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+3le chapelier toqué Narkissos free 7 participants | |
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Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 22 Fév 2017, 22:56 | |
| C'est amusant, si l'on peut dire, parce qu'on a là une critique du FN (pas seulement celui de Marine, déjà celui de Jean-Marie) par sa droite: aux yeux des "vrais" nationalistes, il ne serait pas assez ni même vraiment nationaliste, parce qu'il lui manquerait notamment le critère "racial" (indo-européen = aryen, donc pas d'ascendance juive ni arabe ni extra-européenne en général -- ce qui laisse planer un certain doute sur la pureté ethnique de tous les "Français de souche" qui ont eu des ancêtres au sud de la Loire, y compris Bonaparte, sans parler des DOM-TOM). On est clairement là dans un racialisme d'inspiration nazie (même les fascismes d'Europe du Sud se sont montrés réticents sur ce terrain, et pour cause). De plus, les critères "politique" et "spirituel" signent un vrai totalitarisme: il ne suffirait pas d'être de race pure, il faudrait être pur dans sa tête pour être "vraiment Français"... Paradoxe d'un amour de la patrie qui commence par en exclure la quasi-totalité de ses compatriotes.
Pour revenir à une pensée assurément plus agréable, celle de Ricoeur, je voudrais noter ceci: tout le discours moral ou éthique, raisonnable et bienveillant, sur le devoir d'hospitalité et d'accueil, sa difficile et nécessaire mesure, s'adresse à ceux qui se sentent "chez eux", même s'ils ont quelque raison de s'interroger (un peu, pas trop) à ce sujet. Aux "citoyens" qui ont effectivement une place et des droits assurés dans la cité, y compris celui d'accorder ou non une place et des droits à d'autres (on ne méditera jamais assez la synonymie étymologique citoyen-citadin-bourgeois). Il n'a rien à dire, ce discours-là, à ceux qui sont a priori sans droit parce qu'ils ne sont pas du tout "chez eux". Ceux-là qui n'ont d'autre souci que leur survie, légale ou illégale, morale ou immorale, sont livrés à la violence pure et à l'arbitraire, fût-il relativement bienveillant et généreux, d'un Etat de droit dont le droit et la logique leur échappent en tout état de cause. (Je repense à ce sujet à deux films de Nicolas Klotz, La blessure et Low life, qui montrent assez bien ce tout autre point de vue.) |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 23 Fév 2017, 12:35 | |
| La Blessure réalisé par Nicolas Klotz Très remarqué lors du dernier festival de Cannes, où il était présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs, La Blessure est un film fleuve qui aborde frontalement la question tabou de l’immigration et des difficultés d’intégration. Sa résonance politique, ses partis pris de mise en scène, son propos et le regard porté par le réalisateur sur ses acteurs en font une œuvre impressionnante et incontournable.
La blessée, c’est elle, Blandine (Noëlla Mossaba). Noire, africaine, congolaise, et tout juste débarquée de l’avion sur le sol français pour retrouver son mari, Papi. Sa première vision du pays des Droits de l’Homme est celle de la zone d’attente de l’aéroport réservée aux demandeurs d’asile. Un espace froid, brut, insalubre et inhospitalier. Une zone de détention plus qu’une zone d’accueil. Une zone de non-droit dont l’accès est, aujourd’hui encore, interdit aux journalistes. Blessée à la jambe lors d’une tentative de retour forcé à l’avion par la police des frontières, elle est confrontée, impuissante, à la violence verbale et morale des autorités françaises. Niée, humiliée, méprisée comme tant d’autres demandeurs d’asile, elle se réfugie peu à peu dans son silence.
Car les blessés, ce sont aussi tous ceux-là. Ces hommes et ces femmes qui ont fui leur pays, ses violences et sa misère pour recommencer une nouvelle vie ailleurs, en France. Espérant trouver refuge, ils se heurtent violemment au mur de l’indifférence et, pire, du déni. Un rejet mécanique, forcément violent, mais inhumain parce que systématique. Sur ce plan, surtout, le film est sans appel. Le malaise grandit puis s’installe à la vue de ces policiers-robots qui exécutent des ordres imposés par les quotas en faisant abstraction de leur propre humanité. Tutoiement immédiat, ton brutal, intimidation, gestes brusques, ordres assénés comme des couperets « Déshabille-toi ! » et dans leurs yeux cette distance qui déshumanise Blandine et ses « compagnons ». Le tout filmé en plans fixes, parfois très serrés, sans musique ni pathos galvaudé. Nicolas Klotz travaille sur la durée. Et filme presque en temps réel toute cette première partie, si pénible et révoltante. Chaque plan fait sens. Le cadre, toujours fixe, précède les entrées et perdure au-delà des sorties de champ. Sa caméra reste toujours spectatrice, telle un témoin. Sans esbroufe inutile, il soigne l’image, varie les cadres et les effets de flous ou de reflets, et utilise à dessein le hors champ, processus pas si fréquent au cinéma.
