inter-minables

Je déteste la violence sous quelques formes qu'elle soit. Rien ne peut la justifier à mes yeux, bien que je sois conscient que mon opinion n'ait pas grande valeur. Un dictateur, un pays pourra toujours trouver un prétexte, aussi futile soit-il, pour attaquer un autre pays.

Ce qui ma parait pathétique, ce pourrait être risible s'il n'y avait pas mort d'hommes, ce sont les réactions outrées, compassées à l'égard de la Russie et de Poutine en particulier. Les médias passant en boucle, depuis le jeudi 24 février, les images de ce terrible conflit/guerre ont de quoi meubler leurs heures d'antenne sans trop faire d'effort particulier.

Et l'on voit ainsi de nombreux experts, comme lors de la crise sanitaire bien qu'il ne s'agisse pas des mêmes, nous expliquer dans les détails les mouvements militaires des Russes et des Ukrainiens, nous évoquer les solutions diplomatiques pouvant déboucher sur la cessation des hostilités. Nous avons bien compris, l'expérience de la crise sanitaire étant encore présente dans nos mémoires, que ces experts n'en savent pas plus que nous. Cependant ils expriment mieux leur ignorance que le commun des mortels.

Ce qui se passe en Ukraine est effroyable et condamnable. Mais nous devrions avoir un peu plus de cohérence car il me semble ne pas avoir entendu les mêmes condamnations ou tout au moins n'ont-elles pas été prononcées avec la même vigueur lorsque l'armée américaine a envahi l'Irak, l'Afghanistan. Certains pays européens n'ont-ils pas vendu des armes à l'Arabie saoudite, armes utilisées par la suite lors du conflit opposant l'Arabie saoudite au Yémen. Bien sûr aucun conflit n'est comparable à un autre conflit. Mais les civils tués sont de valeur égale. Il n'y a pas de morts ayant moins d'importance parce qu'ils ne vivent pas sur le continent européen.

Nous ne pouvons que condamner cette guerre que la Russie appelle conflit, car elle plonge 2 pays dans une crise sans vainqueur. L'Union européenne cherche par tous les moyens à valoriser son action bien qu'elle soit consciente de certaines de ses faiblesses sur le plan diplomatique, difficulté de parler d'une même voix, sur le plan militaire, elle n'a pas d'armée commune et peu de pays ont une force militaire importante quand ils en ont une. De plus lors des manifestations qui se sont déroulées sur la place de l'Indépendance en 2014, l'Union européenne ainsi que les Etats-Unis n'ont pas manqué d'apporter leur soutien aux Ukrainiens qui désiraient "faire la révolution". Etait-ce une façon de répondre aux menaces proférées par Poutine?

L'Union européenne et particulièrement Emmanuel Macron cherche encore et toujours a garder, ce qui est remarquable et dans la voie que ce sont tracée les nations que composent l'UE, un contact afin de trouver avec les deux belligérants une solution négociée en vue d'établir la paix, ce qui ne correspond pas avec la vision américaine qui veut affaiblir la Russie.

Tous les Etats sont potentiellement nuisibles (et bénéfiques, bien sûr, c'est encore l'ambiguïté de la "vertu" du virtuel ou du "pouvoir" du potentiel qui sont ceux du pharmakon, remède et poison) pour les gens qui sont soumis à leur souveraineté et à leur influence, mais ils le sont à proportion de leur puissance (politique, militaire, économique, technologique) et de l'étendue de leur "empire" (au sens propre ou figuré, comme dit très bien le mot Reich, dans sa proximité avec reichen <=> reach). Entre la Russie et l'Ukraine il n'y a pas photo, mais entre la Russie (+ Chine, Iran, etc.) et les Etats-Unis (+ OTAN, etc.) c'est une tout autre partie qui se joue, en même temps, sur le même terrain et avec les mêmes corps (essentiellement ukrainiens, totalement même pour ce qui est des civils jusqu'ici). C'est d'autant plus dégueulasse mais le dégoût, malheureusement, n'a jamais eu beaucoup de pertinence ni d'efficacité politiques.

Une fois les combats circonscrits (par la résistance ukrainienne et l'armement étranger, pas seulement occidental puisque la Turquie y a beaucoup contribué) à l'est de l'Ukraine, soit grosso modo à ce qui faisait déjà l'objet d'un compromis depuis les accords de Minsk, on ne voit pas très bien, de loin certes, pourquoi, jusqu'où et jusqu'à quand continuer à se battre... mais ce serait quand même aux Ukrainiens d'en décider, avec ou contre leur Etat (dont il ne me semble pas, mais je peux me tromper, qu'il ait vraiment poussé à la guerre, du moins depuis Zelensky); et il n'est pas dit non plus que Poutine, le cas échéant, soit disposé à en rester là s'il n'y est pas obligé...

