore dans la TMN de mon adolescence (de mémoire): "Celui qui s'isole cherchera son désir égoïste, il se déchaînera contre toute sagesse pratique", et c'est surtout ainsi qu'il m'a longtemps poursuivi, sinon persécuté (cf. p. ex. ici). Traduction fort discutable d'un texte passablement obscur, mais efficace en elle-même par son propre "bon sens". Je le traduis (ci-dessus) d'une façon beaucoup moins claire, à la fois plus "serrée" (limite "télégraphique", d'où l'effet "petite annonce" ou "radio-Londres" du titre) et plus ouverte à une interprétation (ou à une méditation) qui pourra partir dans tous les sens (cf. déjà la Septante, souvent très "libre" dans les textes sapientiaux: "Qui veut se séparer de ses amis se cherche des prétextes, mais il sera en butte aux reproches à toute occasion.")

L'ambiguïté de l'hébreu dépend principalement du verbe du second stique, gl` au "hitpael", qu'on peut entendre dans un sens de colère (cf. p. ex. 17,14; 20,3), mais qui rappelle aussi un quasi-homonyme beaucoup plus fréquent, glh (dévoiler, révéler, mettre à nu, d'où provient aussi le vocabulaire de l'"exil") -- pas plus loin qu'au verset suivant (18,2), peut-être juxtaposé à celui-ci du fait de l'allitération, si ce n'est par son sens même: "l'imbécile ne prend pas plaisir à l'intelligence, seulement au dévoilement de son coeur" (ce qui d'ailleurs ne manque pas de finesse: entre "comprendre" et "dire ce qu'on pense" -- selon le sens du "coeur" biblique -- il faudrait souvent choisir).

Par bien des chemins différents on peut en revenir à une banalité, profonde néanmoins: la séparation, la solitude, l'exil, tout cela a des avantages et des inconvénients... mais les chemins sont eux-mêmes, comme souvent, plus intéressants que leur point d'arrivée (ou de retour). Ainsi ce qui passe a priori pour un éloge de la société et de la socialisation, voire du troupeau, peut se retourner en son contraire: le solitaire tend à perdre de vue une certaine "réalité" commune et son "sens commun", mais sa distance lui permet aussi de les voir de plus loin et tout autrement (ce qui évoque, dans ma médiathèque particulière, aussi bien le Fool on the Hill des Beatles que le solitaire-solidaire du "Jonas" de Camus). Quant au "désir" (t'wh, féminin en hébreu et sans possessif dans le texte -- ce n'est pas "son désir", tout du moins pas explicitement, et pas forcément "égoïste" non plus), ce n'est pas parce qu'on le "cherche" qu'on le trouve -- d'autant que "chercher un désir" est assez ambigu en soi et que la formule hébraïque est susceptible d'autres lectures (p. ex., chercher selon [un/le/son] désir)...
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeSam 16 Jan 2021, 21:42

"Il n'est pas bon que l'homme soit seul" (Gn 2,18)…  la solitude à deux, c'est déjà mieux.


"Car, si l'un tombe, l'autre relève son compagnon ; mais quel malheur pour celui qui est seul et qui tombe, sans avoir un autre pour le relever ! De même, si deux se couchent ensemble, ils ont chaud ; mais celui qui est seul, comment se réchauffera-t-il ? Si quelqu'un peut maîtriser un homme seul, deux peuvent lui résister ; la corde à trois brins ne se rompt pas vite" (Ecc 4,;10-12).

Le solitaire, sans aide, sans consolation, sans conseil et sa

Ces textes posent un constat, le solitaire est sans aide, sans consolation, sans conseil et sans surveillance donc en position de vulnérabilité ou susceptible de s'abandonner à ses passions. On ne peut vivre et survivre seul, la solidarité du groupe est indispensable. En même temps, la solitude se prête idéalement au développement du sentiment religieux. … Le solitaire peut éprouver le besoin de se tourner vers une force mystique et supérieure ou d'être l'objet de l'attention de la divinité :

"Il rencontre son peuple au pays du désert, dans les solitudes remplies de hurlements sauvages :  il l’entoure, il l’instruit,  il veille sur lui comme sur la prunelle de son œil" (Dt 32,10).

La solitude renforce la dépendance à l'égard de Dieu. L'élu est celui qui a choisi la solitude pour se mettre hors de portée du monde qu'il pourrait considéré comme mauvais.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeSam 16 Jan 2021, 23:32

N.B.: En Deutéronome 32,10 "les solitudes" sont simplement un synonyme classique de "désert", il en faut pour traduire les "parallélismes synonymiques" de la poésie hébraïque qui se plaît à dire au moins deux fois la même chose avec des mots différents; il ne faut pas y chercher l'idée ordinaire de "solitude" (au singulier) = être seul -- du reste on peut être nombreux au désert, surtout dans la Bible, et seul ailleurs -- bien que l'"ermite", étymologiquement, dérive du "désert" (eremos en grec). En l'occurrence le mot hébreu dirait plutôt la "désolation" (terme qui, par coïncidence, est apparenté à "solitude" en français, via le latin solus ou sollus d'où proviennent beaucoup d'autres vocables, "seul" et "sol", d'où "solide", "désolation" et "consolation", et donc aussi les "solidaire" et "solitaire" de Camus...)