http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/la-blessure/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 23 Fév 2017, 13:28 | |
| [Ce que j'avais particulièrement apprécié (et que pas mal de critiques avaient détesté) dans Low Life, c'est le passage inattendu au registre "fantastique" ou "magique" (la lettre de refus d'asile ou d'arrêté d'expulsion comme objet mortifère, sa conjuration magique par une cérémonie de genre vaudou) qui m'a semblé une expression géniale de ce rapport au droit comme violence pure pour ceux qui n'ont, de fait, pas accès au droit et à ses "raisons" juridiques ou morales. (Le cinéma de Nicolas Klotz et d'Elisabeth Perceval est d'ailleurs en dialogue quasi constant avec la philosophie, en la personne d'un interlocuteur de choix, Jean-Luc Nancy.)] |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 24 Fév 2017, 13:49 | |
| Je ne nie pas les difficultés que peuvent engendrer l'accueil des "réfugiés" en France, mais je trouve déplorable d'en faire une récupération politique qui pousse à la haine et au rejet. N'oublions pas que l'occident a une part de responsabilité dans la misère qui touche les pays du sud, avec un passé colonial qui a exploité ces pays, phénomène qui est toujours d'actualité. Signalons que de nombreux réfugiés fuient des guerres que des pays occidentaux ont déclenché, Irak (et ses prétendues armes de destructions massives), la Syrie (au nom de la démocratie) et la Lybie (pour protéger des populations qui ont été aussitôt abandonnées à la guerre civile au momen tde la mort de Khadafi). La situation des réfugiés mérite une réflexion globale, sans récupération politique et qui préserve les équilibres. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 24 Fév 2017, 15:08 | |
| D'un autre côté, c'est bien la manie de la "réflexion globale", aussi vieille que les plus vieux concepts d'Etat, de nation ou d'empire, mais aussi de guerre, de stratégie et de négociation, d'alliance et de coalition, aussi vieille que le "monde" en somme, mais singulièrement aggravée dans et à partir de la modernité occidentale en voie de "mondialisation" ou de globalization, qui est derrière la totalité de ces enchaînements catastrophiques. La "réflexion globale" n'autorise que la fuite en avant dans la "réflexion globale", d'autant plus étrangère aux destins individuels qu'elle prétend s'en occuper et les prendre en charge. Il n'y a pas d'issue à la "réflexion globale" sans un saut hors de la "réflexion globale", autrement dit dans une forme d'"irresponsabilité globale" qui est précisément impossible à une "réflexion globale".
Une des observations qui a souvent été faite ces derniers temps est que les gens réagissent généralement d'une manière beaucoup plus accueillante aux migrants qui leur arrivent concrètement que tous les porteurs de "réflexion globale", malgré l'interaction délétère des idéologies xénophobes ("globales" aussi à leur manière). Si "on" (= la réflexion globale) les laissait faire, ce serait assurément irresponsable et ça n'irait pas sans drames, mais serait-ce pire que les drames si bien déchaînés et si mal "contrôlés" par la réflexion globale ?
[La réflexion globale, c'est une assez bonne définition du logos (-> ratio -> raison). Ce qu'on désigne et conteste aujourd'hui sous le nom de logocentrisme, c'est la Raison conçue à la manière d'un Père, d'un Souverain ou d'un Dieu unique qui gouvernerait ou régirait le monde depuis une place centrale, fût-elle "symbolique" -- un trône est toujours "symbolique", même quand il est réel; quand ce n'est plus le trône d'un roi ou d'un empereur, c'est le siège d'une assemblée ou d'une organisation internationale, même physiquement délocalisée ou virtualisée; c'est toujours un "lieu" central d'où l'on pourrait mener une "réflexion globale" et prendre des décisions "globales". Cette conception centralisée de la politique (y en a-t-il une autre ? de la politique ?) est fortement concurrencée par la structure du "réseau" qui fait précisément l'économie du centre, qui fonctionne sans aucun centre, en décidant partout et nulle part -- ça paraît nouveau mais c'est aussi vieux comme le monde: c'est la structure du marché censé se réguler tout seul sans décision "centrale", c'est aussi la structure des langues qui se forment et se transforment sans aucune décision "centrale"; le logos a depuis toujours anticipé ce dé-placement, cette dé-localisation ou ce dé-centrement, cf. le logos spermatikos, semé et disséminé, du stoïcisme. Mais pour qu'une telle structure fonctionne vraiment, sans réflexion ni décision centrale, il faudrait précisément que tous les acteurs décident en fonction de leurs interactions immédiates, sans se laisser surdéterminer ou parasiter par une "réflexion globale" qui n'est précisément pas leur affaire et qui ne serait, dans ce cas, celle de personne. Or bien sûr ce n'est pas le cas, parce que du "centre" subsiste, pour le meilleur et pour le pire, et parce que même vidé et désaffecté de tout pouvoir effectif il n'en finirait pas pour autant de hanter le "réseau" comme le spectre du roi ou l'esprit du Dieu défunt.] |
| | | SARAI-ESTELLE
Nombre de messages : 132 Age : 70 Date d'inscription : 15/02/2010
| Sujet: Re: inter-minables Lun 27 Fév 2017, 00:23 | |
| Bonsoir à tous, Vos remarques sur les "inter-minables" sont très intéressantes..un peu surprenantes sur ce ce site "être chrétien" mais très transposables..au système TJ...les allégations des candidats à la justice l honnêteté...les promesses...et tout ce que nous savons maintenant...et les partisans toujours fidèles au collège central excusant tout !! Comme quoi religion ou politique même combat! cordialement ! |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Lun 27 Fév 2017, 13:29 | |
| - Citation :
- Une des observations qui a souvent été faite ces derniers temps est que les gens réagissent généralement d'une manière beaucoup plus accueillante aux migrants qui leur arrivent concrètement que tous les porteurs de "réflexion globale", malgré l'interaction délétère des idéologies xénophobes ("globales" aussi à leur manière). Si "on" (= la réflexion globale) les laissait faire, ce serait assurément irresponsable et ça n'irait pas sans drames, mais serait-ce pire que les drames si bien déchaînés et si mal "contrôlés" par la réflexion globale ?