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Je suis frappé par le retour de l'adjectif "existentiel" sur cette scène-là, d'abord dans la rhétorique russe qui suspend la menace nucléaire à une "menace existentielle" pour la Russie, mais je vois que le mot se propage aussi chez les commentateurs occidentaux, appliqué non seulement à la Russie mais à "l'Occident". Le problème, c'est que toute "existence" est corollaire d'une "essence", imaginaire et fantasmatique, qui fantasme, fantômatise et spectralise l'"existence" même: en l'espèce "l'existence" (nationale) de "la Russie" paraît aujourd'hui liée à l'"essence" d'une culture "essentiellement" orthodoxe, moralement et soci(ét)alement conservatrice, autoritaire sur un mode néo-impérial qui implique une certaine économie de la diversité ethnique et cultu(r)elle (musulmane au sud, "chamanique" à l'est, sous l'empire du tsar ou du prince russe et orthodoxe). Or cette "essence" qui dans un sens remonte au moyen-âge est aussi toute récente, elle n'a pas plus de 30 ans, c'est un "revenant" qui revient de loin mais depuis peu, puisque pendant les 80 ans qui précèdent immédiatement "la Russie" était (d'essence) "soviétique", "socialiste" et "athée". Symétriquement "l'essence" présente de "l'Occident" qui conditionne son "existence" se veut démocratique, humaniste et humanitaire au sens des "droits de l'homme" (etc.), d'autant plus "menaçante" dans sa bonne conscience pour toutes les autres qu'elle se conçoit essentiellement comme "universelle" (cf. l'échange précédent). Mais ça n'est pas bien vieux non plus, cette "essence"-là de "l'Occident" n'y est vraiment incontestée (ou presque) que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (moins de 80 ans). Et bien entendu elle est aussi "spectrale" puisque dans cet "universalisme"-là bien d'autres "universalismes" (chrétien-catholique de la "chrétienté", romain de l'empire romain, hellénistique, etc.) reviennent sous d'autres espèces, même contradictoires. L'"existence" des uns et des autres est conflictuelle parce qu'elle est toujours "essentielle", chez les uns comme chez les autres, autant que varie de part et d'autre la définition des "essences" en question, avec des effets de "retour" incontrôlables...

Homophobie dans le football : le chef de l’Etat sénégalais soutient le joueur du PSG Idrissa Gueye

Le milieu défensif n’était pas sur le terrain samedi face à Montpellier, où les joueurs ont arboré un maillot arc-en-ciel, s’associant à la lutte contre l’homophobie.

Le président sénégalais Macky Sall a affirmé mardi 17 mai dans un message sur Twitter soutenir le joueur du Paris-Saint-Germain (PSG) et international sénégalais Idrissa Gueye et demandé le respect des « convictions religieuses » du footballeur, après son absence lors de la journée dédiée à la lutte contre l’homophobie.

Idrissa Gueye est visé par des critiques en France après le refus qui lui est prêté de s’associer à la lutte contre l’homophobie et d’arborer un maillot arc-en-ciel. Comme en 2021, le joueur du PSG n’a pas joué samedi face à Montpellier (4-0) lors de la journée dédiée à la lutte contre l’homophobie, une nouvelle défection qui lui a attiré des critiques en France, mais aussi des soutiens dans son pays, le Sénégal.

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/05/18/homophobie-dans-le-football-le-chef-de-l-etat-senegalais-soutient-le-joueur-du-psg-idrissa-gueye_6126605_3212.html

La lutte contre l’homophobie est nécessaire mais faut-il en faire une "obligation" qui doit dépasser les scrupules religieux ou autres des individus ?

