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 S(h)abbat, ou le non-événement du samedi

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Narkissos

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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeMar 25 Avr 2023, 18:01

Il ne faut pas attendre du "fondamentalisme" (ou de l'"intégrisme calviniste") d'Aix une mise en perspective historico-littéraire des textes: sur le "trito-Isaïe", cf. supra 18.4.2023; et aussi 58,13, dans un chapitre qui interprète de façon plus nettement "morale" et "sociale" les exigences rituelles (retrouvant là quelque chose d'une inspiration "prophétique" plus ancienne, cf. Amos etc., face au ritualisme sacerdotal)... Si le sabbat au sens que lui donne la Torah (hebdomadaire et chômé) datait vraiment de "Moïse", ou du moins d'une époque exilique ou pré-exilique, on pourrait s'étonner de son absence dans la grande majorité des textes de la Bible hébraïque et de l'importance qu'il prend dans les plus tardifs (cf., dans le même genre mais encore plus tard, les interdits alimentaires intégrés dans le récit de Daniel). D'autre part l'"alliance" du chapitre 56 ne se présente pas comme originelle ni comme universelle, mais comme l'alliance même de la Torah, dont pourraient désormais se saisir (sens possible de hzq, dont on a parlé récemment, ici 12.4.2023, traduit dans ta citation par "demeurer fermes dans") ceux qui en étaient a priori exclus (étrangers et eunuques).

Sur le reste de l'article, j'observerais surtout que si dans le NT le jour "sacré" passe bien du samedi au dimanche, le "sens" du sabbat (repos) ne lui est nullement transféré: le "premier jour de la semaine" est bien pensé en antithèse au "sabbat" comme "dernier", comme jour du re-commencement ou du re-nouvellement; en faire un nouveau "jour de repos" (naturellement pensé à la fin de la semaine de travail) est à cet égard un parfait contresens (même si le contresens était inévitable du fait de l'abandon du "sabbat" proprement dit par le christianisme). Autrement dit, le dimanche chrétien a besoin de se distinguer du sabbat juif pour que son symbolisme fonctionne, et dès lors qu'il le remplace (en devenant un jour de repos) ça ne marche plus: pour retrouver quelque chose du sens "originel" du dimanche chrétien dans une société de tradition chrétienne, il faudrait penser non à un dimanche mais à un lundi -- le jour où tout recommence. Comme quoi une tradition n'a besoin de personne pour se trahir elle-même, le passage du temps y suffit...
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeMer 26 Avr 2023, 13:08

Citation :
Indépendamment de ces (faux) problèmes linguistiques et historiques, il y a bien tension entre ce texte et l'idée du "repos de Dieu", telle qu'elle s'exprime dans la Genèse et qu'elle a aussi été renouvelée par le judaïsme et le christianisme hellénistiques (cf. l'épître aux Hébreux). Mais, comme on l'a signalé précédemment, cette tension existe déjà dans la Bible hébraïque, avec le deutéro-Isaïe (40,28)... Dans le quatrième évangile elle se résout tout autrement, il suffit de suivre la chaîne du "travail" ou de l'"oeuvre", ergon, ergazomai etc.: cf. p. ex. v. 20,36; 3,19ss; 4,34; 6,27ss; 7,3.7.21; 8,39.41; 9,3s; 10,25.32s.37s; 14,10ss; 15,24; 17,4.


L'évangile de Jean donne le sentiment d'un Dieu qui a toujours été en activité et qui continue de l'être à travers le Fils.

Un extrait :

Dans les vingt et un textes restants, en revanche, le mot « œuvre » renvoie à l’activité ou à la personne de Jésus, d’une manière ou d’une autre9. Ceci n’est le cas, dans les synoptiques, que de Matthieu 11.2 (« Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ ») et de Luc 24.19 (« Ils [les disciples d’Emmaüs] lui répondirent : [Ceci] concerne Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple »).Ce contraste entre les synoptiques et Jean est renforcé par le fait que, dans les synoptiques, Jésus n’emploie jamais ce mot pour désigner son activité alors que, dans Jean, c’est de ce mot dont il use principalement pour parler de son action.

