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 La mort de "Dieu"

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Narkissos

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MessageSujet: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeVen 11 Déc 2009, 15:08

Quelques réflexions en marge de mon post d'hier ("critique et apologétique..."), autour de cette formule éminemment ambiguë, "la mort de 'Dieu'".

Un élément pour moi essentiel du mythe chrétien, par rapport au (reste du) judaïsme, consiste précisément en ce qu'il réinscrit la mort en "Dieu" et "Dieu" dans la mort. [La théologie moderne (c.-à-d. à la mode humaniste et thanatophobe) parlerait ici d'humanité au lieu de mort: c'est délibérément que je ne la suis pas.]

Si par ailleurs j'ai dit inscrit, c'est parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'une nouveauté, sinon par rapport au judaïsme dans ses formes les plus visibles. Les anciens dieux du polythéisme, le Yhwh israélite y compris, se confrontent à une mort (Hadad-Baal, Tammuz dans la sphère sémitique) qui est elle aussi divinisée (Mot, Résheph, mais aussi l'indistinction océanique en-deçà de la vie et de la mort que représentent Yamm ou Tiamat). A de rares exceptions près (p. ex. Ps 139) le monothéisme en revanche tend à expulser la mort hors du divin, voire à la refouler tout à fait: interdiction de la nécromancie et des rites de communion avec les morts dès le Deutéronome, évolution du she'ol vers une pure négation dans la tradition sadducéenne (cf. Ecclésiaste), dualisme métaphysique ailleurs qui évite tout contact direct entre Dieu et le mortel.

Hors du judaïsme le jeu des dieux avec la mort ne disparaît pas mais change de sens, à mesure qu'il se déplace de sociétés principalement agraires (où il était associé au cycle des saisons, à la fertilité et à la fécondité) à une société largement urbaine et cosmopolite, dans laquelle l'individu se situe non plus par rapport à la nature ni à un clan local mais par rapport à des communautés d'élection qui sont elles-mêmes dispersées. Les anciennes divinités ou autres figures qui se mesuraient à la mort (Osiris, Attis, Orphée...) sont recyclées dans les cultes à mystère qui transfigurent vie et mort individuelles en "salut" et en "vie éternelle". Le mythe christique fait indéniablement quelque chose d'analogue avec un matériau essentiellement juif (sans préjudice d'un peu de syncrétisme sur les bords).

Finalement le Dieu qui s'imposera à l'empire romain à l'agonie sera un Dieu qui porte la mort (sous la forme emblématique de la croix) en lui autant qu'il s'y livre, un Dieu crucifié, un Dieu qui embrasse la mort et qui inclut sa propre négation. Un monothéisme différencié avant tout par cette confrontation avec la mort et qui, à bien y regarder, comporte peut-être autant d'athéisme que de théisme.

"Etre chrétien", c'est, d'une façon ou d'une autre, croire à la "mort de Dieu". Voilà qui devrait, ou au moins pourrait, donner à penser.
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeVen 11 Déc 2009, 17:18

Spermologos a écrit:

Finalement le Dieu qui s'imposera à l'empire romain à l'agonie sera un Dieu qui porte la mort (sous la forme emblématique de la croix) en lui autant qu'il s'y livre, un Dieu crucifié, un Dieu qui embrasse la mort et qui inclut sa propre négation. Un monothéisme différencié avant tout par cette confrontation avec la mort et qui, à bien y regarder, comporte peut-être autant d'athéisme que de théisme.

y a-t-il de l'athéisme dans la mort de Dieu, et du théisme dans le fait que ce Dieu est Jésus?
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeSam 12 Déc 2009, 15:31

Je ne crois pas que nous nous comprenions, mais c'est largement de ma faute.

Je vais essayer de le dire autrement:

Le christianisme (en tant que religion constituée, je ne parle plus ici de la nébuleuse proto- ou pré-chrétienne) n'est pas un théisme "comme un autre", et encore moins un monothéisme "comme un autre".

On ne peut pas en discuter intelligemment si on ignore sa théologie (au sens strict, sa doctrine de "Dieu") spécifique. Par exemple, un débat sur l'existence ou l'inexistence de "Dieu" qui ne tiendrait pas compte de ce que le christianisme entend précisément par "Dieu" passerait, par définition, à côté de "l'objet" de la foi chrétienne.

C'est vrai aussi pour les autres théismes bien sûr: personne ne croit en "Dieu en général", indépendamment de la définition qu'il donne au mot "Dieu".

Mais en l'occurrence, le Dieu chrétien se définit (en termes théologiques, se révèle) dans le crucifié: par un certain jeu de la vie (ou, peut-être mieux: de l'amour) et de la mort, qui va marquer toute notre culture, mais d'abord sa théologie.

