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 S(h)abbat, ou le non-événement du samedi

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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMer 09 Nov 2016, 13:25

1Co 16,1-2 : jour de la koinonía

S’adressant aux chrétiens de Corinthe, Paul établit un jour déterminé pour mettre à part les offrandes qui devront être envoyées aux pauvres de l’Église de Jérusalem. Ce geste de charité doit avoir lieu « chaque premier jour de la semaine » (1Co 16,2) : s’agit-il là d’une application au jour dominical de l’usage caritatif qu’une bonne part du judaïsme contemporain réservait au sabbat ? La mise en commun des économies personnelles se produit-elle en lien avec une célébration liturgique dominicale ? Le milieu corinthien connaît-il le transfert d’une pratique sabbatique au dimanche ? Les réponses des exégètes sont discordantes. Le texte ne parle pas expressément de réunion cultuelle, cependant il témoigne, pour le moins, de l’importance prise par le premier jour de la semaine à une époque assez ancienne déjà (55 ou 56 ap. J.-C.). On peut déduire d’un texte lucanien (Ac 20,7-12) qu’avant l’an 60 déjà le dimanche est devenu jour de réunion liturgique de la communauté chrétienne. Du reste, les noms mêmes qui définissent la collecte sont pour une bonne part liturgiques (prosphorá = offrande : Ac 24,17 ; diakonía = service : 2Co 8,4 et 9,1 ; koinonía = communion : 2Co 8,4 et 9,13 ; leitourgía = ministère : 2Co 9,12) et peuvent indiquer un lien avec le culte chrétien.

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2005-1-page-27.htm
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMer 09 Nov 2016, 16:07

La datation absolue des textes du NT est un château de cartes, mais une datation relative demeure à mon sens possible (tel texte plus ou moins ancien que tel autre): 1 Corinthiens 16 serait à cet égard une des "premières" références néotestamentaires au dimanche, mais elle est ambiguë parce que sa formulation grecque suggère plutôt une "épargne" individuelle (ekastos humôn par'eautô tithetô, que chacun de vous mette de côté pour lui-même) qu'une "offrande", laquelle impliquerait une "réunion" ce jour-là. La seconde partie du v. paraît plus claire dans les traductions courantes (qu'on n'ait pas à faire des collectes quand je viendrai, sous-entendu: parce qu'on les aura faites avant), mais elle l'est nettement moins en grec (le sens de logeia, traduit par "collecte" aux v. 1 et 2 et attesté dans quelques inscriptions seulement, pourrait être bien moins précis). Le texte des Actes est assurément plus significatif (le dimanche est un jour d'assemblée chrétienne), mais aussi -- toujours à mon sens -- beaucoup plus tardif.
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeSam 15 Avr 2017, 15:57

Je repense, puisque c'est à nouveau le jour (samedi ou sabbat dit saint), à cette incidente de Jean 19,31 qui a tant exercé la sagacité des amateurs de chronologie: "car grand était le jour de ce sabbat-là" (ou, selon une variante qui accorde le démonstratif avec le "jour" plutôt qu'avec le "sabbat", "ce jour de sabbat-là"). Indice par exemple, au ras du calendrier, d'un sabbat coïncidant avec la Pâque, donc de la détermination de telle année plutôt que de telle autre (évidemment ça ne marche pas pour les Synoptiques qui, n'ayant pas le même jour, n'auraient pas non plus la même année); ou bien, dans une écoute plus "spirituelle", d'un tout autre genre de coïncidence, celle du sens du sabbat et de la Pâque (p. ex.: cessation/repos et renaissance/libération) dans l'"événement"  unique de la mort-résurrection du Christ.

(Bien sûr, dans l'harmonisation dogmatico-liturgique postérieure, il y aura la "descente aux enfers" pour occuper ce samedi -- en attendant les courses au supermarché...)
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeSam 31 Mar 2018, 12:33

Sous le coup de la Passion selon saint Jean: à écouter et à lire (un peu plus de contexte ici).
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeSam 17 Aoû 2019, 15:31

Sauf inattention de ma part, nous n'avons pas évoqué ici le rapport du ou des s(h)abbat(s) à la terre, tel qu'il apparaît notamment à la fin du Lévitique (25,2ss; 26,34ss) et des Chroniques (qui sont aussi "lévitiques" à leur manière; 2 Chroniques 36,21), en relation directe avec l'exil et la désolation par quoi les s(h)abbats négligés se paieraient ou se solderaient, comme une dette ou une créance, selon une logique à la fois magique et comptable qui n'est pas sans rappeler le rapport de la terre ou du sol au sang (Genèse 4,10ss; Nombres 35,33 etc., dam / 'adamah, Blut und Boden, apparentements terribles mais significatifs).

Il s'agit à l'évidence d'un développement très tardif et à tous points de vue "idéal" du système sabbatique (transposition des jours aux années), lequel était déjà postexilique dans sa forme hebdomadaire (cf. supra). Il trouve cependant des prototypes partiels dans d'autres textes plus anciens et de moindre portée apparente, sur la jachère, la remise des dettes ou la libération des esclaves à la "septième année" (Exode 21--23; Deutéronome 15; 31,10; Jérémie 34; Néhémie 10,31), indication relative (calculée au cas par cas, à partir du moment où l'on aurait commencé à travailler telle parcelle de terrain comme de celui où l'on a acheté tel esclave) -- rien de tel qu'un abandon général et simultané de toutes les cultures ainsi que l'imagine l'ultime rédaction du Lévitique, en le combinant de surcroît au "jubilé", de façon arithmétiquement séduisante (7 x 7 = 49 + 1 = 50) mais concrètement impraticable (sinon par miracle, cf. 25,20ss). Inutile de dire que l'"application" d'une telle "loi" n'a jamais pu être que "symbolique", et dans le judaïsme du Second Temple et dans le judaïsme rabbinique; et encore, à la faveur d'une diaspora dominante qui ne s'estimait pas concernée (l'application se limitant à la terre d'Israël): les astuces des "orthodoxes" modernes de l'Etat d'Israël pour la contourner (p. ex. par la culture hors-sol en serre) sont à cet égard édifiantes.

Reste que le fait même d'une "législation idéale", qui défie sciemment par l'écriture les "lois" de l'économie, de la technique, de la raison ou du bon sens, autrement dit un certain "principe de réalité", est digne d'être médité (s'il est encore permis d'employer ce verbe dans son sens classique). D'autant qu'à bien y regarder il est loin d'être isolé: depuis les derniers chapitres d'Ezéchiel qui légifèrent sur un temple, une ville, un prince et un pays imaginaires aux textes de Qoumrân ou au Talmud, en passant par une bonne partie de la Torah elle-même, l'inapplicable est omniprésent; paradoxalement, il est peut-être même au cœur du principe législatif: qu'est-ce qu'une "loi", sinon une norme imaginaire (wishful thinking, encore) dont l'application éventuelle dépend d'un secours d'une tout autre nature -- un pouvoir "exécutif", une force réellement supérieure dans un rapport de forces réel, seule capable de lui donner "force de loi", de l'"enforcer" comme on dit (presque) en anglais ? En elle-même, indépendamment d'un tel secours hétérogène, la législation relève de la fiction -- et rien ne le montre mieux que le genre de la "législation-fiction".
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeSam 11 Avr 2020, 17:28

Bttt (back to the top) -- l'actualité se charge du commentaire.
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeSam 11 Avr 2020, 17:50

Narkissos a écrit:
Bttt (back to the top) -- l'actualité se charge du commentaire.