Effetivement, des réfugiés ont été accuiellis chaleureusement dans des villages et facilement intégrés, sans "réfléxion globale". À la question " Pensez-vous qu’il faille protéger les personnes qui fuient la guerre et les persécutions ? ", la majorité des français répondent, "oui", mais dans le même temps, la présence de ces réfugiés, inquiète et fait peur. Peut-on imaginer dans notre pays, que l'accueil des réfugiés soit du ressort et de la responsabilité des citoyens et non d'une autorité centrale ?J'aimerais attirer votre attention sur une décalration de Marion Maréchal Le Pen :«Je suis Française de souche.» Cette phrase, Marion Maréchal-Le Pen l’a déjà affirmée à plusieurs reprises. Interrogée sur ces propos sur BFM TV ce matin, la députée Front national renchérit : «Je suis d’origine franco-française. Voilà, je n’ai pas d’origine étrangère.» Elle affirme ne pas voir en quoi ces termes puissent être «un gros mot». Marion Maréchal-Le Pen affirme toutefois ne pas dissocier les «Français de souche» des «Français d’origine étrangère», déplorant que «la France soit devenue une usine à fabriquer des Français de papiers».http://www.liberation.fr/video/2015/07/09/marion-marechal-le-pen-je-suis-francaise-de-souche-je-ne-vois-pas-en-quoi-c-est-un-gros-mot_1345318 |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2602 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: inter-minables Mar 28 Fév 2017, 12:03 | |
| Rien n'est permanent, les choses vont et viennent. Ainsi avant la première guerre mondiale il était facile de se déplacer d'un pays à un autre, très souvent il n'était pas exigé de passeports, de papiers d'identité, et la guerre arriva (et nous voilà ce soir [comme le chantait Jacques Brel] modifiant toutes les habitudes.
Dès lors le voisin italien, français ou allemand devenait un ennemi, dans le meilleur des cas il n'était plus un ami. L'entre deux guerre ne modifia pas les nouveaux usages des papiers d'identité. On justifia cette obligation pour des raisons de sécurité.
Ainsi lorsque Marion Marechal-Le Pen parle de français de papier elle utilise un argument qui sonne un peu faux, en effet c'est en obligeant les hommes et les femmes à prouver leur identité par le biais de papier que l'on a créé des français de papier. D'ailleurs que peut bien signifier cette expression alors que l'on peut se déplacer librement sans trop de difficulté à travers l'espace Schengen.
La méfiance, la haine de l'autre n'ont jamais représenté des garanties de sécurité et n'ont jamais créé de société plus intelligente; elles n'ont fait que de produire des sociétés intolérantes, peu égalitaires. Notre histoire est remplie de pogroms, de massacres de personnes ne pensant pas comme l'ensemble d'une population. Les juifs ont été massacrés consciencieusement lorsque des conflits opposaient catholiques et protestants. Les guerres de religions ont entachés l'Europe peu de temps après la renaissance. Allons-nous recommencer, allons-nous assister à des conflits inutiles autant que dégradants la condition humaine?
Beaucoup accusent le parti socialiste, voire le gouvernement actuel d'être responsable de la cavale contre François Fillon, pour ma part je pense qu'il faudrait se tourner du côté de l'extrême droite et se rappeler des méthodes utilisées aux cours des années noires des années 1930 par les partis de cette tendance. Que François Fillon se prétendant le chevalier blanc voulant restaurer la pureté au sein du monde politique se prenne les pieds dans le tapis serait presque comique s'il n'avait pas présenter un programme exigeant des efforts et des sacrifices de la part des françaises et des français; mais après tout est-ce si surprenant qu'un personnage politique dise une chose et pratique le contraire? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Sam 04 Mar 2017, 13:59 | |
| Notre concept solidifié d'Etat-nation-pays-patrie, symptomatiquement "indivisible", à l'échelle du territoire que nous lui associons aujourd'hui comme si elle allait de soi (et qui permet accessoirement à une Maréchal-Le Pen de "représenter" le Vaucluse avec des patronymes "de papiers" assez peu provençaux), n'est pourtant pas vieux: quatre à cinq siècles pour la "France", à peine plus d'un pour l'"Italie". C'est lui cependant qui s'est universalisé par l'histoire des colonisations et décolonisations pour constituer l'élément de base de notre vision "inter-nationale" du "monde". Universalisation rétrospective aussi: "l'histoire de France" de notre imaginaire englobe comme telle la féodalité médiévale, "régionale" et "européenne" si l'on veut mais sûrement pas "nationale" au sens où nous l'entendons, sans parler de "nos ancêtres les Gaulois". On peut bien être convaincu que ce concept a fait son temps, qu'il n'a aucun avenir, sans être pour autant capable de penser le "monde" (aujourd'hui l'articulation du "local" et du "planétaire", qui court-circuite de partout les Etats-nations) sans lui. Et dans une telle époque d'incertitude, ce sont les affirmations les plus sottes, les plus aveugles et les plus bruyantes du concept menacé (la nation dans le nationalisme) qui paraissent les plus rassurantes, parce qu'elles se réfèrent à du "connu" et promettent de le prolonger, voire de le pérenniser, en conjurant (de façon purement "magique" au fond) ce qui le menace effectivement. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2602 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: inter-minables Dim 05 Mar 2017, 21:18 | |
| Pour sa défense François Fillon proclame à qui veut bien l'entendre, cet après-midi à Paris par exemple, qu'il est l'unique candidat officiel de la droite puisque c'est lui qui a gagné la primaire de la droite. C'est tout à fait exact et on ne peut lui enlever ce qu'il a acquis de haute lutte, peut importe ce que l'on pense de sa personne et de son programme.