Par définition, aucun "universalisme" n'admet de frontière (cf. supra 9.5.2022), ce qui contraint stupidement, mais logiquement, tous les "universalismes" (celui de la "démocratie" et/ou des "droits de l'homme" comme ceux de l'islam ou du christianisme, "catholique" = "universel" ou autre) à une lutte à mort pour la conquête du même espace (ou "univers", quand même il ne s'agit que de la Terre ou de ce qui est à la fois plus étroit et plus vaste, l'imaginaire humain). A cette logique mortifère il n'est qu'une parade dynamique, illogique ou alogique mais efficace, celle du rapport de force qui impose des frontières là où aucun "principe logique" n'en saurait poser ni tolérer. Cf. la vieille maxime cujus regio ejus religio, la religion dépend (du prince) de la région, du royaume ou du régime -- hybride de raison et de force mais seule capable de mettre fin aux guerres de religion là où la logique pure aurait conduit à les poursuivre jusqu'à la victoire totale d'un protagoniste et la destruction de tous ses adversaires, ou plus probablement jusqu'à l'épuisement général. Principe "féodal" s'il en est, dont la "souveraineté" de l'Etat-nation n'aura été qu'un développement planétaire, et qui est désormais mis en échec par la mondialisation de l'"information": le discours LGBTQI++, par exemple, s'entend presque aussi bien à Dakar ou à Moscou qu'à Paris ou à New York. Le plus étonnant, c'est que chaque "universalisme" ne s'interroge jamais, de l'intérieur, sur les contradictions logiques où sa logique même l'entraîne: ainsi les "droits humains", quelle qu'en soit la définition, finissent par abolir tout droit ("humain" aussi) à ne pas les approuver dans la définition de référence, fût-ce de la façon la plus passive et discrète, aussi sûrement que l'universalité de l'évangile chrétien ou de l'islam a condamné des civilisations entières, en Afrique, en Amérique ou en Asie quelques siècles plus tôt.

La tolérance telle qu'elle affichée par tout un chacun à propos de l'homosexualité me laisser perplexe, non que je la condamne, bien au contraire. Mais je ne peux m'empêcher de penser que  certaines personnes, certains gouvernements se proclament défenseurs des droits de chacune, de chacun de disposer de son corps et de choisir son orientation sexuelle sans crainte de condamnation et harcèlements, ne tiennent cette posture dans le but d'attirer l'attention sur elles-mêmes, eux-mêmes. (A la manière des nombreuses personnalités politiques rendant visite au Président Zelensky afin de ressentir ce frison de guerre qu'elles n'ont sans doute pas connu et de démontrer leur soutient à l'Ukraine qui a plus besoin de soutient logistique et militaire.)

Si l'on peut apprécier de vivre dans un pays où la liberté de choix est laissée à chacune, chacun, il convient de se dire qu'il est possible que ce choix ne nous plaise pas nécessairement. L'homophobie est condamnée dans de nombreux pays et l'on ne peut que s'en féliciter, mais il y a des personnes hommes ou femmes qui ont de la peine à accepter ce mode de vie et qui désirent le dire, le manifester peut-on les condamner? Ne pas vouloir se trouver sur un terrain de foot parce que des joueurs, une équipe arborera un maillot aux couleurs arc-en-ciel pour la journée dédiée à la lutte contre l'homophobie ce n'est pas nier l'existence des chambres à gaz, ni appeler aux meurtres de joueurs "impies", ce peut-être un coup de gueule ou simplement un malaise face à une situation qui dépasse des convictions personnelles.

Tout cela aurait pu, aurait dû rester au niveau du vestiaire et l'on serait passé à autre chose, mais les associations défendant les homosexuels se montrent particulièrement attentives et tatillonnes, peut-être un peu trop. Elles pourraient se montrer exemplaires et évaluer chaque action en lui donnant la valeur qu'elle mérite. Les homosexuels ont beaucoup souffert jusque dans le début des années 1980. Pendant longtemps ce sont une partie des lois votée sous le régime de Vichy en matière de sexualité qui ont été appliquées jusqu'en 1970. Les "pédé" comme on les appelait allant en garde à vue à la suite de ce qu'il convient d'appeler des rafles, voire en prison à la suite d'un jugement extrêmement strict.

Combien de parents sont-ils prêts à accepter l'homosexualité de leur fille, de leur fils? Applaudir une équipe qui revêt un maillot arc-en-ciel est une chose, accepter et soutenir son enfant qui vient de déclarer son homosexualité en est une autre. Nous vivons une époque ou tout se situe dans la communication facile.

