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 La faim de la fin.

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Narkissos
VANVDA
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeSam 30 Mai 2015, 23:12

le chapelier toqué a écrit:
Ce n'était pas un reproche...
Je ne l'avais pas pris pour tel ! Smile
Du reste, toutes les figures de la négation (qu'on parle de "fins du monde" imaginaires ou de violence réelle, religieuse, politique et à plus forte raison "gratuite", de "mystique" de la mort, de la croix, du non-être, du non-agir, du silence, ou même d'un certain humour "ravageur" ou "absurde" par exemple) débouchent sur un (sans-)fond tellement "océanique" et indifférencié qu'il est difficile avec elles d'être tout à fait "hors-sujet" (qu'on y mêle ou non l'étymologie du sub-jectum): effectivement, au fond (c'est-à-dire nulle part, si l'on préfère), tout cela se rejoint, fût-ce par des chemins diamétralement opposés.
N'empêche que plus le "monde" paraît "fini" et "clos" et plus le besoin de le défaire se fait sentir, avec pour effet paradoxal de le rouvrir et de le prolonger: en "jouant" (à) la fin du monde, on déjoue une (autre ?) fin du monde. Ainsi au plan géopolitique, il paraît assez clair que la (non-)perspective de cette "fin de l'histoire" dont parlait VANVDA, et qui a fait grande illusion de clôture au tournant des années 1980-90, a été en plus d'un sens "dégagée", et l'"histoire" relancée, notamment avec le duo apocalyptique Ben Laden / Bush dans les années 2000.
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeJeu 26 Jan 2017, 15:46

Alors, j’ai décentré mon travail avec les croyances en la fin du monde de manière générale, et les liens qu’elles peuvent entretenir avec d’autres croyances. En effet, la question principale est : « Pourquoi croit-on en la fin du monde ? », mais surtout, « Comment y croit-on ? ». Est-ce que les différentes formes de ces croyances peuvent être liées aux manières dont les personnes voient leur vie et le monde, la justice dans le monde, leur environnement ? En effet, l’ont peut dire que beaucoup de personnes croient en une fin du monde, un jour, demain, dans plusieurs années, mais qu’attendent-elles ? Est-ce un monde nouveau, un monde meilleur, ou l’absence totale de vie ? Les croyances de ce type avancent souvent un « éternel recommencement », cependant d’autres formes de croyances postulent une fin pure et simple. Alors pourquoi préfère-t-on telle ou telle forme de fin du monde ?

Le concept central que je souhaite utiliser dans cette étude est celui de croyance en un monde juste, qui repose sur l’assertion suivante : « Chacun mérite ce qui lui arrive et il lui arrive ce qu’il mérite », autrement dit, les choses que l’on vit ne sont dues qu’à nous-mêmes. Cette croyance a souvent été mise en lien avec les croyances religieuses, avec l’idée que les mauvaises actions sont punies, et les bonnes actions sont récompensées. Lerner, le « créateur » de ce concept (voir son ouvrage « Belief in a just world » en 1980) explique que toutes les personnes ont besoin de croire en un monde juste, à des degrés plus ou moins forts. Cette croyance permet de percevoir le monde comme prédictible, contrôlable, et comme son nom l’indique, juste, ce qui fait que l’on ne se sent pas en danger permanent face aux évènements de la vie quotidienne, qu’on les vive ou qu’on y assiste.

Le lien entre cette croyance et les croyances en la fin du monde est donc le suivant : comment croire en la fin du monde tout en préservant sa croyance en un monde juste, comment est-ce possible de concevoir que le monde se finira un jour tout en gardant l’illusion que le monde, son monde, est contrôlable ? De même, de quelle manière la croyance en un monde juste modifie les formes de croyances en la fin du monde ? Nous avons vu que religion et croyance en un monde juste étaient corrélées, et que la religion était la principale source de la représentation selon laquelle la fin du monde n’est que le point précédent le recommencement de la terre, l’éternel recommencement. Cependant, il est possible que cet éternel recommencement soit aussi soutenu, même inconsciemment, par des personnes non religieuses, mais qui aurait un fort score de croyance en un monde juste. Car comment est-ce donc possible de penser que les meilleurs ne seront pas récompensés et les pires ne seront pas punis lors d’une fin du monde éventuelle ?

Le « jugement dernier » du christianisme peut être mis en parallèle avec le « jour du seigneur » du judaïsme (par exemple : « Oui, il arrive implacable, le jour du Seigneur, jour d’emportement et de violente colère, qui réduira la terre en solitude et en exterminera les criminels. » Isaïe 19.9) et le « jour du jugement » pour l’islam (par exemple : « Et c’est de Lui que je convoite le pardon de mes fautes le Jour de la Rétribution. » 26e sourate).
Que dire de plus ? Chaque religion monothéiste semble avoir un jugement dernier, un jour où « justice sera faite », justifiant du même coup le dévouement de chaque croyant et donnant une lueur d’espoir à ceux qui ont subi des injustices mais qui se considèrent pourtant comme « bons »…une « justice finale », donc, l’une des facettes de la croyance en un monde juste.

http://www.la-fin-du-monde.fr/2010/04/pourquoi-croit-on-en-la-fin-du-monde/
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeJeu 26 Jan 2017, 23:48

C'est là, à mon avis, que l'approche "synchronique" chère aux "sciences humaines" trouve sa limite, et doit absolument se confronter à une approche "diachronique" ou "historique".