Ce que le malheureux n'a pas compris ou feint de ne pas comprendre, c'est que la pratique d'employer des membres de sa famille au titre d'assistants parlementaires bien que légale choque de par le montant des salaires versés, alors que dans son programme il a évoqué des sacrifices pour les français et les françaises. Pourquoi n'a-t-il pas dès les premiers jours au moment de l'éclatement du scandale pris la peine de se mettre de côté de façon à laisser son camp choisir un candidat pouvant se présenter à sa place? Il aurait pu ainsi dire qu'il désirait faire toute la lumière sur l'affaire le concernant, rien ne prouve que la justice l'aurait condamné et il se serait trouvé libre de poursuivre son chemin. Mais non il s'est entêté et de ce fait plonge la droite ou plutôt les droites dans un chaos dont elles ne sortiront pas grandies.
Certes, on ne refait pas l'histoire mais il faut bien l'avouer ce moment de politique ne grandit pas la classe des hommes et femmes politiques. Elle nous montre un homme fort de son bon droit demeurer sourd aux appels de détresse de son camp. Il perd une part de sympathie de nombreux électeurs et électrices, même s'il conserve un dernier carré de partisans et tout ce qui paraissait bien impossible semble désormais possible. La suite de feuilleton promet d'être intéressante à tel point que l'on risque bien de perdre de vue les élections législatives... |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Lun 06 Mar 2017, 01:35 | |
| - le chapelier toqué a écrit:
- Ce que le malheureux n'a pas compris ou feint de ne pas comprendre, c'est que la pratique d'employer des membres de sa famille au titre d'assistants parlementaires bien que légale choque de par le montant des salaires versés, alors que dans son programme il a évoqué des sacrifices pour les français et les françaises.
Plus que le recrutement et les salaires (à la discrétion du parlementaire-employeur), ce qui pose problème c'est le gros soupçon du caractère fictif des emplois, très largement alimenté depuis le début de l'affaire par les déclarations de la principale intéressée qui n'avait pas du tout l'air au courant (bien qu'elle dise aujourd'hui le contraire) et des proches qui tombent des nues en apprenant l'existence desdits "emplois". Un soupçon que même un non-lieu judiciaire n'est pas de nature à effacer, bien que l'hypothèse soit probable: difficile en effet à un tribunal de faire la preuve d'un non-travail; or c'est bien dans ce sens-là que fonctionne juridiquement la charge de la preuve, qui incombe entièrement à l'accusation, en vertu de la présomption d'innocence -- ce n'est ni aux employés ni à l'employeur de produire la preuve d'un travail effectif: le clan Fillon s'est encore inutilement compliqué la tâche dans les premiers temps en tentant d'apporter de telles preuves (apparemment dérisoires) alors que rien ne l'y obligeait. On n'est pas comme dans d'autres affaires d'emplois fictifs où les gens travaillaient réellement à d'autres postes que ceux qu'ils occupaient officiellement (par exemple pour le RPR ou le FN quand ils étaient employés d'une collectivité locale ou de l'assemblée européenne), leur travail effectif laissant forcément des traces. La tactique doublement ruineuse consistant à escompter un blanchiment "moral" d'une procédure judiciaire, puis à récuser celle-ci, n'aura fait qu'aggraver le soupçon "moral" -- ce dont les partisans inconditionnels se contrefichent, certes, mais pas la marge décisive de l'électorat nécessaire à une victoire électorale. Au point où ils en sont, il me semble que les stratèges de LR ont tout intérêt à faire une croix sur l'élection présidentielle, à laisser leur candidat aller effectivement jusqu'au bout (du premier tour) sans s'engager trop bruyamment ni pour ni contre, et à tenter de sauver leurs sièges aux législatives. Ça ne fera qu'accélérer un peu l'érosion de l'Etat-spectacle, inexorable de toute façon... |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mar 07 Mar 2017, 17:59 | |
| - Citation :
- Au point où ils en sont, il me semble que les stratèges de LR ont tout intérêt à faire une croix sur l'élection présidentielle, à laisser leur candidat aller effectivement jusqu'au bout (du premier tour) sans s'engager trop bruyamment ni pour ni contre, et à tenter de sauver leurs sièges aux législatives. Ça ne fera qu'accélérer un peu l'érosion de l'Etat-spectacle, inexorable de toute façon...