Les rapports de force sont toujours locaux, même quand la localité est virtualisée, et les lignes de front dessinent des archipels d'enclaves qui défient toute cartographie imaginaire: quand le lieu n'est plus (seulement) le pays, la région, la ville, le quartier ou la maison, c'est le "site", par exemple telle page de tel réseau social où telle opinion domine jusqu'au "lynchage" de tout soupçon de réserve à son endroit. Et puisque aussi bien "tout communique" (cf. Tati dans Mon oncle), toute prise de position en faveur d'un "faible" quelque part (posture d'autant plus facile, comme que tu le dis, qu'elle n'est généralement pas prise là où ledit "faible" est faible, mais dans un lieu et un milieu où la majorité l'approuve et la célèbre d'avance) aboutit invariablement à empirer la situation d'autres "faibles" ailleurs, et souvent davantage encore de celui qu'on entend "défendre". Ce n'est sûrement pas en assénant urbi et orbi nos vérités conquérantes du moment qu'on aidera des cultures plus "traditionnelles" à "évoluer" (dans notre sens, bien entendu), on les enfermera au contraire dans des réflexes défensifs, dont leurs "minorités", désormais vues à tort ou à raison comme des "agents de l'étranger", voire de "l'ennemi", seront les premières à faire les frais. Sans compter que nos certitudes font aussi des dégâts dans notre propre "lieu" -- je ne parle pas seulement du "plouc" ou du "beauf" sexiste ou homophobe, généralement âgé, qui se voit réprimé, et peut-être plus gravement méprisé, pour ses repères désuets, mais aussi des enfants et des jeunes qui sont livrés sans défense à des influences potentiellement dommageables pour eux en fonction de ce qu'ils sont là où ils sont: ça fera aussi des "victimes" en pagaille, sur lesquelles on pourra s'apitoyer à loisir mais, comme toujours, trop tard.

Je me souviens, c'est un tout autre sujet mais non sans analogie structurelle, d'un échange difficile avec des traducteurs de la Bible en divers dialectes arabes, qui voulaient au fond "évangéliser" des musulmans (et pour eux ça voulait bien dire "convertir", ça allait de soi), sans se préoccuper le moins du monde des malheurs familiaux et sociaux qui en résulteraient pour les éventuels prosélytes et leur entourage. La "bonne cause" justifiait d'avance toutes ses conséquences: je n'ai pas cherché à les contrarier sur ce point, bien que j'y sois fatalement arrivé, mais le simple fait de leur présenter certains textes "bibliques" d'une façon qui remettait un peu en question leurs certitudes (globalement "fondamentalistes") leur a été insupportable, parce que ça remettait aussi en question le sens même de leur "mission". En fait, donner les textes à lire et à entendre, de manière à ce que leurs lecteurs puissent en profiter dans le cadre d'une autre culture et d'une autre "religion", sans pour autant rejeter l'islam et le Coran (même si c'était précisément ça que les traducteurs prétendaient faire, du moins dans la présentation officielle ou diplomatique de leur activité aux autorités musulmanes ou civiles), ça ne les intéressait plus du tout.

"Irak" au lieu d'"Ukraine": le lapsus embarrassant de George W. Bush

https://www.youtube.com/watch?v=F2kBf0gsNqA

Lapsus exemplaire en effet -- je l'avais entendu hier et ça m'avait fait marrer, comme l'assistance d'ailleurs; je n'arrive pas à entendre distinctement ce que Bush bredouille après, je ne suis pas sûr que ce soit un aveu aussi clair que le suggère la traduction française, mais en tout cas c'est vertigineux, aussi parce que ça reste drôle en étant si terrible... A la différence de Poutine, Bush n'avait rien d'un autocrate, il a plutôt été manipulé comme "l'idiot du village planétaire" par son entourage, mais le résultat est bien comparable, non seulement en matière de destruction et de souffrance inutiles, mais aussi par la désinformation et l'absence corollaire de toute "démocratie" significative dans le processus de décision.

Dans un système libéral/capitaliste les propositions de la nouvelle coalition de gauche (qui a fait l'objet d'une violence médiatique incroyable) sont-elles réalistes et réalisables : 

 - la retraite à 60 ans, le Smic à 1 500 euros, le blocage des prix des produits de première nécessité, le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le remboursement de tous les soins prescrits à 100 % ou encore la création d'un million d'emplois grâce à l'investissement dans la bifurcation écologique ...

Que penser de la désobéissance  à l’égard des traités européens ???

Sommes-nous "condamnés" à observer les "règles" du système capitaliste, sans déroger et dans l'obligation d'accepter les "règles" du marché ?

Je n'ai pas remarqué de "violence médiatique" exceptionnelle à l'égard de la Nupes ou de son programme -- qu'il y en ait de la part des partis et de la "presse d'opinion" d'extrême-droite, de droite ou du centre présidentiel, c'est normal, du moins selon les normes de la politique française, même si ça finit par faire beaucoup. "Le Monde", que j'avais trouvé outrageusement unilatéral sur le Covid, m'a paru au contraire plutôt équitable, voire bienveillant pour la Nupes, avec au moins autant d'articles "pour" que "contre", à ce que j'en ai vu.