Coronavirus : une décrue historique des émissions de CO2 est-elle amorcée ?

Depuis le début de l’épidémie, les rejets carbonés et la pollution ont chuté. Mais l’accalmie pourrait n’être que temporaire si les gouvernements relancent massivement leur économie.

 Populations confinées, usines à l’arrêt, aéroports paralysés : le Covid-19, en provoquant une grave crise économique, entraîne un répit pour la planète. Depuis le début de la pandémie, les émissions de gaz à effet de serre et la pollution ont chuté. Une accalmie qui pourrait toutefois n’être que temporaire.

La Chine, premier pollueur mondial, a vu ses émissions s’effondrer d’au moins un quart entre le 3 février et le 1er mars comparé à 2019, selon une estimation du Centre de recherche sur l’énergie et la qualité de l’air publiée sur le site spécialisé Carbon Brief. La pandémie aurait ainsi entraîné une réduction de 200 millions de tonnes des rejets de CO2 du pays sur la période. En cause : une baisse de 15 % à 40 % de la production dans les principaux secteurs industriels, limitant l’utilisation du charbon, du pétrole ou de l’acier.

Le trafic aérien mondial, responsable d’environ 5 % des émissions de gaz à effet de serre, a également diminué de 4,3 % en février, selon le site Flightradar24, en raison de l’annulation de dizaines de milliers de vols vers les zones touchées par la pandémie.

NO2 et particules fines en baisse en Chine et en Italie

Les émissions de dioxyde d’azote (NO2), un gaz très toxique marqueur de la pollution d’origine automobile et industrielle, ont également chuté en Chine depuis le début de la pandémie. Selon l’observatoire de la Terre de la NASA, elles ont diminué de 10 % à 30 % par rapport à la même époque en 2019, d’abord autour de la ville de Wuhan, l’épicentre de l’épidémie due au nouveau coronavirus, puis dans le reste du pays.

« C’est la première fois que je constate une baisse aussi spectaculaire sur une zone aussi étendue et liée à un événement particulier », commente Fei Liu, chercheuse à la NASA. Une diminution est toujours constatée à cette époque de l’année avec les congés du Nouvel An mais jamais dans de telles proportions. Cette chute est « au moins en partie due au ralentissement économique provoqué par le coronavirus », analyse l’agence spatiale. Un phénomène similaire mais moins intense avait été constaté en 2008 lors de la crise financière et au moment des Jeux olympiques, sur Pékin.

Un même décrochage a été observé dans le nord de l’Italie. Les observations par satellite montrent une réduction progressive d’environ 10 % par semaine des concentrations de NO2 au cours des quatre à cinq dernières semaines. A Milan, les concentrations moyennes de NO2 étaient d’environ 65 microgrammes par mètre cube en janvier, 45 en février et environ 35 pour la première moitié de mars. Des tendances similaires sont observées à Turin ou Bergame. https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/13/le-coronavirus-un-repit-pour-la-planete_6032848_3244.html
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeSam 08 Avr 2023, 15:17

Je relis ce fil (c'est son jour, le meilleur pour relire) sans vouloir le relever, le réveiller ou le ressusciter, du moins pas aujourd'hui: qu'il (se) repose (en paix). J'avais d'ailleurs oublié que la dernière fois qu'il s'était (à peine) agité dans son sommeil, voici déjà trois ans, c'étaient les "confinements" -- sabbats inespérés à cette échelle, qui faute d'être répétés auront tout le temps d'être regrettés.

ἦν γὰρ μεγάλη ἡ ἡμέρα ἐκείνου τοῦ σαββάτου -- il était grand ce jour de sabbat-là (Jean 19,31).
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 11 Avr 2023, 11:43

Citation :
ἦν γὰρ μεγάλη ἡ ἡμέρα ἐκείνου τοῦ σαββάτου -- il était grand ce jour de sabbat-là (Jean 19,31).


Le récit de l'Envoyé - Jean 19,16b-37 (Article technique et long que je cite juste pour cette partie). 

Plusieurs éléments du récit de la crucifixion invitent à voir cette dimension de l'agneau pascal. Premièrement l'évocation régulière en PJ que la crucifixion se déroule au jour de la Préparation des agneaux pascaux dans le Temple, la (...) (19,14.31.42). C'est le moment ou ceux-ci sont sacrifiés. Jn offre ainsi une autre date pour l'évènement de la crucifixion que les synoptiques : le 14 Nisan au lieu du 15, ce qui implique par ailleurs que le dernier repas de Jésus n'est pas un repas pascal. La mention du grand jour de Sabbat (v.31) pourrait également souligner l'imminence de Pessah, tout du moins la concordance de la crucifixion avec un évènement important de l'année religieuse du judaïsme du second temple.

https://www.academia.edu/31072040/Nouveau_Testament_Ex%C3%A9g%C3%A8se_de_Jean_19_La_Passion_
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 11 Avr 2023, 12:59

En effet, il y a chez "Jean" coïncidence de la Pâque et du sabbat, contrairement aux Synoptiques, d'où le "grand sabbat" au premier degré de la lecture, qui se double pour le lecteur-auditeur, suivant la pratique "johannique" du double sens ou "double entendre", d'un sens second et principal: la perspective des "Juifs" (relire le contexte) s'arrête à la concomitance calendaire, mais le Christ johannique, par le truchement du narrateur, lui donne une portée qui la dépasse infiniment.

Pour rappel, il y a aussi coïncidence linguistique, en grec, de la "Pâque" (Paskha, comme transcription approximative de l'hébreu pesah) et du verbe paskhô, "souffrir", mais le quatrième évangile en jouerait plutôt moins que les Synoptiques...
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 11 Avr 2023, 13:09

Narkissos a écrit:
Pour rappel, il y a aussi coïncidence linguistique, en grec, de la "Pâque" (Paskha, comme transcription approximative de l'hébreu pessah) et du verbe paskhô, "souffrir", mais le quatrième évangile en jouerait plutôt moins que les Synoptiques...

Cette coïncidence linguistique est-elle reprise par Paul en 1 Cor. 5.7 ?
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 11 Avr 2023, 13:39

Probablement pas de façon intentionnelle, à la façon d'un jeu de mots, puisque le verbe paskhô n'intervient pas dans le contexte (pas avant 12,26, paskhei / sum-paskhei pour "souffrir" et "souffrir avec", soit exactement la "com-passion"); il faut d'ailleurs préciser que paskhô est souvent employé dans des formes dérivées de l'aoriste (pathon, pathein, pathos etc.; d'où, en passant par le latin, pâtir et passion) où la ressemblance est moins évidente. Il n'empêche que le mot paskha (comme transcription de l'hébreu qui a priori ne signifie rien en grec) évoque assez naturellement en grec l'idée de "souffrance", ce qui n'est pas du tout le cas de l'hébreu pesah qui suggérerait plutôt un saut (de l'ange de la mort par-dessus les maisons, selon Exode 12) ou une danse rituelle (comme celle des prophètes de Baal en 1 Rois)...
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 11 Avr 2023, 14:36

Les nuits de Nicodème (Jn 3,1-21 ; 19,39) à la lumière de la symbolique baptismale et pascale du quatrième évangile 

ÉLÉMENTS COMMUNS SUR LE PLAN TEMPOREL

Il apparaît d’abord ici qu’un contexte de fête caractérise les trois scènes.