Il y a une phrase très caractéristique dans cette interview (la maladresse de la formulation a le mérite de mettre le doigt sur ce qui cloche profondément dans la méthode): "De tout temps les prophéties apocalyptiques ont eu du succès dans le monde entier, repoussant encore et encore les dates de fin du monde." (Je souligne méchamment.) Eh bien non, l'idée de "fin du monde" n'est pas transhistorique ni universelle, elle est apparue à certains moments, dans certains lieux et dans certains milieux, et sous des formes à chaque fois différentes et irréductibles les unes aux autres. Même l'idée "biblique" de fin du monde (ou de l'histoire) n'est pas la même lorsqu'elle apparaît avec la crise maccabéenne du IIe siècle av. J.-C. et quand elle est reprise dans d'autres contextes par des générations ultérieures, juives ou chrétiennes, dans une perspective (à nouveau) imminente, ou simplement conservée comme doctrine dans une perspective lointaine. Des générations et des civilisations entières ont vécu sans aucune perspective de "fin du monde", surtout imminente. Les discours de fin du monde sont des symptômes d'une société et d'une époque, en aucun cas généralisables. La fascination pour la "fin du monde" dans la modernité occidentale n'est pas celle de l'Antiquité tardive, même quand elle s'inspire de textes anciens. Elle n'est déjà plus la même depuis les guerres mondiales et la bombe atomique, par exemple, qu'au XIXe siècle. Elle change encore insensiblement à mesure que de nouveaux éléments (comme l'"écologie") modifient notre vision du "monde".

Cela étant dit, je pense aussi qu'il y a un rapport entre notre estimation du "monde" comme plus ou moins "juste", "bon", "stable", en "progrès" ou en "déclin", et les idées de "fin du monde" qui émergent précisément là (époques, lieux, milieux) où la "valeur du monde" est en crise. Et à cet égard la même "fin du monde" (en apparence la même) peut jouer des rôles totalement contraires: dans une époque stable et confiante, la perspective lointaine d'un "jugement dernier" vient en quelque sorte confirmer, parfaire et couronner l'ordre du monde: le monde est tellement bien fait que sa fin va corriger les défauts qui lui restent; dans une époque de crise, la perspective imminente d'une fin du monde vient au contraire le menacer et le subvertir, soit comme une façon de "se faire peur" pour "se rassurer" par contrecoup (c'est notamment la fonction de la fiction, et il y en a jusque dans les croyances), soit pour dramatiser et aggraver la crise (quand une fin du monde est effectivement désirée, sur un mode apocalyptique ou révolutionnaire p. ex.).
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeDim 29 Jan 2017, 20:10

On peut aussi confondre la disparition d'une société, d'une civilisation, d'une puissance avec la fin du monde. L'influence des USA peut décliner cela signifie-t-il que le monde va disparaître? De grandes nations ont disparues dans les brumes de l'histoire sans que le monde disparaisse lui-aussi, certes parfois cela a donné lieu à des mouvements migratoires de peuples, mais la vie a continué.

Ce qui nous parait impensable n'est pas forcement impossible. Nous avons l'habitude de considérer le "monde" dans lequel nous vivons comme étant le seul méritant le droit de continuer, mais est-ce vraiment la meilleure solution? Notre conception de la vie est-elle la seule digne d'être considérée?

Le monde peut continuer d'exister même si l'Europe perd de sa puissance et de sa faconde.
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Jan 2017, 00:55

(Ouelcome baque !)

Tu as parfaitement raison: tout dépend de quel "monde" on parle.

Même l'horizon le plus large, "cosmique", n'est pas le même dans un texte ancien (p. ex. 2 Pierre ou l'Apocalypse) où le "cosmos" de référence est géocentrique (que la terre, gè, soit plus ou moins plate ou sphérique) -- où les étoiles peuvent tomber du ciel, par exemple, alors que dans une cosmologie moderne c'est un peu plus compliqué...

Mais bien sûr il peut aussi s'agir d'un "âge" ou d'une "époque", aiôn en grec; et là encore tout dépend à quand on le fait remonter: dans le NT l'empire romain constitue une sorte de monde, ce qu'on appelle l'oikoumènè, la "terre habitée", et en même temps il y a conscience d'une continuité plus longue, quoique diversement racontée par les "histoires" particulières (gréco-romaine ou juive, par exemple); de même aujourd'hui, on peut dater notre "monde" de la fin de l'URSS, de la Seconde Guerre mondiale, des Lumières ou des Révolutions française et américaine, de la découverte de l'Amérique (définition officielle de la "modernité"), ou des débuts de l'histoire que nous associons à l'écriture...

La question écologique du "monde" correspondant à un certain équilibre biologique qui a rendu toute cette histoire possible remonte encore un peu plus loin, sans s'étendre pour autant à "l'univers" ni même à "la planète". Mais de cette question-là, ou de ce "monde"-là, il me semble difficile de dire qu'ils aient été en vue d'aucune autre "époque". Et ne serait-ce que pour cela, la question de la "fin du monde" n'est plus réductible pour nous à celle de la fin d'une "époque" géopolitique.
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Jan 2017, 11:11

Narkissos a écrit:
La question écologique du "monde" correspondant à un certain équilibre biologique qui a rendu toute cette histoire possible remonte encore un peu plus loin, sans s'étendre pour autant à "l'univers" ni même à "la planète". Mais de cette question-là, ou de ce "monde"-là, il me semble difficile de dire qu'ils aient été en vue d'aucune autre "époque". Et ne serait-ce que pour cela, la question de la "fin du monde" n'est plus réductible pour nous à celle de la fin d'une "époque" géopolitique.  