Narkissos, le bureau politique de LR t'a entendu , avait-il bien le choix ? Que nous apprennent les procès-verbaux sur le travail de Penelope Fillon ?Sa mission : Penelope Fillon a détaillé aux enquêteurs l'étendue de sa mission : "J'ouvrais le courrier arrivant à mon domicile, je le triais, je réfléchissais à ce que l'on pouvait faire pour y répondre..." Elle ne se rend pas à l'Assemblée nationale, mais exerce chez elle, dans la Sarthe, "soit la semaine à Paris", indique les procès-verbaux. "Je m'occupais essentiellement des contacts avec la Sarthe." Syvie Fourmont, assistante de François Fillon indique pour sa part que Penelope Fillon lui "fait réserver les dates pour lesquelles son mari doit être présent... Elle décide qu'il doit participer à tel ou tel événement". Enfin, elle "apprend la circonscription" à Marc Joulaud en devenant son assistante, assure ce dernier.Son salaire : Ancienne assistante parlementaire de François Fillon, Nathalie Blain, assure"qu'en 1998, [sa] rémunération a été diminuée de moitié pour permettre la rémunération de Mme Fillon", lit-on dans le Journal du Dimanche. Quant à Marc Joulaud, il est interrogé sur l'augmentation de salaire de l'épouse de François Fillon, lequel passe de 3 200 à 6 200 euros mensuels, soit "les deux tiers de l'enveloppe". "C'était dans la continuité [de ce qu'elle percevait avec son mari]", explique-t-il, toujours selon les procès verbaux. "De fait, oui, c'est François Fillon qui a fixé le niveau de rémunération de son épouse..."https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/que-nous-apprennent-les-proc%C3%A8s-verbaux-sur-le-travail-de-penelope-fillon/ar-AAnObpt
Sans accabler Pénélope FILLON, on reste q dubitatif devant la description de son "travail", surtout quand on le compare à sa rémunération. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 02:31 | |
| Le problème que je trouve le plus inquiétant est celui que Juppé a désigné sous le nom de "radicalisation" de la base électorale de Fillon, dans une analyse qui m'a paru très juste.
Ce qui me semble laisser deux ou trois scénarios plausibles: 1) Fillon est éliminé au premier tour et une majorité de ses électeurs voteront Le Pen au second, comme ils menaçaient déjà de le faire au premier tour si on leur retirait leur "champion"; ça ne suffira peut-être pas à faire élire Le Pen, mais ça sera au mieux du 55/45 et non du 65/35 pour Macron; 2) Macron s'effondre, Fillon se qualifie au second tour et l'emporte sur Le Pen, mais il ne pourra gouverner que sous le contrôle (au moins officieux) du FN; 3) devant cette perspective, le dégoût sera trop fort pour que le réflexe "républicain" suffise à faire gagner Fillon et Marine sera (enfin) présidente -- je n'y crois pas trop, mais au point où on en est je ne peux plus l'exclure.
Préfère-t-on au fond son monde "bon" ou "mauvais" ? Voilà une question à laquelle il me paraît extraordinairement difficile de répondre, si ce n'est en fait et "inconsciemment". |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2602 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 11:50 | |
| Après le vote favorable au "Brexit" , l'élection de Donald Trump tout peut sembler possible. Cette présidentielle intéresse énormément les Suisse "francophones", surtout par son côté déjanté. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 15:00 | |
| L'élection de Trump paraît effectivement bien plus "grave", à de nombreux points de vue, que tout ce qui peut arriver en politique française. Et c'est bien cet effet d'allégement relatif et soudain des enjeux (pire, sinon le pire, est déjà arrivé) qui rend aujourd'hui pensables des choses impensables hier.
Pour tâcher d'éclairer un peu la fin absconse de mon post précédent: la démocratie -- comme le marché -- suppose un électorat rationnel -- pas forcément bon ni généreux ni même particulièrement lucide ou intelligent, mais calculant rationnellement ses intérêts (intérêts individuels, familiaux, sociaux, nationaux, ou planétaires selon l'étendue de sa perspective) tels qu'il les perçoit; il peut naturellement se tromper et être induit en erreur, ça fait partie du jeu calculable, mais l'idée d'un désir du pire n'entre pas en ligne de compte. Quand on commence à soupçonner qu'il y va de "l'inconscient" dans le jeu démocratique (et un "au-delà du principe de plaisir" et du "principe de réalité" qui n'est peut-être même pas "au-delà", mais qu'il y a quelque chose comme de la "pulsion de mort" dans le jeu même du "principe de plaisir" et du "principe de réalité"), les choses se compliquent au-delà de tout calcul.
