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| Les versions grecques de Daniel | |
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free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Les versions grecques de Daniel Jeu 05 Oct 2023, 07:21 | |
| Suppléments grecs au livre de Daniel texte grec du livre de Daniel nous est parvenu sous deux formes légèrement différentes, la version des Septante et celle de Théodotion; il contient trois morceaux qui ne se trouvent pas dans le texte hébreu ou araméen. Ces trois morceaux, admis comme canoniques par l'Église catholique, mais non par les Églises issues de la Réforme, sont traduits ici d'après la version de Théodotion. Voir l'introduction générale aux livres deutérocanoniques.- Le premier morceau comprend deux textes liturgiques insérés dans le récit de Daniel 3 : « La prière d'Azaria » et « Le cantique des trois amis de Daniel. »- Les deux autres morceaux n'ont pas de lien direct avec le livre original, si ce n'est la personne même de Daniel: encore enfant, il occupe une place de premier plan dans l'histoire de « Suzanne »; adulte, il joue un rôle central dans les histoires de « Bel » et du « Grand serpent ».http://www.interbible.org/interBible/ecritures/bfc/introductions/at_introductions/i_daniel-gr.htmSuzanne subversive à son corps défendantQuand le jeune s'oppose à l'institutionL’histoire de Suzanne est celle d’une femme vertueuse de bonne famille qui a épousé un homme riche et honoré. Tout irait bien pour le couple en vue dans la communauté juive de Babylone, si deux notables d’âge mûr de la même communauté ne se prenaient de passion pour elle. L’intrigue se noue un jour où Suzanne, qui se promène comme à l’accoutumée, est surprise par les deux hommes. Théodotion renforce le trait et introduit la scène du bain : par un chaud jour d’été, Suzanne prend un bain dans le jardin clos de la maison de son mari, dans lequel les deux hommes se sont cachés. Ils profitent d’un moment où ses servantes l’ont laissée seule pour surprendre Suzanne et lui faire des avances assorties de menaces. Les deux scénarios montrent la vertueuse Suzanne repoussant les avances et les deux notables éconduits décidant de se venger, en accusant Suzanne d’adultère. Leur plan diabolique est sur le point d’aboutir à la mise à mort de la prétendue pécheresse quand intervient providentiellement un jeune homme nommé Daniel. C’est lui qui confond la perversité des deux notables. Le scandale est d’autant plus grand que les deux notables viennent d’être choisis comme juges pour l’année par la communauté. L’histoire oppose l’âge mûr ou avancé des deux notables, chargés de rendre la justice, à la jeunesse du justicier, leur réputation et leur reconnaissance sociale injustifiées à l’esprit de sagesse et de discernement à effet immédiat qu’un messager de Dieu livre à Daniel au moment propice.La plupart des lectures chrétiennes de l’histoire de Suzanne retiennent deux vieillards concupiscents et éconduits portant un faux témoignage contre une épouse vertueuse, dont elles font le modèle de la femme chrétienne. Dans leur grande majorité, les Pères de l’Église font de la chaste Suzanne, le personnage central de l’intrigue dont est tirée une leçon de morale. Le cas des deux voyeurs est vite réglé : deux vieillards libidineux que leur grand âge rend d’autant plus condamnables. Irénée de Lyon se distingue en tirant de l’histoire un enseignement qui n’est pas centré sur la personne de son héroïne. Dans son traité Contre les hérésies, il ne mentionne même pas le nom de Suzanne, mais commente l’exorde de sa prière qu’il cite selon Théodotion : « Ô Dieu éternel ! Toi qui connais les secrets et sais toutes choses avant leur origine ! » Il se fonde sur le paraître trompeur des deux juges pour faire l’éloge des presbytres exemplaires et condamner ceux qui se séparent de la succession apostolique, qui sont « des hérétiques à l’esprit faussé, ou des schismatiques pleins d’orgueil et de suffisance, ou encore des hypocrites n’agissant que pour le lucre et la vaine gloire». Son exégèse tranche avec le message originel du midrash, qui, comme on le montrera ultérieurement, est une dénonciation des déviances des autorités institutionnelles, toujours susceptibles de fausser le juste et le vrai qui relèvent de Dieu seul. À quel titre la succession apostolique préserverait-elle de ce risque ?VI – Pour conclure : un message subversifEn s’en prenant à ceux qui « semblaient» gouverner le peuple – parole du Maître – le narrateur annonçait d’emblée la couleur : la contestation était politique. Ainsi, le projet de l’auteur, tel que la Septante de Suzanne le laisse appréhender, n’était sans doute pas de donner une leçon de morale à l’intention des femmes chastes, en pointant du doigt de vilains vieillards lubriques. Il est extraordinaire de remarquer comment la tradition a raboté les aspérités