Oui on devrait parler de la fin d'un monde ou d'une époque plus ou moins longue. De nos jours de nombreux scientifiques parlent d'épisode d'extinction massive, des dinosaures (par exemple), mais la prochaine extinction concernerait l'espèce humaine, mais ce ne serait toujours pas la fin du monde mais celle d'un monde
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Jan 2017, 13:15

De toute façon un "monde" n'est jamais qu'une construction imaginaire (Heidegger dit l'homme Weltbildend, constructeur-imaginateur de monde[s]), et cela vaut aussi bien pour les "cosmologies", anciennes ou modernes, que pour les "empires", les "civilisations" et leurs "époques". Même un "monde sans l'homme" est encore une construction imaginaire de l'homme.

Il y a un certain "autisme" indépassable de la pensée qui s'immunise contre tout "extérieur"; de sorte que le pire "scénario-catastrophe", en tant que projection ou construction humaine, reste humain et familier, et pour ainsi dire rassurant: on y est toujours "chez soi". D'où le fait que l'altération effective de notre "environnement" nous affecte somme toute si peu: comme son nom l'indique, c'est toujours à nos yeux quelque chose de périphérique et d'un peu factice -- un décor pour les protagonistes que nous sommes et pour notre histoire qui est la seule histoire. Même le mot d'"écologie" nous ramène à la "maison" (oikos): chez nous, à la place du maître du logis, de l'hôte (host) plus ou moins hospitalier ou accueillant envers ses hôtes (guests). Il faudrait pouvoir penser d'une toute autre manière (compatissante, peut-être) le non-humain, l'"animal" par exemple, ne serait-ce que les mammifères qui nous sont les plus "proches", pour sentir les limites de la "bulle", à défaut d'en sortir.
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeMer 01 Fév 2017, 14:16

La mort d’un ami

« Chaque fois unique, la fin du monde », suggère Jacques Derrida17. Ou autrement : qu’il y ait la fin du monde n’implique pas la disparition automatique de la fin, et du monde. Des mondes se sont achevés qui connurent cet événement impossible à répéter et qui se renouvelle pourtant. Encore doit-on penser que la fin est susceptible de se proclamer et de différer de soi. Même la disparition de ce système solaire n’est pas celle de l’univers, ainsi de suite. Et « quand on perd un ami » (Manset), le monde s’écroule derechef. La mort de l’un pourrait précipiter celle de tous en soi-même, ce qu’énonce Derrida dans la préface d’oraisons funèbres qu’il écrivit. Pourtant, toute fin du monde ne se ramène pas à la mort de l’autre. Cette catastrophe mondiale est aussi le décès, elle ne s’y résume pas.
 
Plusieurs mondes se prétendent le monde. L’expérience déjoue l’identité comme principe. Ce n’est jamais que ce monde-ci qui s’engloutit (notre planète, notre civilisation, notre temps, notre espoir, notre vie, notre nôtre), et pourtant le monde absolument un et défait s’éteint. Ce pourquoi distinguer la fin d’un monde et celle du monde n’a aucune valeur. Les eschatologies ont souvent besoin d’une assertion univoque et dangereuse (le c’est nous qui fonde la tribu, la nation, l’ethnie, la race, le pays, la communauté..). Dès qu’elles se mettent toutefois à penser la fin, elles sont conduites à réviser leur positivité même.

Le sentiment – La fin

Trouver dans le sentiment la force de la pensée. Et si la fin du monde ne se vivait pas dans l’explication, s’il fallait la ressentir ? Puisque les mondes ne sont pas coextensifs, on comprendrait mieux que tel ami ne voie rien, et s’insurge contre la fin – quand je ne sentirais que cela. Notre univers d’amitié est-il moins menacé ?
Le sentiment n’est pas le moins réel, quoique pas le rationnel. Ni le mythe, quoique pas l’irrationnel. Sentir, exister, se transporter.
Il y eut des fins de mondes, qui le niera ? Ils sont nombreux, ceux qui firent mine d’en annoncer une. Mais vivre la fin aurait lieu sur le mode sentimental seulement ; au risque de connaître vraiment la mort qu’on se crée et s’apercevoir ensuite qu’on aurait pu se suicider différemment. Pour froidement constater le décès, il faudrait être sans rapport avec le mort, ou avoir traversé le trépas de part en part, qui sait ?
Ou bien : l’époque de notre monde, son épokhè est plus qu’une suspension du temps, la cessation. Un moment indéterminé qui instaure une fin absolue, pas un lent déclin, un terme complet – mais qui dure ? Les chroniques recrudescentes s’écrivant chaque jour, histoires, chants, fictions, poèmes, narrations, philosophies, installeraient-elles l’état chronique de notre fin comme événement ?
Peut-être qu’un des mondes où nous sommes, peut-être que notre monde ne se trouve plus que dans le sentiment de sa fin ?

https://labyrinthe.revues.org/236#bodyftn17
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeMer 01 Fév 2017, 16:49

Très bel et bon texte, à lire lentement et entièrement, qui ouvre beaucoup de pistes intéressantes: par exemple,

