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 Eli, Eli, lema sabachthani

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Narkissos
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeMer 29 Sep 2010, 16:58

C'est encore une autre question, qui rejoint le dernier post de BB, et là-dessus je suis bien d'accord: je ne vois pas dans le NT d'éloge du désintéressement en soi (et je pense d'ailleurs qu'un tel éloge ne pourrait être que foncièrement hypocrite, ou alors incroyablement myope). Mais si l'idée de rétribution ne disparaît pas elle se problématise, et très différemment selon les textes: qu'est-ce qui est "récompensé"/"puni" au juste (est-ce le simple fait de "croire" ou de "ne pas croire", ou autre chose), et comment (ici ou ailleurs, maintenant ou plus tard)? (Autre sujet en tout cas.)

P.S.: un fil où nous avons abordé, de façon assez diluée et désordonnée, ce type de questions, comme son titre ne l'indique pas:
https://etrechretien.1fr1.net/religion-f1/lesperance-celeste-et-lesperance-terrestre-t297.htm


Dernière édition par spermologos le Mer 29 Sep 2010, 19:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeMer 29 Sep 2010, 19:12

Effectivement, ta lecture me semble très orientée par ce qu'on dit du NT plus que par ce qu'il dit.

Car si "menace" il peut y avoir par endroits, c'est tout autant dans le même NT que se trouve l'idée qu'un simple verre d'eau peut procurer le salut à celui qui le donne avec bonté. Ça aussi, c'est dans le NT (mais ça n'intéresse guère les TdJ et autres mouvements "piétistes", évidemment).
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 12:27

«Mon Dieu, mon Dieu.» induit la certitude d’une Présence, alors que l'expression
«Pourquoi m'as-tu abandonné?» exprime le sentiment d’être abandonné, l’incompréhension de cet abandon.

Les rédacteurs des évangiles de Matthieu et Marc ont voulu presenter un Jésus, proche des croyants, qui communie avec eux dans leurs expériences, même les plus terribles, qui laissent les croyants face au vide, l'incomprehension et le mystère du mal, de la souffrance, à défaut d'apporter une explication à la souffrance des croyants ce cri de Jésus, montre que leur maitre lui-même a été confronté à cette situation...que rien ne peut expliquer...le Père present mais qui abandonne son fils à l'agonie....une façon de d'inciter le croyant à être dans l'acceptation du mal, de l'injustice et de la souffrance, tout en faisant confiance à leur Dieu.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 12:46

Je me demande, peut-on rapprocher cela de l'histoire de Job, abandonné par Dieu, puis récompensé pour sa fidélité?

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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 13:07

Le livre de Job ouvre un débat très complexe. En effet, la "récompense" semble justement ne pas du tout faire partie de la version originale (à noter la différence entre les parties en vers, très, très éloignées de la théologie de la rétribution, et ses parties en proses qui "sauvent la morale").
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 14:35

La résurrection de Jésus n'aurait-elle pas suivit le même schéma? D'abord, l'histoire finit avec Jésus crucifié (comme Job qui finit malade et seul), puis l'on ajoute dans un deuxième temps une "fin heureuse" à ces deux histoire?

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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 14:54

Dans l'évangile de Marc (qui est très probablement le premier des quatre du canon) en effet, la résurrection n'est pas intégré dans le premier récit. D'ailleurs, si dans les synoptiques , les histoires racontées se recoupent sans cesse, si ce n'est l'ordre chronologique et le jour sous lequel est raconté ou expliqué tel ou tel "logion" ( et hormis les récits de l'enfance, bien sûr), on peut noter qu'à partir du "post-vendredi saint", ça part dans tous les sens et que chacun raconte une histoire fort différente des autres.

Toutefois le thème de la résurrection, si il est bien difficile de savoir dans quelle mesure il était intégré à une "biographie" du Christ (et même de seulement savoir si une telle biographie était seulement envisagée), était déjà très présent, pour ne pas dire central dans l'œuvre de Paul, antérieure aux évangiles.

J'ai l'impression qu'on retrouve dans ta remarque toutes les questions que soulèvent les tentatives de récits "linéaires" de la naissance du christianisme.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 15:11

On peut imaginer ce qu'on veut, mais un "év-angile" (bonne nouvelle!) ne peut que bien finir (que le "bien" se donne sous une forme plus ou moins recherchée, subtile, paradoxale, allusive, voilée, ou lourdement triomphale, il reste quand même à certains égards le "dernier mot").
Les critiques radicaux de la rétribution (Job, mais aussi Qohéleth) n'ont pas la prétention, eux, d'écrire un évangile.
Or l'intention évangélique me semble présente du début à la fin des évangiles: le chapitre de la résurrection est tellement annoncé, préparé, tout au long du récit que même si on l'enlevait ça n'en changerait pas la direction générale -- c'est d'ailleurs presque le cas chez Marc où la résurrection se lit sans être littéralement écrite, sans récit d'apparition en tout cas.
Maintenant, cela vaut seulement pour la nécessité d'un "happy ending" (implicite ou explicite). Qu'il y ait eu des "alternatives", doctrinales et narratives, à sa forme canonique (résurrection corporelle le troisième jour), j'en suis tout à fait convaincu (et on en a déjà beaucoup parlé ailleurs).
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 17:28