Ces vingt et une occurrences du mot ergon se divisent en deux groupes très inégaux (voir Annexe) qui incluent : 

- d’une part, deux passages où il est question de l’œuvre (au singulier avec l’article défini) du Père pour laquelle Jésus a été envoyé et qu’il a menée à son terme (4.34 ; 17.4). À ces deux textes, il faut ajouter Jean 6.29 où apparaît à nouveau le singulier : « l’œuvre de Dieu » ; 

- d’autre part, tous les autres textes dans lesquels « œuvre » est au pluriel (15 occurences10) ou désigne « une œuvre » donnée (3 occurences11) que Jésus a faite.

b) « L’œuvre de Dieu » : le projet divin

Les deux textes qui utilisent le singulier déterminé (« l’œuvre ») se répondent comme le suggère l’emploi du verbe téleïoô, « mener à terme, achever, accomplir » dans ces deux versets (4.34 et 17.4). En effet, l’affirmation de Jésus lors du début de son ministère – « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de mener son œuvre à son terme » (4.34) – annonce la parole de la prière sacerdotale dans laquelle Jésus jette un regard rétrospectif sur ses deux ans et demi d’activité : « Moi, je t'ai glorifié sur la terre; j'ai mené à son terme l’œuvre que tu m'as donnée à faire » (17.4). La détermination de Jésus, en 4.34, à faire parvenir l’œuvre du Père à son achèvement aboutit, en 17.4, à la juste satisfaction de l’avoir fait.

Cette « œuvre » est l’œuvre de Dieu (4.34 : « son œuvre »), c’est le Père quia mandaté Jésus pour qu’il l’accomplisse (17.4 : « donnée à faire »). Mais en quoi cette œuvre consiste-t-elle plus précisément ? En Jean 4.34, Jésus utilise l’expression « mener l’œuvre à son terme » en parallèle avec « faire la volonté de celui qui m’a envoyé ». Dans la prière de Jean 17, il précise ce qu’était cette volonté divine. En effet, Jésus a mené l’œuvre de Dieu à son terme (v. 4) en glorifiant le Père sur la terre (v. 4) et en manifestant son nom à ses disciples, les hommes que Dieu lui a donnés du milieu du monde (v. 6,26) ; Jésus leur adonné les paroles et la gloire que le Père lui avait données (v. 8,14,22) et ses disciples ont reçu ses paroles, ils ont compris et cru qui Jésus était (v. Cool ; il les a gardés dans le nom du Père et « aucun d’eux ne s’est perdu, sinon celui qui est voué à la perdition, pour que l’Écriture soit accomplie » (v. 12). Corps et âme, Jésus s’est consacré à son Père pour eux, pour qu’ils puissent être consacrés parla vérité (v. 19), qui est la parole du Père (v. 17) !

L’œuvre que Jésus a menée à son terme et qui va le conduire jusqu’à lacroix12 visait donc à rassembler autour de lui, dans l’unité de l’amour du Père(v. 21,23,24,26), ceux que celui-ci avait choisis « du milieu du monde ». Ce rassemblement s’est opéré au moyen de la foi : par la reconnaissance, par les disciples, de l’identité de Jésus et l’acceptation de sa parole (v. Cool. Et c’est cette œuvre que les apôtres sont appelés à continuer :

Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé. (17.20-21)