"Choisit"-on d'être seul ? Cette question à laquelle on ne peut guère répondre que "oui et non", ou l'inverse, pose à elle seule (!) tout le problème de la dynamique ou de l'inertie de l'isolement, aussi insoluble que celui de la poule et de l'oeuf: on a toujours des "raisons", bonnes ou mauvaises, de s'éloigner de ses "semblables", et on peut en trouver d'autres à mesure que cela se fait. Dans les termes du proverbe, le "désir" est aussi bien ce qui mène à la solitude que ce qui s'y cultive, si l'on peut dire -- ce qu'on y "cherche", la solitude qu'on cherche ou ce qu'on cherche dans la solitude, pour le meilleur et pour le pire.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeDim 17 Jan 2021, 00:13

L’absence de vis-à-vis

Cette soli­tude est ensuite véri­table, parce qu’elle dure du matin au soir et depuis plu­sieurs semaines (à l’heure ou cette chro­nique est publiée, cela fait main­te­nant 38 jours que nous sommes confi­nés). On ne peut la rompre à sa guise. Et alors on se retrouve seul face à soi-même. Face au vide, au rien que consti­tue notre exis­tence. Car, au fond, sans l’autre, qui sommes-nous ? Que pou­vons-nous espé­rer, croire ou faire s’il n’y a pas un vis-à-vis (ami­cal ou inami­cal) avec qui confron­ter notre désir, nos envies, notre joie, notre colère, notre amour ou notre haine. Notre tris­tesse et nos pleurs éga­le­ment. Le psal­miste le savait lui qui, dans le secret de sa chambre, criait à Dieu tous ses sen­ti­ments même les plus intimes et lui disait sa joie comme son déses­poir, sa soli­tude et son sen­ti­ment d’abandon. À sa suite, nous pou­vons faire de cette soli­tude le lieu d’une ren­contre avec nous-mêmes, l’occasion de rece­voir ce rien qui nous est offert comme l’opportunité de mieux nous connaître, mieux nous com­prendre et, du coup, de nous accep­ter tel que nous sommes. https://www.reforme.net/gratuit/2020/04/23/solitude-par-le-theologien-protestant-elian-cuvillier/
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeDim 17 Jan 2021, 03:30

Nietzsche, qui remarquait qu'avec un livre on n'est pas encore seul, aurait sans doute trouvé risible cette solitude peuplée d'écrans interactifs et d'images animées, de voix et d'échanges en temps réel, de visioconférences et de réseaux sociaux... Mais il est vrai que la disparition des corps (et des visages sous les masques) perturbe subtilement un jeu social déjà largement virtualisé -- ainsi que le mot d'ordre contradictoire (double bind) de la solidarité par la distanciation ("quand on aime ses proches, on ne s'approche pas trop").

Dans notre texte il est toutefois moins question de solitude (choisie ou subie) que de séparation: prd au nifal, c'est p. ex. Lot qui se sépare d'Abraham (Genèse 13,9), Héber des Qénites-Caïnites (Juges 4,11), ou les nations les unes des autres (Genèse 10,5.32); dans les Proverbes, c'est la dispute (16,28; 17,9) ou son règlement (18,18), ou encore la pauvreté (19,4) qui séparent.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeDim 17 Jan 2021, 11:00

J'ai le sentiment que le Proverbes 18,1 désire favoriser la vie communautaire ou en assemblée que pourraient fissurer toutes formes de de mise à l'écart volontaire d'un membre de la communauté qui se soustrairait ainsi à l'influence du groupe, à distance et avec une vue d'ensemble, il serait tenté de porter un regard différent sur le groupe, y discerner les points faibles. La vision d'un groupe réalisée uniquement de l'intérieure renforce le groupe en question, nous croisons le regard d'autres membres  de l'assemblée qui nous confortent dans notre volonté de rester dans le groupe. Si l'ont appartiens à un groupe ont agit généralement en fonction du groupe et on s'y d'identifie à lui. On peut prendre du plaisir à la vie en communauté mais on peut aussi y étouffer. Un exemple d'encouragement à la vie de groupe : 

Deuxièmement, Proverbes 18:1 dit : « Qui s’isole cherchera son désir égoïste ; il se déchaînera contre toute sagesse pratique. » Si nous ne faisons pas attention, nous pourrions nous éloigner de Jéhovah et de son peuple. Pour ne pas nous isoler, nous devons passer du temps avec des personnes qui craignent son nom et respectent ses normes. Nous devons fréquenter régulièrement la congrégation, en étant si possible présents en personne à la Salle du Royaume. Aux réunions, il nous faut ouvrir notre esprit et notre cœur, et permettre à ce qui est dit d’y pénétrer. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/2016765?q=isole+proverbes+18&p=par
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeDim 17 Jan 2021, 12:07