Au chapitre 3, l’atmosphère est pascale. En effet, l’intervention de Jésus au Temple (2,13-22) est placée rétrospectivement en contexte pascal (2,23 : ἐν τῷ πάσχα ἐν τῇ ἑορτῇ) à l’orée de trois versets (2,23-25) qui ménagent, nous l’avons vu, une remarquable transition avec la suite, c’est-à-dire avec l’entretien avec Nicodème. 

Au chapitre 7, l’arrière-plan est fourni par la fête des Tentes, au paroxysme de laquelle on se trouve depuis le verset 37. Il y est indiqué en effet que l’on est « au dernier et grand jour de la fête (ἐν δὲ τῇ ἐσχάτῃ ἡμέρᾳ τῇ μεγάλῃ τῆς ἑορτῆς) ». 

Au chapitre 19, enfin, on retrouve le cadre de la Pâque. Nous sommes lors de la Préparation de la Pâque (19,14), qui est aussi Préparation tout court (19,31) et veille d’un sabbat présenté comme d’une importance toute particulière. Il est précisé, de fait, que grand est le jour de ce sabbat (19,31 : ἦν γὰρ μεγάλη ἡ ἡμέρα ἐκείνου τοῦ σαββάτου). Par la main du rédacteur, les deuxième et troisième apparitions de Nicodème dans le monde du récit se trouvent ainsi mises en lien avec un grand jour, et ces deux jours sont les seuls à être qualifiés de grands au sein de l’œuvre. Par ailleurs, le grand jour qui va commencer au crépuscule en Jn 19 n’est autre que celui qui débute par la nuit pascale. Et c’est alors qu’il vient de rappeler l’imminence de ce grand jour – et implicitement de cette nuit – que l’auteur du quatrième évangile remémore à son lecteur que Nicodème n’est autre que celui qui était venu auprès de Jésus, de nuit, au début (19,39). En fonction du jeu d’écho que nous venons de mettre en évidence, on ne peut exclure, nous semble-t-il, que la nuit ici rappelée soit implicitement évoquée en tant que nuit pascale.

Que l’on se situe ainsi sur le plan spatial ou temporel, on constate une remarquable cohérence, en même temps qu’une progression, de scène en scène. Cette cohérence et cette progression sont encore suggérées par la récurrence d’autres motifs. 

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_2007_num_87_3_1276
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 11 Avr 2023, 16:07

Excellente étude, très attentive aux "doubles sens" caractéristiques de l'écriture "johannique" dont nous parlions précédemment -- bien entendu, demeure toujours le risque d'en voir ou d'en entendre plus que l'auteur ou les auteurs n'en ont intentionnellement mis, mais ceux-ci n'en auront pas moins ouvert leur texte à ce risque, qui est sans doute celui de toute écriture, mais auxquelles certains types d'écriture se prêtent plus volontiers que d'autres.

A propos de la discussion précédente avec le chapelier toqué sur les différents "sens" de la Pâque, j'attire l'attention sur les p. 283s, et notamment les citations de Philon (en grec) et de saint Augustin (en latin): quand on veut traduire (approximativement) le "sens" qu'aurait le mot (pesah en hébreu) et qu'on ne se contente pas de le transcrire (paskha), c'est l'idée de "passage" qui s'impose (dia-bainô, meta-bainô), comme en Jean 13 -- bien que cette traduction ne corresponde pas non plus au sens originel du mot.

On notera aussi que Nicodème, qui fait l'objet de cet article, en dépit de son association aux plus hautes instances juives, porte un nom grec (équivalent de Nicolas avec un autre mot pour "peuple", dèmos ou laos, cf. ici 2.4.2023) -- comme André et Philippe associés à l'épisode des Grecs à la fin de la première partie ou du premier livre (chap. 12). D'autre part, outre la figure "johannique" de Nathanaël (nom hébreu celui-là, chap. 1 + 21,2), il double aussi celle, également "synoptique", de Joseph d'Arimathée (cf. Marc 15,43ss//). Là encore les "passages" possibles, d'un texte et d'un personnage à l'autre, sont multiples...
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeJeu 13 Avr 2023, 15:43

Narkissos a écrit:
A propos de la discussion précédente avec le chapelier toqué sur les différents "sens" de la Pâque, j'attire l'attention sur les p. 283s, et notamment les citations de Philon (en grec) et de saint Augustin (en latin): quand on veut traduire (approximativement) le "sens" du mot (pessah en hébreu) et qu'on ne se contente pas de le transcrire (paskha), c'est l'idée de "passage" qui s'impose (dia-bainô, meta-bainô), comme en Jean 13 -- bien que cette traduction ne corresponde pas non plus au sens originel du mot.

J'ai lu avec intérêt les pages 283 et suivantes et découvert cette traduction du mot hébreux pessah en "passage". Je dois avouer que cela donne une autre vision de ce qui peut se passer pour le disciple de Jésus passant ou s'en allant au-delà de son corps physique à sa mort.

Mais dans l'extrait de ton message que je cite tu déclares que le mot passage ne correspondrait pas non plus au sens originel du mot, pourrais tu me dire quel serait la meilleure traduction du mot hébreux pessah? Merci
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeJeu 13 Avr 2023, 16:22

Du point de vue d'une grammaire fonctionnelle, en tant que "nom propre" le mot "Pâque" (pesah) ne "signifie" rien, il "désigne" (une fête, un jour ou une nuit, un repas, un sacrifice, une victime sacrificielle). Mais, comme je l'ai signalé trop allusivement plus haut (11.4.2023), son étymologie dérive probablement d'une danse rituelle saccadée (en 1 Rois 18,26 le verbe correspondant, psh, décrit la danse des prophètes de Baal, doublée d'un jeu de mots supplémentaire au v. 21, en mauvaise part: boiter, clocher, claudiquer = hésiter entre deux opinions; au sens propre d'autres formes de la même racine décrivent aussi le boiteux ou son boitement, p. ex. 2 Samuel 4,4), ce qui conviendrait très bien à une fête du printemps. Mais dès Exode 12, récit étiologique de la "Pâque biblique", un jeu de mots tire le verbe dans un sens légèrement différent, puisqu'il s'agit de Yahvé ou de l'ange qui "saute" (par-dessus) les maisons marquées du sang de l'agneau (d'où en anglais "pass/over", mais le sens serait plutôt celui de "skip": ce qui est "sauté", comme à la marelle ou mieux encore à saute-mouton, est épargné -- cela pourrait aussi se rattacher à l'usage rituel d'un terme relativement proche en akkadien). En hébreu le sens général de "passer" (transitif ou intransitif, passer quelque chose ou passer soi-même, d'ici à là ou d'un côté à l'autre) serait plutôt exprimé par une tout autre racine au champ sémantique très large, `br, d'où entre autres "hébreu" (comme désignation géographique, sociale ou ethnique selon les textes), mais qui peut aussi signifier, par exemple, la colère comme "emportement"...
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 18 Avr 2023, 10:35

Jésus et l’idolâtrie du sabbat

Comparaison du commandement du Sabbat en Ex 20,8-11 et en Dt 5,12-15

Pour la plupart, le commandement du sabbat dans le livre de l’Exode correspond à la version parallèle en Dt 5,12-15. Néanmoins, il y a quelques différences à ne pas nier. Avant d’entrer dans les détails, je mets les deux versions du commandement du sabbat l’une à côté de l’autre de façon synoptique.

