Quel âge pouvait bien avoir Saraï lorsqu'elle entra en Egypte?

Si l’on s’en tient au texte de Genèse 12 Saraï femme d’Abram était très belle à regarder, à tel point que son mari juge utile de lui demander de se faire passer pour sa sœur, histoire qui est reprise dans le chapitre 20 de la Genèse.

Le verset 4 du chapitre 12 précise qu’Abram était âgé de soixante-quinze ans lorsqu’il quitta Haran sur la demande de Yahvé. Quel était l’âge de Saraï à ce moment ? Nous trouvons un élément de réponse en Genèse 17 verset 17 ou Abraham rit en se disant, suite à l’annonce que sa femme aura un enfant : « Naîtrait-il un enfant d’un homme de cent ans ? Sara aurait-elle un enfant à quatre-vingt-dix and ? » Sara a donc dix ans de moins que son mari. Lorsque ce dernier à 75 ans elle est âgée de 65 ans. Était-elle toujours aussi attirante aux yeux de pharaon ?

Selon les explications de T. Römer les versets parlant de la beauté de Saraï et de la demande d’Abram de la présenter comme sa sœur appartiendraient à un texte antérieur au verset donnant l’âge de 75 ans à Abram au moment de quitter Haran.

Ça montre que le recours au "contexte" est à double tranchant. Si le contexte immédiat, le plus souvent, "éclaire", un contexte trop large (comme "l'histoire d'Abraham", "les récits des patriarches", a fortiori "la Genèse" ou "la Bible") occulte le sens de petites unités narratives qui n'ont été juxtaposées que tardivement et artificiellement pour faire un grand récit cohérent, à l'aide de "coutures rédactionnelles" secondaires. Autrement dit, pour comprendre la "petite histoire", il vaut mieux oublier la "grande". Ce que fait d'ailleurs assez naturellement le lecteur, qui en lisant l'histoire d'une femme désirable ne pense pas spontanément à une femme âgée, à moins qu'un demi-malin vienne lui "rappeler" qu'il doit s'agir, selon le "grand contexte", d'une femme âgée. Bref, la "lecture simple" s'y retrouve, de même que la lecture (vraiment) "savante", c.-à-d. post-critique (à supposer que la critique ne soit pas un prétexte pour ne plus lire les textes), mais entre les deux on va chercher midi à quatorze heures...

si je te comprends bien il vaudrait mieux pour bien profiter de la lecture simple ne pas trop s'occuper du contexte large mais se contenter de l'immédiat afin d'avoir une histoire agréable et dénuée de sous entendus?

On peut le dire comme ça.
Ici, faire de Saraï une femme âgée (d'après d'autres éléments tirés d'autres récits et des coutures rédactionnelles qui relient entre elles les différentes composantes de "l'histoire d'Abraham") complique inutilement ce récit particulier, qui ne fait pas la moindre allusion à son âge.
Le lecteur "naïf" qui lit ce texte-là en ignorant ou en oubliant les autres le comprend finalement bien mieux que ce que j'appelais le "demi-malin", qui surinforme chaque texte à partir des autres.
C'est une constante dans la Genèse (et pas seulement!): il faut (un peu) oublier le premier récit de création pour (bien) lire le second (et réciproquement), oublier que Caîn et Abel sont censés être les "fils du premier couple humain" pour ne pas s'étonner bêtement que Caïn puisse s'enfuir dans un autre "pays", y craindre la violence d'autrui (qui ça?) et y prendre femme, et ainsi de suite.
Ce qui signifie aussi, à mon sens, que le meilleur usage de la critique consiste à retrouver les conditions d'une "lecture simple", qui comporte moins et non plus de "sous-entendus".

Chers tous,

moi qui cultive une lecture "naïve" de la Bible, je rejoins spermologos. Au delà de la lettre sévèrement critiquée, qu'est-ce que les textes nous apportent aujourd'hui sur le plan spirituel ? Qu'est-ce que cette "lecture, tout simplement lecture" dont il nous parle ?

Les lectures de la Bible sont multiples, et elle est réputée "inépuisable". Par exemple, les psaumes sont là pour accompagner n'importe quel état d'âme. De l'adoration jubilante à la révolte, de la paix à l'esprit de vengeance.

J'ai lu dans le temps Françoise Dolto (l'Evangile au risque de la psychanalyse, avec Gérard Séverin), ainsi que "Le sacrifice interdit", de Marie Balmary. Des souffles d'air frais.

A bientôt.

Au risque de prolonger un peu la parenthèse, parce que je crois qu'elle en vaut la peine: la "naïveté" ou la "simplicité" des uns n'est pas celle des autres. On lit avec ce qu'on est.
Paul Ricoeur, quand on le qualifiait de philosophe chrétien, répondait qu'il était plutôt chrétien philosophe au sens où son christianisme était -- par nécessité -- un christianisme de philosophe.
Une lecture simple et naïve, pour un philosophe, un littéraire, un psychanalyste, un historien, un scientifique, et ainsi de suite, c'est une lecture de philosophe, de littéraire, de psychanalyste, d'historien, de scientifique... La lecture simple des uns pourra paraître aux autres passablement tordue ou alambiquée, indigente ou stupide selon le cas. N'empêche qu'il y a toujours quelque chose à en apprendre, ne serait-ce qu'un "éclairage latéral" (par rapport au sien qui est central, bien sûr!).
Par rapport à ce faisceau de subjectivités l'exégèse savante revendique une certaine objectivité critique. Mais l'exégète lit aussi en exégète, avec ce que son point de vue avantageux peut-être, mais non moins particulier, lui révèle, et sans ce qu'il lui occulte.
Heureusement pour lui l'exégète n'est rarement qu'exégète. Et surtout il n'est pas tout seul.
Cum omnibus sanctis...