- comment la "mondialisation" (globalisation), en tant qu'unification forcée des mondes ou des visions du monde, affecte la "fin du monde" et toutes les "fins du monde", même rétrospectivement;

- comment "la fin du monde" conserve, même et peut-être d'autant plus dans cette perspective "sans précédent" malgré une foule de "précédents" (tous les précédents du monde), une affinité secrète avec la mort de chacun (mon père TdJ appelait souvent la sienne son "Harmaguédon personnel" -- par coïncidence elle est survenue l'année même de cet article, comme celle de J. Derrida d'ailleurs) et les im-possibilités affectives et effectives de sur-vie qui s'y attachent (comment sur-vivre sans sur-vivre à la mort de l'autre, à la sienne anticipée et dans un certain sens vécue, jouée, répétée etc.). De ce point de vue en effet, la "distance" historique, objective ou encyclopédique de tout discours sur la ou les fins du ou des mondes manque l'essentiel, et son ironie plus ou moins condescendante est avant tout apotropaïque: il s'agit d'écarter ou de conjurer ce qui le plus intimement nous concerne.
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeMer 18 Oct 2017, 11:17

Vous montrez, dans L'Apocalypse dans l'islam (Fayard, 2008), que les partisans de ce que l'on nomme aujourd'hui « djihadisme » emploient une rhétorique apocalyptique héritée des premiers siècles de l'islam. Que dit la tradition musulmane au sujet de l'Apocalypse ?
 
Quand j'ai publié L'Apocalypse dans l'islam en 2008, je relevais qu'Al-Qaïda n'était heureusement pas animée par une vision apocalyptique. C'est en revanche le cas de Daech, ou en tout cas de sa propagande, car il ne faut jamais exclure ce que j'appelle « l'opportunisme apocalyptique », soit la manipulation d'une rhétorique eschatologique (relative à la fin des temps) pour amplifier le recrutement. Des traditions attribuées au prophète Mahomet lui-même situent la bataille de la fin des temps dans le nord de la Syrie, entre les localités d'Aamaq et de Dabiq. Daech a choisi de donner le nom de la première à son « agence de presse » et de la seconde à son magazine en ligne, diffusé dans de très nombreuses langues. Selon cette même tradition, les musulmans affronteront là les « Roum », c'est-à-dire les orthodoxes, d'où une véritable envolée des montées au djihad depuis le début, en septembre dernier, de la campagne de Poutine en Syrie, qui a paru « confirmer » ces prophéties. Les musulmans sont censés triompher après la mort d'un tiers d'entre eux et la défection d'un autre tiers.

Sunnites et chiites partagent-ils la même vision de la fin des temps ?

C'est sur la figure du Mahdi, littéralement « le bien-dirigé », que divergent sunnites et chiites. Pour ces derniers, le Mahdi correspond au douzième imam, descendant du prophète Mahomet par son gendre Ali. Occulté aux yeux des hommes depuis le Xe siècle, cet « imam caché » réapparaîtra à la fin des temps pour rétablir la Loi de Dieu. Les interprétations sur le lieu de cette réapparition - Arabie, Iran ou Irak - divergent suivant les auteurs chiites. Pour les sunnites, en revanche, c'est Jésus, en arabe Issa, l'avant-dernier prophète de l'islam, qui est l'instrument de la victoire ultime de l'islam. Il est censé revenir à Damas, très précisément sur le minaret blanc de la mosquée des Omeyyades, et y combattre l'Antéchrist ou « Faux-Prophète », le Dajjal. Le Mahdi est pour les sunnites au service de Jésus/Issa dans cette bataille apocalyptique. Mais il est frappant, sans rentrer dans les détails, de voir comment les prophéties sunnites et chiites s'emboîtent littéralement chez les plus extrémistes des miliciens qui se combattent sur le théâtre syrien, Daech et fanatiques pro-iraniens croyant chacun jouer un rôle déterminant dans cette bataille de la fin des temps.

À quel moment cette rhétorique apocalyptique est-elle revenue sur le devant de la scène dans le monde contemporain ?

Le grand tournant est 1979, car un soulèvement millénariste secoue La Mecque le premier jour du XVe siècle du calendrier islamique. Cette insurrection est menée par un Mahdi autoproclamé, de nationalité saoudienne, mais son groupe d'insurgés est composé de militants d'origines très diverses, avec même des combattants américains. Une telle phalange apocalyptique parvient à contrôler le lieu le plus saint de l'islam pendant plus de deux semaines et le régime saoudien doit appeler la France et son GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) pour enfin déloger les révoltés du saint des saints. L'angoisse eschatologique ainsi réveillée par un tel sacrilège, en novembre 1979, est accentuée, le mois suivant, par l'invasion soviétique de l'Afghanistan, car ce pays est connu dans la tradition islamique comme le Khorassan, d'où des « drapeaux noirs » se lèveront à l'approche de la fin des temps. Mais, de 1979 jusqu'à aujourd'hui, il y a une relation inverse entre l'ouverture du champ politique et les poussées de fièvre apocalyptique, car ces poussées se nourrissent de l'impasse politique et de la violence débridée qui en résulte.

http://www.lemondedesreligions.fr/savoir/daech-et-les-demons-de-l-apocalypse-02-02-2016-5253_110.php
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeMer 18 Oct 2017, 16:26