Cette compréhension de l’œuvre du Père que Jésus a menée à son terme n’est pas sans conséquence pour l’interprétation du seul autre verset de Jean qui parle de « l’œuvre de Dieu » (au singulier déterminé), en Jean 6.29 : « L’œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a lui-même envoyé. » Certains voient en « l’œuvre de Dieu », dans ce verset, l’œuvre que Dieu accomplit dans l’homme en y suscitant la foi13. Plus nombreux sont ceux qui discernent en elle la seule œuvre que Dieu demande de l’homme14: la foi en son Fils. Ces deux interprétations s’accordent sur un point : « l’œuvre de Dieu » est comprise de manière existentielle, elle s’opère dans le croyant ou par le croyant. Le parallèle avec Jean 4.34 et 17.4 invite à en proposer une compréhension plus historique :« l’œuvre de Dieu » est celle qu’il est en train d’accomplir par Jésus, le pain de la vie que le Père a envoyé du ciel pour nourrir ceux qui lui appartiennent. Comme il l’avait annoncé en Jean 4.34, Jésus est « descendu du ciel » pour faire,« non [sa] volonté mais la volonté de celui qui [l’]a envoyé » (6.38), et comme il le rappellera en 17.12, il est venu afin de « ne perdre rien de tout ce que [le Père] lui a donné » (6.39) ; et le but de cette œuvre historique de Dieu par Jésus est de susciter la foi en l’Envoyé du Père (6.29 ; cf. 17.Cool. Car, dit Jésus, « la volonté de mon Père, c'est que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour » (6.40).

Une telle interprétation de l’œuvre de Dieu en Jean 6.29 pose, bien entendu, le problème de la compréhension des versets qui précèdent (v. 27 et28), en particulier de la question de la foule au verset 28 : « Que devons-nous faire pour œuvrer les œuvres de Dieu ? » Pour parvenir à une juste interprétation de ces versets, il nous faut tout d’abord étudier l’usage du mot œuvre au pluriel dans les passages johanniques où celui-ci désigne, d’une manière ou d’une autre, l’activité de Jésus.

https://docplayer.fr/61298-De-plus-grandes-oeuvres-que-celles-de-jesus-jean-14-12-13.html
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeMer 26 Avr 2023, 15:20

Si ce n'était pas Buchhold, qui (autrefois du moins) gardait toujours un oeil inquiet sur l'"orthodoxie" évangélique et spécialement blochérienne, et le doigt sur la couture du pantalon -- ce qui rend la lecture assez malaisée -- je me demanderais bien pourquoi il ne relève pas l'autre meizôn ("plus grand que", comparatif de megas) dans le même contexte, "Le Père est plus grand que moi" (v. 28; cf. 1,50; 4,12; 5,20.36; 8,53; 10,29; 13,16; 15,13.20; 19,11). Bien évidemment il y a un rapport, et c'est à peu près le même qui s'exprimait en d'autres termes au chapitre 12 (première conclusion): le Christ "élevé de la terre" et retournant au Père fera ce qu'il ne pouvait pas faire avant (attirer tous à lui), car le Père est plus grand que lui (le Jésus terrestre est totus deus / christus, non totum dei / christi, eût peut-être dit Calvin: cf. p. ex. ici). A vrai dire, comme on l'a souvent remarqué, dans l'évangile "selon Jean" la médiation s'annule et la relation de chacun au Père, ou à l'esprit, est im-médiate (cf. tout ce qu'il est dit, comme ici, de "celui qui croit en moi", 6,35; 7,38; 11,26; 12,44), et l'on passe tout naturellement de la relation du Père au Fils aux "croyants" (cf. principalement 5,20 et 10,38, que le chapitre 14 réorganise). Tout cela n'a cependant qu'un rapport très lointain avec la perspective "ecclésiastique" qui correspond bien plus aux Actes des Apôtres qu'au quatrième évangile -- il ne s'agit pas de "faire du nombre" ni de bâtir une "institution"; que "l'oeuvre" (au singulier) soit paradoxalement comprise à l'opposé d'une activité ou d'une production, c'est aussi évident en 6,28ss, formule quasi paulinienne, voire hyper-paulinienne (l'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez).
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeJeu 25 Mai 2023, 12:54