D'où ma question à première vue idiote: préfère-t-on son monde "bon" ou "mauvais" ? -- et le fait qu'il me semble quasiment impossible d'y répondre "honnêtement" dès lors qu'on a quelque intuition d'un "inconscient". Cela me renvoie bien sûr aux idées chrétiennes du "monde mauvais", autant qu'à tous les choix politiques minoritaires ou aux "théories du complot" qui présupposent aussi à leur manière un "monde mauvais". L'idée d'un "monde mauvais" est à la limite insupportable (paranoïa), et cependant ça ne l'empêche pas d'apparaître obscurément désirable. Or c'est aussi (parfois surtout) ce désir-là qui vote. |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 15:38 | |
| - Citation :
- D'où ma question à première vue idiote: préfère-t-on son monde "bon" ou "mauvais" ? -- et le fait qu'il me semble quasiment impossible d'y répondre "honnêtement" dès lors qu'on a quelque intuition d'un "inconscient". Cela me renvoie bien sûr aux idées chrétiennes du "monde mauvais", autant qu'à tous les choix politiques minoritaires ou aux "théories du complot" qui présupposent aussi à leur manière un "monde mauvais". L'idée d'un "monde mauvais" est à la limite insupportable (paranoïa), et cependant ça ne l'empêche pas d'apparaître obscurément désirable. Or c'est aussi (parfois surtout) ce désir-là qui vote.
TRUMP a annoncé clairement son programme, il a exprimé son racisme, sa violence, sa bêtise et son jusque-boutisme, pourtant il a été élu, cela reste un mystère pour moi. |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 17:45 | |
| Il existe une vérité bien plus terrifiante que celle des rouages prétendument grippés de nos institutions. Après s'être vantés de leur choix, une fois confrontés au débat, les électeurs du FN lâchent souvent un "j'en ai eu marre. J'ai voulu voter contre la classe politique actuelle". À la lumière de l'élection américaine, la supercherie apparaît dans toute sa splendeur. Et si ce n'était pas un vote "contre"? Pas un vote de sanction mais bel et bien un vote "Pour", égal aux autres? Une véritable victoire démocratique. Un cercle que l'humanité aurait dessiné en moins d'un siècle et qui la ramènerait tout droit au national-socialisme, alors que l'on compte encore quelques survivants de l'époque maudite.
Politiquement, les conséquences sont encore inconnues. Mais philosophiquement, cette victoire du populisme prouve que le véritable moteur de la majorité des hommes est bien l'égoïsme. Que la nature profonde de l'Homme est bien de rejeter l'étranger qui n'a pas les mêmes valeurs, de blâmer le miséreux qui a bien dû mériter sa pauvreté et d'oublier celui qui souffre dès qu'il vit trop loin. L'aveuglement au service de son propre confort moral, déjà affirmé par l'hégémonie de l'idéologie capitaliste et la nature outrageusement inégalitaire de notre monde. Mais un jour, peut-être, accepterons-nous de nous confronter à notre responsabilité collective, sans détour.
http://www.huffingtonpost.fr/sylvain-falize/marine-le-pen-populisme/
"Le FN est désormais un parti capable de donner un cadre à la contestation sociale", constate Guillaume Balas, eurodéputé PS. "Le FN marche car il veut en finir avec la mondialisation, la libéralisation sous tous aspects, comme le libre-échange et l'immigration. Les gens que je rencontre m'interpelle 'Votre Europe nous fragilise. On n'y croit plus', raconte-t-il. Les solutions de Marine Le Pen sont irréalistes mais elles sont porteuses", conclut le député européen. https://www.challenges.fr/politique/comment-le-front-national-de-marine-le-pen-est-devenu-le-parti-des-ouvriers-et-de-la-contestation-sociale_428239 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 20:42 | |
| La raison, moralisatrice et accusatrice (1re citation) ou explicative et excusante (2e citation), a de toute façon très peu de prise sur ce genre de vote qui est pour ainsi dire immunisé contre elle. Les gens qui sont disposés à voter Le Pen, qu'ils le cachent (d'où la constante sous-estimation des sondages) ou le proclament, ont déjà intégré et surmonté les deux types d'objection (qui ont d'ailleurs le défaut de se neutraliser en partie). Seule leur "victoire" effective et ses conséquences pourrait les faire changer d'avis. Le choc du réel arrive toujours trop tard: le Brexit n'aurait sûrement pas été voté le lendemain de la victoire du Brexit, Trump n'aurait pas été élu le lendemain de l'élection de Trump, Marine Le Pen ne serait pas élue le lendemain de l'élection de Marine Le Pen... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2602 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 20:59 | |
| Il ne faut pas non plus oublier qu'il y a des électeurs qui ont choisi ou qui choisissent et qui choisiront des partis, des candidats d'extrème-droite par conviction.
C'est pour cela que la question soulevée par Narkissos: Préfère-t-on au fond son monde "bon" ou "mauvais" ? Ne peut pas recevoir de réponse unique, car ce qui parait bon à l'un peut paraître mauvais à l'autre et vice et versa. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 08 Mar 2017, 22:38 | |
| Il y a à coup sûr des gens rationnellement convaincus par une idéologie d'extrême-droite cohérente, mais à mon avis ils ne représentent qu'une fraction négligeable de l'électorat actuel et même des cadres du FN -- j'ajouterais qu'avec ceux-là une discussion rationnelle est souvent possible et parfois intéressante, même si elle ne mène à rien pour d'autres raisons.