D'un côté, bien sûr, l'immense majorité des "djihadistes" (réels ou potentiels) ne sont pas des théologiens, et même quand ils sont sincèrement "religieux" ou "croyants" il est probable que ce genre de théorie leur passe largement au-dessus de la tête, comme on dit; de l'autre, "l'eschatologie" futuriste (celle qui annonce des événements à venir comme s'ils étaient écrits ou scénarisés à l'avance) est quand même le (sous-)produit le plus populaire de la théologie, comme on le voit notamment en Amérique depuis le XIXe siècle (adventisme, darbysme, mormonisme, tout cela a généré un flot quasiment continu de publications sensationnalistes sur la "fin du monde" qui déborde toutes les frontières confessionnelles et intéresse un large public, même assez peu religieux par ailleurs et pas du tout théologien). La rencontre entre ce type d'eschatologie populaire et un intérêt politique (militant, militaire, terroriste) est aussi fatale qu'explosive, et ce n'est pas la théologie "savante" qui peut la désamorcer ou la neutraliser, puisqu'elle se discrédite elle-même aux yeux du public concerné si elle prend la moindre distance critique à l'égard de ce qu'il veut croire. Il y a cependant une certaine ironie à constater, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, que le "fondamentalisme" islamique reproduit un modèle essentiellement américain.
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeJeu 12 Nov 2020, 17:52

Une improbable réflexion (sur la mondialisation comme médiatisation, qui malgré sa nouveauté apparente ne fait que prolonger une histoire multimillénaire de constitution de "mondes" successifs par toute sorte de médiations inter-culturelles et de communications politiques, religieuses, commerciales, techniques, depuis les empires de l'Antiquité) me ramène à ce fil qui a déjà pas mal creusé la question de la "fin du monde", sous plusieurs aspects de sa métonymie. (Il serait prudent de le relire attentivement avant de le prolonger, j'espère de mon côté l'avoir fait assez pour ne pas trop répéter ce qui y était déjà.) Cela touche aussi un autre sujet que nous avons brièvement évoqué ailleurs il y a peu, à savoir le rapport complexe entre "eschatologie" (doctrine de la "fin", du "monde" en général ou d'une "vie" particulière) et "mystère" ou "gnose": ces derniers (qui ne sont ni la même chose ni incompatibles entre eux) peuvent paraître aux antipodes de l'eschatologie parce que tout s'y joue au présent, et pourtant ils partagent avec elle nombre de formules et de structures profondes.

Indépendamment ou non des bouleversements de la grande histoire, il y a des moments où pour tel "sujet" individuel ou collectif, pour un "je" ou un "nous" toujours corollaire d'un "monde" comme construction linguistique et culturelle, ledit "monde" prend fin, il cesse d'être un "monde" ou de "faire monde", "réalité" englobante et cohérente, "ordre" (c'est ce que dit kosmos) ou "système" (de choses comme dirait F.W. Franz). A la faveur d'une expérience forte, malheur ou joie, ou par le simple jeu de la foi et/ou de la pensée, par la "méditation" ou l'"éveil" dans d'autres cultures, le sens du "monde" et de "soi" comme "partie du monde" se brise. Par-delà toutes les eschatologies ou doctrines de la "fin du monde" contemporaines, et pourtant en rapport avec elles, cela semble arriver assez souvent dans le NT. Je pense par exemple à des énoncés "pauliniens" (au sens large) comme:

"... de sorte que si quelqu'un (est) en Christ, nouvelle création: l'ancien est passé (parèlthen, de par-erkhomai), voici qu'il est advenu du nouveau." (2 Corinthiens 5,17)

"... la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, en qui (ou en quoi) le monde (kosmos) est crucifié pour moi et moi pour le monde (idem)." (Galates 6,14)

Ils pourront à leur tour rappeler une foule d'autres textes, proches ou lointains, bibliques ou non: "la forme (le schéma) de ce monde passe" (paragei... to skhèma tou kosmou toutou, 1 Corinthiens 7,31), "le monde passe (ho kosmos paragetai, 1 Jean 2,17), "vienne la grâce et passe ce monde (elthèto hè kharis kai parelthèto ho kosmos houtos)" (Didachè 10), et jusqu'au fameux vers de Celan, souvent cité par Derrida, Die Welt ist fort, ich muss dich tragen (le monde est loin, le monde n'est plus, le monde a disparu, il n'y a plus de monde qui tienne: il me faut te porter).

Pas besoin de (vraie) fin du monde, ni même de fin d'un monde, pour que "le monde", tout "monde", se défasse de tel ou tel point de vue. Ou, ce qui revient à peu près au même, pour que son caractère factice, artificiel, imaginaire, illusoire, trompeur ou faux (Falsche Welt) apparaisse. "Le tout est vanité", dit exactement Qohéleth.

Cela peut déboucher sur une question intéressante, si l'on ne se précipite pas pour remplacer le "monde" perdu par un "autre monde" imaginaire, futur ou présent ("l'Eglise" par exemple). Car il s'agirait dès lors de vivre sans monde, dans le monde et dans n'importe quel monde mais foncièrement sans monde, sans prendre au sérieux aucun monde, aucune totalisation rationnelle du réel. (C'est un peu ce que je retrouve chez Pessoa que je lis et relis avec émerveillement ces temps-ci.)
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeVen 13 Nov 2020, 17:35

Citation :
Cela peut déboucher sur une question intéressante, si l'on ne se précipite pas pour remplacer le "monde" perdu par un "autre monde" imaginaire, futur ou présent ("l'Eglise" par exemple). Car il s'agirait dès lors de vivre sans monde, dans le monde et dans n'importe quel monde mais foncièrement sans monde, sans prendre au sérieux aucun monde, aucune totalisation rationnelle du réel. (C'est un peu ce que je retrouve chez Pessoa que je lis et relis avec émerveillement ces temps-ci.)