La situation de la secte, enclave sociale ou micro-société dans une société plus large, change un peu la donne (mais elle n'est pas si différente d'autres groupes plus ou moins larges ou étanches, religions minoritaires, partis, associations, classes sociales ou cercles d'amis -- là encore la différence peut s'apprécier quantitativement ou qualitativement). Elle est elle-même le produit d'une séparation, et quand on s'en sépare on peut aussi bien, a priori, se fondre dans le vaste monde ou s'isoler davantage (encore que l'un n'empêche pas l'autre, et qu'on puisse faire l'un en voulant ou en croyant faire l'autre). Outre que chaque trajectoire particulière rejoint aussi, si l'on peut dire s'agissant de divergence et d'isolement, une banalité du devenir particulier, autrement dit du vieillissement: plus on avance et plus le chemin se singularise, moins on a de commun -- sinon cette singularité même -- avec ceux qui nous entourent le cas échéant.

Au départ le monde des Proverbes (et de la "sagesse" en général) n'est cependant pas de type "sectaire", il est d'abord peu "religieux" et sa "religion" est à peu près coextensive à la société qu'il habite, sa logique même se veut "universelle" ou "humaniste" au sens où il s'intéresse à la situation humaine plutôt qu'à une ethnie particulière (d'où les emprunts réels ou fictifs d'un peuple à l'autre, Job, Agour, Lemouel etc.) -- mais à la faveur des exils et de la diaspora ce corpus va très vite être transplanté dans une perspective de ce genre, lu par une "communauté" ethnique et linguistique plus ou moins repliée sur elle-même et en tout cas distincte de la société ambiante, avec cet effet paradoxal que les textes originellement les plus "ouverts" peuvent devenir les plus oppressants: je me souviens qu'à mon époque jéhoviste je trouvais les Proverbes plus pénibles que beaucoup d'autres "livres bibliques", parce que la moindre remarque de bon sens, fût-elle légère ou ironique, se chargeait de tout le poids d'un jugement divin. En un sens, l'identification de la "sagesse" à la "loi" dès le Siracide témoigne d'une évolution similaire.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeDim 17 Jan 2021, 22:36

Citation :
je me souviens qu'à mon époque jéhoviste je trouvais les Proverbes plus pénibles que beaucoup d'autres "livres bibliques", parce que la moindre remarque de bon sens, fût-elle légère ou ironique, se chargeait de tout le poids d'un jugement divin. En un sens, l'identification de la "sagesse" à la "loi" dès le Siracide témoigne d'une évolution similaire.

Un texte comme Pr 18,1 peut-être un moyen de terroriser celui qui veut se démarquer du groupe. Certains individus (à tort ou à raison) peuvent se sentir inhiber par sa communauté et avoir le sentiment que sa capacité d’initiative ou d’action est réduite à néant. On peut faire parti d'un groupe et en même temps se sentir étranger par rapport à ce groupe, d'être une anomalie et éprouver le besoin de  se démarquer, de ne pas être fondu dans la communauté d'appartenance … Ce phénomène peut se produire après de années d'épanouissement dans le groupe et ensuite se sentir étouffer. Pr 18,1 est moyen  d'assimiler celui qui se démarque à un égoïste qui ne pense qu'à lui et se désintéresse de son entourage … Pire de passer pour un égocentrique aux yeux de Dieu.

Un extrait :

 La dialectique de l’individu et de la société, de l’intérieur et de l’extérieur, instaure entre l’homme et la société un antagonisme qui n’est pas seulement de nature analytique et sociologique, mais qui peut être aussi de type empirique et réel. Ainsi, l’homme qui veut mener sa vie à sa façon et comme il l’entend est influencé ou même « aliéné » par les contraintes économiques, politiques et sociales. Il ne vit pas, il est « vécu ». Mais Simmel maintient l’idée que cet antagonisme entre individu et société s’accorde parfaitement avec la définition de l’homme comme être de la limite. L’homme est partie du tout et, à ce titre, il est un produit et un membre de la société, mais il aussi un tout et, en tant que tel, il est au coeur d’un sens et d’une mise en forme qui lui sont propres. « La société produit peut-être ainsi l’élaboration la plus consciente, du moins la plus universelle, d’une forme fondamentale de la vie : l’âme individuelle ne peut jamais se trouver à l’intérieur d’une relation sans être en même temps à l’extérieur de celle-ci, elle ne fait pas partie intégrante d’un ordre sans l’appréhender en même temps de l’extérieur » (Simmel, 1999c : 72, traduction modifiée). Même l’homme religieux qui, dans sa foi, veut s’unifier à Dieu, et qui est prêt à renoncer à sa propre personnalité au profit d’un tout-un mystique, est contraint de préserver son moi comme instance d’adoration. En effet, « l’être-un avec Dieu est conditionné, dans sa signification, par l’être-autre que Dieu » (Simmel, 1999c : 72). L’homme comme être social ne peut jamais être une personnalité parfaite, au sens formel, car l’âme individuelle est toujours en interaction avec la nature, la société, les autres hommes et la culture. « Nous serions donc des personnalités parfaites au sens formel si cette interaction était entièrement fermée et si tous les événements psychiques tiraient exclusivement de cette sphère leur raison d’être. […] De même que notre corps n’accomplit pas le pur concept de l’organisme, de même, notre âme n’accomplit pas celui de la personnalité » (Simmel, 2001 : 296, trad. I. K.) Le présupposé d’une personnalité pure, le tout-un, le tout-identique, la toute-puissance et l’omniscience ne sont accomplis que par Dieu, observe Simmel dans La Personnalité de Dieu (Simmel, 2001 : 292 suiv.). « C’est dans la mesure même où l’idée de Dieu est un vrai tout et un une-fois-pour-toutes atemporel, un lien absolu entre tous ses moments d’existence, c’est dans la mesure, donc, où il dépasse l’homme, qu’il accomplit le concept de personnalité » (Simmel, 2001 : 297). https://www.erudit.org/fr/revues/socsoc/2012-v44-n2-socsoc0335/1012926ar/
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeLun 18 Jan 2021, 00:23