Quant au reste, ça rejoint un peu ce que je disais plus haut (4.5.2022) de la "social-démocratie" (c.-à-d. le "socialisme réformiste" qui compose avec le "capitalisme" ou le "libéralisme", en renonçant à le renverser): "réaliste" ou pas, plus ou moins, le programme de Mélenchon, assez peu modifié par la coalition post-présidentielle, n'a jamais été autre chose que "social-démocrate", quoi qu'il en dise. Pour rompre avec le "capitalisme-libéralisme" qui est mondial, il faut une révolution, à visée mondiale également, même si elle doit bien commencer quelque part (le marxisme et les autres socialismes du XIXe siècle étaient aussi essentiellement internationalistes que le capitalisme, même si on l'a oublié depuis, et d'abord en URSS); or une telle révolution ne se décrète pas, elle arrive ou pas même si elle se prépare, elle dépend avant tout d'une "situation (pré-)révolutionnaire" (Marx, Lénine, etc.). Pour ma part je ne la vois pas venir dans l'immédiat, mais ça n'exclut pas les surprises... Comme on l'a aussi remarqué (ibidem), la "crise sanitaire" qui n'avait a priori rien à voir avec une idéologie politique quelconque a provoqué plus de transgressions des "règles du marché" (capitalistes et libérales, accessoirement européennes) que tous les "socialismes" réunis, révolutionnaires ou réformistes, depuis belle lurette... (P. ex., le surendettement refusé à la Grèce de Tsipras et Varoufakis par ses partenaires européens, ceux-ci se le sont accordé sans vergogne dès lors qu'ils l'ont estimé nécessaire.)

Ce qui est sûr c'est qu'on ne peut pas faire l'économie de l'économie, autrement dit d'un système viable qui s'assure durablement les moyens de ce qu'il décide. En théorie ou en droit il y a autant de modèles économiques qu'on peut en imaginer, en pratique et en fait il y en a aujourd'hui un seul, dont aucun pays ne peut s'extraire longtemps, sauf à s'isoler dans une autarcie absolue (façon Corée du Nord, et encore: sans le soutien de la Chine devenue économiquement capitaliste, le régime nord-coréen serait tombé depuis des années). Si l'ensemble du "bloc communiste" dans sa plus vaste étendue (alliances soviétiques et chinoises des années 1950-60) n'a pas réussi à maintenir son modèle économique au-delà de quelques décennies, ce n'est pas un pays comme la France qui y arriverait, et surtout pas en restant "démocratique" à la mode partisane (à la limite, ce serait plus facile à une petite ville et à sa région d'être parfaitement autarciques, à condition de renoncer à tout échange avec l'extérieur et de bouleverser totalement son mode de vie, de l'appauvrir drastiquement dans un sens et peut-être de l'enrichir dans d'autres -- SI elle parvenait à l'unanimité interne et SI l'extérieur la laissait faire, deux miracles aussi improbables l'un que l'autre pour prémisses). Un gouvernement peut décider ce qu'il veut, le financer artificiellement à court terme en s'endettant ou (dans l'hypothèse d'une sortie de l'euro et de l'Europe) en faisant fonctionner la planche à billets avec l'inflation qui s'ensuit mécaniquement, il n'empêchera pas les capitaux et les entreprises de fuir, ni les créanciers de réclamer leur dû et leurs intérêts... les économistes de LFI le savent pertinemment, ils sont certainement compétents et responsables, mais ce qu'ils proposent effectivement n'a pas grand-chose à voir avec l'idée "révolutionnaire" que s'en font une bonne partie de ses électeurs. Pour rappel, la politique initiale de Mitterrand inspirée du "Programme commun d'union de la gauche", conçue et soutenue par d'excellents économistes, n'a pas duré deux ans, après ç'a été le "tournant de la rigueur" dont Rocard, qui venait pourtant d'une gauche plus "radicale" (PSU), a dû porter le chapeau...

