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Narkissos

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MessageSujet: accessoires   accessoires Icon_minitimeSam 25 Mar 2023, 13:08

La lecture de Platon (parce qu'il emploie un vocabulaire semblable, notamment dans le Politique qui évoque beaucoup de "techniques") m'a curieusement rappelé l'amusement ou l'embarras que m'ont causés, comme lecteur puis comme traducteur, les "vases" de la Bible, du moins des bibles françaises traditionnelles -- toute cette "vaisselle" (au sens ancien du terme, apparenté à "vase") sacrée ou profane, fine ou grossière, précieuse ou jetable, plus ou moins décorative ou utilitaire, qui sonnait de façon à la fois désuète et triviale dans des textes "religieux" rapportés à la langue et la vie modernes, surtout dans ses usages figurés ou métaphoriques: "vase" humain, individu, corps, sexe, masculin ou féminin (cf. p. ex. Actes 9,15; Romains 9,21ss; 2 Corinthiens 4,7; 1 Thessaloniciens 4,4; 2 Timothée 2,20s; 1 Pierre 3,7). On a beau savoir que les termes hébreu et grec correspondants (kly, skeuos), comme le latin vas d'ailleurs, sont très généraux et peuvent s'appliquer à toute sorte d'objets, ustensiles, outils plus ou moins utiles, récipients ou moyens de transport, bagages, affaires, biens meubles en tout genre, la traduction n'en est pas plus avancée, d'autant que s'y rattachent nombre d'images "bibliques" importantes, relatives à leur usage ou à leur fabrication: art (tekhnè-ars, artefact) de l'artisan potier (kerameus, d'où "céramique"), sculpteur sur pierre ou sur bois, ébéniste, forgeron, orfèvre...

Au fond du "vase", si l'on peut dire, toujours l'utilité de l'usage, dont l'évidence est inversement proportionnelle à sa beauté et à son prix (la valeur d'usage n'étant pas la valeur d'échange): même si ça ne sert à rien, ça pourrait servir à quelque chose, c'est ou c'était "fait pour": contenir, conserver, mesurer, transporter, distribuer, il n'y a qu'un pas de la vaisselle au vaisseau et à la communication (cf. les "vases communicants"), à tout ce par où et par quoi ça passe de l'un à l'autre, dans le temps comme dans l'espace: canalisation, tuyauterie, plomberie, pompes, routes, ponts et chaussées, véhicules, postes, voies et moyens (media) de communication, réseaux, tout en un sens découle du "vase". A ce point on croiserait Giono ou Lao Tseu: ce qui fait la valeur d'usage d'un vase en tout genre, sinon sa valeur d'échange ou son prix, c'est le creux, le vide, la place (khôra) qui lui permet de recevoir ou de prendre et de donner ou de rendre, d'accueillir indifféremment tout ce qu'on y met pour le restituer plus tard, éventuellement plus loin, intact ou transformé (en mieux ou en pire, p. ex. dans le cas du vin bonifié ou tourné au vinaigre).

Autre lecture possible du dualisme corps / âme ou esprit, sujet, conscience, où le corps comme le vase est d'ordinaire l'enveloppe superficielle: se penser comme contenant (plus ou moins continent, en tout cas provisoire) plutôt que contenu, comme périphérique plutôt que central, comme accessoire plutôt qu'essentiel, comme forme plutôt que fond. Ou, ce qui reviendrait au même par une image symétrique, comme moyen plutôt que cause ou fin, lieu de passage et d'échange plutôt qu'origine ou destination.
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeLun 27 Mar 2023, 10:43

b. Le trésor dans le vase d’argile (4.7-15)

La démonstration de Paul se poursuit crescendo avec l’image du trésor de l’Évangile contenu dans le vase d’argile qu’est l’apôtre. Cette image illustre avec plus de force encore le thème de la puissance dans la faiblesse. On la lit en 2 Corinthiens 4.7 : « Nous portons ce trésor dans des vases d’argile afin que cette puissance extraordinaire soit attribuée à Dieu, et non pas à nous. » L’image joue sur le contraste entre le trésor qui représente la lumière de l’Évangile du Christ mentionnée juste avant17 et le vase de terre qui reçoit cette puissance dans des conditions précaires.

L’image des vases est bien connue du judaïsme. Elle se lit à plusieurs endroits de l’Ancien Testament18, mais aussi dans les écrits de Qoumrân, ou encore dans la littérature profane antique19. Paul l’utilise également en Romains 9.19-24 pour rappeler la souveraineté de Dieu qui, comme le potier, fait ce qu’il veut avec l’argile que nous sommes. De manière générale, cette image illustre dans la Bible la souveraineté de Dieu mise en contraste avec la vulnérabilité de l’homme. Elle reprend la distinction entre le Créateur et la créature. Par cette métaphore, Paul valorise cette fragilité qu’on lui reproche, parce qu’elle laisse éclater avec plus de force la puissance de l’Évangile (comparé à un trésor). Au verset précédent, l’apôtre fait référence au récit de la création où Dieu a ordonné que la lumière brille du sein des ténèbres20. Cette lumière, il l’a fait aussi briller dans notre cœur. L’essence de la foi chrétienne tient dans le fait que Dieu vient habiter par son Esprit dans notre personne humaine pour y manifester sa puissance.