Le dimanche, Pâques et la résurrection dans les Constitutions apostoliques

3. La Didascalie

Des trois principales sources des Constitutions apostoliques, la Didascalie contient le plus d’indications sur le calendrier liturgique. On ne présentera ici que celles concernant le dimanche et la Pâque, en les comparant, par disposition synoptique, à celles des C.A.

a) Le dimanche, jour de la résurrection

Le premier extrait concerne l’assiduité aux célébrations :

Didascalie 13
(traduction F. Nau)

Ne mettez pas vos affaires temporelles au-dessus de la parole de Dieu, mais abandonnez tout au jour du Seigneur et courez avec diligence à vos églises. Car c’est là votre louange (envers Dieu).
Sinon, quelle excuse auront, auprès de Dieu, ceux qui ne se réunissent pas, au jour du Seigneur, pour entendre la parole de vie et se nourrir de la nourriture divine qui demeure éternellement ?

Constitutions apostoliques II, 59

2. Ne préférez pas les affaires séculières à la parole divine, mais chaque jour rassemblez-vous matin et soir pour psalmodier et prier dans les maisons du Seigneur...

3. Surtout le jour du sabbat et le jour de la résurrection du Seigneur, le dimanche, mettez encore plus de zèle à vous réunir, pour adresser votre louange à Dieu qui a créé toutes choses par Jésus, qui nous l’a envoyé, qui a accepté qu’il souffre et qui l’a ressuscité des morts. 4. Comment se justifiera-t-il devant Dieu, celui qui ne se joint pas à l’assemblée ce jour-là pour entendre la doctrine salutaire sur la résurrection ? Ce jour-là, debout, nous adressons trois prières15 en mémoire de celui qui est ressuscité le troisième jour ; nous faisons ce jour-là des lectures de Prophètes, la proclamation d’Évangiles, l’offrande du sacrifice et le don de la nourriture sacrée.

La comparaison des deux textes met en évidence l’insistance des C.A. sur la signification du dimanche, présenté comme jour de la résurrection, alors que dans la Didascalie le dimanche n’est qualifié que par le titre de jour du Seigneur.

https://journals.openedition.org/rsr/544
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeJeu 25 Mai 2023, 13:52

Etude très instructive sur des textes "ecclésiastiques" que je connais fort mal, à part la Didachè qui est à peu près contemporaine du NT. J'y relève surtout que l'Eglise orientale, de langue et d'écriture syriaques (suivant différentes branches dialectales de l'araméen), tend à se "judaïser" paradoxalement au fil du temps, ce qui est très sensible par la réinscription liturgique du sabbat (samedi) à côté du dimanche (jour dominical ou du Seigneur, kuriakè), mais aussi par la phase "quartodécimane", qui introduit la Pâque selon le calendrier lunaire (tombant n'importe quel jour de la semaine), en tension avec une "semaine sainte" ("grande semaine") déjà bien établie, avec son Vendredi-saint et son dimanche de la résurrection. Judaïsation paradoxale, car dans la mesure où elle rapproche formellement l'Eglise de la Synagogue il faut d'autant plus marquer la frontière par l'interdiction expresse de participation aux fêtes juives... Tout cela, notons-le, va à l'encontre de l'idée reçue d'un christianisme s'éloignant progressivement du judaïsme en s'hellénisant: c'est exactement le contraire qui se passe, du moins dans la partie orientale de l'empire où la proximité linguistique du christianisme et du judaïsme replié sur l'hébreu et l'araméen est plus grande -- mais même là c'est un écart par rapport aux premières générations chrétiennes, comme en témoigne notamment le fait que la traduction syriaque (Peshitta') dépend de la Septante et du NT grecs. En ce qui concerne le sujet de ce fil, il faut bien reconnaître que ni le NT ni la Didachè n'accordent de signification "chrétienne" à l'observance d'un sabbat "littéral" (= samedi), bien au contraire (cf. les controverses évangéliques et Colossiens): au mieux on l'allégorise en concept intemporel comme le fait l'épître aux Hébreux (qui ne parle d'ailleurs pas de "sabbat" mais de "repos").
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeJeu 31 Aoû 2023, 10:55