Le côté "concret" de l'économie qui la rend effectivement "incontournable" est occulté par son meilleur instrument de fonctionnement et de calcul, à savoir l'argent (monnaie): on parle d'"économie réelle" pour la distinguer d'une spéculation financière (bancaire, boursière) encore plus volatile, mais tant qu'on parle d'argent on n'est pas encore dans la réalité de la chose (res). Car l'argent nivelle tout, le vital, le plus ou moins utile, l'accessoire et le franchement nuisible à tous les points de vue -- c'est sa fonction même, celle d'une unité de valeur abstraite qui permet d'échanger indifféremment n'importe quoi avec n'importe quoi (soit le marché). Le bistrot qui revend sa bouteille de pinard cinq fois le prix payé au vigneron, la marque de fringues italienne qui vend son jean dix fois le prix qu'elle l'a payé en Chine, tout cela crée de la "valeur" monétaire et fait circuler de l'"argent" sans le moindre gain de richesse "réelle", sans parler des marchands de canons qui gagnent nettement plus à tuer et à blesser que les soignants à soigner... mais à la base il faut bien que quelqu'un produise, avec du travail et un investissement technique (donc du capital qui n'est rien d'autre que de la plus-value cristallisée du travail, comme disait Marx), ce que consomment indifféremment les travailleurs plus ou moins utiles, les chômeurs, les assistés ou les retraités. D'un point de vue strictement socio-économique, on peut toujours améliorer la situation des plus démunis, avec un revenu minimum ou la gratuité artificielle des biens et services les plus nécessaires, mais on (se) leurre si on croit ou fait croire qu'il suffirait pour cela de taxer les plus riches, qui par définition sont peu nombreux: c'est toute la société et principalement ses "classes moyennes" qu'il faudrait appauvrir drastiquement -- je ne serais pas contre, d'ailleurs, mais ce n'est pas du tout ce que LFI ou la Nupes proposent, puisqu'elles visent à rallier au moins une partie desdites "classes moyennes" ("gilets jaunes" etc.), et encore moins ce qu'elles se donneraient les moyens de faire.

Une pensée "révolutionnaire" devrait commencer par regarder le réel en face, et sincèrement LFI ou la Nupes ne m'en semblent pas plus près que les autres. La "convergence des luttes" du populisme de gauche et l'"en même temps" macronien, "fin du monde et fin du mois", sont des variantes de la même incantation qui se refuse à des choix politiques devant une réalité tellement évidente et obsédante, au sens de l'obsidional, encerclement et siège, qu'on ne la voit plus, et qu'en tout cas plus personne n'en parle: une humanité à huit milliards d'humains, qui s'est déjà condamnée par sa croissance démographique et économique, ses progrès techniques de l'agriculture au sanitaire industriels, en condamnant avant elle tout le reste du vivant terrestre... Par rapport à ça tous les articles de l'offre politique actuelle, qu'il s'agisse de l'âge de la retraite ou du pouvoir d'achat, paraîtraient franchement dérisoires, c'est bien pour ça qu'on n'en parle pas. Le cache-misère le plus efficace étant encore le discours écologique consensuel qui affecte de s'en occuper en réduisant le problème au "climat" comme la maladie au thermomètre, c'est-à-dire au symptôme le plus immédiatement perceptible et susceptible d'être "traité" sur un mode "progressiste", en générant encore de la croissance, de la consommation et des emplois.

Narkissos a écrit:

c'est toute la société et principalement ses "classes moyennes" qu'il faudrait appauvrir drastiquement -- je ne serais pas contre, d'ailleurs, mais ce n'est pas du tout ce que LFI ou la Nupes proposent, puisqu'elles visent à rallier au moins une partie desdites "classes moyennes" ("gilets jaunes" etc.), et encore moins ce qu'elles se donneraient les moyens de faire.

Je ne sais pas si nous avons la même définition de "la classe moyenne". En Suisse c'est une frange de la population allant de ceux et celles qui touchent un salaire suffisant pour ne pas avoir droit à des subsides qui leur permettraient de mieux vivre, à une centaine de francs (annuellement parlant) près en moins cette partie de la classe moyenne ne paierait pas d'impôts, à des personnes en haut de l'échelle de de la classe moyenne que l'on peut juger riches vivant bien de leur revenu.

Si l'on appauvrissait drastiquement cette classe il y aurait des pauvres supplémentaires, ceux et celles du bas de cette classe. Il me semble que c'est un risque dangereux à courir pour tout gouvernement quel qu'il soit.

Certes.