Merci Narkissos pour cette très belle et émouvante analyse. Mes recherches m'ont amenées ici :

Vivre sans
Que reste-t-il de notre monde ?


Vivre sans progrès
Vivre sans (plus) résister
Vivre sans esprit ... https://www.cairn.info/vivre-sans--9782749267753.htm


En guise d’ouverture, le plus apaisant des écrivains troublés, le plus actif des créateurs mélancoliques, celui dont le nom est personne et l’identité multiple, et pour qui vivre, c’est toujours être un autre. Le rêveur à la tristesse constante et au dégoût facile, mais sans ennui, ni peine, saturé d’envies même, d’envie de se réveiller avec une autre personnalité, pour oublier ce rhume de l’âme, et surtout, ne pas savoir, ni ce que nous sommes, ni ce que nous éprouvons, s’en remettre à la seule sensation, pour finalement en redemander, car la vie peut être douce quand, devant sa vitre, on fume une cigarette en écoutant les rues de Lisbonne après la pluie. https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/lautre-14-fernando-pessoa-vivre-cest-etre-un-autre

Ce qui est éprouvé dans la fiction n’est pas moins éprouvé que ce qui est à peine vécu dans la demi-conscience de nos existences quotidiennes. Ce qui est vécu dans la fiction d’un autre n’est pas moins réel que ce qui est à peine vécu et aussitôt oublié dans le cours de cette existence que nous appelons la nôtre. (« Toutes ces choses se sont réellement passées, je vous le garantis ; le lieu où elles se sont déroulées, je l’ignore, mais tout cela a été aussi réel que tout ce qui arrive en ce monde, dans des maisons bien réelles, dont les fenêtres ouvrent sur des paysages réellement bien visibles . . ») Où est le réel, et qui l’éprouve vraiment, si les expériences que nous menons sont le plus souvent les plus pauvres du monde ? https://www.cairn.info/revue-etudes-2011-4-page-511.htm
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeVen 13 Nov 2020, 21:12

(Je ne regrette pas d'avoir appris et pratiqué le portugais dans mes dernières années de jéhovisme...)

S'il y a deux mots de portugais que tout le monde connaît, c'est saudade et fado, respectivement et approximativement nostalgie (avec une pointe de désir mélancolique, un peu comme l'allemand Sehnsucht qui a une tout autre étymologie: saudade viendrait du latin solitas, solitude) et destin (du fatum latin, devenu genre musical archi-populaire). Chez Pessoa au moins, nostalgie littéralement infinie, de nulle part et d'aucun temps, ou de toujours et de partout, de tout et de rien au sens le plus ordinaire de l'expression, non de la totalité ou de la pureté abstraite du Tout-monde ou du Rien-néant; et destin sans destination ni origine (ce qui peut rappeler la destinerrance de Derrida ou le désastre de Blanchot).

Je vois qu'il y en a pas mal en ligne, en portugais (p. ex. ici) mais aussi en traduction française (p. ex. celui-ci qui est parmi les plus connus).

"Vivre sans", indépendamment des compléments de la phrase et du contenu du livre qui n'est pas à ma portée, c'est un bon titre.

Que le monde, un monde ou son monde s'écroule, c'est une expression et une expérience des plus banales, sauf pour celui qui la prononce ou la vit, aussi longtemps du moins qu'il n'a pas réussi à s'en bâtir un autre.

Je repense aussi à la fameuse distinction de Heidegger entre la pierre sans monde (weltlos), l'animal pauvre en monde (weltarm) et l'homme constructeur de monde (weltbildend), qu'il faudrait rapprocher, même s'il ne le fait pas, de sa dé-struction ou déconstruction (Destruktion) dans le cadre de sa première "analytique existentiale". Et à sa conception de l'"ouvert" (Offene, Offenlichkeit etc.) qu'il oppose à celle de Rilke, parce que l'une serait le propre du Da-sein ou être-là "humain" et l'autre de l'"animal" (mais aussi de l'enfant ou du mourant), alors qu'elles se ressemblent tant. Il y a de ça aussi dans le christianisme, que Derrida, en dialogue avec le projet de "déconstruction du christianisme" de Jean-Luc Nancy, soupçonnait d'être indéconstructible précisément parce qu'il aurait anticipé toute déconstruction, y compris la sienne.