Je n'ai jamais lu Simmel, sinon par citations, je ne sais donc pas si la présentation qu'en fait H.-P. Müller est juste mais je l'ai trouvée passionnante du début à la fin (celle-ci étant particulièrement percutante).

En effet, avant d'être "pour" ou "contre" l'individu et l'individualisme, l'égoïsme ou l'égocentrisme, il faudrait savoir ce que ces mots désignent et ce qui en cela même se dérobe à toute désignation, à tout concept, à toute signification et à toute référence. On ne peut pas dire que le problème soit nouveau mais il me paraît ici exceptionnellement bien posé.

Pour revenir à notre "proverbe", la TMN tire évidemment de son chapeau l'adjectif "égoïste" qu'elle colle au "désir" (t'wh). Le mot est certes souvent employé dans un sens péjoratif (à commencer par Genèse 3,6, du moins dans l'ordre canonique), mais ça n'a rien d'une nécessité, cf. Isaïe 26,8; Psaumes 10,17; 21,3; 38,10; Proverbes 10,24; 11,23; 13,12.19; 19,22 -- personne, pas même la TMN, ne songerait à qualifier d'"égoïste" le "désir" dans ces passages dont beaucoup relèvent pourtant du même "genre" sapiential; et je ne reviens pas sur l'ambiguïté d'une formule comme "chercher (un/le/son) désir".

Plus généralement, l'obscurité relative et la multiplicité de sens potentiels des formules sapientiales dans la langue originale (l'hébreu) fait partie intégrante du jeu de la "sagesse", qui se plaît à "déchiffrer les énigmes": depuis la figure de Salomon, "patron" des sages, jusqu'aux résurgences de la sagesse dans l'apocalyptique, le sens ne se livre que difficilement, à ceux qui sont exercés à deviner et à comprendre, et un sens peut toujours en cacher un autre. Or c'est le premier aspect de la littérature de sagesse qui disparaît en traduction (depuis la Septante), le traducteur (et les exégètes dont il dépend) faisant généralement tout le travail d'élucidation (ou de devinette) pour ne laisser à son lecteur qu'un sens unique, plausible dans le meilleur des cas, mais appauvri en une maxime univoque et le plus souvent plate, dont on peut tenir compte ou non sans avoir fait le moindre effort pour la comprendre. Dans ces conditions le lecteur n'a guère de chance d'accéder à la sagesse dont l'exercice commence précisément par la recherche du sens, qui ne s'arrête pas au premier sens "trouvé".
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeLun 25 Jan 2021, 12:50

Citation :
Pour revenir à notre "proverbe", la TMN tire évidemment de son chapeau l'adjectif "égoïste" qu'elle colle au "désir" (t'wh). Le mot est certes souvent employé dans un sens péjoratif (à commencer par Genèse 3,6, du moins dans l'ordre canonique), mais ça n'a rien d'une nécessité, cf. Isaïe 26,8; Psaumes 10,17; 21,3; 38,10; Proverbes 10,24; 11,23; 13,12.19; 19,22 -- personne, pas même la TMN, ne songerait à qualifier d'"égoïste" le "désir" dans ces passages dont beaucoup relèvent pourtant du même "genre" sapiential; et je ne reviens pas sur l'ambiguïté d'une formule comme "chercher (un/le/son) désir".


"Le paresseux a des désirs qui n'aboutissent à rien ; les hommes actifs sont dans l'abondance" (Pr 13,4).

"L'attente différée rend le cœur malade ; un désir qui aboutit est un arbre de vie" (13,12)

"Un désir réalisé est doux ; s'écarter du mal est une abomination pour les gens stupides" (13,19)

Ces textes encouragent la satisfaction des désirs et l'idée qu'il faille se donner les moyens de les satisfaire, tout en reconnaissant que la frustration peut rendre malade;
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeLun 25 Jan 2021, 13:20