Face à l’autosuffisance de ses détracteurs qui placent leur confiance dans leur capacité (savoir, miracles, notamment), Paul montre par cette image que Dieu a choisi de manifester sa gloire à partir de notre faiblesse. Ainsi sa condition physique (Ga 4.14), son manque d’élocution (11.6) ou les tribulations qu’il mentionnera à partir du verset 8 servent plus qu’elles ne desservent l’Évangile, comme voudraient le laisser croire ses opposants, car elles correspondent à la stratégie divine. Paul renverse l’argument de ses détracteurs : ce qu’on lui reproche (épreuves, faiblesse du langage…) est justement ce qui authentifie son apostolat. Quand on connaît l’importance du statut et de l’autopromotion à Corinthe, on comprend ce que cette image a pu avoir de révolutionnaire pour les Corinthiens. Ainsi, ce n’est pas parce que nous sommes fragiles que Dieu ne nous utilise pas à son service. Bien au contraire, car Dieu a choisi de manifester sa puissance à partir de nos faibles moyens. Cette stratégie divine est intentionnelle pour confondre un monde obnubilé par la puissance, la force et l’apparence. Elle s’inscrit dans la continuité de l’abaissement de Jésus à la croix.

Dans les versets qui suivent (4.10-11), Paul précise que la vie de Jésus se manifeste dans le corps mortel. Dans son article consacré à Paul et intitulé « La vie derrière le message », Douglas Kelly s’interroge à partir de cette image : « Comment cette vie jaillissante se manifeste-t-elle ? Le vase a été brisé, il a éclaté en morceaux et la lumière de la vie en sort avec éclat. » Puis Kelly cite le commentaire sur 2 Corinthiens de James Denney : « La souffrance n’est pas un accident pour le chrétien. C’est un ordre divin et une occasion divine. User sa vie au service de Jésus-Christ, c’est ouvrir sa vie toute grande à la vie de Jésus. »21 Dans ce passage, Paul souligne qu’en raison de ses propres souffrances (il vient de les mentionner dans les versets précédents : pression, inquiétude, persécution, abandon) il se reconnaît bien plus volontiers dans la mort que dans la résurrection du Christ22. Il dénonce une nouvelle fois ceux qui fondent leur ministère sur les manifestations de puissance sans accepter dans leur vie le brisement induit par la croix, ceux qui se croient déjà en pleine possession des biens à venir, comme c’était le cas à Corinthe, comme c’est le cas aujourd’hui chez ceux qui prônent la théologie de la prospérité. Pour Paul, la vie passe nécessairement par la mort (v. 12). Passer outre la croix du Christ pour ne retenir que la dimension triomphale de la résurrection, c’est passer à côté du vrai message de l’Évangile.

https://larevuereformee.net/articlerr/n280/la-force-dans-la-faiblesse-etude-dans-la-seconde-aux-corinthiens
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeLun 27 Mar 2023, 11:59

Il y a toujours un risque de filer les métaphores trop loin: l'image du vase brisé peut être séduisante, mais ce n'est plus celle du texte, qui parle sans doute de vases brisables, fragiles et sans grande valeur propre, mais utiles tant qu'ils ne sont pas brisés...

Du point de vue de la traduction, la difficulté que j'évoquais précédemment tient au fait que le mot "vase" est aujourd'hui restreint à des objets principalement décoratifs, ce qui n'est évidemment pas le cas de ses usages antérieurs dans la langue française, ni de ceux de ses correspondants hébreu, grec ou latin: un "trésor" (monnaie, objets d'or ou d'argent, pierres précieuses) dans un "vase" (fût-il de terre ou d'argile) n'a donc rien d'incongru en soi, c'est une simple opposition de la valeur du "contenu" à l'indifférence du "contenant". (On conserve aussi bien des manuscrits dans des récipients de ce genre, cf. les découvertes de Qoumrân.)

Il est tentant de rapprocher l'"utilité" de l'objet (vase ou autre) et le "service" du "serviteur", esclave ou non, d'autant qu'en français le verbe "servir"... sert aux deux, dans une construction légèrement différente cependant (transitif direct ou indirect, servir qqn ou qqch, servir à qqn ou à qqch). Ce n'est pas vraiment le cas dans les langues "bibliques", mais les idées n'en sont pas moins connexes, y compris dans ce texte où c'est le "service" ou "ministère" (diakonia, originellement "service à la table" d'un serviteur serveur) des "apôtres" (au sens paulinien du terme, "envoyés" sans référence aux Douze) qui est illustré par l'objet "utile".
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeLun 27 Mar 2023, 12:25

Où l’on voit que Paul fait preuve d’originalité tout en reprenant une image banale. L’idée du corps humain comme récipient indigne du trésor qu’il contient, l’âme, est en effet des plus communes dans la littérature antique6. L’image de l’homme comme fragile et voué par nature à la destruction, opposée à la solidité et à la permanence de son créateur, est quant à elle un poncif de la littérature biblique7. Le fait que les épreuves rencontrées par le sage soient le lieu même où celui-ci révèle sa supériorité appartient quant à lui à la tradition stoïcienne, dont Paul se montre souvent proche8. Enfin, que la divinité se manifeste précisément lorsque l’inspiration touche des hommes insignifiants trouve même un parallèle chez Platon9.

Ce qui est propre à Paul, ce n’est donc pas la reprise de cette image, mais la théologie qui la sous-tend: il n’y a pas seulement un paradoxe entre la puissance divine et la faiblesse humaine, ni une convenance de cette dernière pour manifester la première. Il y a aussi une corrélation profonde entre la condition du ministre, dont la faiblesse constitue une caractéristique essentielle, et le Christ faisant de la Croix le lieu parfait où se révèle la divinité, ce que Paul affirme quelques versets plus bas :

Sans cesse nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps (2 Co 4, 10).