Luc en choisissant de composer les paroles de Jésus à l’aide du Psaume 31, 6 : « En ta main je dépose mon esprit », fait valoir ses propres intentions théologiques. A-t-il jugé que la composition de Marc et Matthieu n’était pas judicieuse ?
Marc et Matthieu choisissent une citation du Psaume 22, 2 manifestent une autre intention théologique.
Dans tous les cas ce cri de desespoir de Jésus expirant sur la croix paraît fort embarrassant, au point que Luc lui substitue une prière et Jean le remplace par un cri de victoire : « Il dit : C’est accompli ! ».

La question de Jésus à Dieu est aussi celle que se posent les communautés qui reçoivent les évangiles de Marc et de Matthieu : « Pourquoi....avoir laissé le Messie mourir ? »

Luc et Jean élaboreront par la suite une théologie de la résurrection qui n’appellera plus l’interrogation.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep 2010, 23:29

Citation :
Luc et Jean élaboreront par la suite une théologie de la résurrection qui n’appellera plus l’interrogation.
Cette phrase est un peu ambiguë (on ne comprend pas la même chose selon qu'on supplée ou non une virgule après "résurrection", notamment).
Il y a déjà une théologie de la résurrection (pas tout à fait la même) dans Marc et dans Matthieu (et bien plus tôt dans différentes parties du "proto-christianisme", comme BB l'a souligné précédemment en parlant de Paul).
Comme je l'ai dit plus haut, je crois que la raison pour laquelle Luc et Jean "abandonnent" la parole de l'abandon est que, pour eux, l'image d'un Jésus "doutant" ou "ne comprenant plus" n'a pas de sens (soit comme "héros divin", soit comme "Dieu", il en sait trop pour ça).
Pour Marc et pour Matthieu, cette parole au contraire a du sens, car "l'homme Jésus" est en quelque sorte un sauveur sauvé, donc humainement faillible. Pour l'un, c'est le Dieu de l'Esprit qui l'a conduit là plus ou moins malgré lui qui va finalement lui sauver la mise; pour l'autre, c'est le Dieu de la Loi dont il a été le maître ultime et exemplaire qui va le sauver, non parce qu'il a CRU jusqu'au bout, mais parce qu'il a FAIT ce qu'il fallait. En tout cas il n'est pas omniscient (remarque que le fameux logion de Marc 13,32 sur l'ignorance du "Fils", bien qu'il ne concerne pas forcément au départ "l'homme Jésus", est semblablement repris par Matthieu seul; ni par Luc ni par Jean).
Mais pour ce qui est d'"interroger" le sens de cette "résurrection" qui fait partie du fonds commun du proto-christianisme (je ne sais pas si c'est ça que tu voulais dire), la ligne de partage est différente; autant la résurrection semble prise au premier degré chez Matthieu (quoique dans un sens eschatologique à la limite du fantastique, cf. l'épisode de la résurrection des saints au chapitre 27 qui réduit presque la résurrection de Jésus à un statut de cas particulier d'un événement collectif, le début de la résurrection générale liée à la fin des temps) et surtout chez Luc (qui insiste lourdement sur l'aspect corporel de la résurrection, ce n'est pas un "esprit"), autant elle est mise en question, quant à ce qu'elle "veut dire", chez Marc (voir notamment 9,10 et bien sûr la conclusion énigmatique) et chez Jean (pour qui le Christ qui EST la résurrection n'a nul besoin d'être "ressuscité", il reprend la "vie" dont il s'est défait parce qu'il le veut bien, et ce n'est jamais qu'un "signe" de plus).
Entre la résurrection comme "événement" qu'on se contente d'affirmer ou de nier, et la "résurrection" comme "signifiant" dont on interroge le sens à la manière d'une métaphore ou d'une parabole, il y a une profonde différence, une ligne de faille qui traverse le christianisme depuis ses origines.

Pour revenir à la question du "happy ending", que je trouve très intéressante:
J'ai dit plus haut que la parole de l'abandon ne pouvait en aucun cas être le "dernier mot" d'un évangile. J'ajouterai que même si le récit, matériellement, s'arrêtait là elle ne le serait pas. En effet, toute l'histoire qui précède a construit chez le lecteur-auditeur un savoir sur "Jésus" qui excède à ce point la "conscience" du personnage. Autrement dit, le lecteur en sait plus sur "Jésus" sur la croix que "Jésus" lui-même. Il est Fils de Dieu, cela nous a été montré formellement par les scènes du baptême et de la transfiguration, attesté par la confession des "esprits impurs" et de Pierre, illustré par les miracles, etc. Lui peut se croire abandonné, nous savons bien qu'il n'en est rien. Notre com-passion joue dans le contexte de ce savoir, elle ne le compromet pas.
Il y a par ailleurs mille façons d'inscrire à la fin d'un récit un "happy ending" qui ne soit pas un "événement" supplémentaire dans une chronologie linéaire, et qui cependant déjoue le tragique, volant in extremis le dernier mot au malheur sans faire intervenir un deus ex machina. Deux exemples cinématographiques me viennent spontanément à l'esprit. Dans Casque d'or, de Jacques Becker, Manda est guillotiné, Marie ferme les yeux, et le film s'achève sur l'image de leur danse passée, mais ainsi immortalisée. Dans Cris et chuchotements, de Bergman, Agnès est morte, mais Anna, seule, relit une page de son journal, un instant de bonheur ensoleillé qui reprend corps à l'image. Il n'en faut pas davantage pour que "ça finisse bien", comme dirait ma fille.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeMar 25 Jan 2011, 16:30