Du côté biblique et particulièrement johannique, voir aussi ici et .
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeMer 18 Nov 2020, 11:37

Citation :
Indépendamment ou non des bouleversements de la grande histoire, il y a des moments où pour tel "sujet" individuel ou collectif, pour un "je" ou un "nous" toujours corollaire d'un "monde" comme construction linguistique et culturelle, ledit "monde" prend fin, il cesse d'être un "monde" ou de "faire monde", "réalité" englobante et cohérente, "ordre" (c'est ce que dit kosmos) ou "système" (de choses comme dirait F.W. Franz). A la faveur d'une expérience forte, malheur ou joie, ou par le simple jeu de la foi et/ou de la pensée, par la "méditation" ou l'"éveil" dans d'autres cultures, le sens du "monde" et de "soi" comme "partie du monde" se brise. Par-delà toutes les eschatologies ou doctrines de la "fin du monde" contemporaines, et pourtant en rapport avec elles, cela semble arriver assez souvent dans le NT. Je pense par exemple à des énoncés "pauliniens" (au sens large) comme:

"... de sorte que si quelqu'un (est) en Christ, nouvelle création: l'ancien est passé (parèlthen, de par-erkhomai), voici qu'il est advenu du nouveau." (2 Corinthiens 5,17)

"... la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, en qui (ou en quoi) le monde (kosmos) est crucifié pour moi et moi pour le monde (idem)." (Galates 6,14)

Cependant, le texte de Paul présente aussi un ordre dans l’achèvement, d’abord l’être humain, ensuite le monde. La révélation des fils de Dieu dont parle Paul (Rm 8, 19) renvoie à la résurrection des morts . L’achèvement du créé dépend donc de la résurrection finale des hommes. Il faut pourtant faire attention au sens du texte. Paul affirme de manière constante la seigneurie actuelle du Christ Jésus sur toute la création. Le Règne du Christ Jésus précède l’achèvement définitif et visible du Règne de Dieu et l’élimination finale de tout ce qui s’y oppose, en particulier la mort. La seigneurie du Christ Jésus se traduit pour Paul par le don de l’Esprit fait à l’être humain : le Ressuscité rayonne de l’Esprit divin (1 Co 15,45). Ainsi, l’homme a reçu l’Esprit qui le constitue fils de Dieu, c’est-à-dire le fait participer déjà à la vie nouvelle de la résurrection. Mais ce n’est qu’un début . L’être humain vit sous deux régimes, celui de la vie ancienne qui va vers la mort, celui de la vie nouvelle qui va vers la résurrection plénière. Il est en cours de transformation. La révélation des fils de Dieu a donc commencé. L’homme a reçu l’Esprit pour contribuer par son agir à communiquer l’Esprit au monde et par-là à le transformer. Agir en disciple de Jésus, c’est manifester le Ressuscité et, comme lui, contribuer à répandre l’Esprit transformateur du créé[. Cela explique le fait que les disciples soient envoyés annoncer l’évangile à toute la création.

Que le créé soit en cours de transformation implique que sa constitution, issue de la création ancienne, est en train de disparaître parce que transformée. Paul reprend cet aspect dans le second texte retenu (1 Co 7,31). Ce passage appartient à une section à coloration eschatologique qui concerne les choix à faire dans l’existence pour vivre authentiquement en chrétien. Paul appuie les choix éthiques sur la précarité et la fin du monde présent par rapport au monde nouveau qui vient. Le croyant doit prendre ses déterminations par rapport au monde nouveau et non par rapport au monde ancien , car la figure de ce monde passe (1 Co 7,31). Figure (?????) exprime le monde dans sa manière d’être.

Le verset et son contexte ont donné lieu à deux principaux types d’interprétation chez les Pères, repris du texte lui-même, à savoir un sens moral appuyé sur un sens physique. Au sens moral, le verset est utilisé pour faire comprendre que le comportement doit être réglé selon le monde de la résurrection, considérant le monde tel que nous le voyons comme en train de passer . Le sens physique indique que la réalité présente et visible du monde passe, en vue de l’établissement du monde nouveau. Le passage est perçu comme une transformation qualitative, car ni la substance, ni la matière de la création ne seront anéanties. Les souffrances du temps présent sont associées à ce passage.

En conclusion, le créé est bien en cours de transformation sous l’impulsion de l’Esprit du Ressuscité. Or, cette affirmation semble ne trouver un développement en théologie qu’à notre époque. https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2006-2-page-297.htm
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeMer 18 Nov 2020, 12:35

Article stimulant, qui me frapperait plutôt dans la littérature théologique contemporaine (pour ce que j'en lis, surtout ici depuis une dizaine d'années) comme une exception: le discours "cosmique" en théologie me semble avoir connu son apogée au XXe siècle -- de Teilhard à Pannenberg, par exemple; sans oublier la théologie du process qui s'y prête autrement, de Whitehead à Cobb -- et être largement retombé depuis: bien avant le tournant du siècle (ou du millénaire) à vrai dire, au cours des années 1980, à peu près en même temps que les grandes "idéologies" politiques, ce qui ne me paraît pas un hasard. Depuis, la théologie -- comme la philosophie d'ailleurs -- s'est plutôt repliée vers d'autres voies apparemment plus modestes, celles des "sciences humaines", psychologiques, psychanalytiques, littéraires, quand elle ne se borne pas à réciter sa propre histoire...

J'éprouve à cet égard un sentiment mitigé: d'un côté j'entends bien que la théologie doive adapter son discours à celui de la science contemporaine, c'est pour elle une question de survie; de l'autre je me méfie d'un néo-concordisme qui se contenterait de revêtir d'un vernis vaguement chrétien le discours cosmologique, anthropologique, politique ou moral du moment.