Ce qu'on appelle "classes moyennes" n'est jamais que le découpage arbitraire d'une section médiane dans une sorte de pyramide, qui se rétrécit plus ou moins régulièrement de la base au sommet (il y a forcément plus de pauvres, en bas, que de riches, en haut); et dans cette section on peut encore découper autant de tranches qu'on voudra (classes moyennes inférieures et classes moyennes supérieures, de ceux qui sont juste au-dessus du revenu minimal à ceux qui perçoivent x fois ledit revenu). Tout ce que je voulais dire, et qui irait sans dire, c'est qu'on ne peut pas élever sensiblement les revenus de la base (large, nombreuse) en rabaissant seulement la pointe du sommet (étroite, peu nombreuse), on est obligé de descendre beaucoup plus bas dans la pyramide et de taxer (d'une façon ou d'une autre) ceux qui perçoivent, par exemple, au moins une fois et demi ou deux le revenu minimal (soit les classes moyennes supérieures et... moyennes) -- pour ne rien dire de toutes les conséquences que ça entraîne au-delà de la "redistribution" stricto sensu: fuite des plus riches, de leurs capitaux et de leurs entreprises à l'étranger, chute de la consommation des classes moyennes supérieures et moyennes et de l'emploi qu'elle génère, etc. Autant dire que c'est délicat, et que l'idée de "faire payer les riches", pour séduisante qu'elle soit, est plus facile à formuler qu'à mettre en oeuvre -- que par "riches" on entende le sommet de la pyramide ou les voisins du dessus. Toujours est-il qu'une véritable "révolution sociale" implique forcément ce genre de bouleversement et les risques difficilement calculables qu'il comporte.

Il y a par ailleurs une corrélation de fait entre l'existence de "classes moyennes" substantielles et hiérarchisées et la "démocratie" au sens où nous l'entendons (dans les pays riches). En théorie, on pourrait s'étonner qu'une majorité réelle de pauvres n'aboutisse pas arithmétiquement à un pouvoir des pauvres pour les pauvres, or ce n'est quasiment jamais ce qui se passe: les pauvres votent systématiquement pour de plus riches qu'eux qui défendent avant tout leur propre classe, ou se gardent du moins de trop lui nuire -- parce que ce sont ces derniers qui savent parler et ont les moyens de se faire entendre (presse, médias), y compris pour des discours de "justice sociale", de gauche et/ou "populistes"... Les révolutions sociales qui ont effectivement amélioré, même très provisoirement, la situation des plus pauvres n'ont pu le faire qu'en réduisant (par le haut) le revenu et donc l'épaisseur des classes moyennes d'une part, et en limitant leur pouvoir d'expression d'autre part...

Narkissos a écrit:

En théorie, on pourrait s'étonner qu'une majorité réelle de pauvres n'aboutisse pas arithmétiquement à un pouvoir des pauvres pour les pauvres, or ce n'est quasiment jamais ce qui se passe: les pauvres votent systématiquement pour de plus riches qu'eux qui défendent avant tout leur propre classe, ou se gardent du moins de trop lui nuire -- parce que ce sont ces derniers qui savent parler et ont les moyens de se faire entendre (presse, médias),

Excellente remarque à laquelle je ne peux que souscrire. Je pense qu'il est sans doute difficile pour une candidate/un candidat arrivant d'un milieu pauvre de se faire élire à de hautes fonctions. Souvent les personnes votantes se méfient de telles candidates/candidats pensant qu'il doit leur manquer une certaine aisance verbale, le sens politique...

Dans les années 1930 Genève a eu pendant 4 ans un gouvernement entièrement de gauche. La "chasse" aux citoyens riches n'a pas débouché sur de grands effets, il suffisait à ces personnes de changer de canton pour se trouver à l'abri de taxes trop élevées. La société G.M. (général motor) voulait s'installer en Suisse elle avait le choix entre Genève et Bienne, elle a choisi Bienne qui lui faisait cadeau des impôts pour les 5 premières années, (elle est restée plus de 40 ans à Bienne générant de nombreux emplois) car Genève n'accordait pas de rabais fiscal et surtout pas à une société américaine...

Narkissos a écrit:

Lapsus exemplaire en effet -- je l'avais entendu hier et ça m'avait fait marrer, comme l'assistance d'ailleurs; je n'arrive pas à entendre distinctement ce que Bush bredouille après, je ne suis pas sûr que ce soit un aveu aussi clair que le suggère la traduction française, mais en tout cas c'est vertigineux, aussi parce que ça reste drôle en étant si terrible... A la différence de Poutine, Bush n'avait rien d'un autocrate, il a plutôt été manipulé comme "l'idiot du village planétaire" par son entourage, mais le résultat est bien comparable, non seulement en matière de destruction et de souffrance inutiles, mais aussi par la désinformation et l'absence corollaire de toute "démocratie" significative dans le processus de décision.

Torture, humiliations... Les photos qui ont révélé l'horreur d'Abou Ghraib

Il y a plus de 10 ans, l’horreur du traitement réservé aux prisonniers d’Abou Ghraib était révélée dans les médias. La femme soldat Lynndie England a été une des plus exposées.