Selon Henri Meschonnic , il faudrait donc comprendre ainsi le texte hébreu : Mon Dieu mon Dieu / à quoi m’as-tu abandonné, à la différence du texte grec de la Septante qui écrit, rappelle-t-il, hinati égkatélipés mé ("pourquoi..."), suivi littéralement par Matthieu lorsqu’il traduit en grec l’araméen de Jésus sur la croix (léma sabakhthani, Mat. 27.46),de même que parJérôme (quare dereliquisti me) et finalement par la quasi totalité des versions modernes. Pour elles, affirme Meschonnic, c'est toujours : pourquoi m'as‑tu abandonné ?, un pourquoi de plainte, d'incompréhension et de protestation contre Dieu.

Pour lui, le sens de l’hébreu n'est donc pas "pour quelle raison ?" mais "dans quel dessein ?", ce qui changerait considérablement, à son sens, la portée de cette phrase fameuse : « L’enjeu demeure de ne plus confondre le sens messianique juif de ce texte avec son exploitation néo-testamentaire.

Le rapport au divin n’est pas le même. Ce n’est pas la même eschatologie. Et ce changement aussi capital que peu aperçu repose sur un pivot minimal : un déplacement d’accent d’une syllabe, sur un petit mot, mais c’est tout le passage du judaïsme au christianisme. » C’est ce qu’on appelle un schibboleth !

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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeMar 25 Jan 2011, 17:54

J'avais déjà effleuré cette question p. 3, un 27 septembre, mais bon...

Il faut croire que le fétichisme de la "langue sacrée" (ou "exotique") peut faire perdre toute raison sémantique.

1. Pour savoir ce que l'hébreu lmh (lama) signifie, ce n'est pas son étymologie (le + mah, "à/vers/pour + quoi") qu'il faut interroger, mais son usage. Autrement dit il s'agit de voir comment il est utilisé dans le corpus hébraïque (plus de 500 occurrences dans la Bible, Genèse 4,6; 12,18s, 18,13, etc.). Si l'auteur de cette thèse s'était amusé à remplacer tous les "pourquoi" correspondants par des "à quoi", ne serait-ce que pour en vérifier la viabilité, je pense que même lui aurait été assez vite rattrapé par le sens du ridicule: lama est bien la façon la plus naturelle de dire "pourquoi" en hébreu.

2. Il y a par contre une autre façon de dire "pourquoi" en grec (le simple ti accentué, neutre). Donc, en traduisant lama par hina ti, en deux mots, "pour (final) quoi", la Septante se prête en principe PLUS à une lecture "pour quoi" ("dans quel dessein") que l'hébreu lama! -- je dis en principe, car dans la mesure où cette traduction est fréquente (ce qui est le cas), les habitués de la Septante finiront par n'y voir rien de plus qu'un simple "pourquoi" et retomberont ainsi sur le sens de l'hébreu. Quant à la variante de Marc, en remplaçant le connecteur logique hina (pour, afin que) par la préposition beaucoup plus vague eis (à, vers, into/unto autant que "pour") elle ouvre encore davantage, en principe, les possibilités d'interprétation. Mais comme le contexte n'en tire rien de spécial, il n'y a pas lieu d'aller chercher midi à quatorze heures et le simple "pourquoi" fait parfaitement l'affaire.

Ce qui me ramène à un constat de gros bon sens, même s'il est décevant pour les amateurs de shibboleth: un lecteur moyen comprendra bien mieux la Bible s'il la lit le plus simplement du monde dans sa langue maternelle, et dans n'importe quelle traduction courante, qu'à courir les "thèses savantes" qui font appel à des connaissances qu'il ne possède pas et qu'il n'est donc pas en mesure de contrôler ni d'évaluer.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeMar 25 Jan 2011, 21:27

Citation :
Pour savoir ce que l'hébreu lmh (lama) signifie, ce n'est pas son étymologie (le + mah, "à/vers/pour + quoi") qu'il faut interroger, mais son usage. Autrement dit il s'agit de voir comment il est utilisé dans le corpus hébraïque (plus de 500 occurrences dans la Bible, Genèse 4,6; 12,18s, 18,13, etc.). Si l'auteur de cette thèse s'était amusé à remplacer tous les "pourquoi" correspondants par des "à quoi", ne serait-ce que pour en vérifier la viabilité, je pense que même lui aurait été assez vite rattrapé par le sens du ridicule: lama est bien la façon la plus naturelle de dire "pourquoi" en hébreu.