Exode 20,8-11

8 Commémore (zkr) le jour du sabbat et fais-en un jour consacré à l’Éternel.
9 Tu travailleras six jours pour faire tout ce que tu as à faire.
10 Mais le septième jour est le jour du repos consacré à l’Éternel, ton Dieu ; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi ;
11 car en six jours, l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui s’y trouve, mais le septième jour, il s’est reposé. C’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et en a fait un jour qui lui est consacré.

Deutéronome 5,12-15

12 Observe (smr) le jour du sabbat et fais- en un jour consacré à l’Éternel, comme l’Éternel ton Dieu te l’a commandé (şwh).
13 Tu travailleras pendant six jours et tu feras tout ce que tu as à faire.
14 Mais le septième jour est le jour du repos consacré à l’Éternel ton Dieu ; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni tout ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi, afin que ton serviteur et ta servante puissent se reposer comme toi.
15 Tu commémoreras (zkr) que tu as été es- clave en Égypte et que l’Éternel ton Dieu t’en a fait sortir à main forte et à bras tendu. C’est pourquoi l’Éternel ton Dieu t’a or- donné (şwh) d’observer le jour du sabbat.

a) Dt 5,12 exhorte le destinataire à observer le jour du repos. Le terme hébreu (smr) est stéréotypé dans le livre du Deutéronome. Le début du commandement du sabbat en Ex 20,8 emploie un autre verbe, à savoir commémorer (zkr). En ce qui concerne la signification, il n’y a en fait pas de différence essentielle entre les termes utilisés en Ex 20,8 et en Dt 5,12, du moins si on interprète le verbe du premier passage comme commémorer et non pas comme penser à ou se souvenir de. Car les termes hébreux qui rendent le sens de commémorer (zkr) et de observer (smr) s’impliquent les uns les autres. Malgré le fait que ces termes sont interchangeables, ce n’est pas un hasard que l’auteur de Dt 5,12 ait choisi observer. Car d’une part, on utilise ce terme dans le livre du Deutéronome surtout lorsqu’il s’agit de l’observance des consignes ; d’autre part, le terme commémorer (zkr) implique la notion de ‘refaire’ (dans le contexte du culte). De cette façon, selon Ex 20,8, la commémoration du sabbat est égale à la nouvelle réalisation du sabbat de YHWH : il faut que l’Israélite respecte le repos du septième jour, tout comme YHWH s’est reposé le septième jour. Le parallélisme entre les versets 9-10 d’une part et le verset 11 de l’autre, ainsi que la particule motivante ky dans le verset 11 plaident en faveur de cette conception.

Le terme commémorer (zkr) que l’on utilise en Ex 20,8 apparaît aussi en Dt 5,15, le verset qui dans le livre du Deutéronome pourvoit le commandement du sabbat d’une motivation religieuse par la référence aux événements passés : « Tu commémoreras que tu as été esclave en Égypte et que l’Éternel ton Dieu t’en a fait sortir à main forte et à bras tendu ; c’est pourquoi l’Éternel ton Dieu t’a ordonné d’observer le jour du sabbat13 ». Ce verset est intéressant à deux égards. Premièrement, nous y tombons sur le pendant du verbe observer qui se trouve à maintes reprises dans le livre du Deutéronome.

Il s’agit du verbe şwh qui a le sens de ordonner. Ce terme s’utilise aussi fréquemment dans le Deutéronome, également dans le contexte de l’observance des commandements que YHWH a ordonnés14. En encadrant le commandement du sabbat par ce verbe dans les versets 12 et 15, l’auteur souligne explicitement qu’il s’agit d’un commandement divin, ce qui en même temps accentue la dimension législative plus fortement qu’en Ex 20,8-11. Ensuite, le verset 15 mène à la différence la plus fondamentale entre la version du commandement du sabbat dans le livre de l’Exode et celle du Deutéronome, à savoir sa motivation.

(b) Ex 20,11 légitime l’observance du sabbat sur la base de la représentation de la création, que l’on rencontre dans le poème de la création en Gn 1,1–2,4 : il faut que l’homme et l’animal travaillent pendant six jours et qu’ils se reposent absolument le septième jour, parce que Dieu, lui aussi, travailla six jours et se reposa le septième jour. Quoique Gn 2,1-3 ne mentionne pas explicitement le sabbat, celui-ci résonne dans chaque verset : « Au septième jour (ywm hsbycy), Dieu avait achevé tout ce qu’il avait créé. Alors il se reposa (ysbt) le septième jour (ywm hsbycy) de toutes les œuvres qu’il avait accomplies. Il bénit le septième jour (ywm hsbycy), il en fit un jour qui lui est réservé, car en ce jour-là, il se reposa (sbt) de toute l’œuvre de la création qu’il avait accomplie ».

Par conséquent, dans le poème de la création, le sabbat joue un rôle important. Le texte est entièrement composé en fonction du septième jour. En présentant le septième jour comme un jour où Dieu se repose, l’auteur veut enraciner le sabbat dans l’ordre de la création. Pour les Israélites qui sont expulsés de leur pays – la thèse que le présent texte du poème de la création en Gn 1,1–2,4 n’était réalisé qu’à partir du contexte de la captivité babylonienne (587-537 av. J.-C.) jouit d’un consentement presque général sur le forum scientifique – l’observance du sabbat est égale à l’entretien du culte dans le temple en l’honneur de YHWH. En tant que « créé selon l’image de Dieu », l’homme doit prendre l’engagement agréable de suivre le repos exemplaire de Dieu afin de rendre hommage à son créateur, malgré l’absence du temple ou du culte qui en faisait partie. Mais en même temps, il y a plus. Car en Gn 2,3 il n’est dit que du septième jour que Dieu le ‘bénit’ en raison de l’harmonie et du repos de ce jour. De plus, Dieu bénit le septième jour, ce qu’il n’avait pas fait en faveur des jours précédents.

En renvoyant au repos divin du septième jour de la création, selon la présentation de l’Exode (Ex 20,11 ; 31,16-17)16, l’observance du sabbat peut être caractérisée comme une imitation ou une sorte de nouvelle représentation du repos divin du septième jour – l’anglais dispose du terme éloquent re-enactment pour indiquer cet acte – : le septième jour est pour Dieu un jour d’achèvement béni et d’harmonie, alors il faut que le septième jour soit caractérisé, aussi pour l’homme, par l’harmonie et la perfection.

L’auteur du Deutéronome semble prendre du recul face à ce rationale d’Ex 20,11 teinté mythologiquement. Il n’associe pas le sabbat au repos divin du septième jour, mais à un événement ‘historique’ du passé : il faut que les Israélites observent le sabbat afin de commémorer qu’ils ont été esclaves en Égypte et que Dieu les en a fait sortir. Donc, la motivation spécifique de l’auteur deutéronomique se reflète dans un déplacement de l’origine du sabbat vers son but : le peuple d’Israël observera le sabbat, non pas parce que Dieu lui-même se reposa le septième jour, mais afin que « ton serviteur et ta servante puissent se reposer comme toi » (Dt 5,14). Au lieu de l’argumentation mythologique d’ Ex 20,11, le Deutéronome propose une motivation du commandement du sabbat sur la base d’une conception sociale. Ainsi, l’auteur indique clairement que le sabbat existe en faveur de l’homme. Et afin de renforcer le commandement de « commémorer/observer » le jour du repos, l’auteur de Dt 5,12 en donne une légitimation théologique : il faut respecter le repos du sabbat, « comme l’Éternel ton Dieu te l’a ordonné ». Que cette consigne vaille pour l’ensemble du peuple d’Israël, quelle que soit la position de l’homme, ressort après tout du fait que, contrairement au Ex 20,10, toutes les catégories sont liées les unes aux autres par la conjonction « ni » : « ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni tout ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi » (Dt 5,14).