d’un message originel subversif pour, ô scandale, le mettre au service de l’ordre établi, alors que la Septante de Suzanne opposait la légitimité prophétique aux légitimités institutionnelles, comme l’Ascension d’Isaïe s’en prend aux « presbytres et pasteurs ». Pourtant, la normalisation n’a pas eu totalement raison de l’esprit contestataire qui souffle dans le texte, puisque la preuve est faite qu’il peut ressurgir de la façon la plus inattendue : un illustre inconnu adaptait naguère l’histoire de Suzanne au contexte politique de son époque et l’utilisait pour brocarder les pouvoirs que s’arrogeait la Convention, au grand dam de l’éditorialiste républicain des Annales patriotiques et littéraires. L’histoire de Suzanne émane d’un milieu de piété illuministe. Les notables y sont barbus, voire âgés, parce qu’ils sont notables et s’opposent au jeune homme qui ne peut rien revendiquer venant de lui, mais reçoit tout de Dieu seul. Le fait que leur âge avancé augmente le scandale de leur conduite est un motif dérivé.https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2009-4-page-537.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les versions grecques de Daniel Jeu 05 Oct 2023, 13:27 | |
| Merci. Je ne parviens toujours pas à accéder convenablement aux articles sur le site Cairn (ici ton second lien) mais j'ai pu lire celui d'Hélène Koehl par là. Pour rappel, nous avons aussi évoqué plusieurs fois les suppléments grecs de Daniel sur ce fil générique.La comparaison des versions grecques de l'histoire de Suzanne est en effet intéressante à bien des égards, quoique l'auteur(e) se concentre sur l'ambiguïté bien connue de presbuteros, qui joue dans beaucoup d'autres textes "bibliques" et assimilés: "anciens" indication d'âge (= vieillards) ou (plutôt) de fonction (= responsables d'une communauté, qui ne sont pas nécessairement [très] vieux; même si on arrive rarement, dans l'Antiquité, à l'aberration d'adolescents "anciens", comme chez les missionnaires mormons qui arborent le titre d' elder...). La seconde interprétation, que favoriserait la première version grecque (dite " Septante", bien que toutes les éditions de Daniel soient nettement postérieures au cadre pseudo-historique de la légende d'Aristée, l'histoire des 70 ou 72 traducteurs d'Alexandrie qui lui a donné ce nom), accentue la charge anti-institutionnelle du récit, mais celle-ci reste perceptible dans Théodotion et dans la Vulgate, comme en témoigne l'exemple contre-révolutionnaire exhumé à la fin de l'article (Marie-Antoinette en Suzanne et la Convention en "vieillards"), naturellement tiré, à l'époque, de versions françaises de la Vulgate latine... Comme on l'a remarqué précédemment, dès la première version grecque ( Septante donc, si l'on peut dire) de Daniel, non seulement dans les suppléments mais aussi dans la traduction des passages araméens ou hébreux qui nous sont connus par le texte massorétique, le contexte historique "original" (de la rédaction finale) du (premier) livre, à savoir Antiochos et les Maccabées, est perdu de vue -- pour peu qu'il ait jamais été vraiment connu et compris par la diaspora juive d'Alexandrie, étrangère aux démêlés de la Judée avec l'empire séleucide. De ce fait la plupart des "visions" et "interprétations" de la seconde partie du livre étaient incompréhensibles aux traducteurs, naturellement tentés d'abréger et de généraliser, tandis que les récits édifiants de la première partie (roman de diaspora) se prêtaient au contraire à des amplifications et à l'agrégation d'autres histoires du même genre. La traduction de Théodotion s'est efforcée de revenir au plus près du texte hébreu et araméen (proto-massorétique) quand celui-ci existait, mais elle a aussi développé les suppléments "grecs", avec ou sans accès à un éventuel "original sémitique". Voir p. ex. ici (c'est en anglais, mais c'est facilement utilisable au moins pour comparer les deux textes; à noter qu'au lieu de Septante = Septuagint = LXX on dit Old Greek = OG, ce qui est moins contestable). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les versions grecques de Daniel Ven 20 Oct 2023, 14:04 | |
| La prière d'Azarias (Daniel 3,26-45 Théodotion) - Maurice GILBERT
La prière d'Azarias est transmise parmi les suppléments grecs du livre de Daniel, dans deux versions grecques : 1. celle dite de la LXX ne nous parvient pour cette prière que dans un seul manuscrit, le Codex Chisianus, du Xe ou XIe siècle1 ; cette version fut très tôt abandonnée par les chrétiens, ainsi qu'en témoigne saint Jérôme qui, pour sa traduction latine, lui préféra celle de Théodotion ; 2. cette dernière, postérieure à celle de la LXX, pourrait dater du 1er s. ap. J.C. ; elle ne diffère guère de la précédente, hormis pour le v. 40 = 17 ; pour le reste, elle manifeste une tendance à abréger ; quatre fois aussi, Théodotion inverse l'ordre des mots.