En 13,4 c'est le verbe 'wh d'où vient le substantif t'wh -- avec lui on pourrait ajouter, dans les exemples de "désir positif" (ou du moins pas systématiquement "négatif"), et toujours sans garantie d'exhaustivité, Deutéronome 12,20; 14,26; 2 Samuel 3,21; 1 Rois 11,37; Isaïe 26,9 (cf. le substantif au v. précédent); Psaume 45,12; 132,13s; Job 23,13. Au passage, ce verbe apparaît (en mauvaise part, ça arrive aussi souvent) dans la version deutéronomique du dixième commandement (Deutéronome 5,21), en parallèle avec hmd, et la Septante traduit les deux verbes par le même epithumeô: ce qui rappelle naturellement au lecteur du NT l'exégèse "absolue" ou "radicale" de ce commandement en Romains 7, la loi contre le "désir"; bien sûr cela n'empêche pas qu'il y ait aussi des emplois "positifs" d'epithumeô et d'epithumia dans le corpus paulinien, par "distraction" pour ainsi dire (p. ex. Galates 5,17, par implication; 1 Thessaloniciens 2,17; Philippiens 1,23; 1 Timothée 3,1), mais la grande majorité des occurrences pauliniennes sont péjoratives (naturellement, on ne perçoit plus rien de ces différences subtiles dans les traductions traditionnelles, qui distinguent artificiellement entre "désir" et "convoitise").
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeLun 25 Jan 2021, 15:24

L’« animalité » du désir

Si le désir est manque, notre bonheur relèverait donc de l’absence de désirs. Platon (env. 428-env. 347 av. J.-C.) est le premier à valoriser ce détachement et, s’il nous faut commencer par lui, c’est parce qu’il possède un privilège chronologique sur les philosophes qui suivront (ses successeurs grecs comme les théologiens médiévaux), mais aussi et surtout parce que sa doctrine a profondément marqué les esprits et n’a cessé d’être revisitée et imitée. Chez Platon, le désir se situe dans l’epithumia, l’une des trois parties de l’âme, la plus basse, celle qui plonge ses racines dans le corps. Freud (1856-1939) reprendra la théorie platonicienne en forgeant la notion de « çà » dans ses topiques. Il y place l’ensemble de nos pulsions et considère le çà comme régi par le seul « principe de plaisir », les pulsions exigeant une satisfaction immédiate et inconditionnelle. Le caractère inquiétant du çà tient au fait qu’il « ignore les jugements de valeur, le bien, le mal, la morale » (Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 1936).
Mais Platon préfigure également Freud par son analyse du monde onirique au début du livre IX de la République. Grâce à lui, nous savons quelque chose des rêves des Athéniens du Ve siècle av. J.-C. Lorsque la partie raisonnable de notre âme est endormie s’éveille alors « la partie bestiale et sauvage » qui « a l’audace de tout entreprendre, comme si elle était déliée et libérée de toute pudeur et de toute sagesse rationnelle. Elle n’hésite aucunement à faire le projet de s’unir à sa mère, ou à n’importe qui d’autre, homme, dieu, animal » (République, livre IX, 571 c et d). Dans sa sauvagerie, le désir ne respecte rien, il est sans foi ni loi, il est par nature démesure.
Dans le sillage de Platon, beaucoup de philosophes v [...]
https://www.universalis.fr/encyclopedie/desir-notions-de-base/1-l-animalite-du-desir/
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeLun 25 Jan 2021, 16:34

L'Universalis est notoirement inégale, mais cet article-là n'a pas l'air mauvais (on peut en lire un peu plus en cliquant sur le menu "sommaire" qui apparaît au milieu de la page).

On peut difficilement sur un tel sujet faire l'impasse sur la convergence, ou coïncidence, de la pensée grecque avec la pensée indienne (brahmanique ou bouddhique) -- bien avant Alexandre, elles ont pu communiquer par la Perse (et bien sûr avec le judaïsme aussi). De toute façon la chose même est paradoxale, puisque le "manque" est aussi bien une "force" et inversement; rien n'est plus fatal au désir que la jouissance, qui pourtant le relance. C'est sur ce fond paradoxal que j'entendais d'ailleurs le paradoxe de "chercher le désir", dans la lettre du proverbe: on peut comprendre "chercher l'objet de son désir", ce qui est le mouvement même du désir, qui le tue à mesure qu'il le réalise, ou "chercher le désir lui-même", l'"objet" trouvé ou non, ce qui est déjà l'avoir trouvé (etc., etc.).
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeLun 25 Jan 2021, 22:13

Cher Narkissos je n'avais pas réalisé que tu évoquais l'un des versets qui m'avaient intrigués pendant longtemps.

La Traduction du Monde Nouveau (version 1995 le rend ainsi:

Qui s'isole cherchera son désir égoïste; il se déchainera contre toute sagesse pratique.

Dans le discours "Anapanasati Sutta" L'enseignement de l'attention à la respiration, le Bouddha donne quelques consignes sur la façon de respirer soit d'inspirer et d'expirer en ayant en pensée d'abord les différents organes du corps puis ce qui concerne le mental.

Lorsque le méditant prend conscience de l'impermanence, il peut observer "la disparition progressive du désir".

Cela lui permettra en fait de "contempler le lâcher-prise".

Citation :
"Pratiquée et développée régulièrement selon ces instructions, la Pleine conscience de la Respiration portera ses fruits et sera source de grands bienfaits."