https://journals.openedition.org/rsr/1977
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 18 Avr 2023, 13:18

Malgré une expression parfois déconcertante (il semble que l'auteur, belge, soit plutôt flamand) et un apport limité sur le sujet affiché par le titre (Jésus: l'auteur n'est pas spécialiste du NT et il ne s'engage pas vraiment dans une analyse distinctive ou comparative des évangiles, sans parler d'un rapport éventuel à l'histoire), la partie suivante (celle qui suit ton extrait, "Le Sabbat dans le judaïsme", § 21ss) présente un certain intérêt, notamment pour ses citations de l'Ecrit de Damas et des Jubilés... Mais elle n'en fait pas ressortir un aspect à mes yeux essentiel, à savoir que les positions "rigoristes" sur le sabbat ne sont précisément pas pharisiennes: à la limite, les arguments de "Jésus" que les évangiles donnent comme "anti-pharisiens" seraient plutôt "pharisiens"... ce qui n'a certainement plus aucune importance au moment où ils sont écrits, puisque les destinataires n'ont quasiment pas de rapport réel au "judaïsme pharisien" des synagogues contemporaines: celui-ci ne sert plus que d'épouvantail et peut être caricaturé jusqu'au contresens (au point de faire passer un parti plutôt tolérant pour archi-rigoriste) sans risque de démenti.

Sur ta citation, deux remarques:
- Il y a toujours un certain abus à traduire une racine hébraïque par un (seul) verbe (français p. ex.), comme s'il s'agissait de désigner un "sens premier" ou "de base" dont dériveraient tous les autres... Mais, sous cette réserve, je préférerais parler, traditionnellement, de "garder" que d'"observer" pour šmr, verbe archi-courant dont le sens est loin de se limiter à ce qu'on appelle "observance" (religieuse, rituelle, cérémonielle), et n'a d'ailleurs guère de rapport avec l'"observation": šmr, pour s'en tenir aux premières occurrences de la Genèse, c'est aussi bien l'homme qui "garde" le jardin (2,15), les keroubim qui "gardent" le chemin de l'arbre de vie (3,24), Caïn qui ne veut pas être le "gardien" de son frère (4,9)... De même "se souvenir" ou "se rappeler" serait moins restrictif que "commémorer" pour zkr, mais l'écart sémantique est moindre.
- Tout en admettant une datation post-exilique pour l'Exode, l'auteur semble supposer que le Deutéronome lui reste postérieur, puisque celui-ci s'en démarquerait de telle ou telle façon (en choisissant la référence "historique" -- ou épique, légendaire -- à l'Exode contre la référence "mythique" au repos du dieu, une motivation "humanitaire" contre une motivation sacrale, etc.). Or à mon sens le rapport chronologique des deux textes, mais aussi du premier récit de la Genèse ou du récit de l'Exode, est plus compliqué, car leur rédaction est au moins en partie parallèle, et les influences ont pu jouer dans tous les sens, autant dans celui de l'attraction ou de l'assimilation que de la répulsion ou de l'opposition. Ce qui paraît en revanche assez clair, c'est que tout le développement du "sabbat" (hebdomadaire) est post-exilique et prend progressivement de l'importance au cours de la période du Second Temple: sa présence est nettement plus marquée dans les textes tardifs (trito-Isaïe, deutéro-Zacharie, Esdras-Néhémie).  
Reste l'idée générale que les évangiles associent bien un motif "positif" au sabbat (guérison, délivrance, libération, salut), mais que ce motif est largement occulté dans l'Eglise chrétienne par la "relève" du dimanche (relire éventuellement le début de ce fil).

Je note aussi, mais ce n'est pas dans ton extrait, que l'auteur semble associer la résurrection de Jésus au sabbat (§ 3s, 32), ce qui me paraît pour le moins douteux: même si l'on peut tirer certains versets dans ce sens (je n'ai guère entendu ça que chez des adventistes), la masse de la tradition néotestamentaire milite en sens contraire, à commencer par le "troisième jour" (les "trois jours et trois nuits" inspirés de Jonas étant de toute façon incompatibles avec les autres scénarios); non seulement aucun des évangiles canoniques ne décrit ni ne date la résurrection proprement dite, mais le récit de la mise au tombeau suppose un sabbat qui commence le vendredi soir et se termine donc le samedi soir, la nuit du samedi au dimanche étant déjà le "premier jour de la semaine" (des "sabbats" en judéo-grec), soit un dimanche...
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeJeu 20 Avr 2023, 10:47

Aux prises avec cet ange dont « Fatigue » serait le nom

D’Icare à Isaïe : un Dieu secourable. Premier déplacement

Mais l’originalité biblique réside ailleurs : dans l’image d’un Dieu qui se fait secours des hommes fatigués. Et, comme corollaire, dans la perception d’une fatigue humaine qui n’est pas tant défaut ontologique qu’appel à l’intervention divine.


Car le Dieu de l’Alliance ne se contente pas de stigmatiser les hommes qui se fatiguent pour rien, ni d’affirmer sa différence d’avec l’humanité fatigable. Certes, il est Dieu éternel et comme tel il ne subit pas les humaines limites. Mais ce qui frappe dans plusieurs passages de la Bible et qui constitue une spécificité, c’est que la force divine devient ressource pour l’homme fatigué. Témoin, ce texte célèbre d’Isaïe adressé au peuple juif épuisé, parce que exilé dans l’empire babylonien du vi e siècle avant notre ère :

Ne le sais-tu pas ? Ne l’as-tu pas entendu dire ? Le Seigneur est un Dieu éternel, créateur des extrémités de la terre, il ne se fatigue ni ne se lasse, insondable est son intelligence. Il donne la force à celui qui est fatigué, à celui qui est sans vigueur il prodigue le réconfort. Les adolescents se fatiguent et s’épuisent, les jeunes ne font que chanceler, mais ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force, ils déploient leurs ailes comme des aigles, ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer (Is 40, 28-31).

Citant le cistercien Gilbert de Hoyland, Jean-Louis Chrétien montre combien nous sommes là en présence d’une conception unique de Dieu, si on la met en contraste avec l’univers grec . Il s’agit ici d’un Dieu véritablement fort, c’est-à-dire dont la force se fait surcroît et renouvellement pour celui qui en manque. Force qui n’est pas économie d’elle-même mais don, au contraire des dieux grecs dont la perfection réside dans une infatigabilité séparée et non communicative. Force préservée, non partagée ; perfection sans prise sur la vie humaine. Le Dieu de la Bible, lui, est celui qui « donne la force à celui qui est fatigué ».