Eh, eh...
Remarquons d'ailleurs qu'il n'y a vraiment pas besoin d'aller chercher l'hébreu pour parvenir à ce constat.
Ça marche tout aussi bien en Français: le mot "pourquoi" est bien construit sur la base "pour quoi" (ou alors je serais vraiment très surpris) et ça n'empêche pas notre "pourquoi" de ne vouloir jamais dire que "pourquoi"...
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeMar 25 Jan 2011, 23:45

Le "pour" français s'est globalement déplacé du causal (= par, cf. espagnol por) vers le final (cf. para), mais le sens causal n'a pas disparu, loin de là (pour la peine, pour un oui ou pour un non, pour ce motif, pour cette raison...).
Et le "pourquoi" interroge autant sur l'intention que sur la cause: à la question "pourquoi as-tu allumé la lumière?" on peut répondre "parce qu'il faisait sombre", mais aussi "pour y voir plus clair".
Donc le sens "pour quoi" (à quelle fin) n'est nullement exclu du "pourquoi", même s'il n'est pas le seul lisible.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 07 Avr 2011, 15:33

Le Père m'aime parce que je me dessaisis de ma vie pour la reprendre ensuite.
Personne ne me l'enlève mais je m'en dessaisis de moi-même; j'ai le pouvoir de
m'en dessaisir et j'ai le pouvoir de la reprendre: tel est le commandement que
j'ai reçu de mon Père. (Jn 10, 17-18)

Pour l'évangile de Jean, le Christ ne peux pas pousser un cri qui exprime son sentiment d'abandon et de faiblesse.
Le Christ n'est la victime d'une violence humaine.
Personne ne lui enlève sa vie de force ; c'est lui, même qui la donne librement. Donner sa vie est la manifestation d'un pouvoir, pouvoir de la donner et de la reprendre. On voit par là que sa souffrance n'est pas seulement le fait de la faiblesse; elle est elle-même l'expression d'un pouvoir.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 07 Avr 2011, 15:58

Cf. p. 3, 27.9.10 12h25.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 07 Avr 2011, 17:07

Citation :
Cf. p. 3, 27.9.10 12h25

Et moi qui pensais avoir trouvé un verset "inconnu" et interessant Sad
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 07 Avr 2011, 21:47

Il faut se faire une raison, Free: il n'y a pas grand chose que l'on découvrira dans le texte qui n'ait déjà été longuement commenté, bien longtemps avant nous!

M'enfin, ce n'est pas une raison pour se priver de la joie de le (re)-découvrir. Ton aparté sur Jean et ce Christ qui choisit lui-même sa mort me rappelle ma "joie" (c'est le seul mot qui me vienne) lorsque j'ai eu une Idea à la lecture de Jn 18.11 ("La coupe que le Père m'a donnée, ne la boirai-je pas?"), et que j'ai compris qu'il s'agissait de la "réponse" johannique à la supplique des synoptiques: "Père, si c'est possible, que cette coupe s'éloigne de moi" (Mt 26.39; Mc 14.36; Lc 22.42).

(Et au passage, toujours dans la logique johannique que tu soulignes, on avait déjà dit, je crois, que lorsqu'on lit Jn, on se dit que le baiser de Judas a vraiment dû être un tout petit bisou, super rapide, parce qu'on se demande bien à quel moment il a pu le lui donner...)
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 13 Déc 2018, 14:48

"L'heure vient — elle est venue — où vous serez dispersés chacun de son côté, et où vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi" Jn 16,32

Cette déclaration se situe dans le contexte de la Passion, les disciples seront confrontés à de dures épreuves, ils seront dispersés et ils abandonneront Jésus. Mais celui-ci ne sera pas seul, car son Père sera avec lui : certains exégètes pensent que Jean a voulu prévenir une mauvaise interprétation du cri de Jésus sur la Croix.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 13 Déc 2018, 16:54

C'est d'autant plus vraisemblable que le quatrième évangile est coutumier du fait: il présente, certes, des traditions (ou des créations) parfaitement indépendantes des Synoptiques, mais là où il leur ressemble, et surtout dans le récit de la Passion, c'est souvent pour les contredire (p. ex. la prière rhétorique, "que dirai-je: Sauve-moi de cette heure ?" vs. Gethsémané, "portant  lui-même sa croix" vs. Simon de Cyrène, etc.). Il ne s'agit pas seulement de "prévenir une mauvaise interprétation" (expression très "ecclésiastique", lénifiante, édulcorante, sinon franchement hypocrite -- si l'on peut dire !) mais d'une "christologie" entièrement différente. Pour "Marc" "Jésus" est le "possédé de l'esprit" qui ne comprend qu'à moitié ce qui lui arrive, son cri est pleinement humain, et, de ce point de vue, tragique; pour Jean c'est la Sagesse ou le logos divin à qui rien ne peut arriver, qui maîtrise de part en part les événements qu'il joue (je me défais de mon âme-vie, personne ne me l'enlève; devant Pilate c'est lui qui est assis, en position de juge, etc.). Et il ne s'agit pas pour autant de christologies plus "haute" ou plus "basse": l'esprit de Marc n'est pas inférieur au logos de Jean, mais ils s'articulent différemment à "l'homme".