Temps et eschatologie

Temps des fins, temps du rite

9Considérons tout d'abord le cycle formé par la semaine et dont un jour précis a une valeur eschatologique tant pour les chrétiens que pour les juifs. Les premiers considèrent en effet le dimanche, aussi appelé « jour du Seigneur », comme un jour eschatologique car il célèbre la Résurrection du Christ (Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, « Temps » : 163). Aussi, ce n'est pas par souci du détail que l'auteur de l'Apocalypse précise que l'Esprit Saint l'a saisi pour lui accorder la révélation du processus eschatologique en ce même jour (Apoc. 1, 10) où sont célébrés les mystères de la Résurrection du Christ, de la communauté chrétienne présente et de la Parousie à venir (Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, « Mystère eucharistique » : 1561). Quand on sait que les fêtes n'ont pas seulement une valeur commémorative ou de modèle, mais également anticipative de la Parousie (Ibid., « Fêtes » : 246), il apparaît clairement qu'aucun moment n'était plus propice à la vision de ces événements, puisqu'il s'inscrit comme le jour où Dieu a apporté la preuve du pacte qu'il a scellé avec les chrétiens en ressuscitant son fils, les assurant ainsi de leur salut après l'accomplissement d'un processus eschatologique que l'Église primitive attend comme imminent (I Co. 10, 11). La théorisation juive du temps atteste aussi l'octroi d'une valeur eschatologique à un jour précis de la semaine : le Shabbat. Encore une fois, nous sommes face à un processus d'intégration de conceptions eschatologiques à un élément majeur de la théologie juive, qui leur préexistait, au moyen d'une réinterprétation. Il serait inutile de vouloir rechercher dans la Tora un lien quelconque entre institution du Shabbat et fin des temps. La première mention d'un shabbat apparaît dans la Genèse où il est dit que Dieu, après avoir achevé la création, a fait shabbat au septième jour. Ce n'est pas au moyen d'un substantif que cet acte est signifié mais par un verbe, formé à partir de la racine ŠBT (שבת) qui signifie « cesser ». Si Dieu bénit (vaYevarekh ; اיברך) alors ce jour et le sanctifie (vaYeqaddeš ; اיקדש), il n'impose pas pour autant le shabbat à Adam (Gn. 2, 2-3). Il faut attendre l'Exode pour que Dieu l'érige en commandement à Moïse et son peuple (Ex. 20, 8-10 ; Dt. 5, 12-15). Selon Arnaud Serandour, l'institution historique du Shabbat comme fête hebdomadaire serait encore plus récente puisqu'il la date du cinquième siècle avant notre ère, à l'époque perse (A. Serandour, 2009 : 43). Son association au processus eschatologique n'est attestée que plus tardivement encore, à partir des sources rabbiniques23 mais, dès lors, le rôle eschatologique du Shabbat est exprimé avec force. Le Talmud dit même que si le peuple d'Israël gardait de façon correcte, ne serait-ce qu'une fois, le jour du Shabbat, cela suffirait à faire venir le Messie (J. Neusner, 2000-2004 : 1695-1696). Il précise également que le temps eschatologique sera un Shabbat éternel24. Aussi, au soir du Shabbat, qui est une préfiguration du monde à venir, on appelle le prophète Élie qui doit, selon la prophétie de Malachie (3, 23), venir avant le Messie, pour que le lendemain puisse inaugurer le temps de la délivrance complète. L'année représente un deuxième mode de cette inscription paradoxale du temps eschatologique dans la périodisation d'un cycle. Aussi bien les juifs que les chrétiens et les zoroastriens ont investi les grandes fêtes de leur calendrier d'une valeur anticipative qui, par leur célébration, doit favoriser l'accomplissement du processus eschatologique. Les zoroastriens relient ainsi plusieurs de leurs fêtes annuelles à leur doctrine eschatologique et, notamment, la plus importante d'entre-elles, Now Rouz, qui célèbre, à une date correspondant à notre 21 mars, à la fois le nouvel an et la naissance de Zarathoustra. Sa liturgie est unie de manière particulièrement étroite aux éléments mythiques et conceptuels des zoroastriens relatifs à la Rénovation eschatologique du monde, si bien que le « sacrifice » offert alors par le prêtre aux fidèles a pour but de la préparer25.