6 Une liste d’exemples empruntés à toute la littérature antique se trouve chez A. Plummer, A Critical and Exegetical Commentary on the Second Epistle of St Paul to the Corinthians, Edinburgh, 1915. L’auteur commente : «Il est vrai qu’on parle souvent du corps humain comme d’un ustensile de peu de prix, ou d’un vase qui contient quelque chose de bien plus précieux, l’esprit ou l’âme. C’est là l’une des métaphores qui sont tellement évidentes qu’elles en deviennent inévitables» (p. 126).

7 Voir J. Murphy-O’Connor, The Theology of the Second Letter to the Corinthians, Cambridge, MA, 1991, p. 44-45: «Le ministre est semblable à un ‘pot de terre’: de faible valeur, fragile, remplaçable, irréparable (4.7). L’image était naturelle pour tout lecteur de l’Ancien Testament. Si l’humanité avait été faite à partir de la poussière (Gn 2, 7), il était inévitable que l’on pense à Dieu comme à un potier (Is 29, 16; 45, 9; 64, Cool et à l’être humain comme à un pot; la destruction des mauvais est présentée comme le fait de briser un pot (Is 30, 14; Jr 18, 1-11; 19, 1-13)» (ma traduction). Voir G. Kittel, l’article σκεῦος, dans Theological Dictionary of the New Testament, 10 (1971), p. 359, qui distingue dans les emplois vétérotestamentaires figurés (2.a) la fragilité (“fragility, worthlessness and transitoriness of man”); (b) la supériorité radicale de Dieu sur l’homme, son instrument; et (c) la connection fréquente avec l’image du potier.

https://hal.science/hal-03873434v1/document
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeLun 27 Mar 2023, 13:26

Ce qui me semble échapper presque autant à l'auteur de cet article (très intéressant au demeurant) qu'à Irénée, c'est que le "sens" de l'utilité ou du service dans 2 Corinthiens est déterminé par une économie dont nous avons souvent parlé, à savoir le jeu antithétique des "nous" (= les apôtres, toujours au sens de la mission) et des "vous" (= les destinataires): les uns souffrent, sont humiliés, dépouillés, meurent pour que les autres vivent, règnent, soient enrichis, glorifiés, etc. Les "vases" comme le "service-ministère" ont donc une fonction de transit, le transitoire est transitif, le "mystère" du Christ passe par là des uns aux autres. L'image ne joue plus de la même façon dès lors que tous les destinataires sont mis sur le même pied ou dans le même sac, et pas non plus lorsque l'image est détournée au profit d'un rapport du collectif ou de l'institution à l'individu, dans le cas de "l'Eglise" communauté puis hiérarchie par rapport à ses membres (c'est l'interprétation d'Irénée, pas très loin de celle des Pastorales où l'"Eglise" est la "grande maison" où il y a toute sorte de "vases"; mais si "l'Eglise" est désormais le "vase", celui-ci devient unique et forcément précieux, ou du moins adéquat à son "contenu").

Avec un peu de recul par rapport au détail des textes, ce qui me paraît digne de réflexion là-dedans c'est que "l'homme" s'est presque toujours compris comme "serviteur" et "utile" à quelqu'un ou à quelque chose, le "sens" de sa personne ou de sa vie étant conditionné par ce "service" ou cette "utilité" -- service des dieux ou de Dieu, du roi ou du prince, du maître ou du seigneur, du ciel ou de la terre. La modernité n'a pas renoncé à ce genre de "sens", mais elle l'a enfermé dans un circuit fermé qui tourne au cercle vicieux, en dévaluant le "service" (je repense au début du Don Giovanni de Mozart, non voglio più servir') et en le réduisant à une tautologie réflexive ou réciproque dans son horizon "humaniste": "l'homme" ne peut plus "servir" que "l'homme", être "utile" qu'à l'"homme", fût-ce par le biais de constructions collectives et surplombantes (après les dieux la cité, la patrie, le parti, l'entreprise, l'équipe, la famille, etc.).
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeLun 27 Mar 2023, 13:52

D’après la Bible...

La femme, “un vase plus faible”: une insulte?

“POURQUOI JUGE-​T-​ON LES FEMMES SUR LEUR SEXE PLUTÔT QUE SUR LEUR EXPÉRIENCE, LEURS COMPÉTENCES ET LEUR INTELLIGENCE?” — ÉLISABETH A.

“ON AMÈNE LES FEMMES À PENSER QU’ELLES SONT DES CRÉATURES INFÉRIEURES.” — LINE H.

L’EXPRESSION biblique “vase plus faible” rabaisse-​t-​elle les femmes? On la trouve en 1 Pierre 3:7, qui déclare: “Vous les maris, de même, continuez à demeurer avec elles selon la connaissance, leur assignant de l’honneur comme à un vase plus faible, le vase féminin, puisque vous aussi, vous êtes avec elles héritiers de la faveur imméritée de la vie, afin que vos prières ne soient pas entravées.”

Lorsque Pierre a écrit ces mots à ses compagnons chrétiens, les femmes avaient très peu de droits, non seulement dans les nations païennes, mais également au sein de la communauté juive apostate. Pierre et les premiers chrétiens soutenaient-​ils l’image traditionnelle de la femme qui avait cours à l’époque?

Un vase inférieur?