La majorité de nos discussions a tourné jusqu'ici autour de questions d'exégèse biblique. Nous n'avons abordé que très peu la théologie proprement dite, celle qui consiste à "penser 'Dieu'" -- ou du moins à tenter de le faire, ne serait-ce que pour en éprouver la difficulté, voire l'impossibilité. Ça me paraît pourtant avoir une certaine pertinence dans un forum intitulé "être chrétien".

Mais l'indifférence ou la réticence des chrétiens à la théologie est elle aussi une réalité, répandue et persistante, qui donne à penser...
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeSam 12 Déc 2009, 17:40

un des points de la théologie chrétienne tiendrait dans le premier verset du premier chapitre de l'évangile dit de Jean:
Au commencement était la Parole ; la Parole était auprès de Dieu ; la Parole était Dieu.

que l'on peut rapprocher avec la parole suivante de Jésus répondant à Philippe:

8 Philippe lui dit : Seigneur, montre–nous le Père, et cela nous suffit.
9 Jésus lui dit : Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas, Philippe ? Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux–tu dire, toi : « Montre–nous le Père ! » Jean 14:8,9

ce point montre la proximité de Jésus et de son Père qui fait que l'on peut les confondre dans certains cas
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeSam 12 Déc 2009, 19:45

Quel rapport avec la "mort de Dieu"?

Il y en a un sans doute car le Christ johannique est aussi crucifié; mais il l'est plutôt "moins" que d'autres (il y a quelque chose d'impassible dans sa Passion, sa crucifixion est surtout une "élévation" et un "retour au Père").

Ce qui m'amène à préciser que le thème de la "mort de Dieu" qualifie surtout le christianisme occidental, fortement marqué par la théologie de la croix depuis Paul, saint Augustin et Luther; le christianisme oriental, bien plus influencé par le johannisme, est davantage centré sur la gloire et la contemplation: la croix y est sinon plus accessoire, au moins plus symbolique, comme l'iconographie en témoigne.
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeSam 12 Déc 2009, 23:22

Didier
je me rends compte en lisant ton dernier post que je me suis arrêté en chemin alors que la pensée était clair dans mon esprit.
En fait je voulais me demandais si le prologue de Jean nous prépare à cette mort de Dieu puisque Jésus est assimilé à Dieu.
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeDim 13 Déc 2009, 03:44

En forçant un peu le trait, on pourrait dire que les christianismes d'Occident (qui privilégie la tradition paulinienne) et d'Orient (qui privilégie la tradition johannique) ont mis respectivement en valeur les deux termes: mort de Dieu.
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeDim 13 Déc 2009, 12:26

Bonjour à tous,

Peut-être que l'orientation que Xavier semble donner à sa pensée vient principalement du fait qu'on a longtemps évolué dans une théologie qui ignore totalement la mort de Dieu, à laquelle la notion elle-même reste absolument et irréductiblement étrangère. Et même si ce n'est pas sa "théologie maternelle", peut-être est-ce la seule qu'il connaisse vraiment bien, celle qui reste de toute façon son référent. Qu'en penses-tu Xavier?

De mon côté, ça reste pour l'heure mon cas (un seul référent à l'aune duquel s'aborde toute théologie "autre"), ce qui fait de moi un "théologien", vraiment pas intéressant.

Ce qui est drôle, mais sans doute tu l'as voulu Didier, c'est que la lecture du titre du fil m'a immédiatement fait référence à Nietzsche, et pas du tout à la mort "chrétienne" de Dieu. C'est dire l'ordre dans lequel sont structurées mes références (peut-être dans cent ans de jeunes gens chanteront-ils: "Un jour j'aurai une barbe à la Fougeras" La mort de "Dieu" Icon_biggrin ).

Pour ce que je perçois de la question centrale de la mort de Dieu dans le christianisme, il me semble que même si le Dieu des chrétiens la porte en lui (la mort), j'ai aussi le sentiment (même chez Paul) qu'elle n'est là que pour mieux être vaincue.

Dieu reste malgré tout, il me semble, une "négation" de la mort: plus dans le sens qu'il n'a plus rien à voir de façon absolue, mais il reste la personnification de la Victoire sur la mort, victoire finale, suprême, définitive. La mort reste "dernière ennemie", elle reste "non naturelle" (causée par "la chair", par Adam et son péché), et son sort final est d'être réduite à rien (je reste sur I Cor 15).
J'ai le sentiment que se présence quotidienne dans le monde et son aspect "définitivement" inévitable la rend passage obligé: il faut l'intégrer, faire avec elle! On ne peut pas parler de la vie sans parler d'elle. Mais n'est-elle pas réduit dans le schéma chrétien à un rôle de faire-valoir, comme Vercingétorix exhibé par César?
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeDim 13 Déc 2009, 14:43

tu as raison BB, et sans en prendre conscience cette théologie voile ma vision et c'est cela qui me gêne au moment d'envisager d'autres orientations. Mais je dois l'avouer j'ai de la peine à bien cerner la pensée de Didier sur les vocables mort et Dieu, quelle(s) signification(s) ont-ils ou quel(s) ont-ils?
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeDim 13 Déc 2009, 15:39