Il faut d'ailleurs noter, chez Marc, la conclusion du centurion, après le cri d'abandon qui prête à malentendu (Elie) et le cri final sans "contenu" articulé (15,39): "Vraiment, cet homme (anthrôpos) était fils de Dieu", imparfait vertigineux, expressément rattaché à la façon (comment, houtôs) dont Jésus a "expiré" (ek-pneô, apparenté à pneuma = l'esprit). Matthieu ne dira plus "homme", et chez lui la confession du centurion aura des "raisons" autrement plus spectaculaires (tremblement de terre, résurrection générale). Chez Marc, la crucifixion est au sens le plus littéral une éclipse ou une ellipse du divin (cf. les ténèbres; même le verbe grec pour "abandonner" est apparenté à "éclipse" et "ellipse", ek[kata]leipô). Rien de tel chez Jean où c'est au contraire l'élévation et la glorification du Fils (de Dieu / de l'homme).

Cf. éventuellement ici ou là.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 21 Jan 2021, 12:26

Questions des lecteurs
Pourquoi, juste avant de mourir, Jésus a-​t-​il cité les paroles de David que l’on trouve en Psaume 22:1 ?

Parmi les dernières paroles que Jésus a prononcées avant sa mort figurent celles qui sont rapportées en Matthieu 27:46 et en Marc 15:34 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-​tu abandonné ? » Jésus reprenait les paroles de David que l’on trouve en Psaume 22:1 et qui avaient un caractère prophétique. Il serait faux de croire que Jésus a prononcé ces paroles parce qu’il était déçu ou parce qu’il a momentanément manqué de foi. Il savait très bien qu’il devait donner sa vie en sacrifice, et il était prêt à le faire. Il savait aussi qu’au moment de sa mort, Jéhovah lui enlèverait toute protection (Job 1:10). Resterait-​il alors fidèle, quelles que soient les circonstances de sa mort ? Jéhovah lui donnait l’occasion de prouver sa fidélité de manière incontestable (Marc 14:35, 36).

Alors pourquoi Jésus a-​t-​il cité les paroles de ce psaume ? Nous ne le savons pas exactement, mais plusieurs explications sont possibles *.

Jésus a peut-être voulu montrer que son Père le laissait mourir sans intervenir. Il devait payer la rançon sans l’aide de Jéhovah. Il était devenu un humain au plein sens du terme et il devait mourir afin de ‘goûter la mort pour tous’ (Héb. 2:9).

 En citant quelques mots de ce psaume, Jésus a peut-être voulu attirer l’attention sur le psaume tout entier. À l’époque, les Juifs apprenaient souvent des psaumes par cœur. Si on leur rappelait un verset d’un psaume, cela pouvait les amener tout naturellement à réfléchir à l’ensemble du psaume. Si c’est ce que Jésus a voulu faire, il a ainsi aidé les Juifs à se souvenir des nombreuses prophéties de ce psaume qui concernaient en réalité sa mort (Ps. 22:7, 8, 15, 16, 18, 24). Par ailleurs, les derniers versets de ce psaume leur auraient rappelé qu’un jour la royauté de Jéhovah s’étendrait jusqu’aux extrémités de la terre (Ps. 22:27-31).

Jésus a peut-être voulu affirmer son innocence. Avant sa mort, Jésus a subi un procès illégal et il a été déclaré coupable de blasphème (Mat. 26:65, 66). Ce procès avait été organisé à la hâte durant la nuit et les procédures juridiques de l’époque n’avaient pas été respectées (Mat. 26:59 ; Marc 14:56-59). Les paroles de Jésus n’attendaient sans doute pas de réponse. Il voulait peut-être simplement attirer l’attention sur le fait qu’il ne méritait absolument pas ce châtiment.

Jésus a peut-être voulu faire comprendre qu’il n’avait pas perdu l’approbation de Jéhovah. Si Jéhovah avait permis que David, le rédacteur de ce psaume, souffre, cela ne voulait pas dire qu’il lui avait retiré son approbation. David n’a pas posé cette question parce qu’il manquait de foi. D’ailleurs, dans la suite de ce psaume, il exprime sa confiance dans le pouvoir de Jéhovah de le sauver. Et Jéhovah a continué de le bénir (Ps. 22:23, 24, 27). Pareillement, même si Jésus, le « Fils de David », était en train de souffrir sur le poteau de supplice, cela ne voulait pas dire qu’il avait perdu l’approbation de Dieu (Mat. 21:9).