Au Ier siècle, comment aurait-​on interprété l’expression “vase plus faible” utilisée par Pierre? Le terme grec traduit par vase (skeuos) paraît de nombreuses fois dans les Écritures grecques et désigne différents récipients, ustensiles et instruments. En la qualifiant de “vase plus faible”, Pierre ne rabaissait pas la femme, car l’expression laissait entendre que le mari aussi était un vase fragile ou faible. On trouve des images similaires au sujet des femmes, mais aussi des hommes, dans d’autres passages de la Bible, par exemple: “vases de terre” (2 Corinthiens 4:7) et “vases de miséricorde”. (Romains 9:23.) Certes, Pierre parle de la femme comme du sexe “plus faible”, mais en Romains 5:6, le terme ‘faible’ est appliqué à tous les humains, aux femmes aussi bien qu’aux hommes. Les premiers chrétiens ne donnaient pas à l’expression “vase plus faible” un sens péjoratif.

Ils devaient au contraire considérer que les paroles de Pierre élevaient le statut des femmes. Aux jours de l’apôtre, elles n’étaient guère respectées. Conformément à ce que Dieu avait annoncé depuis longtemps, les maris dominaient leurs femmes et leur infligeaient toutes sortes de sévices physiques, sexuels et affectifs (Genèse 3:16). Le conseil que Pierre adressait aux chrétiens signifiait donc ceci: N’abusez pas du pouvoir que la société a accordé aux hommes.

Considérons de près l’expression “plus faible”. Dans ce verset, Pierre fait allusion au physique plutôt qu’aux sentiments. Les hommes sont des vases faibles; les femmes sont comparativement des vases plus faibles. En quel sens? La constitution osseuse et musculaire des hommes leur confère généralement une plus grande force physique. Rien n’indique cependant que Pierre établissait une comparaison concernant la force morale, spirituelle ou mentale. En réalité, dans le domaine des réactions affectives, il est plus exact de dire que les femmes sont différentes des hommes, et pas nécessairement plus faibles ou plus fortes. La Bible fait mention de la force morale, de l’endurance et du discernement de femmes qui ont suivi les voies de Dieu, telles Sara, Déborah, Ruth et Esther, pour n’en citer que quelques-unes. Les hommes humbles reconnaissent sans difficulté que les femmes peuvent leur être supérieures en intelligence.

Certains pensent néanmoins qu’en présentant la femme comme un être “plus faible” on sous-entend qu’elle est inférieure. Mais considérons cet exemple: Une personne possède deux récipients utiles; l’un est solide, l’autre moins. Le second récipient a-​t-​il moins de valeur parce qu’il n’est pas aussi résistant que le premier? En fait, on manipulera le récipient fragile avec plus de précaution et de délicatesse que l’autre. Dès lors, une femme a-​t-​elle moins de valeur du fait qu’elle n’a pas autant de force qu’un homme? Certainement pas! Pierre emploie l’expression “vase plus faible” non pour dénigrer la femme, mais pour encourager à la respecter.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/101994726
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeLun 27 Mar 2023, 14:34

Les sectes chrétiennes plus ou moins récentes, comme les Eglises plus ou moins anciennes, sont obligées de s'adapter à l'esprit du temps (et encore: le numéro de Réveillez-vous ! que tu cites a déjà près de 30 ans), mais leur marge de manoeuvre est proportionnelle à la distance qu'elles s'autorisent à prendre ouvertement à l'égard de "la Bible" comme de leur propre tradition... On évite au moins d'être inutilement insultant sur la forme, mais on n'évite certainement pas le "pire" au regard de la morale contemporaine (femme, homme, sexe "objet").

Du point de vue de l'exégèse, l'association "fragile / précieux" me paraît assez claire en 1 Pierre (contrairement à 2 Corinthiens, où le fragile a peu de valeur propre); il est par ailleurs symptomatique que le texte de 1 Thessaloniciens, le plus explicitement "sexuel", soit "oublié" parmi les emplois comparables de skeuos. En outre, la présentation générale du "contexte" antique pèche par ignorance, si ce n'est par malhonnêteté: s'il est vrai que certains textes du judaïsme tardif (p. ex. le Siracide) marquent une misogynie aggravée, cela n'est pas généralisable à tout "le judaïsme" (même qualifié d'"apostat"); quant au droit romain, il accorderait plutôt davantage de liberté aux femmes (libres et non esclaves, s'entend) que les législations antérieures (y compris la Torah). Enfin, c'est dommage de ne pas rappeler qu'il y a aussi dans le NT toute une tendance, non pas à l'égalité mais à l'indifférence des sexes ("Paul" y résisterait plutôt en 1 Corinthiens, il y souscrirait en revanche en Galates p. ex.).
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMar 28 Mar 2023, 10:23

ULTR A VIDE

« L'espace entre Ciel et Terre, c'est comme le souffle d'une forge ! Il est vide, mais ne tarit pas ; en mouvement, il ne cesse de produire. Les trente rayons d'une roue ont en commun un seul moyeu mais c'est le vide médian qui fait marcher le char. On façonne l'argile en forme de vase : or c'est du vide interne que réside l'efficacité du vase. On perce des portes et des fenêtres pour se faire une maison : or c'est encore le vide qui permet l'habitat. .Ainsi, nous croyons bénéficier des choses visibles, palpables, le Yeou, mais c'est là où nous n'apercevons rien, dans le vide, le Weou, que réside l'efficacité véritable. » - Lao Tseu, Tao Teh King" (§5,11)

Afin de célébrer cette mutation, marquer un temps d'arrêt, rendre hommage au vide, à une parenthèse qui s'ouvre au souffle de l'art, Quartier Éphémère choisi de présenter Ultra Vide, une première exposition aux références multiples. L'une directement liée à l'architecture du lieu , un immense cube de vide dans lequel l'Atelier in situ a su épurer l'espace et y intervenir minimalement pour répondre aux besoins du centre d'arts visuels. Une autre symbolique en rapport à la renaissance du lieu et inspirée d'un principe de la philosophie du Tao qui favorise l'équilibre des énergies pour atteindre le vide suprême. Une de ces applications se fait par les éléments : le bois, le feu, la terre, le métal et l'eau. C'est un art de les harmoniser, afin qu'ils se compensent et s'annulent, c'est la recherche du Vide, de l'abstraction pure ...

