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| antijudaïsmes, antisémitismes | |
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free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 07 Fév 2018, 11:11 | |
| L'historien spécialiste d'histoire culturelle de l'Europe, Georges Bensoussan, était invité sur i24NEWS où il est revenu sur la décision prise par Berlin d'indemniser 25.000 juifs d'origine algérienne, qualifiant l'initiative de "surprenante".
"C'est ça qui est surprenant, pourquoi l'Allemagne va indemniser des victimes du régime de Vichy, lequel régime de Vichy a pris des mesures sans aucune interférence allemande, à savoir pour l'Algérie l'abrogation du décret Crémieux. C'est assez étrange effectivement", a déclaré l'historien Georges Bensoussan - selon qui la déportation n'était pas prévue pour les Juifs d'origine algérienne - évoquait le décret qui a permis d'attribuer d'office en 1870 la citoyenneté française aux "Israélites indigènes" d'Algérie, mais qui a été aboli en 1940.
Il s'est par ailleurs exprimé sur la polémique qui a vu le jour depuis que le parlement polonais a approuvé une loi interdisant toute expression suggérant un lien entre la Pologne et les crimes nazis commis sur son territoire pendant la Seconde Guerre mondiale.
Or, selon lui, il faut distinguer deux choses dans la loi polonaise: le terme "camps de concentration polonais" est une "aberration" car les camps de la mort étaient un projet allemand construit en Pologne occupée. Néanmoins, il ne peut y avoir de doute sur le fait qu'"une grande partie de la population polonaise" ait pris part à l'extermination des Juifs déportés.
"Ce qui est à mon avis assez inquiétant pour l'avenir, c'est que toute une jeune école historique polonaise qui est très riche et dynamique – et courageuse aussi – celle-là ne pourrait plus travailler demain (si la loi passait)", a expliqué Georges Bensoussan.
"Or c'est à elle – cette jeune école historique polonaise qui est peu connue en France – qu'on doit aujourd'hui une très grande avancée sur la réalité dans la solution finale en Pologne", a-t-il ajouté. Même si plusieurs camps de concentration et d'extermination, notamment celui d'Auschwitz, ont été construits sur le sol polonais occupé, pour Varsovie, ce terme pourrait donner l'impression que la Pologne porte une responsabilité dans le génocide perpétré par l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
"La loi qui a été votée n'est pas du tout équivoque, elle dit clairement qu'on ne peut pas parler de camps de concentration polonais et en même temps elle va beaucoup plus loin… ce que dit la loi, c'est que celui qui d'une façon ou d'autre autre mettra en avant le fait que la Pologne a pu participer au génocide - ou tout simplement aidé les Allemands - celui-là sera poursuivi par la justice", a-t-il expliqué.
https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/166947-180205-indemnisation-des-juifs-d-origine-algerienne-une-decision-de-surprenante-g-bensoussan-a-i24news |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 07 Fév 2018, 11:51 | |
| Un des mérites de ce genre de débat est de faire apparaître à quel point une "identité collective" telle que la "nation" fonctionne comme un concept idéal, verbal et conventionnel, sans aucun rapport nécessaire avec une réalité historique. Du jour au lendemain on peut décréter "la France" ou "la Pologne" coupables ou innocentes des mêmes faits: les faits ne sont pas affectés, seulement l'intitulé du compte auquel on les impute ("Vichy" c'est ou ce n'est pas "la France", etc.). A ce tarif, on pourrait aussi bien déclarer "l'Allemagne" innocente de tout ("le nazisme", ce n'est pas "l'Allemagne"). Le simple fait que ça se décide (par une loi) prouve que ça n'a aucune contrepartie concrète (on peut décider que désormais "la Pologne" est innocente, pas que désormais les Polonais parleront portugais ou que la Vistule coulera à l'envers). |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 07 Fév 2018, 12:11 | |
| - Narkissos a écrit:
- Un mérite de ce genre de débat est de faire apparaître à quel point une "identité collective" comme la "nation" fonctionne comme un concept idéal, sans aucun rapport nécessaire avec une réalité historique. Du jour au lendemain on peut décréter "la France" ou "la Pologne" coupables ou innocentes des mêmes faits: les faits ne sont pas affectés, seulement l'intitulé du compte auquel on les impute (Vichy c'est ou ce n'est pas "la France", etc.). A ce tarif, on pourrait aussi déclarer "l'Allemagne" innocente de tout (le nazisme, ce n'est pas "l'Allemagne").