Jésus a peut-être voulu exprimer l’immense tristesse qu’il ressentait à l’idée que Jéhovah avait dû lui retirer sa protection pour qu’il puisse pleinement prouver son intégrité. Au départ, Jéhovah n’avait pas prévu que son Fils souffre et meure. Cela n’est devenu nécessaire qu’après la rébellion d’Adam et Ève. Jésus n’avait rien fait de mal, mais il fallait qu’il souffre et qu’il meure afin de répondre aux questions que Satan avait soulevées et de fournir la rançon nécessaire pour racheter ce qu’Adam avait perdu (Marc 8:31 ; 1 Pierre 2:21-24). Mais pour cela, il fallait que Jéhovah lui retire momentanément sa protection pour la première fois de sa vie.

Jésus a peut-être voulu aider ses disciples à comprendre pourquoi Jéhovah permettait qu’il meure de cette manière *. Jésus savait que beaucoup seraient scandalisés d’apprendre qu’il était mort sur un poteau de supplice, comme un malfaiteur (1 Cor. 1:23). Par contre, ses disciples saisiraient toute la portée de cet évènement à condition qu’ils comprennent bien pourquoi il était mort ainsi (Gal. 3:13, 14). À leurs yeux, il serait donc un sauveur, et non pas un malfaiteur.

Quelle que soit la raison pour laquelle Jésus a cité ces paroles, il comprenait bien que ses souffrances faisaient partie de la volonté de Jéhovah le concernant. Peu après avoir cité ce psaume, il s’est exclamé : « Cela s’est accompli ! » (Jean 19:30 ; Luc 22:37). En effet, l’absence momentanée de la protection de Jéhovah a permis que Jésus accomplisse pleinement la mission pour laquelle il avait été envoyé sur la terre. Elle a également permis que se réalisent toutes les choses qui avaient été écrites à son sujet « dans la Loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Psaumes » (Luc 24:44). https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/revues/tour-de-garde-etude-avril-2021/Questions-des-lecteurs-avril-2021/

Une petite remarque concernant la phrase de l'article qui suit : "Peu après avoir cité ce psaume, il s’est exclamé : « Cela s’est accompli ! » (Jean 19:30 ; Luc 22:37)" ... En Jean, Jésus ne prononce pas les fameuses paroles : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-​tu abandonné ? ».  J'ai souri quand la l'auteur de l'article assimile le cri de déréliction de Jésus au fait qu'il "a peut-être voulu faire comprendre qu’il n’avait pas perdu l’approbation de Jéhovah" ... En effet, il me semble que ce cri témoigne du contraire.
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 21 Jan 2021, 12:58

Tout cela est très classique -- à quelques variations lexicales et doctrinales près, on retrouverait les mêmes idées dans les innombrables commentaires de la "chrétienté" -- mais ce qui me frappe, et plutôt comme une bonne surprise, c'est que la Watch ici mentionne plusieurs explications sans trancher entre elles (répétition ostensible du "peut-être"). Ce qu'elle avait parfois fait dans ses meilleures années (1976-79, dans le Commentaire de la lettre de Jacques écrit par Dunlap p. ex.), mais qui avait plutôt perturbé la majeure partie de son public et à quoi elle avait, me semble-t-il, plutôt renoncé ensuite. En l'occurrence ça aboutit aussi à un effet d'ensemble comique: la Watch qui ne risquerait pas l'ombre d'un "peut-être" sur ses doctrines particulières et distinctives (1914, les deux espérances, les transfusions sanguines, etc.), où le moindre "peut-être" est aussitôt suspect d'apostasie, en use généreusement sur une question centrale pour le christianisme en général (centrale du point de vue doctrinal par effet de convergence littéraire: tout lecteur ou auditeur de Marc ou de Matthieu ressent bien cette parole comme un "point culminant paradoxal", nadir ou anticlimax, de l'évangile -- même s'il ne l'exprime pas ainsi).
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 21 Jan 2021, 16:26

41Mais cette parole, terrible, subsiste. Aussi a-t-il fallu dans la suite en donner des interprétations. Deux directions opposées. Les uns, plutôt du côté catholique, ont cru reconnaître le début de la citation du Ps 22. De fait elle correspond aux premiers mots de la prière du Juste souffrant ; ce psaume est en mouvement : commençant certes par la déréliction, il finit par la glorification de Dieu avec un magnifique acte de confiance en Dieu : « Mon âme vivra pour lui, ma descendance le servira ; on parlera du Seigneur à la génération qui vient » (Ps 22,29s). Dès lors, pourquoi s’offusquer de la parole de Jésus ? Matthieu et Marc, ne pouvant citer le psaume en son entier, auraient estimé qu’il suffisait de fournir le premier verset qui donne le ton. L’argumentation est irrécusable ; de fait les évangélistes ont parfois supposé que le lecteur irait vérifier dans l’Ecriture la portée réelle d’un texte cité. Toutefois cette interprétation se heurte à une difficulté majeure : s’agit-il bien d’une citation ? La chose n’est pas dite en fait. On rétorque qu’y est adjointe la traduction du texte hébreu où araméen dit par Jésus. Mais cela suffit-il, quand ailleurs la parole de Jésus est également traduite : « Talita qoum », ce qui signifie « Jeune fille, lève-toi ! », où évidemment il ne s’agit pas d’une « citation » scripturaire. Aussi ne suis-je guère enclin à injecter dans la parole de Jésus la « psychologie » du Juste souffrant qui, selon le psaume, sait que tout finira bien. J’oserai même ajouter que cette injection est commandée par un souci d’ordre théologique, et d’une mauvaise théologie : soustraire Jésus à la mort ordinaire, et lui attribuer la « vision béatifique » ou quelque condition équivalente. Il faut renoncer à une aussi consolante interprétation, car elle ne respecte pas le sérieux de la mort de Jésus, ni le texte lui-même.