La disparition du désir est donc regardée comme un bienfait pour un bouddhiste.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 00:33

A la limite, désirable ? (Naaaaan ! Wink)

Ce genre de contradiction (désirer ne plus désirer, comme s'attacher au détachement, etc.) et la conscience qu'on en prend éventuellement (ce qui est encore autre chose) peuvent néanmoins être des moments utiles, sinon nécessaires, d'un cheminement -- outre que ce type de pensée est aussi rare que précieux dans une société qui a tellement valorisé le "désir", sans forcément mieux le comprendre, qu'elle se sent désemparée sans lui.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 11:35

"Tout le travail de l'être humain est pour sa bouche, et pourtant son désir n'est pas comblé" (Qo 6,7).

Aussi juste soit-elle, cette lecture est partielle. C’est par exemple ce qu’ont bien vu quelques exégètes qui, estimant que le v. 7b ne saurait évoquer le seul besoin permanent d’assurer sa survie, préfèrent rendre le mot par « être » (Faessler 2013, 131), « personne » ou « moi » (Farmer 1991, 172) ou encore « désir » (Eaton 1983, 106). Ces traductions sont également justifiées du point de vue philologique et sémantique. Par exemple, en Jr 22,27 et 44,14, le mot npš exprime bien le désir de revenir au pays. Le mot a aussi très souvent le sens de « être » (Gn 2,7 ; 12,5 ; Lv 7,20 ; etc.). Enfin, dans le psautier, le mot est souvent l’équivalent du pronom personnel « moi » (Ps 103,1.2.22 ; 104,1.35 ; etc.).

 mon avis, la traduction par « être-de-désir » a l’avantage de souligner que le mot npš désigne à la fois la faim, l’appétit, le désir et l’individu, le moi, l’être concret. Cette traduction a également l’avantage de bien rendre compte du sens du mot npš non seulement dans les trois autres versets du chapitre 6 (Qo 6,2.3.9), mais aussi dans les trois autres passages du livre (Qo 2,24 ; 4,8 ; 7,28). En outre, cette traduction du mot npš par « être-de-désir » respecte le double sens du v. 7b. En effet, travailler pour se nourrir ne saurait combler l’être humain, car celui-ci a certes des besoins matériels, mais il est avant tout défini comme un être-de-désir. Par ailleurs, sachant que travailler pour sa bouche, c’est aussi travailler pour son bonheur, il n’est pas étonnant que Qohélet utilise le mot npš pour affirmer que c’est le bonheur qui n’arrive pas à satisfaire l’être humain qui est un être-de-désir. En effet, un examen du livre de Qo indique que le désir par excellence de l’être-de-désir est le désir de bonheur (wb / wbh : Qo 2,24 ; 4,8 ; 6,3), qui se caractérise par des réalités concrètes : le manger et le boire (Qo 2,24), la richesse, les ressources et la gloire (6,2) et la rencontre d’une femme (Qo 7,28 ; voir 9,7-10). En somme, tout le labeur de l’être humain a beau avoir pour but de lui procurer du bonheur (Qo 6,7a), l’être-de-désir qu’il est le condamne à rester un être insatisfait (Qo 6,7b). Il n’y a donc de satisfaction que restreinte et de bonheur que limité.
https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2014-v22-n2-theologi02419/1035691ar/
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 11:46

Voir ici (on retrouvera une citation et une discussion de cet article dans le cours du fil).
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 12:06

Jeune homme, réjouis-toi de tes jeunes années, que ton cœur te rende heureux pendant les jours de ta jeunesse ; suis les voies de ton cœur et les regards de tes "yeux ; sache que pour tout cela Dieu te fera venir en jugement" (Qo 11,9).

Notes : Ecclésiaste 11:9

Plusieurs éditions rattachent les v. 9s au chap. 12, dont la numérotation est décalée en conséquence. – réjouis-toi… : cf. Siracide 14.11 : « Mon fils, dans la mesure où tu le peux, traite-toi bien et présente au Seigneur les offrandes qui lui sont dues. » Un texte égyptien (Enseignements de Ptah-Hotep ; cf. 12.2n) comporte l’exhortation suivante : « Suis la voie de ton cœur tant que tu es en vie, et ne fais pas attention à tout ce qu’on peut dire. Ne réduis pas les instants où tu suis la voie de ton cœur, car c’est une abomination pour l’âme que de voir se réduire le temps de sa vie. »
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 12:19

Narkissos a écrit:
Ce genre de contradiction (désirer ne plus désirer, comme s'attacher au détachement, etc.) et la conscience qu'on en prend éventuellement (ce qui est encore autre chose) peuvent néanmoins être des moments utiles, sinon nécessaires, d'un cheminement -- outre que ce type de pensée est aussi rare que précieux dans une société qui a tellement valorisé le "désir", sans forcément mieux le comprendre, qu'elle se sent désemparée sans lui.