https://journals.openedition.org/assr/25086
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeJeu 31 Aoû 2023, 12:57

C'est une excellente surprise pour moi que cet article: l'anthropologie contemporaine semble retrouver, avec des méthodes un peu différentes et surtout beaucoup plus de matériau documentaire, quelque chose de la hauteur et de la largeur de vues de la vieille "histoire des religions" (Religionsgeschichte) du XIXe siècle. Ce qui avait cruellement manqué dans l'intervalle à des disciplines de plus en plus spécialisées, étroites et cloisonnées, théologie confessionnelle, exégèse bornée à des corpus de plus en plus restreints malgré la prolifération des références externes, sciences humaines coincées dans leur champ et leur méthodologie, plus personne ou presque ne se risquant aux vastes comparaisons interdisciplinaires, sauf dans le dispositif collectif et balisé du colloque, au risque de ne plus paraître "scientifique" -- ce qui revenait à abandonner ce type d'exercice, au moins sous sa forme solitaire, à des amateurs plus ou moins savants et/ou illuminés.

L'aventure est toujours risquée parce qu'on ne peut pas tout maîtriser également: ainsi du côté "biblique", l'auteur(e) tend d'abord à supposer la Torah plus ancienne que le matériau dit post-exilique (§ 4ss), alors qu'elle est en bonne partie aussi post-exilique que le reste -- comme d'ailleurs l'impliquent les remarques faites un peu plus loin (§ 9, ton extrait, d'après Sérandour ou Römer) sur le s(h)abbat; on pourrait en dire à peu près autant de l'évolution du zoroastrisme qui est certainement tout aussi compliquée, sa reconstitution étant d'autant plus conjecturale qu'elle dépend d'un corpus littéraire encore plus tardif. Mais toutes ces réserves "techniques" ne valent pas qu'on s'interdise le risque de la perspective d'ensemble, qui vaut le coup d'oeil: c'est bien elle en effet, si floue soit-elle, qui donne à penser ce qui est toujours à penser, et permet en outre de relire autrement les textes particuliers.

Du côté chrétien, on aurait pu rappeler le symbolisme complexe du "dimanche" qui est à la fois le "premier jour" de la semaine, "premier des sabbats" selon l'expression judéo-grecque -- même le premier jour de la Genèse, "jour un" de la lumière, de la première parole et du premier fiat (yhy, genethètô, qu'il y ait, qu'il advienne, qu'il se produise), se trouve du coup être anachroniquement un "dimanche" -- le "troisième jour" (de la résurrection "selon les Ecritures", Osée 6 qui se confond avec les trois jours et trois nuits de Jonas) et le "huitième", l'après-dernier, le plus-que-dernier qui est par là même de nouveau le premier, celui du re-commencement du (même?) cycle: revoir éventuellement le début de ce fil, et tout le symbolisme du huit dans les textes du christianisme ancien, patristique, apocryphe ou hétérodoxe.

Si on s'en tient au premier récit de la Genèse, il n'est pas dit que le septième jour ait eu un lendemain -- et pas non plus qu'il dure... Tel est le fait textuel avec lequel les interprétations s'arrangent comme elles peuvent, et comme elles veulent.
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeVen 29 Mar 2024, 14:20

Le sabbat qui plaît au SEIGNEUR

"Si tu te gardes de piétiner le sabbat, de t'occuper de tes propres affaires en mon jour sacré, si tu appelles « délices » le sabbat, « glorieux » le jour sacré du SEIGNEUR, si tu le glorifies en ne suivant pas tes propres voies, en ne vaquant pas à tes propres affaires ni à tes discours, alors tu feras du SEIGNEUR tes délices, et je te ferai circuler sur les hauteurs du pays, je te nourrirai du patrimoine de Jacob, ton père— c'est la bouche du SEIGNEUR qui parle" (Es 58,13-14).