« Dans le Tao, il y a de la réalité, il y a de l'efficacité, mais il n'agit, ni n'a de forme ; on peut le revoir, mais non le saisir ; on peut l'obtenir, mais non le voir. » (§ 6)

https://www.erudit.org/en/journals/etc/2003-n61-etc1121327/35323ac.pdf
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMar 28 Mar 2023, 12:14

C'est bien à ce passage du Tao te king que je faisais allusion dans mon post initial, en écho à une phrase similaire de Giono (approximativement: "ce qui fait la forme du vase, c'est le creux", dans un recueil de paroles d'artisans provençaux dont j'ai oublié le titre), que j'avais découverte à peu près en même temps (lectures éclectiques et émerveillées de ma sortie du jéhovisme); plus tard j'ai vu que Tarkovski en paraphrasait aussi, dans Stalker, un autre passage, cité plus bas dans ce commentaire d'exposition (le fort, le dur, le rigide tend vers la mort, seul le fragile et le souple s'ouvre à la vie et à l'avenir; ce qui me rappelle un autre "dit" de Giono, celui du "fontainier": "La vie, c'est comme l'eau: si tu mollis le creux de ta main, tu la gardes, si tu serres le poing tu la perds.").

Le vide du centre de la roue et du vase n'a pas la même fonction ("jeu" mécanique de la rotation et capacité), mais il correspond toujours à une fonction qu'il rend possible ou qu'il "permet", comme on dit (la traduction du Tao que j'avais en tête parlait, je crois, d'"usage" ou d'"utilité" plutôt que d'"efficacité"). Ce qui fait le "jeu" dans tous les sens du terme, c'est aussi ce qui "sert" ou peut "servir", répondre à un désir, à un besoin ou à un manque, encore du "vide" -- en grec cela nous ramènerait à d'autres familles de termes, khraô d'où khrèstos, ôpheleô, etc.; et aussi au "pouvoir" ou à la "puissance" du "possible" (dunamis, etc.).
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMar 28 Mar 2023, 13:19

B) Des vases préparés d’avance (Rm 9.14-24)

Troisièmement, l’image du potier (vv. 20-21) pourrait tout de même donner l’impression d’un potestas absoluta, d’un Dieu arbitraire qui agit au gré de ses seuls caprices. Cependant, la dissymétrie dans les termes ne saurait être négligée: d’un côté, en parlant des «vases de colère», Paul emploie les termes de «patience» et de «support» (ênenken en pollê makrothumia, v. 22). De l’autre, c’est «la gloire» et «la miséricorde» qui sont accentuées. Qui plus est, c’est en rapport avec les seconds – uniquement – que l’apôtre parle des vases que Dieu lui-même a «d’avance préparés pour la gloire» (v. 23)37. Certes, la métaphore de vases «formés pour la destruction» ne perd pas sa consistance pour devenir une catégorie hypothétique; il faut la comprendre, encore une fois, en rapport avec ceux qui, au sein d’Israël, continuent à rejeter le Christ. Mais, à la différence de ceux que Dieu a activement «préparés d’avance pour la gloire», ce sont ceux que Dieu laisse dans leur incrédulité. En outre, il est important de relever le verset 21, parlant des vases qui, dans un cas comme dans l’autre, sont faits à partir d’une même pâte – c’est-à-dire à partir d’une même humanité qui, en Adam, se trouve sous le coup de la condamnation universelle (cf. Rm 5.12-13, 16, 18; cf. aussi 1.18-25). Les théologiens ultérieurs, en parlant d’une élection qui s’opère au sein d’une massa perditionis – d’une pâte destinée à la destruction! – n’ont fait autre chose que suivre l’imagerie de Paul dans ces versets.

Ces considérations n’enlèvent pas le mystère du choix souverain de Dieu. Mais elles apportent une confirmation à ce que nous avons déjà vu en rapport avec l’élection chez Paul dans son aspect négatif: si Dieu est bien celui qui choisit et qui reste souverain dans son choix, l’annonce de ce fait n’a pas pour finalité de faire planer une ombre sur les certitudes du croyant ou d’introduire une angoisse au sujet de sa relation à Dieu («Suis-je un vase de miséricorde… ou de colère?»). Si Paul relève cet aspect de l’élection, ce n’est pas non plus pour brosser un portrait de la toute-puissance «nue» d’une divinité arbitraire, d’un Dieu imprévisible pour qui élection et réprobation seraient simplement deux faces d’une même médaille, deux options également valables, ayant chacune le même poids et la même fonction. C’est, au contraire, en parlant d’un Israël qui s’accroche obstinément à son statut de «peuple élu», à sa spécificité ethnique et religieuse et qui, dans le même temps, rejette celui qui est venu révéler le Dieu de l’alliance. En d’autres termes, l’élection ne devient une menace qu’en présence d’une attitude d’orgueil et d’autosuffisance humaine.

https://larevuereformee.net/articlerr/n248/l%E2%80%99election-divine-quand-et-comment-l%E2%80%99apotre-paul-en-parle-t-il
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMar 28 Mar 2023, 13:50

Sur cet article, voir ici (à partir du 22.11.2018).