BB

Quoique non pratiquant du gai rasoir La mort de "Dieu" Icon_smile, bien sûr que je pensais à Nietzsche, et aussi à toutes les résurgences (qui l'auraient sans doute beaucoup amusé) de ses formules sinon de sa pensée dans la théologie du XXe siècle -- chez des auteurs aussi différents que Tillich, Moltmann, Jüngel ou Vahanian (pour citer un francophone): c'est en tant que thème (c'est-à-dire sous de multiples variations de sens, qui sont nombreuses déjà chez Nietzsche) qu'il me semble intéressant de la retracer dans la théologie classique elle-même (ce que fait remarquablement Jüngel dans Dieu mystère du monde), et même au-delà dans la mythologie qui informe à son insu les premières théologies chrétiennes.

Et ce faisant je m'intéresse moins à ce que chacun des auteurs (bibliques y compris) veut dire (il ne s'agit pas ici d'exégèse) qu'à ce qu'il dit, souvent sans le vouloir...

Dieu-l'Amour-la Vie et la Mort, c'est, par-delà les chorégraphies particulières, une danse éternelle (d'une éternité culturelle au moins).

Xavier:

Pour le dire un peu autrement: le christianisme occidental (de la théologie à la piété populaire), sous de multiples formes, s'est centré sur la croix comme symbole de souffrance et de mort, de devenir (de salut comme changement, transmutation), alors que le christianisme oriental s'est centré sur le mystère de l'être (aussi bien celui de Dieu que le nôtre) comme "objet" de contemplation éternel par-delà (ce qui veut dire aussi bien "à travers" que "'malgré") la croix. (On pourrait observer la même chose à partir de l'iconographie qu'à partir des textes proprement dits.)
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeDim 13 Déc 2009, 17:35

merci de ces précisions, Didier. C'est pour moi une nouveauté et je suis très heureux que tu nous en fasses part. Il devient nécessaire pour tous ceux qui, comme moi, ont été nourris à la mamelle de la théologie TJ de contempler d'autres rivages.
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeSam 03 Avr 2010, 13:50

https://www.youtube.com/watch?v=vAaA72YPIrw
https://www.youtube.com/watch?v=E_RrsV0-GTs&NR=1
http://www.bach-cantatas.com/Texts/Chorale012-Eng3.htm
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeSam 03 Avr 2010, 21:57

le titre du sujet me rappelle ce que Nietzsche déclara:
"Dieu est mort! Dieu reste mort! Et c'est nous qui l'avons tué! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers?"
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeMer 27 Fév 2019, 17:24

Par conséquent, l’athéisme est en profondeur fondé sur le fait que l’on pose Dieu comme un « être à côté d’autres ». Ce Dieu est un objet pour nous sujet, et en même temps nous devenons objet pour lui sujet. Un tel processus est insupportable à l’homme. En faisant allusion à Nietzsche, Tillich écrit : Ce Dieu « dérobe ma subjectivité parce qu’il est tout puissant et omniscient. Je me défends contre cela en cherchant à le transformer en objet, mais j’échoue et finis par sombrer dans le désespoir. Dieu apparaît comme le tyran invincible, l’être face auquel tous les autres sont sans liberté et sans subjectivité. Il nous apparaît comme les tyrans de notre époque qui, au moyen de la terreur, cherchent à transformer les hommes en purs objets, en choses parmi les choses, en roulettes d’une machine qu’ils dirigent. Il devient le spécimen de ce contre quoi se révolte l’existentialisme. Il est le Dieu dont le meurtrier, selon Nietzsche, affirme qu’il doit être tué, parce que personne ne peut supporter d’être réduit à n’être que le simple objet d’un savoir absolu et d’une domination absolue » . Selon Tillich cette forme d’athéisme est justifiée en tant que réaction contre un Dieu qui, en réalité, est une idole.