Que montre la photo ?

En avril 2004, le traitement des détenus à la prison d'Abou Ghraib, située à 20 km à l'ouest de Bagdad (Irak), choque le monde entier. Via des clichés pris en octobre, novembre et décembre 2003, on apprend que les prisonniers y sont physiquement et sexuellement abusés, torturés, violés et exécutés.

Construite dans les années 1960, la prison d'Abou Ghraib était un centre de torture et d'exécution sous le règne de Saddam Hussein. Environ 4.000 détenus y sont morts. Après sa chute en avril 2003, l'établissement est baptisé "centre correctionnel de Bagdad" par les Etats-Unis.

Parmi les photos de prisonniers maltraités par leurs geôliers révélées au grand public, une en particulier marque les esprits. La scène se passe dans un couloir de prison sale, avec des feuilles de papier au sol et du tissu qui pend des portes grillagées. Le soldat Lynndie England tient un prisonnier en laisse. Le contraste est saisissant entre ces deux individus : une femme debout, un homme au sol. Elle est habillée et se tient bien droite sur ses deux jambes, il est nu et semble souffrir. La photo est d'autant plus dérangeante qu'elle évoque le registre sexuel. Lynndie England y apparaît comme une dominatrice, une femme qui a réussi à mettre à terre un homme réduit à néant.

  


  

https://www.nouvelobs.com/photo/20160825.OBS6879/torture-humiliations-les-photos-qui-ont-revele-l-horreur-d-abou-ghraib.html

@lct: merci pour ce chapitre instructif de l'histoire de Genève -- insoupçonné de ma part, pourtant pas bien loin en aval du Rhône... c'est d'autant plus amusant pour moi que les patronymes des protagonistes genevois, d'Oltramare à Nicole, sonnent "protestants" et "bibliques" à mes oreilles: on les imagine mal avec le couteau (même suisse) entre les dents... apparemment la séquence a achoppé sur le pacte germano-soviétique, comme pour le Parti communiste français à la veille -- et plus encore au lendemain -- de l'invasion allemande.

@free: la saloperie militaire, policière et carcérale "d'exception" n'est qu'un concentré de la saloperie humaine, qui n'a malheureusement pas de frontière, ni de nationalité ni de race ni de sexe -- dans le même genre, on peut rappeler qu'en huit ans Obama n'a pas réussi à fermer Guantanamo (à Cuba, d'où, bien avant, la fameuse "Guantanamera" d'une tout autre inspiration)... Je n'ai jamais été un fan des USA, où je n'ai d'ailleurs jamais mis les pieds, mais au fond pas davantage de "la France" en tant qu'Etat-nation, où pourtant je suis né... J'objecterais néanmoins, contre toute "raison", à la relativisation des horreurs présentes par celles d'avant, d'après ou d'ailleurs, toute différence dût-elle finir par se dissoudre dans l'indifférence de la comparaison générale, en attendant l'oubli.

Le 9 novembre 1932 un cortège de manifestants de gauche voulant manifester contre une réunion du parti d'extrême droite était durement réprimé par l'armée qui tira sur la foule tuant 13 personnes et en blessant 65 autres. On a peine à imaginer que cela se soit déroulé en Suisse, plus précisément à Genève. Ma mère, curieuse de nature, s'est trouvée sur les lieux de ce grave incident.

Dans les années 1930 de nombreuses Suisses ont regardé la montée du nazisme avec sympathie car pensaient-ils c'était là un moyen de combattre le communisme.

Le 9 novembre 1932, Georges Oltramare convoque à la salle communale de Plainpalais un meeting voué à la «mise en accusation publique des sieurs Nicole et Dicker». Les socialistes appellent à contre-manifester: «La canaille fasciste essaie de sévir à Genève... Ces Messieurs vont trouver à qui parler.» Le Conseil d'Etat décide, au nom du droit de réunion, de protéger celle de l'Union nationale. Il demande l'appui de l'armée.

Citation :

C'est une école de recrues en service à Lausanne qui est dépêchée sur place. Elle se laisse circonvenir par la foule des manifestants, qui bousculent les officiers et appellent les soldats à fraterniser. Des fusils sont arrachés, des casques brisés. La troupe se regroupe sous les invectives. L'ordre de tirer est donné après une sonnerie de trompettes qui a valeur de sommation mais que personne ne comprend. Treize personnes sont tuées, dont une majorité de badauds, 65 sont blessées.

Extraits du journal le Temps du 12 novembre 2005

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