Quand la loi définit l'histoire il y a toujours un effet pervers, chaque pays défend son image et SON histoire. La Turquie refuse de reconnaitre le génocide arménien, la Pologne d'être associée aux camps de concentration ... Qui établit un fait historique et à partir de quels critères ? Concernant les indemnisations voici ce que déclare Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) à l’AFP. « Ce qui est important, c’est la reconnaissance de la souffrance, qui passe aussi par une réparation matérielle. Jusqu’alors cette reconnaissance n’allait pas jusqu’aux juifs d’Algérie, ce qui posait problème ». https://www.la-croix.com/Religion/Judaisme/Shoah-indemnites-allemandes-25-000-juifs-dAlgerie-2018-02-06-1200911740 Associer indemnisation et reconnaissance risque de faire grincer des dents !
Dernière édition par free le Mer 07 Fév 2018, 15:43, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 07 Fév 2018, 12:51 | |
| Ça ne change rien aux "faits historiques", bien entendu, seulement au type de "conscience" qu'on en a et qu'on s'en fait, collectivement -- plus ou moins "bonne" ou "mauvaise conscience". Là il y a un choix philosophique fondamental. Le christianisme a fait beaucoup en théorie pour la "mauvaise conscience" ( tous pécheurs), mais ça n'a guère affecté ses comportements sociaux et politiques: le chrétien qui se confesse pécheur à l'église tient à sa réputation d'honnêteté ou de bonté à l'extérieur; a fortiori une institution chrétienne, nation, royaume, empire, Eglise surtout, se veut impeccable et irréprochable. Et chacun raconte son histoire en conséquence. Tout ça se complique d'ailleurs à l'infini, on a la mauvaise conscience secrète de la bonne conscience qu'on affiche, et réciproquement: honte de s'auto-glorifier, fierté de se repentir et de s'humilier, honteuse d'elle-même à son tour... Si ridicule que ça paraisse, c'est très sérieux, notre rapport à l'histoire ne peut être que tordu et compliqué à la mesure de celle-ci, il faut à la fois tout assumer et tout critiquer; et pas seulement en bloc mais distinguer dans chaque histoire, et nuancer par-dessus le marché. Un patriotisme modeste, qui assumerait les travers spécifiques et la médiocrité générale de sa "nation" au même titre que ses moments de génie, reste un oxymore à inventer. |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Ven 09 Fév 2018, 15:20 | |
| Isaac Asimov, Elie Wiesel et l’antisémitisme
Isaac Asimov, né en 1920 à Petrovitchi, en Russie, et mort en 1992 à New York, est l’un des plus grands auteurs de science-fiction. Il est notamment le père du cycle « Fondation » et du cycle des « Robots ». Il a écrit une autobiographie, « Moi, Asimov », parue chez Denoël en 1996. Il y évoque notamment ses origines juives et la polémique qui l’opposa à Elie Wiesel, dans un passage que je reproduis ci-après Je me suis publiquement exprimé là-dessus une seule fois, dans des circonstances délicates. C’était en mai 1977.
J’étais convié à une table ronde en compagnie notamment d’Elie Wiesel, qui a survécu à l’Holocauste et, depuis, ne sait plus parler d’autre chose. Ce jour-là, il m’a agacé en prétendant qu’on ne pouvait pas faire confiance aux savants, aux techniciens, parce qu’ils avaient contribué à rendre possible l’Holocauste. Voilà bien une généralisation abusive ! Et précisément le genre de propos que tiennent les antisémites : « Je me méfie des Juifs, parce que jadis, des Juifs ont crucifié mon Sauveur. »
J’ai laissé les autres débattre un moment en remâchant ma rancœur puis, incapable de me contenir plus longtemps, je suis intervenu : « Monsieur Wiesel, vous faites erreur ; ce n’est pas parce qu’un groupe humain a subi d’atroces persécutions qu’il est par essence bon et innocent. Tout ce que montrent les persécutions, c’est que ce groupe était en position de faiblesse. Si les Juifs avaient été en position de force, qui sait s’ils n’auraient pas pris la place des persécuteurs ? » A quoi Wiesel m’a répliqué, très emporté : « Citez-moi un seul cas où des Juifs auraient persécuté qui que ce soit ! »
Naturellement, je m’y attendais. « Au temps des Macchabées, au IIe siècle av. J.-C., Jean Hyrcan de Judée a conquis Edom et donné à choisir aux Edomites entre la conversion au judaïsme et l’épée. N’étant pas idiots, les Edomites se sont convertis, mais par la suite, on les a quand même traités en inférieurs, car s’ils étaient devenus des Juifs, ils n’en restaient pas moins des Edomites. » Et Wiesel, encore plus énervé : « Il n’y a pas d’autre exemple. » — C’est qu’il n’y a pas d’autre période dans l’histoire où les Juifs aient exercé le pouvoir, ai-je répondu. La seule fois où ils l’ont eu, ils ont fait comme les autres. »
Ce qui mit fin à la discussion. J’ajoute cependant que l’auditoire était totalement acquis à Elie Wiesel. J’aurais pu aller plus loin. Faire allusion au sort réservé par les Israélites aux Cananéens au temps de David et de Salomon, par exemple. Et si j’avais pu prédire l’avenir, j’aurais évoqué ce qui se passe en Israël aujourd’hui. Les Juifs d’Amérique auraient une vision plus claire de la situation s’ils se représentaient un renversement des rôles : les Palestiniens gouvernant le pays et les Juifs les bombardant de pierres avec l’énergie du désespoir.