Ce qui en moi cherche à tuer un tel Dieu, n’est autre que Dieu lui-même, aux yeux de Tillich. Et il s’explique : « On pourrait l’appeler “Dieu au-dessus de Dieu”, c’est-à-dire au-dessus de ce Dieu qui est l’être suprême et la cause de toute autorité hétéronome hypostasiée. Le vrai Dieu, le Dieu qui est au-dessus de ce Dieu considéré comme un être, nous délivre de l’autorité totalitaire du Dieu polythéiste suprême qui, en vérité, est un démon »  Ceci signifie donc : « Quand on est vraiment saisi par l’inconditionnel, Dieu ne peut être nié qu’au nom même de Dieu »

Quand nous nous représentons Dieu en un père bienveillant qui nous promet immortalité et bonheur éternel, il n’y a aucune raison de fuir ce Dieu. Mais pour Tillich ceci ne correspond pas à une image de Dieu ; c’est une image de l’homme lui-même qui cherche à se faire une image de Dieu à ses propres fins. En ce sens, Nietzsche connaissait la richesse et la force de l’idée de Dieu mieux que beaucoup de chrétiens. Tillich, dans ce contexte, se réfère au Zarathoustra de Nietzsche. Le plus laid des hommes a tué Dieu parce qu’il savait que Dieu regarde avec des yeux qui voient tout. Et l’homme ne peut pas supporter que vive un tel témoin. Tillich interprète ainsi cette image : « Nietzsche montre la solution, qui révèle la totale impossibilité de l’athéisme. Le meurtrier de Dieu “Le plus laid des hommes”, se soumet à Zarathoustra parce que celui-ci l’a reconnu et démasqué avec une intuition divine jusque dans ses profondeurs. Le meurtrier de Dieu retrouve Dieu dans un homme. Il n’a pas réussi à tuer Dieu. Dieu est revenu sous les traits de Zarathoustra et dans cette nouvelle phase du monde qu’annonce Zarathoustra. Dieu réapparaît toujours soit en quelqu’un soit en quelque chose. Il ne peut être assassiné. Telle est l’histoire de tout athéisme »



Dieu est proche de chacun, il vit en nous... Il n’y a donc pas d’endroit à partir duquel on pourrait regarder vers Dieu, comme s’il était quelque chose d’extérieur à nous dont nous pourrions confirmer ou nier l’existence. Pour cette raison, aux yeux de Tillich, un véritable athéisme n’est pas possible à l’homme. En finale nous trouvons ici la conviction qu’aucune muraille ne sépare le religieux du non-religieux. D’après Tillich, le saint comprend le profane. « Le profane, écrit Tillich, n’est ni irréligieux ni athée... mais il exprime sa religiosité latente dans des formes qui ne sont pas religieuses »  https://journals.openedition.org/leportique/203
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MessageSujet: Re: La mort de "Dieu"   La mort de "Dieu" Icon_minitimeJeu 28 Fév 2019, 01:38

Et sur la scène où se sont échangés et épuisés tous les arguments arrive infailliblemement le héraut du malentendu qui tente de clore et d'emporter le débat en prétendant que celui-ci n'a jamais eu lieu d'être, tandis que sa voix vient se ranger gentiment parmi les autres, en attendant la prochaine répétition du spectacle...

"La mort de Dieu" ne signifie déjà pas la même chose chez Nietzsche d'un texte à l'autre, a fortiori chez Luther ou dans le christianisme ancien, et dans ses innombrables "modèles" mythologiques de l'Antiquité polythéiste. Il y a cependant avec et par ces différences une continuité ou une résurgence évidente de la formule -- comme si "Dieu" n'en finissait pas de "mourir" et de "ressusciter", comme si "la mort de Dieu" elle-même mourait et ressuscitait, même et autre à chaque fois; comme si "Dieu" n'était pensable que dans un rapport et un non-rapport instables à "la mort" et inversement, par une "pensée" (ou une "foi") qui doit elle-même mourir et ressusciter sans cesse.

On pourrait préciser (même contradictoirement) ce que vise en particulier "la mort de Dieu" chez Nietzsche, les textes sont divergents mais clairs: c'est moins la "religion" que la "théologie", moins la "théologie" que la "philosophie", moins le "Dieu des philosophes" qui constitue le centre d'un système (façon Descartes, Spinoza ou Leibniz) que le "Dieu résiduel" repoussé à sa périphérie (notamment morale, dans la "raison pratique" de Kant) -- toute cette "progression" ressemble déjà à une (lente) "mort de Dieu" que Nietzsche évidemment constate comme tous ses contemporains; mais il ne fait pas que la constater puisqu'il la reprend à son compte de telle façon qu'elle atteint surtout "l'homme", et spécialement "l'homme moral" qui s'est constitué historiquement face aux dieux ou à telle ou telle image de "Dieu" et se trouve aujourd'hui sans vis-à-vis, qu'il se dise "athée" ou s'installe métaphysiquement à la place même de "Dieu" (comme dans l'idéalisme allemand). Or cela qui est indéniablement "nouveau" au XIXe siècle, appartient à une "époque" particulière de l'histoire de la pensée occidentale et de l'histoire tout court, ne s'exprime que par un énoncé qui est lui-même "immémorial". Nietzsche ne peut dire autre chose que Luther ou Paul qu'en disant aussi la même chose, "Dieu est mort", formule ambiguë par et par-delà ses définitions et explications successives.
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