La formulation de ma question était délibérément ambiguë: mais "au fond" j'entendais bien, pour chacun, "bon" et "mauvais" selon ses propres critères. Ce que j'appelle "préférer un monde mauvais", c'est par exemple le choix existentiel du trotskyste (ou du communiste d'après 1990) qui sait que son idéal n'a aucune chance de triompher dans la "réalité" et qui cependant s'y tient: il fait d'une certaine façon le choix de vivre et de mener un combat perdu d'avance dans une société dominée à perte de vue par le "mal" (capitaliste, selon son propre critère). De même l'idéologue d'extrême-droite cohérent par rapport à son "mal" (cosmopolite, p. ex.). Ces choix "extrêmes" ressemblent, d'un point de vue existentiel, à celui des chrétiens radicaux de toutes tendances pour qui le monde est effectivement au pouvoir du diable, qui se construisent dans la haine et non dans l'amour du "monde". Une vision pessimiste, adverse ou sinistre du monde peut être préférée à une vision optimiste ou aimable du monde.
Les choses sont beaucoup moins claires dans la grande masse des gens qui n'ont pas des opinions aussi tranchées ou structurées. Les théories du complot, le spectre du "système", ou l'idée populaire du "tous pourris" exercent un attrait indéniable sur des millions de gens qui n'ont pas d'idéologie cohérente, mais cela ne les empêche pas de faire confiance au jour le jour aux institutions auxquelles ils ont concrètement affaire. Quand survient un "scandale", ils sont surpris et choqués, comme par une "exception" là où ils affirment pourtant voir une "règle".
A mon sens, le désir du "bien" et du "mal" travaille donc l'opinion dans de nombreux sens mais de façon essentiellement inconsciente; cela ne se réduit pas à la différence des opinions conscientes sur le "bien" et le "mal", qui ne sont que la partie émergée de l'iceberg. On peut aussi voter pour ce qu'on considère rationnellement comme un "mal" parce qu'on en attend obscurément une sorte de "bien", à la faveur de quelque calcul superficiel qui se perd très vite dans des profondeurs insondables. Les ressorts de la "politique du pire" sont beaucoup plus complexes et obscurs que ne le suggère l'emploi habituel de cette expression. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2602 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 09 Mar 2017, 00:44 | |
| Je me permets de revenir à l'élection présidentielle de cette année, il m'apparait que la droite à lâcher François Fillon d'une certaine manière. Certes, de nombreux politiciens de cette famille soutiennent ouvertement M. Fillon et vont continuer la campagne jusqu'au 1er tour.
Mais combien parient que le candidat Fillon va droit dans le mur et ne dépassera pas le 1er tour? Ainsi ce n'est pas le parti qui aura perdu mais bien le vainqueur de la primaire et l'on pourra toujours se dire qu'avec un autre candidat le résultat aurait pu être différent. Cependant, la droite va devoir faire le ménage comme la gauche d'ailleurs. Un nouveau paradigme domine le monde politique celui des candidats ayant soit pas de parti, soit peu de parti derrière lui/elle. Les nouveaux moyens de communication mettent en relation les hommes et les femmes d'un pays qui ne sont plus obligés de passer par les officines politiques traditionnelles avant de voter pour tel ou tel candidat. |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 09 Mar 2017, 12:58 | |
| Le Front National a-t-il remporté la «bataille culturelle»?
Mégret et l’art de la guerre de position.
Le Front National a mené un véritable combat culturel au cours des années 1980 et 1990. Si François Duprat «invente» véritablement le FN en mettant en avant la question de l’immigration («Un million de chômeur, c’est un million d’immigrés en trop»), si Jean-Pierre Stirbois, le «solidariste», martèle un discours «social» et anti-immigrés aux accents OAS («Jamais nous ne permettrons que la France s’arabise»), c’est véritablement Bruno Mégret qui développe la stratégie la plus aboutie de victoire par les idées et qui l’impose une décennie durant au parti de Jean-Marie Le Pen – voir Dans l’ombre des Le Pen par Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard.
Le rôle de Bruno Mégret, alors à la tête de la «délégation générale» du Front National fut d’imposer dans le débat public des mots et des sujets nouveaux. Mégret et les siens –Jean-Yves Le Gallou notamment– ont toujours conçu la politique comme l’art d’imposer une vision du monde. C’est ainsi que le thème de l’identité a été abondamment utilisé par le FN des années 1980 et 1990 dont la revue chargée de diffuser les concepts mégrétistes s’appelait justement «Identité». La mesure concrète donnant substance à la valorisation de l’identité c’est la «préférence nationale», théorisée par Jean-Yves Le Gallou dans un livre paru en 1985: La Préférence Nationale, qui contribue à modifier les termes du débat politique.
«L’euphémisation discursive» est consubstantielle à la stratégie de combat culturel mégrétiste. Elle permet d’instiller dans le débat politique des idées qui seraient immédiatement inacceptables à l’oreille"
Le FN de 2017 est puissant électoralement. Il est aussi improductif du point de vue idéologique. Fort sur le front électoral, il ne produit plus de vision du monde mais il est le rentier d’une vision du monde largement répandue dans la société française. Il a le monopole de l’usufruit de la traduction électorale de cette vision du monde. C’est ce qui fait sa force considérable et explique les scores infimes réalisés par les autres petits partis d’extrême droite aux élections (Parti de la France, MNR, liste Renaud Camus aux Européennes, etc.) Mais ce peut aussi être son talon d’Achille.