J’ai eu le même type de querelle avec Avram Davidson, brillant auteur de science-fiction qui, naturellement, est juif, et a été, du moins à une époque, ostensiblement orthodoxe. J’avais consacré un essai au Livre de Ruth, où je voyais un appel à la tolérance par opposition aux édits du cruel scribe Ezra, qui incitait les Juifs à « répudier » leurs épouses étrangères. Ruth était une Moabite, peuple haï des juifs s’il en est ; pourtant, elle est dépeinte dans l’Ancien Testament sous les traits d’une femme modèle ; en outre, elle compte parmi les ancêtres de David. Avram Davidson a pris ombrage de mon sous-entendu (les Juifs présentés comme intolérants) et j’ai eu droit à une lettre fort sarcastique dans laquelle il me demandait lui aussi si les Juifs s’étaient jamais livrés à des persécutions. Je lui ai répondu notamment : « Avram, vous et moi vivons dans un pays à 95 % non juif et cela ne nous pose pas de problème particulier. En revanche, qu’adviendrait-il de nous si nous étions des gentils habitant un pays à 95 % juif orthodoxe ? »
Je n’ai jamais reçu de réponse.
A l’heure où j’écris, on assiste à un afflux de Juifs ex-soviétiques en Israël. S’ils fuient leur pays, c’est bien parce qu’ils redoutent des persécutions de nature religieuse. Pourtant, dès qu’ils posent le pied sur le sol d’Israël, ils se muent en sionistes extrémistes impitoyables à l’égard des Palestiniens. Ils passent en un clin d’œil du statut de persécutés à celui de persécuteurs.
Cela dit, les Juifs ne sont pas les seuls dans ce cas. Si je suis sensible à ce problème particulier, c’est parce que je suis juif moi-même. En réalité, là encore le phénomène est universel. Au temps où Rome persécutait les premiers chrétiens, ceux-ci plaidaient pour la tolérance. Mais quand le christianisme l’a emporté, est-ce la tolérance qui a régné ? Jamais de la vie. Au contraire, les persécutions ont aussitôt repris dans l’autre sens. Prenez les Bulgares, qui réclamaient la liberté à leur régime dictatorial et qui, une fois qu’ils l’ont eue, s’en sont servis pour agresser leur minorité turque. Ou le peuple d’Azerbaïdjan, qui a exigé de l’Union soviétique une liberté dont il était privé par le pouvoir central pour s’en prendre aussitôt à la minorité arménienne.
La Bible enseigne que les victimes de persécutions ne doivent en aucun cas devenir à leur tour des persécuteurs : « Vous n’attristerez et vous n’affligerez pas l’étranger, parce que vous avez été étrangers vous-mêmes dans le pays d’Egypte » (Exode 22 : 21). Mais qui obéit à cet enseignement ? Personnellement, chaque fois que je tente de le répandre, je m’attire des regards hostiles et je me rends impopulaire. https://blog.mondediplo.net/2010-01-18-Isaac-Asimov-Elie-Wiesel-et-l-antisemitisme |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Ven 09 Fév 2018, 17:10 | |
| J'ai réentendu il n'y a pas longtemps la célèbre citation de Rabbi Huna dans le midrash du Lévitique (wayiqra rabba). Je ne la retrouve pas intégralement, mais Pierre Vidal-Naquet la cite en partie ici. |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Ven 09 Fév 2018, 17:25 | |
| - Narkissos a écrit:
- J'ai réentendu il n'y a pas longtemps la célèbre citation de Rabbi Huna dans le midrash du Lévitique (wayiqra rabba). Je ne la retrouve pas intégralement, mais Pierre Vidal-Naquet la cite en partie ici.