Toujours est-il qu'il y a là de vrais défis: dans un univers (ou un multivers) qui n'est plus du tout un kosmos au sens d'ordre stable, plutôt un "chao(s)cosmos" où les effets d'ordre et de sens ne sont que des constructions aléatoires et provisoires d'un flux d'événement sans origine, ni destination, ni limite pensables, il faudrait tout repenser à nouveaux frais: une eschatologie sans "fin", une création sans "commencement", ou une "création continue" dont le commencement et la fin sont à la fois partout et nulle part, une transcendance sans lieu ni position fixe comme le "ciel" d'antan. Ce n'est sûrement pas impossible, et les énoncés "bibliques" fournissent d'abondantes ressources pour s'y affronter, mais le risque pour une théologie chrétienne est justement de ne pas s'y risquer assez, de retomber trop vite sur ses pattes sans avoir rien questionné de sa propre structure ni pris la mesure de la profondeur et de l'ampleur de la "conversion" qui s'impose.

Et pourtant la "concordance" peut être plus proche qu'on ne croit: que la figure (skhèma, schéma, schème) du kosmos passe, ce n'est plus seulement une confession chrétienne, c'est aussi bien une évidence "scientifique". Mais le "Dieu" ou le "Christ" susceptible(s) de s'y associer n'est pas davantage une "figure" fixe, ou au contraire il n'est que cela: figure finie de l'in-fini (image de l'invisible, etc.).
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 16:06

SOIS ATTENTIF À L’ACTUALITÉ, MAIS FAIS PREUVE D’ÉQUILIBRE

Nous avons de bonnes raisons d’être attentifs à la manière dont les évènements mondiaux actuels réalisent les prophéties de la Bible. Par exemple, pour nous aider à savoir quand le monde de Satan serait entré dans sa période finale, Jésus a fourni une liste d’évènements précis (Mat. 24:3-14). Afin que nous gardions une foi forte, l’apôtre Pierre nous a quant à lui encouragés à prêter attention à l’accomplissement des prophéties (2 Pierre 1:19-21). Et le dernier livre de la Bible commence par ces mots : « Révélation de Jésus Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves les choses qui doivent arriver bientôt » (Rév. 1:1). Par conséquent, nous nous intéressons de près aux évènements mondiaux actuels et nous désirons vivement savoir s’ils réalisent les prophéties de la Bible. De plus, en général, nous avons très envie de parler de ces évènements entre frères et sœurs chrétiens.

 Lorsque nous parlons des prophéties bibliques entre nous, toutefois, abstenons-​nous d’émettre des suppositions. Pourquoi ? Parce que nous ne voudrions pas dire quoi que ce soit qui risquerait de menacer l’unité de l’assemblée. Par exemple, nous pourrions entendre des dirigeants de ce monde envisager des manières de résoudre un certain conflit et d’instaurer ainsi la paix et la sécurité. Mais au lieu d’émettre l’hypothèse que des déclarations de ce genre réalisent la prophétie de 1 Thessaloniciens 5:3, tenons-​nous bien au courant des enseignements les plus récents publiés par l’organisation de Jéhovah. En fondant plutôt nos conversations sur ces contenus-​là, nous aidons l’assemblée à rester unie « dans la même opinion » (1 Cor. 1:10 ; 4:6).

https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/revues/tour-de-garde-etude-fevrier-2023/Garde-ton-bon-sens-sois-vigilant/
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 16:28

Faudrait voir à pas confondre Cénacle et Café du Commerce...

Reste à savoir si le nombre des ivrognes aggrave ou limite le délire (pour le coup, ce serait plutôt la soif de la fin).
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MessageSujet: Re: La faim de la fin.   La faim de la fin. - Page 3 Icon_minitimeDim 27 Aoû 2023, 11:43

Je relisais ce fil que je trouve intéressant à bien des égards: parce qu'en à peine trois pages (chez moi) il a traversé une quinzaine d'années et une "actualité" assez variée (avantage mémoriel du forum sur les réseaux sociaux), aussi parce que sa réflexion comporte une large part d'expérience, de confession ou de témoignage personnels des uns et des autres.

Où en est le "monde" de sa "fin", c'est une question qui s'est peut-être toujours déjà posée, dans la mesure où chaque jour vécu a toujours été pour ses vivants le dernier, le dernier qu'ils aient connu, le seul certain pour eux qui ne connaissaient pas leur avenir, même si cet avenir est pour nous un passé immémorial, donc imaginaire; mais c'est aussi une question qui se pose toujours différemment, avec plus ou moins d'acuité ou d'intensité, dans des formes, des couleurs ou des tonalités différentes selon les époques, les lieux et les circonstances. Autrement aujourd'hui ici ou là qu'il y a cinquante ou cent cinquante ans là ou ailleurs, autrement encore que dans les eschatologies savantes ou populaires de la fin du moyen-âge, du tournant de l'ère chrétienne ou du judaïsme (à retardement) sous influence perse. A notre échelle, différemment aussi pour des gens qui ont été marqués depuis leur enfance par une idée "sectaire" de fin du monde imminente, hautement invraisemblable pour la plupart et pourtant curieusement crédible dans son contexte des années 1960-70, et qui ont fini par s'en lasser, par l'abandonner ou la surmonter, la réfuter ou la ridiculiser, ou tout simplement l'oublier; pour la retrouver sur le tard tout autour d'eux, encore différente, omniprésente, de moins en moins latente, de plus en plus exprimée quoique toujours aussi farouchement réprimée, refoulée, déniée, dans le "monde" même; un "monde" qui a "progressé" à bien des points de vue, pour le meilleur et pour le pire, tandis que se rapproche inéluctablement la perspective de leur "fin du monde" particulière...
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