Et en conséquence, ce déplacement dans la conception de Dieu entraîne un changement dans la conception de l’homme. Pour les Grecs, la fatigue constitue d’abord une distance définitive et radicale entre l’infatigable divin et l’humain limité. L’homme est finalement empêché de ressembler aux dieux, et tous ses efforts ne débouchent que sur une fatigue de retombée dont Icare constitue un symbole Tandis que l’humain biblique, lui aussi marqué par la limite, constitue en son fond une capacité à recevoir l’aide de Dieu. Au Dieu secourable correspond l’homme, différent de Dieu certes, mais ouvert à ce surcroît de force dont Dieu se fait prodigue. Paradoxale grandeur humaine qui allie les ressources propres et le dénuement reconnu : « Les jeunes ne font que chanceler, mais ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force. »

Envoyés à la fatigue ? Second déplacement

Or les changements de représentation ne s’arrêtent pas là. Avec l’apôtre Paul, on voit apparaître un phénomène étonnant et lourd de sens : la fatigue revendiquée comme signe de participation à l’œuvre de Dieu. Dans l’Ancien Testament, on vient de voir que la fatigue est assez douloureusement ressentie comme une limite, une non-possibilité ; jamais elle ne sera présentée comme marque de bénédiction divine. Tandis que l’apôtre Paul, bouillant personnage, ne se contente pas de compter pour rien les fatigues de son apostolat : il les voit et les revendique comme signe de l’authenticité de son ministère. Il se glorifie de ses fatigues « pour l’Évangile », y voyant un témoignage manifeste de sa coopération à la grâce de Dieu (Voir 2 Co 6, 5 ; 11, 27 ; Ga 4, 11 ; Col 1, 29 ; 1 Th 2, 9 ; 2 Th 3, 7-8…). Et ceci vaut non seulement pour Paul lui-même, mais encore pour l’ensemble des chrétiens qui se fatiguent pour le Seigneur. Ou, pourrait-on dire, qui se comprennent comme envoyés par Dieu, se fatiguant pour coopérer à l’œuvre de Dieu dans le monde. 

Ainsi donc, il existerait maintenant une manière de comprendre la fatigue comme un signe et comme une participation à la grâce de Dieu. Comment comprendre ce changement de ton ? Certes, il ne s’agirait pas de seulement mettre cela sur le dos du fougueux tempérament paulinien et d’en faire avant la lettre le père du burn-out catholique… N’y aurait-il pas là plutôt une trace d’un rapport nouveau à la fatigue, inauguré par la venue du Christ ?

https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2017-3-page-107.htm#re15no15
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeJeu 20 Avr 2023, 12:31

Le sujet était intéressant, et l'article commençait bien, la notation célèbre de Jean 4 me rappelant instantanément le Requiem (avec l'air de Mozart en tête): Quaerens me, sedisti lassus (à ma recherche, tu t'es assis, las). Mais j'ai trouvé la suite plutôt décevante...

A commencer par la manie qui me faisait pester il y a quelques jours encore (ici, 14.4.2023), d'opposer systématiquement le "biblique" ou le "judéo-chrétien" au "païen", grec ou autre (ton extrait, et encore plus loin "Moloch", caricature s'il en est, plus culturelle encore que "biblique"), quitte à le faire de façon contradictoire (le "dieu de la Bible" se distingue des autres tantôt parce qu'il ne se fatigue pas, tantôt parce qu'il se fatigue, parce qu'il se communique ou parce qu'il ne se communique pas, et ainsi de suite: pile je gagne, face tu perds); j'espère que J.L. Chrétien, cité à ce propos, est plus nuancé... Ce travers est peut-être d'ailleurs moins dû à un chauvinisme confessionnel qu'à une certaine paresse intellectuelle (pour rester dans les parages de la fatigue).

Comme on l'a déjà signalé ici même, le débat sur la "fatigue du dieu" traverse aussi bien l'"Ancien Testament", entre Genèse 1--2,4a et le deutéro-Isaïe par exemple: il est donc assez ridicule (et intenable) d'en faire une opposition entre l'AT et le NT, d'autant qu'on retrouverait des contradictions semblables dans ce dernier; quant à la dialectique paulinienne, elle apparaîtrait encore mieux si l'on tenait compte de l'antithèse faiblesse / puissance (astheneia / dunamis), dès la correspondance corinthienne. Par ailleurs, sur la "fatigue" il me paraît difficile d'oublier Qohéleth, non seulement parce que le champ lexical correspondant y est très présent, mais parce que toute son écriture est ostensiblement "fatiguée"...

Sur le thème du sabbat, je signale tout de même le § 42, qui paraphrase Karl Barth...

Et je repense à une formule persane (farsi) qui m'a séduit il y a longtemps, ce qu'on dit d'ailleurs aussi bien à une personne agacée, irritée, impatiente que fatiguée (cf. le provençal "tu me fatigues la patience"): khaste na bashid, proprement "ne devenez pas fatigué(e)(s)".


Dernière édition par Narkissos le Jeu 20 Avr 2023, 13:19, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeJeu 20 Avr 2023, 13:15

Citation :
Toujours est-il que le "septième jour", le jour même, "contenant" sans "contenu" puisqu'il ne s'y passe rien, n'est pas déclaré "bon" (twb, comme l'ont été successivement la lumière, la terre ferme, la végétation, les astres, les poissons et les oiseaux, les animaux terrestres), ni "très bon" (twb m'd, comme au sixième jour le "tout" avec l'humanité-image-de-Dieu), mais "sacré" (ou "saint", qdš): qualificatif sacerdotal par excellence, dont l'auteur "sacerdotal" s'était pourtant jusque-là ostensiblement abstenu. "Sacré", c'est l'essence même de la divinité dans la pensée antique en général et le vocabulaire sémitique en particulier; the stuff gods are made of. Et "béni" (brk), le jour toujours, comme l'avaient été avant lui les "vivants" aquatiques, célestes et terrestres, humains inclus.


Définition de la sainteté

Avant de parler de « terre sainte » ou de « ville sainte », commençons par définir ce que désigne la sainteté (en hébreu kédoucha). En français, le terme est synonyme de perfection, de sans défaut. Qu’en est-il pour la Torah ? La première fois que le terme y apparaît, c’est en tant que verbe au début du chapitre II de la Genèse (2,3), à propos du Shabbat, le septième jour (samedi) : « Et Dieu bénit le septième jour et Il le sanctifia. »

Abraham ibn Ezra, commentateur littéraliste, donne une exégèse qui vaudra comme définition par la suite : « Il le sanctifia par le fait que Dieu ne fit aucune œuvre comme pour les six autres jours. »

La sainteté renvoie donc à la différence, à la différenciation. Le Shabbat est sanctifié, car en ce jour Dieu n’y fait aucun travail. Par la suite nous verrons que cette notion ne s’applique pas qu’au Shabbat (le samedi), mais à l’ensemble des fêtes bibliques (moâdim ou rendez-vous) surnommées mikraé kodech, « appels de sainteté », dans la mesure où certains travaux étaient proscrits au sein de la société hébraïque.

Ainsi certains temps deviennent des réalités sanctifiées dans la Bible. Par la suite nous découvrons qu’également certaines personnes seront sanctifiées, toujours au sens de « distinguées ». Tout d’abord l’ensemble du peuple d’Israël avant la révélation du Décalogue (Exode 19,14) : « Et Moïse descendit de la montagne [du Sinaï] vers le peuple, il le sanctifia, et ils lavèrent leur vêtement. »

Le texte ne dit pas explicitement en quoi consistait cette sanctification, mais le lavage des vêtements, ainsi que l’interdiction faite aux maris de s’approcher de leurs épouses (verset 15) donnent un contenu à cette consécration.

Plus tard Aaron, le grand frère de Moïse, et ses quatre fils seront à leur tour sanctifiés. Ils inaugureront par là la lignée pontificale, celle de Cohanim (singulier Cohen = prêtre), comme nous le lisons dans le livre de l’Exode (8,30) :

Et Moïse prit de l’huile d’onction et le sang de l’autel et il aspergea sur Aaron et sur ses fils, sur ses vêtements et les vêtements de ses fils ; et il sanctifia Aaron et ses vêtements et ses fils et leurs vêtements avec lui.