Isaïe 58 : une critique textuelle
Isabelle Schrive

Chapitre IV : Le respect du sabbat (Is 58,13-14). Page 223

Après la pédagogie divine déployée pour expliquer l’inefficacité des pratiques rituelles du jeûne et de l’humiliation déconnectées de l’assistance envers le prochain et la promesse de salut conditionnée par une conduite ajustée aux exigences divines, il nous reste maintenant à effectuer un retour sur les pratiques cultuelles qui interviennent aux versets 13 et 14 et qui constituent le dernier chapitre de ce travail.

Si les deux derniers versets concluent le chapitre (comme nous l’avons vu avec la double inclusion655), ils introduisent cependant une rupture dans le texte. Parfois considérés comme un ajout plus tardif que le reste du chapitre, ils témoignent d’une forte influence sacerdotale656. S’y exprime, en effet, un retour sur l’aspect cultuel, mais avec une tonalité différente. Si les mêmes recommandations apparaissent, elles ne sont pas assorties d’actions d’assistance et de solidarité en direction de l’opprimé, mais d’injonctions formelles sur l’importance du respect du sabbat. Il n’est plus question d’activité humaine, il s’agit de consacrer ce jour particulier, ce jour saint à Dieu seul. Enfin, outre l’aspect cultuel, le sabbat comporte, comme nous l’avons déjà mentionné, une dimension identitaire657. 

2.3.2. Les exigences du sabbat.

L’insistance sur le sabbat met en relief le renforcement de la pratique cultuelle707. Il est possible de voir dans cette introduction une rédaction tardive. Le sabbat708 est présenté comme le jour saint du Seigneur. L’adjectif « saint » est une constante des différents témoins textuels. En revanche, si le texte hébreu, la Vulgate et le Targum retiennent « mon jour saint », la LXX omet l’adjectif possessif et mentionne simplement le jour saint. En effet, les témoins textuels sémitiques font appel à la forme suffixée (1cs) et la Vulgate comporte l’adjectif possessif (g1s).

Une opposition s’exprime entre le jeûne, d’institution humaine, et le sabbat, d’institution divine709. Si le verset 3 détaille, comme nous l’avons vu, le comportement inadapté du peuple lors d’un jour de jeûne, le verset 13 énumère ce qu’il est interdit de faire pendant le sabbat. Il y a opposition terme à terme. La LXX retient le pluriel710, les sabbats711, comme au verset 3 lorsqu’il est question du jeûne. Alors que le texte hébreu, suivi par la Vulgate et le Targum, comporte le singulier avec « le jour de votre jeûne », la LXX mentionne « les jours de vos jeûnes ». Au verset 13, on retrouve la même différence avec « si tu fais revenir du sabbat ton pied » (texte hébreu, Vulgate et Targum), et « si tu détournes ton pied des sabbats » (LXX et tradition O de la Vetus latina)712. 

Le singulier met davantage l’accent sur le sens profond du sabbat, alors que l’emploi du pluriel met en relief la multiplicité. Le sabbat, d’institution divine, doit être respecté par l’homme, qui se faisant imite le Seigneur. Il introduit une rupture dans les activités quotidiennes. Le sabbat constitue ainsi un espace de liberté713, mais aussi un espace d’égalité714. L’aspect « numérique » intègre la répétition et permet de « faire mémoire »715. La présence du pluriel révèle peut-être une intention théologique du rédacteur alexandrin qui relie le texte à Ex 31,13, où il est question de « garder les sabbats d’âge en âge », en signe d’alliance. 