Dans Romains 9, la fabrication du vase, ou plutôt son fabricant, le potier, décide (souverainement ou librement si l'on veut) de son "usage" et de sa "destination" (compassion ou colère), par opposition à la "matière" indifférente (la même pâte). Mais ailleurs la même image peut être employée assez différemment, par exemple dans Jérémie 18 qui oppose le vase réussi ou raté dans un processus qui implique conjointement l'ouvrier et l'ouvrage, la matière et l'objet en train de prendre forme (cf. notamment la formule du v. 4, que je trouve très intéressante sous ce rapport: le vase-objet, kly, qu'il faisait dans l'argile, s'est défait, détruit, décomposé, šht, dans la main du potier): il y a là plutôt une "synergie" qui co-implique l'artisan, la matière et l'objet visé/raté; et évidemment cela sert beaucoup mieux l'idée d'interaction divino-humaine à même l'histoire, d'un dieu qui change ses "projets" au gré des réponses, des réactions et des événements. L'image dans l'épître aux Romains est utilisée de façon plus unilatérale, mais aussi plus "dialectique" et par là "universelle": Dieu décide arbitrairement de la colère et de la compassion, MAIS tout aura dû passer, selon des modes et en des temps différents, par l'une et par l'autre (cf. 11,32).


Dernière édition par Narkissos le Mar 28 Mar 2023, 14:03, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMar 28 Mar 2023, 14:00

Le chant du potier : le clerc et l’artisan

10 Entendons toute boue matérielle, naturelle : seul le limon est doux, rapproché du mot latin lenis, et c’est une façon de mettre, déjà, l’homme modelé au dessus des boues et des fanges, lui qui, tout au plus, retourne à la poussière, poussé par le vent. Mais la boue spirituelle renverse les significations, et l’on voit le Christ lui-même, à la piscine de Siloé, faire de la boue avec sa salive pour guérir un aveugle : une façon d’imprégner l’homme de la parole divine, de mêler intimement spiritualité et matérialité, afin que les hommes voient. De fait, c’est le mot de lutum, la boue, qui sera utilisé pour parler de la matière première du potier, plus que ceux d’argile ou de glaise, pourtant spécifiques.

11 Seule l’argile a droit à un traitement positif. Son origine vient d’Argos, cette terre grecque, mais ce que nous en rapporte Raban Maur, c’est surtout que cette terre d’argile permit à Hiram de fondre les vases sacrés du temple de Jérusalem4. Elle est ainsi doublement liée à tout ce qui est vase et récipient, indispensable au potier comme au fondeur ; et le savoir du potier s’apparente à celui du fondeur, sachant extraire une forme belle et utile d’une masse confuse. L’argile, dans cette première approche, est un moule, détermine la forme de l’extérieur, avant de l’habiter, elle enveloppe le vase, avant de le constituer. Ce n’est que plus loin que Raban Maur s’occupera de la poterie, comme pour la distinguer de cette terre née de la boue, au cours de huit chapitres instructifs qu’il importe d’étudier rapidement.

12 L’étymologie déjà lui donne une première piste. Le vas est dit fictile, à partir du verbe fingo, qui signifie à la fois modeler et feindre. Mais ce qui est du registre de la feinte se construira à partir de fictio, fictum ; distinct de la tromperie, même s’il est lui aussi une réalité modelée, arrangée, ce qui naît du potier sera, dès le départ, authentique. Les vases autrefois étaient de terre cuite, avant d’être d’or ou d’argent6, et Raban Maur énumère une suite de récipients spécialisés, fait à la main ou au tour, avant d’ajouter :

Fictilium ergo vasorum figura ad humanas conditionis sortem pertinet Unde scriptum est : Formavit Deus hominem de limo terraæ (Gen. II)

14 Raban Maur commente alors un autre passage de l’apôtre, celui de l’épître à Timothée :

Dans une grande maison, il n’y a pas seulement des vases d’or et d’argent, mais il y en a aussi de bois et de terre ; les uns sont des vases d’honneur, et les autres sont d’un usage vil. Si donc quelqu’un se conserve pur, en s’abstenant de ces choses, il sera un vase d’honneur, sanctifié, utile à son maître, propre à toute bonne œuvre.

15 Pour lui, les hommes, comme les vases, ne sont évidemment pas tous égaux. L’homme est un vase, dont le devoir est de se soumettre au rôle qui lui a été attribué : la théologie orchestre ainsi la stabilité sociale, et souligne le devoir se chacun de se conformer à sa condition. Mais, à l’intérieur de cette répartition, il est évident que chacun a le choix de chercher une honorabilité, et que la décision relève de notre libre choix de décider le bien ou le mal.

https://books.openedition.org/pup/2470?lang=fr
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMar 28 Mar 2023, 15:49