Toute la difficulté du bouddhisme est résumée dans le fait de ne pas s'attacher au détachement, ne pas désirer quoi que ce soit y compris le désir. La voie du milieu voilà vers quoi tendent les bouddhistes sans s'attacher à cette voie du milieu.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 12:51

@free:

Pour rappel, en Qohéleth 6,7 c'est npš = nèphesh (âme, être, peut-être d'après la gorge ou gosier qui à la fois respire, aspire, avale et engloutit), et non la t'wh dont nous parlons ici d'après Proverbes 18,1, que Lavoie suggérait de "traduire" par "être-de-désir"...

En Qohéleth 11,9, tout le problème se situe dans la connexion de la dernière proposition (qu'elle soit ou non une glose ou un ajout ultérieur) à celles qui précèdent: simple conjonction de coordination w-waw en hébreu, qu'on peut surcharger d'un sens adversatif ("mais") ou aussi bien traduire par un simple "et" ou une ponctuation. La suite engagerait plutôt à une traduction minimale (en clair, on serait "jugé" autant pour avoir suivi son "désir" que pour ne l'avoir pas fait, si seulement "ne pas suivre son désir" n'était pas une autre façon de "suivre son désir"...).

le chapelier toqué a écrit:
... ne pas désirer quoi que ce soit y compris le désir

... et le non-désir !

Il est d'ailleurs remarquable que Nietzsche, parti d'une réaction au "bouddhisme" philosophique et occidental de Schopenhauer (du désir à la "volonté", de la "volonté" à la "volonté de puissance"), en arrive à la fin de la Généalogie de la morale à une autre forme même paradoxe: plutôt vouloir le rien que de ne plus vouloir... (bien sûr, ce n'est pas là un "précepte" de sa part, mais un constat amer de l'aboutissement de la modernité à un nouvel "idéal ascétique", désormais "scientifique" plutôt que "religieux").
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 16:05

Narkissos tu me donnes envie de lire Nietzsche. Quel livre me recommanderais-tu ? Et Schopenhauer?
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 16:51

Schopenhauer n'a quasiment écrit qu'un seul livre, qu'il a développé tout au long de sa vie, Le monde comme volonté et représentation (Die Welt als Wille und Vorstellung, en un sens tout est dans le titre).

La bibliographie de Nietzsche est assez courte et très variée, mais toujours passionnante et facile à lire, elle n'a pas l'air "philosophique" au sens "académique" du terme: s'il fallait toutefois choisir un livre (et il le faut bien pour commencer), ce serait Ainsi parlait Zarathoustra, le plus "littéraire" et "poétique" par la forme, et qu'il a aussi augmenté au fil des éditions successives.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMar 26 Jan 2021, 21:43

Merci Narkissos

Le méditant bouddhiste se penche sur la souffrance qui provient dans une certaine mesure du désir ou des désirs qui parfois ne sont pas satisfaits ou parfois n'amènent pas la satisfaction qu'il en attendait.

De plus le désir ou l'objet du désir est soumis à l'impermanence comme nous pouvons l'observer autour de nous. Cette disparition ou modification de l'objet désiré induit la souffrance, car en analysant notre vie comme tout ce qui nous entoure nous pouvons constater ces transformations qui peuvent paraître infime au quotidien mais qui sont des changements inéluctables.

Nous pouvons certes désiré rencontrer une personne qui nous est chère et l'instant de la rencontre va nous procurer un bien-être une joie profonde, mais au moment de quitter cet ami cette amie nous allons commencer à ressentir de la souffrance et parfois ce sentiment sera plus fort que la joie que nous avons ressenti auparavant. Cela aussi c'est de la souffrance.

Sommes-nous condamné à ne connaitre que de la souffrance? Loin s'en faut la joie fait partie de notre vie au quotidien mais il incombe à tout un chacun de chercher par le biais de la méditation de nous approcher de la voie du milieu sans la désirer mais en laissant passer les choses, dont la nature est impermanente, sans vouloir les retenir ni les rejeter.
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMer 27 Jan 2021, 11:09

Désirer quelque chose à cause de rien

II est vrai, même empiriquement, qu'il y a dans le désir humain quelque chose d'obscur et d'opaque, qui se soustrait à être éclairé par la lumière de la raison — quelque chose d'indéfinissable, dénué de forme concrète. Prenons seulement, avec P. Moyaert, l'exemple de l'amour (cfr pp. 152-157). Si quelqu'un que j'aime me demande: «Pourquoi m'aimes-tu?», je peux bien répondre que c'est (disons) à cause de son charme, de ses idées intéressantes et de son beau physique. Cette réponse est peut-être même vraisemblable; de toute façon, elle donnera sans aucun doute plus de satisfaction à mon ami qu'un vague «je t'aime parce que tu es toi», voire que le tautologique «je t'aime parce que c'est comme ça». Il n'en reste pas moins que le langage comporte une «négation symbolique du sujet individuel» (p. 61); autrement dit, en lui appliquant des concepts universaux comme «intelligent» ou «beau», le langage ne peut que nier ce qui est irréductiblement individuel dans la personne aimée. Celle-ci devient dès lors comme si elle était échangeable, c'est-à-dire comme si elle faisait partie de 1' «économie ordinaire de l'être» (p. 27). C'est pourquoi vouloir trop expliquer l'amour est aussi blessant que de ne pas l'expliquer assez... Qui plus est, l'essai d'une rationalisation complète de l'amour implique une méconnaissance de son caractère fondamentalement opaque. Les raisons pour lesquelles une personne donnée et pas une autre a arrêté le cercle d'échanges symboliques m'échappent en dernière analyse. Elles restent inconscientes :