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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 3 Icon_minitimeVen 29 Mar 2024, 15:41

Thèse sérieuse, technique et fouillée, ce qui en 2018 est plutôt rassurant pour l'avenir des "sciences bibliques"... Je n'ai évidemment pas tout lu mais rien qu'en me promenant dans le document avec la recherche automatique "sabbat" (100 occurrences, mais souvent plusieurs dans la même section) le parcours est intéressant.

J'objecterais peut-être à l'association systématique du "sabbat" au "sacerdotal": le "sabbat" hebdomadaire tardif (postexilique à coup sûr, contrairement au "sabbat" ancien qui était de toute évidence mensuel, associé et opposé comme fête de la pleine lune à la nouvelle lune, cf. 1,13 etc.) concerne beaucoup plus la vie civile, profane, privée, domestique, économique et sociale que le temple; il pourrait aussi bien s'inscrire dans une tendance pré-pharisienne, "laïque", voire anti-sacerdotale, qui transfère précisément la "religion" (culte, piété, rituel) du temple et des prêtres vers la sphère domestique et sociale (ce qui prend de plus en plus d'importance dès lors que le temple est unique et le "judaïsme" est principalement de diaspora). En tout cas il y a bien contraste formel entre le "proto-Isaïe" (ou plutôt l'introduction générale au "livre" complet, 1,13 qui rejette les "sabbats", peut-être encore mensuels dans les premières rédactions, avec l'ensemble des sacrifices) et le trito-Isaïe (58 qui spiritualise et "hédonise" paradoxalement le sabbat en en faisant un "plaisir contre plaisir", mais pas forcément distinct du jeûne lui-même spiritualisé, moralisé et socialisé sur le modèle du sabbat, v. 6ss: libérer l'homme, l'esclave et l'animal, ce qui est associé au jeûne est aussi l'idée du sabbat dans la Torah; sur l'animal, cf. entre les deux 30,24 et 32,20, où une certaine "libération" de l'animal domestique va de pair avec une abondance qui résulte, soit de déportations et de dépopulations qui font de la place au "reste", soit de restaurations idylliques). Mais ce contraste sauterait par-dessus un deutéro-Isaïe (40) qui a refusé pour son "Yahvé" devenu Dieu unique toute idée de "fatigue" et de "repos"...

Pourquoi est-ce que je repense à Alexandre le bienheureux (le film d'Yves Robert, 1968) ? Notamment au moment où Alexandre-Noiret, après la mort de sa femme qui le "poussait au cul", rentre chez lui, libère ses bêtes et va se coucher, en disant "c'est le moment"...

Sur les "hauteurs" du v. 14 (chevauchée ou balade en char, hitch-hiking, lift), voir ici.

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Le lendemain, "Samedi saint" -- le seul sabbat peut-être que les évangiles auront respecté en n'en faisant rien, en n'y plaçant aucun récit: silence, suspens, ellipse que moi-même je ne respecterais pas en les nommant, a fortiori en les commentant... Que ne respecterait pas non plus la tradition de la "descente aux enfers" (1 Pierre etc.), peut-être perceptible chez Matthieu dans la "résurrection des saints", mais celle-ci, dans la version qui nous est parvenue, toutes gloses incluses, respecterait encore le sabbat par le vide qu'elle implique entre la résurrection et la manifestation "après sa résurrection (sc. de Jésus)": entre-temps ni morts ni vivants, ni couchés ni debout, ni cachés ni manifestes...

Le Christ mort, "devenu mort" selon l'Apocalypse (1,18, egenomen nekros), fait le mort, c'est dans le vide de cet entre-deux, même sans récit de la Passion identifiant ce vide au "sabbat" du samedi, ni "tombeau vide" le lendemain, que s'inscrirait déjà toute la "myst(ér)ique" paulinienne, qui joue aussi, du baptême à l'eucharistie, à "faire le mort" en vue d'une "résurrection", d'une "vie nouvelle", d'un "homme nouveau".
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