Comment se gagne un combat culturel ?
L’extrême droite française manifeste une constante fascination pour Antonio Gramsci. Le songe «gramscien de droite» du GRECE et Alain de Benoist a marqué les esprits. L’extrême droite demeure admirative de ce que fut la contre-société communiste, des réflexions de Gramsci sur l’hégémonie culturelle.
Antonio Gramsci a d’abord été l’un des intellectuels qui a le plus œuvré à compléter l’analyse marxiste de la superstructure. Dans la perspective gramscienne, on ne peut comprendre la domination d’une classe sociale comme la bourgeoisie sans comprendre qu’elle peut susciter le consentement des classes subalternes. La classe ouvrière doit prendre la tête d’une alliance de classes. C’est l’idée d’hégémonie.
Cependant l’hégémonie est conditionnée par la réussite d’une stratégie de lutte sur le front culturel.
En effet, pour Gramsci, dans les sociétés «occidentales», il fallait mener une lutte intense dans la société civile pour imposer la vision du monde de la classe ouvrière, laquelle devait s’efforcer de la produire et donc de diffuser ses propres références culturelles. La société civile fonctionne comme un réseau de tranchée et de casemates, elle est un champ de bataille où chaque position doit être conquise, parfois de haute lutte. Il faut agir partout, dans les journaux, dans l’université, dans les réseaux de solidarité, dans les théâtres… Gramsci vit à Turin parmi les ouvriers et contribue à la création de l’Ordine Nuovo, une revue qui donne sens aux luttes du bienno rosso.
Assurément, depuis le tournant des années 1980 le sens commun de nos sociétés a muté. On ne voit plus l’État, la protection sociale, la question migratoire de la même façon. Le sociologue Stuart Hall, qui développa les cultural studies en Angleterre, constatait la pertinence des outils forgés par Gramsci pour comprendre l’emprise de Thatcher sur la société britannique. Cette dernière apportait son lot de réponses à la crise et à la fin du «consensus social-démocrate». Le FN s’est aussi engouffré dans la crise du consensus antérieur. «Fabriquons français mais avec des Français» permettait de subvertir la question sociale par exemple, et contribuait à l’affaiblissement de la conscience de classe.
https://www.msn.com/fr-fr/actualite/elections-2017/le-front-national-a-t-il-remport%C3%A9-la-%C2%ABbataille-culturelle%C2%BB/ar-AAo2MUO?li=BBoJIji
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 09 Mar 2017, 13:25 | |
| @ lct: Il y a aussi parti et parti: le FN ou la coalition Front de Gauche forment des structures entièrement dévouées à la parole du chef, plutôt semblables en cela au mouvement de Macron qui fait carrément l'économie du modèle "parti" (ce qui semble, jusqu'ici, plutôt lui réussir); ce ne sont pas tellement des lieux de débat interne et de décision collective, comme l'étaient traditionnellement le PS et les ancêtres de LR. Cette dernière forme d'organisation est en effet très menacée par les réseaux sociaux, qui sont un moyen beaucoup plus efficace de travailler l'opinion dans tous les sens à la fois -- mais qui du coup finissent de la déstructurer. Sans les médiations partisanes qui la formaient et la stabilisaient, l'opinion devient chaotique -- matière fluide ou volatile -- et la démocratie un vrai jeu de hasard.
@ free: La danse des opposés remonte au moins au concept hybride ou oxymorique de "national-socialisme" (Mussolini était aussi passé du socialisme libertaire au fascisme): la grande majorité des électeurs de MLP n'ont aucune sympathie "nazie", mais si l'on pouvait faire abstraction de la (lourde) connotation historique du mot, "national-socialiste" serait celui qui qualifierait le mieux le mélange d'idées qu'ils ont dans la tête. Dans les années 30, les nationalistes avaient en commun leur fascination-répulsion pour le modèle soviétique, mais maintenant que celui-ci a disparu ils peuvent piller beaucoup plus largement la pensée socialiste et singulièrement marxiste. D'ailleurs il me semble (ça devrait être facile à vérifier) que la migration de l'électorat du PCF au FN, depuis les années 1990, a précédé de beaucoup l'intégration de la thématique communiste dans le programme du FN.
Dernière édition par Narkissos le Jeu 09 Mar 2017, 15:27, édité 1 fois |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2602 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 09 Mar 2017, 15:16 | |
| Effectivement Narkissos et c'est ce qui explique sans doute les résultats des sondages, les gens choisissant un candidat-e alors que ce dernier-ère n'a pas d'organisation de parti autour de lui-d'elle de façon traditionnelle. En Suisse le problème n'a pas encore émergé, peut-être à cause de notre lenteur à bouger les lignes et aussi à cause du consensus auquel tous les partis ont recourt. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 09 Mar 2017, 15:42 | |
| C'est aussi la particularité du régime présidentiel de la Ve République française qui fait de l'élection majeure un vote pour un nom propre et un visage, qui n'ont de "sens" que celui qu'on leur prête (régime d'ailleurs conçu au départ pour contrer l'instabilité d'un régime de partis sujet au renversement continuel des alliances). Plus la dissolution idéologique et partisane avance, plus le jeu devient manifestement aléatoire et pratiquement incontrôlable. |
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