Etude aussi passionnante qu'instructive, dans un domaine ou un "champ" (du potier) dont j'ignore à peu près tout (le moyen-âge normand, malgré les années que j'ai passées dans la région de Rouen): elle illustre bien, sur cette petite section de sa vaste arborescence, le devenir d'un "tour" (comme on dit aussi bien du tour du potier que du "trope" ou figure de rhétorique, comparaison, métaphore, etc.). On remarquera aussi, du côté de l'usage, la notion de "capacité" qui oscille d'un sens "concret" à un sens "abstrait", de la contenance du vase capable de con-tenir un con-tenu à un sens abstrait de possibilité, faculté, aptitude, potentialité, virtualité, compétence, y compris en théologie, homo capax dei ou deus capax hominis, homme "capable" de Dieu ou Dieu "capable" d'homme, selon un renversement qui rappelle l'inclusion réciproque, notamment "johannique" (x en y et y en x); en 2 Corinthiens l'image des vases est d'ailleurs associée à une discussion sur la "capacité" ou adéquation (hikanos etc.) des ministres ou serviteurs (diakonoi). De ce point de vue la théologie "mariale" (naissance virginale, immaculée conception, mère de dieu ou theotokos) ne fait que prolonger la christologie de l'incarnation ou de l'union hypostatique, c'est toujours une affaire de contenant et de contenu, de forme et de fond, de passage ou de tour de passe-passe, où le faire rejoint le feindre, factuel-factice-fictif, etc.
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMer 29 Mar 2023, 12:47

je ne suis pas sûr que cette extrait ait un lien avec notre discussion (le reste de l'article est hermétique) :

Polis, muthos

Reprenons d’abord le texte de la République. De même que l’âme humaine, la cité doit réaliser la meilleure unité possible face à la multiplicité hétérogène des forces qui y cohabitent. L’objet du dialogue, la meilleure manière de gouverner, renvoie donc immédiatement à la question de l’unification du multiple. L’argument puissant de l’érgon, de la fonction propre, trouve ici une justification sans faille : les forces en présence ne doivent pas se confondre, voire se contrarier (419a-423b), mais rester exclusives.

Le grand corps de la cité et les petits corps des membres de celle-ci ont besoin d’être « façonnés » (plattétai, 377b). Une matière, une chair est plus ou moins meuble ou tendre ; plus celles-ci sont meubles ou tendres, plus il est aisé de les former, d’y « marquer » (énsèmènasthai, idée du sceau qui imprime) « l’empreinte » (tupos, idée du cachet dans la cire) souhaitée. Former signifie donc prioritairement chez Platon façonner et modeler l’âme, ce qui suppose une connaissance de sa plasticité (voir également République, 401d) : cette pénétration de l’empreinte doit être durable. Or, la matière à travailler sera essentiellement celle de l’âme, matière psychique dont Platon n’ignore pas à sa manière les composantes, puisqu’il l’analyse comme nous l’avons vu en parties et fonctions distinctes, mais également dans le dynamisme de son développement. Le philosophe se doit d’être un « psych-analyste », un bon analyste de l’âme, c’est-à-dire l’expert capable à la fois du juste diagnostic – identifier, grâce aux symptômes de l’éthos, quelle pathologie affecte quelle partie de la psychè –, et de la réponse pharmaceutique appropriée. Analusis : la solution (recherchée pour un problème donné) autant que la délivrance (de la maladie, d’un mal). Cette matière psychique à conformer sera la plus souple à l’âge précoce, l’enfance, âge tendre dit-on dans un sens que nous pouvons désormais bien entendre comme l’âge où peuvent s’imprimer le plus facilement les cadres mentaux qui permettront de recevoir une culture et un éthos spécifiques. Dans la cité idéale, le philosophe et ses auxiliaires de formation auront pour tâche majeure d’imprimer chez les plus jeunes non pas d’emblée un savoir ou une croyance effective, mais la forme psychique la plus favorable à recevoir cette forme.

https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2011-3-page-12.htm
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMer 29 Mar 2023, 14:43

Ce ne sont pas les "résumés" qui manquent, des "philosophes" et de leurs "philosophies", et je ne suis pas sûr que la méthode transversale consistant à suivre de supposés "mots-clés" au travers d'une "oeuvre" soit la plus fructueuse (bien que ce soit désormais la plus facile avec les systèmes de recherche automatisés). Même quand c'est réussi, ça ne vaut pas une lecture suivie des textes, quoiqu'en pratique ça en dispense -- je sais de quoi je parle, puisque je ne suis venu à la lecture suivie de quelques dialogues de Platon que depuis peu, alors que je cite Platon depuis des années...

Ce qui a indéniablement rapport à notre "sujet", si bric-à-brac soit-il par nature ("accessoires" en tout genre), ce sont les tekhnai (pluriel de tekhnè, traduit ars, artis en latin), désignant toute sorte de "savoir-faire", sans distinction entre "art" et "artisanat" (cf. encore nos "arts et métiers"), concernant aussi bien l'art du médecin ou du pilote de navire que du potier ou du tisserand, du sculpteur, du peintre ou du musicien... Dans Le Politique, d'ailleurs, l'art du "politique", exemplairement le "roi", est comparé aussi bien à celui du médecin et du navigateur (qui ne peut pas être confié à n'importe qui ni consister en une simple application de règles, critique de la démocratie et du juridisme) qu'à celui du tisserand ou du couvreur (qui doivent combiner des éléments disparates et à certains égards opposés, p. ex. chaîne et trame ou imbrication des tuiles, comme le politique doit savoir combiner l'exercice de toutes les tekhnai utiles à la cité sans nécessairement pour cela en maîtriser lui-même aucune).