«Le désir 'inconscient' est pour ainsi dire un nom générique pour tous les buts des aspirations et pour toutes les attitudes humaines qui ne peuvent plus être réduits dans le cadre d'une économie ordinaire de l'être» (pp. 26 sq.).
(...)
D'après Lacan, tout désir humain doit être analysé à l'instar de l'amour. Au cœur de tout ce que l'homme veut, fait, pense, il n'y a pas la clarté de la raison, mais une «opacité sans fond» (p. 104); aussi bien que le désir naît du «néant» de l'homme, il ne vise «rien», et non pas quelque bien ou perfection qui pourrait être saisi dans les termes positifs de l'être. C'est pourquoi le désir n'est jamais à l'abri du danger posé par des excès: excès de passion, de fanatisme, de violence, etc. Car l'homme est l'être qui «fait et désire quelque chose à cause de rien» (p. 180). Dans toute sa vie, l'homme cherche dans les objets qui l'attirent quelque chose — das Ding, comme dit Lacan — qui dépasse ces mêmes objets, n'appartenant pas à l'ordre symbolique. Le désir circule autour d'un point dont on ne sait rien, sauf qu'il est sa condition de possibilité: «Le Ding (...), c'est ce autour de quoi s'oriente tout le cheminement du sujet» (Sém. VII, p. 65).
https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1995_num_93_3_6943
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MessageSujet: Re: séparé cherche désir   séparé cherche désir Icon_minitimeMer 27 Jan 2021, 12:01

@lct:

Schopenhauer s'est intéressé au bouddhisme, mais aussi au brahmanisme, avec les moyens de son temps, mais de beaucoup plus près que Nietzsche: si son concept de "volonté" est naturellement proche de celui de "désir" (et ce d'autant plus qu'il rejette toute illusion de "libre-arbitre"), c'est surtout celui de "représentation" (il faudrait dire "présentation" dans le sens de Vor-stellung, placer devant soi) qui est décisif, parce qu'il est ambivalent: c'est l'imagination qui constitue les flux du désir actif et perceptif en "réalité" objective, solide, cohérente et illusoire, mais c'est aussi la méditation qui destitue cette "réalité" en la contemplant d'une autre manière et en la ramenant à l'impermanence, ce qui reviendrait à briser ou à neutraliser la "roue d'Ixion" du désir-volonté -- en quoi il a, me semble-t-il et pour son époque, bien perçu la logique fondamentale du bouddhisme.

Nietzsche est au départ enthousiasmé par Schopenhauer et reconnaît toute sa dette envers lui (Schopenhauer éducateur, troisième "Considération inactuelle", 1874), mais il va s'opposer à lui sur l'essentiel: pour lui tout cela n'est en définitive qu'un refus de jouer le jeu, un gigantesque attentat contre la "vie", celui du "nihilisme" que de proche en proche il va reconnaître aussi bien dans le platonisme que dans le christianisme: c'est dire que l'approche nietzschéenne du bouddhisme, outre qu'elle en est moins bien informée, est aussi hostile à celui-ci que celle de Schopenhauer lui était hospitalière -- tout en lui reconnaissant une qualité supérieure, une sorte d'aristocratie nihiliste: le christianisme n'étant qu'un bouddhisme dégénéré à l'usage des masses.

---

Pour revenir à mon "proverbe" (c'est aussi le mien en plus d'un sens), il implique ou enveloppe des ambiguïtés en série ou en cascade, qui ne se développent que l'une après l'autre: le désir sépare, la recherche du désir et la recherche de l'objet du désir séparent encore différemment, le séparé ne rencontre plus de résistance à son désir, mais par là même le perd et le re-cherche, ce faisant il s'enferme dans un "cercle vicieux" qu'il illustre malgré lui, mais aussi bien il le dévoile et l'aperçoit lui-même d'un point de vue imprenable, etc. Tout cela est aussi bien dans le texte de la sentence que dans l'oeil ou l'oreille de l'interprète, à condition d'y revenir plus d'une fois et de ne pas s'imaginer l'avoir compris(e), accepté(e) ou rejeté(e) une fois pour toutes dans une version univoque.

---

@free:

Merci encore pour cet article que j'ai trouvé tout à fait passionnant. On trouve d'ailleurs une réflexion particulièrement proche de notre sujet à propos de la "mystique", p. 420ss.

Par rapport à la problématique de la "loi" qui s'enfermerait dans des apories analogues (elle se heurte au désir dont elle a besoin, elle le "cherche" et le "manque", ou lui "manque" en plus d'un sens de toutes ces expressions), la "sagesse" aurait l'avantage d'observer et de constater sans rien ordonner ni interdire; du moins tant qu'elle ne se confond pas avec la "loi", qu'elle reste descriptive et non prescriptive, ce qui est encore le cas de ce proverbe (mais pas de tous, loin de là).
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