Remarquons que les habits des prêtres sont sanctifiés comme le seront les éléments et les ustensiles du Sanctuaire. Par cette onction, des personnes et des objets sortiront du cadre profane et laïc pour entrer dans le domaine du service de Dieu.

Paradoxalement, nous trouvons également le terme kédécha qui désigne la « prostituée sacrée ». Il ne s’agit pas dans ce cas d’une femme publique, mais d’une femme qui aux temps antiques se consacrait à un culte idolâtre (par exemple le culte du dieu cananéen Baal). Là encore, il s’agit d’une personne qui se distingue en vouant sa vie à la prostitution sacrée (bien que la Bible à travers l’action des prophètes s’oppose à cette pratique).

En conclusion le temps peut être sanctifié, des personnes et même des objets. À chaque fois, il s’agit d’une distinction du fait que le travail est interdit ou que la conduite commune est modifiée, mais en aucun cas, il s’agit d’une sainteté au sens totémique ou animiste du terme.

https://www.cairn.info/revue-transversalites-2011-3-page-45.htm
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeJeu 20 Avr 2023, 14:06

Je suis en désaccord à peu près total avec cet article (où je retrouve, cette fois du côté du judaïsme [rabbinique, c.-à-d. post-pharisien et anti-sacerdotal, qu'il en soit ou non conscient], la même attitude d'opposition systématique et surfaite au "paganisme" que je dénonçais dans mon post précédent), sur la définition de la "sainteté biblique" et sa distinction (à mon sens tout à fait artificielle) du "sacré" ("païen"). C'est un sujet qui déborde largement la question du "sabbat" et du "repos", nous en avons souvent parlé bien que nous ne lui ayons apparemment pas consacré (!) de fil. Je sais par ailleurs l'importance de cette distinction saint / sacré dans toute une tradition philosophique qui m'importe (Levinas et ses nombreuses suites, d'ailleurs plus chrétiennes ou laïques que juives), mais mon rapport aux textes et aux langues "bibliques" et connexes y résiste: en deux mots, l'usage hébreu de la racine qdš est tout à fait semblable à celle des langues voisines (ougaritique p. ex.), et il s'agit bien de ce qu'on appelle "sacré", soit l'essence ou la nature même du "divin"; les "saints", ce sont les "dieux", mais le "saint" ou le "sacré", c'est plus radicalement ce qu'on appellerait aussi en latin le numen, "numineux" en-deçà de toute personnification ou individuation des "dieux" -- soit à peu près ce qu'une théorie évolutionniste des religions, "judéo-chrétienne" et "européo-centrée", décrit avec condescendance comme "animisme" primitif; c'est ce que je suggérais de façon trop allusive dans ta citation, en parodiant la fameuse formule qui conclut le Faucon maltais, (the kind of stuff gods [au lieu de dreams] are made of, elle-même inspirée de Shakespeare, La Tempête: We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep.). Par rapport à cette essence archi-positive du "sacré", les aspects négatifs (distinction, différence, séparation, mise à part, du "sacré" et du "profane" et a fortiori de l'"impur") sont des conséquences, secondes par définition.

Il est d'autant plus remarquable que l'essence même du "divin" coïncide, dans le sabbat de Genèse 2,1ss, avec un retrait du divin (repos comme inactivité et comme silence, par rapport à un dieu qui a créé en parlant, quoique "bénir" soit encore verbal -- sinon comme absence). Mais il ne faut pas, à mon avis, réinscrire ce paradoxe qui est le fait du texte dans le dictionnaire, pour faire du "sacré" en soi un mot de sens négatif -- ce qui aurait pour effet immédiat de transformer le paradoxe du texte en tautologie. Au passage, la notion (sacerdotale) de "séparation" est très présente dans le premier chapitre de la Genèse (le jour / la nuit, les eaux d'en haut / d'en bas, la terre / la mer, etc.) et c'est une tout autre racine hébraïque, bdl.
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeVen 21 Avr 2023, 10:49

« Mon Père travaille toujours », Jean, 5, 17 et la tradition des Logia de Jésus 

« MON PERE TRAVAILLE TOUJOURS »

Jn 5, 17 et la tradition des Logia de Jésus
Jn 5, 17 Mais Jésus leur répondit :
Mon Père travaille toujours,
moi aussi, je travaille.
18 C'est pourquoi, donc, les Juifs cherchaient davantage à le
tuer
parce que non seulement il rompait le sabbat,
mais aussi parce qu'il faisait Dieu son propre Père,
se faisant lui-même égal à Dieu.
19 Jésus répondit donc et leur dit :
Amen, amen, je vous dis,
le fils ne peut rien faire de lui-même
sinon ce qu'il voit le Père faire ;
car les choses que celui-là fait,
le fils les fait aussi semblablement.
20 Car le Père aime le fils
et il lui montre tout ce qu'il fait ;
et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci
afin que vous vous étonniez. 

IV. Un hébraïsme, é'wc dpTi 

Si donc l'on admet que l'hébreu 'od est à l'origine du etoc dpn de Jn 5, 17, cela a pour première conséquence que la phrase devient intelligible dans le cadre du débat sur le sabbat : « mon Père travaille toujours, sans interruption » fait sens, davantage que « mon Père travaille jusqu'à maintenant » qui semble suggérer que le Père, maintenant, s'arrête de travailler ! On peut en tirer une deuxième conséquence, c'est que la phrase tout entière aurait une origine sémitique et qu'elle aurait des chances de remonter à une tradition ancienne.

 On peut donc tenter d'en faire une lecture en-deçà de l'interprétation théologique élaborée dans le chapitre de Jn 5, en s'efforçant de rester dans le cadre de la parabole du père et du fils ou des deux fils : 

« Quand un père travaille sans interruption, (il est normal que) le fils travaille de même »

Une telle métaphore un peu neutre peut être tirée du côté du sabbat (cf. Jn 5, 18) dans le même sens que la parole de Jésus selon Mc 3, 4 : « Est-il permis de faire du bien ou de mal faire le sabbat ? » ; ceci sous-entendait que si le père travaille sans interruption, c'est pour faire du bien, à savoir son œuvre de création et de vie. Alors il est non seulement permis mais requis que le fils fasse de même.

Les deux phrases que nous avons ainsi reconstituées, l'une liée à la parabole des deux fils, l'autre en rapport avec la polémique sur le sabbat, se révèlent ainsi très proches l'une de l'autre par leur langage et par leur tonalité :

« Quand il travaille (quand il effectue l'ordre du père), un fils fait la volonté du père ». « Quand un père travaille sans interruption, le fils travaille de même ». 