L'image de l'empreinte (type, caractère, toujours d'après les mots grecs correspondants, tupos, kharaktèr, etc.), dont nous avons déjà souvent parlé, en particulier autour de l'épître aux Hébreux, est en quelque sorte inverse (et/ou complémentaire) de celle du potier, puisque celle-ci donne une forme d'ensemble à la matière, de l'extérieur, fût-ce pour ménager au centre un "vide" essentiel, tandis que celle-là "s'imprime" en creux dans la matière (le sceau est un peu entre les deux, puisqu'il donne une forme pleine à partir de son modèle ou moule "négatif").
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMer 29 Mar 2023, 15:04

[La brisure des vases (Chevirat hakelim) est le temps d'exil auquel il faut répondre]

La Chevirat hakelim (brisure des vases) est le second des trois moments de la création du monde, telle que décrite par Isaac Louria. Dieu s'est retiré (Tsimtsoum = premier moment) hors de lui-même, exilé vers un vide (Tehirou). Mais il reste dans ce vide primordial un résidu de lumière (Rechimou). La voici qui jaillit, en ligne droite. C'est un acte de révélation, de déploiement, qui met à l'épreuve les vases solides dans lesquels la lumière était contenue - qui sont aussi les 10 sefirot. Les 3 premiers vases résistent, mais pour les 6 suivants l'impact est trop fort. Ils se brisent, ils éclatent. La même chose, mais dans une mesure moindre, se produit pour la dernière sefira.

Une tension perpétuelle se met en place. Chaque déploiement se fait en deux temps : concentration-rétraction (la lumière revient) / émanation-manifestation (la lumière jaillit). L'acte de limitation précède toujours l'acte de révélation. Les rayons de lumière sont hétérogènes. Ils se séparent, s'atomisent, se divisent en étincelles dites "étincelles de sainteté", laissent des traces (rechimou). Collées aux fragments de vases, les étincelles donnent naissance à la Qlipa : l'écorce, ou coquille, ou Autre Côté. Toutes les choses sont ailleurs, exilées de leur place propre. Les Qlipot (pluriel de Qlipa) sont les forces obscures de la tyrannie et du mal, qui entretiennent un déplacement, une désarticulation, que l'homme pourra peut-être réparer un jour (Tiqoun = troisième moment de la création). Mais en attendant, il doit vivre avec le silence des questions sans réponse. C'est ainsi qu'il écrit et qu'il lit des livres, dans le démembrement plutôt que dans l'unification.

La brisure des vases est la cause de la déficience intérieure inhérente à tout ce qui existe. Dès l'origine de l'univers, la Présence divine est exilée. C'est un sentiment de déréliction familier à la modernité, et aussi un exil ontologique, primitif et essentiel. Nous vivons encore parmi ces restes ou cette restance.

https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-0510102144.html
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MessageSujet: Re: accessoires   accessoires Icon_minitimeMer 29 Mar 2023, 16:16

La confrontation de Derrida avec le judaïsme (ici qabbalistique, ailleurs talmudique ou hassidique sur ce site qui s'en est fait une spécialité) est souvent intéressante, mais il ne faut pas oublier qu'elle est essentiellement posthume: Derrida lui-même ne s'y est guère aventuré (et le cas échéant, le plus souvent sur les traces de Levinas qui était plus talmudiste que qabbaliste). Ayant été chassé de l'école publique sous l'Occupation, il était très conscient de son origine juive, mais sa culture était nettement plus gréco-latine et chrétienne que judaïque, hébraïque ou araméenne, ce qui fait qu'il a plutôt porté ses comparaisons explicites sur la théologie négative du moyen-âge occidental, par exemple, que sur le Zohar. Les analogies qu'on peut trouver après coup entre sa pensée et des domaines qu'il n'a guère explorés lui-même n'en sont pas moins remarquables. Ce qui me frappe surtout pour ma part, c'est la résurrection ou la résurgence de motifs "gnostiques", des gnoses judéo- ou pagano-chrétiennes des premiers siècles de notre ère, aussi bien dans la pensée juive que chrétienne au moyen-âge et au-delà. Les idées ne se répriment ou ne se refoulent que provisoirement, les questions se reposent pour mieux se re-poser, selon un autre jeu de mots fréquent chez Derrida... La question de l'"origine" qui est aussi bien celle de l'"être" que du "temps" de la "différe/ance", du "même" que de l'"autre", de l'"espace" ou de l'"étendue" que du "temps", ne peut que se re-poser encore et encore, fût-ce dans des mots, des idiomes et des contextes à chaque fois différents.

A propos des vases, on peut noter qu'un vase brisé, qui a perdu son usage et sa valeur de vase, peut encore servir à quelque chose, et notamment comme support pour l'écriture courante (ostraka = "tessons de poterie", d'où "ostracisme" pour l'exil décidé par vote sur ostraca). Sur la métaphore du vase brisé dans les textes bibliques, cf. p. ex. Isaïe 30,14; Jérémie 19,11; 22,28; 48,12.38; Psaumes 2,9; 31,13.

Pour revenir à mon idée première, il me semble que la crise du "sens" de la modernité est profondément liée à la survivance, voire à l'inflation d'une notion d'"utilité" ou de "service" désorientée, car simultanément privée de toute destination ou fin digne de ce nom (autant au sens d'une téléologie que d'une eschatologie): vouloir être utile sans savoir en définitive à qui ni à quoi, n'être utile qu'à des choses ou à des êtres qui ne valent eux-mêmes que par leur utilité, moyen d'autres moyens à l'infini, serviteurs de serviteurs sans maîtres ni seigneurs ni dieux, toujours accessoires mais accessoires de rien ni de personne, à mesure que s'évanouissent les unes après les autres les abstractions miroirs de l'économie générale en circuit fermé, cités-Etats, Etats-nations, civilisation, histoire, espèce.
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