45Jésus déclare qu’il a été « abandonné ». Le verbe ici employé est egkata-leipô, qui signifie « laisser, abandonner » par exemple « ses morts » dans la tombe, ou « l’âme abandonne son corps » (Socrate) ; le terme est employé dans des textes bibliques qui disent bien le fait de « laisser quelqu’un ou quelque chose » (Ps 17,10), « laisser l’âme dans l’Hadès » (Ac 2,27) ; « Démas m’a quitté » (2 Tm 4,10) et « le Seigneur lui-même a dit :’Non, je ne te lâcherai pas, je ne t’abandonnerai pas’ » (He 13,5, citant Ps 118,6). Jésus affirme donc que Dieu le quitte en cet instant précis où il est en croix sur le point de mourir. Dieu laisse Jésus mourir, il l’a abandonné aux ennemis, il ne l’a pas délivré, et les ennemis avaient raison de se gausser de Jésus : « S’il l’aime, qu’il le délivre ! » (Mt 27,43 par.). L’affirmation est claire : Jésus est en un état de déréliction, celui de la mort qui est, de soi, séparation du Dieu vivant.

46La parole de Jésus présente un autre aspect, non moins essentiel. Le constat est dit sous forme de question et dans un dialogue avec Dieu, plus précisément avec « mon » Dieu. Première notation significative : c’est la seule fois, dans les Synoptiques, que Jésus appelle Yahweh, non pas Père mais Dieu. Tout se passe comme si l’expérience de filiation cédait à celle de créature. Or, dans une telle déréliction, Jésus proclame sa foi, sa certitude que Dieu « mène le jeu », en dépit des apparences. Le paradoxe est à son comble : l’expérience d’abandon est simultanément criée et niée en un dialogue qui proclame la présence de celui qui paraît absent. Le dialogue n’est pas interrompu, même si Dieu semble disparaître. Dans cette tension réside le mystère de cette parole.
https://books.openedition.org/pusl/9894?lang=fr
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeJeu 21 Jan 2021, 17:31

Le plus problématique à mes yeux, dans toutes ces analyses, c'est la confusion constante entre l'histoire et le texte, l'histoire présumée vraie ou vécue derrière le texte et l'histoire-récit produite par le texte -- on en a abondamment parlé depuis le début de ce fil, mais puisqu'il remonte à plus de dix ans ce n'est pas du luxe que de le relire...

Un aspect sur lequel on n'a pas assez insisté, alors qu'il fait partie intégrante du texte, peut-être parce qu'il paraît moins subtil que tous les paradoxes théo-christologiques qu'on croit pouvoir en tirer, c'est l'équivoque avec "Elie" (Marc 15,35s//), dont on ressent bien l'effet de contrepoint comique à un paroxysme tragique, mais qui paraît encore plus foireuse en grec (elôi / èlias, suivant la leçon généralement retenue) que dans l'homonymie française traditionnelle (Eli / Elie): qu'on imagine des spectateurs de la scène parlant l'araméen, le grec ou le latin, familiers ou non de la littérature "biblique" dans l'une ou l'autre de ces langues, le quiproquo n'est plausible dans aucune "réalité" -- par contre il prend tout son sens pour des lecteurs ou des auditeurs de l'évangile, à la faveur de l'inter- ou de l'intra-textualité du texte qui a régulièrement convoqué "Elie" comme figure historico-littéraire ET eschatologique (6,15; 8,28; 9,4s.11ss). On peut d'ailleurs noter, même s'il paraît difficile d'en tirer quoi que ce soit de ferme, que la double invocation ressemble curieusement au cri d'adieu d'Elisée à Elie selon 2 Rois 2,12 (mon père, mon père, 'avi 'avi, pater pater) -- ce qui compliquerait la relation du "dieu" et du "père" (cf. le dernier paragraphe de ta citation); outre le fait massif, et par là même facile à perdre de vue, que le premier évangile (Marc ou proto-Marc) dont la trame narrative déterminerait en grande partie tous les autres s'inspire largement des cycles d'Elie et d'Elisée dans 1-2 Rois (3-4 Rois dans la Septante), en particulier dans les récits de miracles. (Pour rappel, l'Evangile de Pierre a une autre variante intéressante, hè dunamis mou hè dunamis kateleipsas me, "ma puissance, la puissance, tu m'as abandonné", dans un contexte plutôt "docétique", cf. la suite: kai eipôn anelèphthè, "ayant dit cela il fut enlevé / élevé").
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MessageSujet: Re: Eli, Eli, lema sabachthani   Eli, Eli, lema sabachthani - Page 3 Icon_minitimeVen 22 Jan 2021, 13:23

La scène où quelqu’un s’empresse de donner à boire à Jésus ne présenterait pas de problème, si Marc ne l’avait pas associée à la parole de Jésus : « Elōi, Elōi, lama sabachthani? ». Premièrement, quel lien y a-t-il entre Élie et Elōi? Deuxièmement, pourquoi une référence à Élie amène-t-il quelqu’un à courir pour du vin vinaigré ?