Ceci dit, telle qu'elle est, la formulation du logion de Jn 5, 17 est autre ; elle tire clairement en direction de l'interprétation théologique de l'ensemble du chapitre de Jn 5, interprétation du Père par Dieu et du fils par Jésus ou je :

« Mon Père travaille sans interruption, moi aussi je travaille ». 

https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1995_num_69_1_3296
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Narkissos

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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeVen 21 Avr 2023, 13:23

Je n'ai plus aucun intérêt pour cette recherche de l'hébreu ou de l'araméen "derrière" le grec des évangiles, le quatrième encore moins que les trois autres; ç'a été une mode dans les années 1970-80, par un retour de balancier de l'anti- en philo-sémitisme, témoin notamment Tresmontant (cité par le rabbin précédent) et Chouraqui que j'ai beaucoup lus à ma sortie du jéhovisme, mais que j'ai vite abandonnés ensuite. Pas davantage pour ce qui va souvent de pair, la quête des "vraies paroles" (ipsissima verba) d'un "Jésus historique" (qui aurait pu parler le grec autant que l'araméen, mais sûrement pas l'hébreu même s'il avait su le lire) à travers des textes d'une autre époque, manifestement pensés en grec (surtout le quatrième évangile encore, avec ses jeux de mots qui ne fonctionnent qu'en grec, p. ex. anôthen = de nouveau / d'en haut au chap. 3): même si c'est un "judéo-grec", et d'un usage extrêmement simple pour l'évangile "selon Jean", il n'en est pas moins la langue principale, probablement maternelle, des auteurs. Ce qu'on appelle des "hébraïsmes" ou des "sémitismes" sont le plus souvent des "septuagintismes", c'est-à-dire des tournures inhabituelles par rapport au grec classique ou même à la koinè dans son ensemble mais installées depuis près de trois siècles dans l'usage des juifs hellénophones, qui lisent ou entenden la "Septante" (Septuaginta), elle-même produit du grec parlé par la communauté juive d'Alexandrie. En l'occurrence la tournure de Jean 5,17 n'a rien d'inhabituel (eôs arti = jusqu'à présent, là où l'hébreu dirait plutôt "jusqu'à ce jour"; `od en tout cas serait beaucoup plus vague, correspondant grosso modo à notre "encore", ou à eti en grec; cf. le même eôs arti 2,10; idem chez "Paul" qu'on ne peut guère soupçonner de "penser en hébreu", 1 Corinthiens 4,13; 8,7; 15,6 etc.).

Indépendamment de ces (faux) problèmes linguistiques et historiques, il y a bien tension entre ce texte et l'idée du "repos de Dieu", telle qu'elle s'exprime dans la Genèse et qu'elle a aussi été renouvelée par le judaïsme et le christianisme hellénistiques (cf. l'épître aux Hébreux). Mais, comme on l'a signalé précédemment, cette tension existe déjà dans la Bible hébraïque, avec le deutéro-Isaïe (40,28)... Dans le quatrième évangile elle se résout tout autrement, il suffit de suivre la chaîne du "travail" ou de l'"oeuvre", ergon, ergazomai etc.: cf. p. ex. v. 20,36; 3,19ss; 4,34; 6,27ss; 7,3.7.21; 8,39.41; 9,3s; 10,25.32s.37s; 14,10ss; 15,24; 17,4.

---

Je reviens sur la discussion d'hier matin, à propos de l'article de B. Dumas (2017), qui m'a déçu à proportion même de l'intérêt que je portais à son sujet, sujet qui est pour moi le sujet même, de la grammaire à la philosophie: sub-jectum, hupo-stasis, ce qui est jeté ou placé au-dessous, proprement sub/posé, et de là sub/porterait tout, action, réaction, interaction, passion, compassion, et aurait de bonnes raisons de s'en fatiguer. La "fatigue d'être soi" (Ehrenberg), individu, personne ou personnage, personnalité ou caractère, âme ou conscience, identité et ipséité d'une mémoire et d'une histoire singulières, mais aussi toujours déjà et encore collectives, soi et entre-soi des familles, classes sociales, peuples, nations, langues, civilisations, religions, cultures, et finalement de l'espèce même, tout cela culmine peut-être à notre époque, sur une Terre saturée d'humanité, de même et de semblable, où le lointain ne se distingue plus du prochain, et finira sans doute par exploser ou imploser, mais nous n'en avons pas encore tout vu... Et pourtant elle vient de loin, cette "fatigue de soi", d'aussi loin qu'il y a du soi et de l'homme, de la réciprocité et de la réflexivité, du miroir: toute écriture en porte la trace.

Les dieux d'ailleurs n'y échapperaient pas, pour peu qu'ils aient aussi l'être spéculaire et se sub/posent en "sujets" par retour de miroir... Quand le dieu voit son image, il va se coucher, tout un programme.
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MessageSujet: Re: S(h)abbat, ou le non-événement du samedi   S(h)abbat, ou le non-événement du samedi - Page 2 Icon_minitimeMar 25 Avr 2023, 16:58

Une maison de prière pour tous les peuples

Ainsi parle le SEIGNEUR : Veillez à l'équité, agissez selon la justice ; car mon salut est près d'arriver, ma justice est sur le point de se dévoiler.
Heureux l'homme qui fait cela, l'être humain qui s'y tient, observant le sabbat, pour ne pas le profaner, et gardant sa main de toute action mauvaise !
Que l'étranger qui s'attache au SEIGNEUR ne dise pas : Le SEIGNEUR me séparera de son peuple ! Que l'eunuque ne dise pas : Je suis un arbre sec !
Car voici ce que dit le SEIGNEUR aux eunuques qui observent mes sabbats, qui choisissent ce à quoi je prends plaisir et qui demeurent fermes dans mon alliance :
Je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un monument et un nom meilleurs que des fils et des filles ; je leur donnerai un nom pour toujours, il ne sera jamais retranché.
Quant aux étrangers qui s'attacheront au SEIGNEUR afin d'officier pour lui, qui aimeront le nom du SEIGNEUR au point de devenir ses serviteurs, tous ceux qui observeront le sabbat en se gardant de le profaner, et qui demeureront fermes dans mon alliance,
je les amènerai dans ma montagne sacrée et je les réjouirai dans ma maison de prière ; leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel ; car ma maison sera appelée« Maison de prière pour tous les peuples ».
Déclaration du Seigneur DIEU, qui rassemble les bannis d'Israël : J'en rassemblerai d'autres avec les siens déjà rassemblés (Es 56,1-Cool.


Un signe perpétuel d’une alliance éternelle pour tout le monde

Rattaché à la création, le sabbat en Exode 31 est qualifié de signe perpétuel d’une alliance éternelle (vv. 16-17). L’ordonnance sabbatique remonte à l’origine, à la création du monde, à l’exemple du Créateur lui-même (Ex 20.11; Gn 2.2-3). Le jour du repos de Dieu n’a pas de limite dans le temps. Ce jour ne s’achève pas comme les six autres qui, dans le récit, culminent par la formule: « Il y eut un soir et il y eut un matin; ce fut le énième jour. » Calvin qualifie l’exemple du repos de Dieu comme « une règle perpétuelle » (commentaire sur Gn 2.3).

Ce jour a également une portée universelle. L’observance du sabbat, dit Calvin, n’est pas pour un âge ni pour un peuple, mais est commun à tout le genre humain (commentaire sur Gn 2.3).

Avec son signe, cette alliance a été établie, selon Esaïe, avec l’humanité, les fils d’Adam, les Israélites, les étrangers, voire tous les peuples qui s’attachent à l’Eternel (56.2, 6-7). Esaïe 56.1-8 a en vue l’intégration des nations au nouvel Israël et les bénédictions de la nouvelle alliance dont elles bénéficieront. La stipulation dont la jouissance des bienfaits dépend est l’observance du sabbat (v. 2). En effet, le respect du sabbat est le signe par excellence de l’attachement au Seigneur de l’alliance (vv. 4-7). Ces non-Israélites, avec le reste d’Israël, loueront le Seigneur dans le temple appelé « maison de prière pour tous les peuples » (v. 7). Observer ce signe, dans la maison de prière, est la manière pour tout le peuple de Dieu de garder l’alliance (Es 56.6-7, 66.23; Ez 20.12, 20; Mt 21.13).

https://larevuereformee.net/articlerr/n242/des-meditations-sur-la-pertinence-du-sabbat-pour-le-chretien
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