26 Béni es-tu. Seigneur le Dieu de nos pères, et louable, et glorifié ton nom pour les siècles ! 27 Car tu es juste en tout ce que tu as fait et toutes tes oeuvres sont véridiques et droites tes voies et tous tes jugements sont vérité ; 28 et ce sont des jugements de vérité que tu as faits en tout ce que tu as amené sur nous et sur la ville sainte de nos pères, Jérusalem : car c'est en vérité et justice que tu as amené tout cela : à cause de nos fautes. 29 Car nous avons péché et commis l'iniquité de nous écarter de toi et nous avons mal agi en tout ; 30 Et tes commandements, nous ne les avons pas écoutés, ni ne les avons gardés ni accomplis, comme tu nous l'avais ordonné pour notre bien. 31 Et tout ce que tu as amené sur nous et tout ce que tu nous as fait c'est dans un jugement véridique que tu l'as fait : 32 et tu nous as livrés aux mains d'ennemis impies, d'odieux apostats et à un roi injuste, au plus méchant qui soit sur toute la terre. 33 Et maintenant qu'il ne nous est pas possible d'ouvrir la bouche : la honte et l'opprobre sont advenues à tes serviteurs et à ceux qui te vénèrent, 34 ne nous livre pas pour toujours à cause de ton nom, et ne romps ton alliance 35 et n'écarte pas ta miséricorde loin de nous à cause d'Abraham ton ami et à cause d'Isaac ton serviteur et d'Israël ton saint, 3" auxquels tu as promis de multiplier leur descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le rivage de la mer, [les nations 37 car, Maître, nous sommes devenus moins nombreux en comparaison de toutes et sommes humiliés par toute la terre aujourd'hui à cause de nos fautes : 38 il n'y a plus, en ce moment, de chef, de prophète, de guide, ni holocauste, ni sacrifice, ni oblation, ni encens, pas d'endroit pour présenter l'offrande devant toi et trouver miséricorde ; 39 mais, l'âme brisée et l'esprit humilié, puissions-nous être agréés 40 en guise d'holocauste de béliers et de taureaux et de milliers d'agneaux gras ; que tel puisse être notre sacrifice devant toi aujourd'hui et pleinement te suivre, car il n'y aura point de honte pour ceux qui se fient en toi. 41 Et maintenant que nous te suivons de tout coeur et te craignons et recherchons ton visage, 42 ne nous laisse pas dans la honte, mais agis avec nous selon ta douceur et selon l'abondance de ta miséricorde : 43 délivre-nous par tes prodiges et donne gloire à ton nom. Seigneur ; 44 qu'ils soient couverts de honte tous ceux qui font preuve de malice envers qu'ils soient confondus à la perte de toute puissance [tes serviteurs, et que leur force soit brisée ; 45 qu'ils sachent que toi, tw es Seigneur, le seul Dieu et glorieux sur toute la terre !
Avec la tradition chrétienne, nous nous attacherons à la version de Théodotion, que nous avons traduite ci-contre, avant d'en établir la structure littéraire ; puis nous nous efforcerons de déceler tous les rapports à l'Ancien Testament inscrits dans la lettre du texte et nous tenterons, à partir d'eux, de dater la prière, d'en expliciter la théologie et de préciser de quel milieu elle semble provenir. Enfin nous reprendrons la lecture chrétienne proposée par la liturgie.
https://www.nrt.be/fr/articles/la-priere-d-azarias-daniel-3-26-45-theodotion-1202 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les versions grecques de Daniel Ven 20 Oct 2023, 17:35 | |
| Comme tous ceux qui ont été nourris à la "bible protestante", je suis toujours moins familier de ces textes que des autres et, aussi souvent que je les relise, ils restent étrangers, sauf exception particulièrement marquante, à mes références "spontanées"... L'étude de Gilbert, quoique déjà ancienne (1974), me paraît d'autant plus intéressante; mais je ne suis pas convaincu qu'il faille situer le développement grec, même s'il est à l'origine hébreu ou araméen, dans la même période que la rédaction du texte "principal" de Daniel, c'est-à-dire entre -167 et -164. Puisque son premier témoin connu ( Septante = LXX ou Old Greek = OG) témoigne déjà, dans les parties communes (traductions du texte hébreu ou araméen existant), d'un écart considérable par rapport à la situation de cette époque. Le côté "confession des péchés" des textes grecs de Daniel 3 a assurément des analogies dans le texte commun du chapitre 9, et dans beaucoup d'autres textes plus anciens (Esdras 9, Néhémie 9, etc.; cf. p. ex. ici, 25.9.2023). Par contre disparaît dans la LXX = OG une originalité essentielle du texte araméen de Daniel 3, le fameux hn l', "si()non" du v. 18, qui fait toute la différence critique entre "miracle" et "martyre": le dieu peut ne pas sauver ou délivrer. D'autre part tous les textes de Daniel me semblent rester en retrait par rapport à l'idée de souffrance "vicaire" ou "substitutive" telle qu'elle s'exprime, pourtant beaucoup plus tôt, dans les "chants du serviteur" du deutéro-Isaïe (52--53). |
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