1) Trois noms sont en présence : le Elōi (Dieu) de Marc, le Ēli (Dieu) de Matthieu, et Ēlias, le nom du prophète Élie en grec. Certains biblistes se sont demandé comment des auditeurs dont la langue était l’araméen ont-ils pu réagir au Elōi de Marc, alors qu’ils savaient que le nom pour Dieu aurait dû être ′Ělāhî, et comment pouvaient-il comprendre qu’on le confonde avec le nom d’Élie qui, en araméen, se dit : ′Ělîyāhû (ou ′Ělîyâ sous sa forme abrégée)? Mais c’est un faux problème, car l’auditoire de Marc ne connaissait pas les langues sémitiques. Pour quelqu’un qui ne parlait que grec, il était plausible que le nom sémitique pour désigner le prophète Élie pouvait prêter à confusion avec le mot exotique : Elōi. Par contre, Matthieu, qui connaissait probablement à la fois l’araméen et l’hébreu, a vu le problème, et s’est donc empressé de changer Elōi par Ēli, un mot hébreu traditionnel pour désigner Dieu, et plus susceptible d’être confondu avec ′Ělîyâ, le nom abrégé du prophète Élie.

Mais il reste la question : pourquoi cette référence au prophète Élie? Rappelons que le thème du retour du prophète Élie fait partie de l’évangile de Marc. Tout d’abord, dans la tradition populaire, on attendait le retour d’Élie pour la fin des temps, lui qui s’était envolé au ciel sur un chariot, et qui devait revenir : « Voici que je vais vous envoyer Elie le prophète, avant que n’arrive le Jour de Yahvé, grand et redoutable » (Malachie 3, 23). Or, Marc présente les derniers moments de Jésus comme une période apocalyptique avec le soleil qui s’obscurcit, le grand cri et le voile du sanctuaire qui se déchire. Bien sûr, la référence à Élie apparaît ici comme une méprise. Mais c’est exactement un contexte semblable de méprise sur Élie que Marc nous a présenté plus tôt, dans le cadre du récit de la transfiguration (9, 9-13) qui fait référence aux derniers moments de Jésus, alors que Pierre dit : « Pourquoi les scribes disent-ils qu’Elie doit venir d’abord? » et que Jésus lui répond : « Elie est bien déjà venu et ils l’ont traité à leur guise », faisant allusion à Jean-Baptiste; ainsi, la méprise se poursuivra jusqu’à la fin, et se transformera en scène de moquerie.

2) Comment associer l’offre de vin vinaigré à Élie? Nous avons déjà montré que l’offre de vin vinaigré est un écho de Ps 69, 22 et est présentée comme un geste des ennemis à l’endroit du juste. Chez Marc, c’est un geste de moquerie. Mais la description de Marc présente d’énormes difficultés. Tout d’abord, le vin vinaigré était la boisson des soldats (chez Lc 23, 36, c’est un soldat qui offre cette boisson), mais Marc dit simplement: quelqu’un, sans qu’il s’agisse d’un soldat. Mais surtout, cette personne, en arrivant à la croix avec la boisson, dit : « Aphete (laissez), voyons si Élie vient pour le faire descendre ». Elle semble donc offrir une raison pour donner à boire à Jésus. Techniquement, aphete signifie : laissez-le tranquille (fichez-lui la paix). Mais à qui s’adresse-t-elle, demandant de ne pas intervenir, puisqu’elle semble le seul acteur dans la scène? Doit-on assumer que la foule des badauds désiraient voir mourir Jésus au plus vite, et que le geste de lui offrir du vin vinaigré prolongeant sa vie et donnant du temps à Élie de venir, était perçu comme un geste hostile? Ou aphete devrait-il plutôt se traduire par : « permettez qu’on voie », et exprimerait l’embarras de quelqu’un qui, voulant éviter qu’on y voie un geste de compassion, s’empresserait de préciser qu’il est aussi sceptique que l’ensemble des badauds et ne veut que prolonger la moquerie?

Comme d’habitude, Matthieu a vu le problème et s’est empressé de clarifier la phrase de Marc. Comme on l’a vu plus tôt, il a remplacé Elōi par Ēli pour rendre      plus plausible la confusion avec le prophète Élie. Puis, il précise que ce « quelqu’un » qui courre chercher du vin vinaigré provient de la foule des badauds (et donc n’est pas un soldat romain). Enfin, ceux qui prennent la parole, ce sont les « autres » qui, clairement, refusent l’initiative de celui qui est allé chercher du vin vinaigré. Dans ce contexte, aphete signifie : laisses-le (Jésus) tranquille, car on veut qu’il meure au plus vite. http://www.mystereetvie.com/Brown35.html
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