Brûler des livres, c'est ce qui a été fait par les nazis, ou par les gardes rouges pendant la prétendue grande révolution culturelle prolétarienne. Ce sont là des méthodes abjectes et qui ne peuvent, de surcroît, que donner la palme du martyre à ceux-là mêmes qu'il faut effectivement combattre. Rien ne serait pire que de transformer le chef de la secte en une sorte de victime expiatoire des crimes d'un autre âge. Cela certainement ne serait pas bon pour les Juifs. Et puisque précisément beaucoup de ces persécuteurs en puissance se réclament de la tradition juive, qu'ils me permettent de les renvoyer à un texte, que j'extrais d'un midrash (commentaire rabbinique ancien) de Lévitique, 27, 5. C'est Rabbi Huna qui parle au nom de Rabbi Joseph : « Dieu est toujours du côté de qui est persécuté. On peut trouver un cas où un juste persécute un juste, et Dieu est du côté du persécuté ; quand un méchant persécute un juste, Dieu est du côté du persécuté; quand un méchant persécute un méchant, Dieu est du côté du persécuté, et même quand un juste persécute un méchant, Dieu est à côté de qui est persécuté ». Réfléchir sur un pareil texte et sur ce qu'il implique, voilà, certes, qui serait bon pour les Juifs. Mon peuple n’a jamais su haïr. Sa tragédie, au cours des siècles, s’explique par le manque de haine dont il fit preuve à l’égard de ceux qui tentèrent de l’exterminer, de ceux qui, souvent, réussirent à l’humilier. Notre seule chance, à présent, […] c’est d’apprendre l’art et la nécessité de la haine. Il y a un État, et il est différent de tous les autres. Il est juif, et pour cela il est plus humain que n’importe quel autre.http://www.tribunejuive.info/hommage-2/elie-wiesel-je-suis-juif-et-cela-signifie-que-je-nai-plus-peur-de-rien |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Ven 09 Fév 2018, 19:42 | |
| Wiesel a dit beaucoup de choses profondes et admirables, et aussi quelques âneries (dans l'article indiqué ci-dessus la proportion paraît approximativement respectée). Le christianisme obnubilé par ses "commandements d'amour" a certainement manqué de courage et de lucidité pour assumer sa haine, mais on ne peut pas en dire autant du judaïsme, surtout pas biblique. Dans le judaïsme rabbinique ça se complique un peu, en partie parce qu'il se définit par rapport au christianisme, tantôt dans l'opposition tantôt dans l'imitation; mais il me semble que le refoulement de la haine n'y a jamais été aussi pathologique que dans la "chrétienté". (Je suis retombé sur une formule de Nietzsche à propos de Spinoza, Am Judengott frass Judenhass, "une haine juive s'en prenait au dieu juif": elle semblerait antisémite à qui ignorerait l'anti-antisémitisme général de Nietzsche et surtout ses "valeurs", à savoir que l'expression de la haine est infiniment préférable au ressentiment qui résulte de son interdiction; Freud, sur ce point, ne dira pas autre chose).
Quant à la dialectique désastreuse du "plus humain que les autres", on en a déjà beaucoup parlé: à mon avis elle se réfute mieux toute seule que si on y rétorque quoi que ce soit, car on ne peut rien y répondre sans retomber soi-même dans la dialectique tout aussi idiote de l'"universel" et du "particulier" (c'est d'ailleurs probablement fait pour ça). |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 14 Fév 2018, 16:59 | |
| - Citation :
- Quant à la dialectique désastreuse du "plus humain que les autres", on en a déjà beaucoup parlé: à mon avis elle se réfute mieux toute seule que si on y rétorque quoi que ce soit, car on ne peut rien y répondre sans retomber soi-même dans la dialectique tout aussi idiote de l'"universel" et du "particulier" (c'est d'ailleurs probablement fait pour ça).
Cette dialectique peut entrainé des réponses acides aussi : Il y a un État, et il est différent de tous les autres. Il est juif, et pour cela il est plus humain que n'importe quel autre. Discours à Kansas City en 1970. (P. S. : Je tiens à vous rassurer, cher Elie, en ce qui concerne l'ânerie, vous n'êtes pas spécialement différent du restant de l'humanité. Je vous trouve au contraire très humain, peut-être même plus humain que la moyenne...) https://www.babelio.com/auteur/Elie-Wiesel/15256/citations |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 14 Fév 2018, 20:36 | |
| Le pire, c'est que la formule peut n'être pas idiote, si on l'entend avec un certain humour (juif ?), précisément comme absurde ou nonsensical: à la façon du "plus égal que les autres" d'Orwell, par exemple. Hélas, l'humour survit moins bien que les formules, en politique et ailleurs... |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 10:54 | |
| - Narkissos a écrit:
- Le pire, c'est que la formule peut n'être pas idiote, si on l'entend avec un certain humour (juif ?), précisément comme absurde ou nonsensical: à la façon du "plus égal que les autres" d'Orwell, par exemple. Hélas, l'humour survit moins bien que les formules, en politique et ailleurs...
Il faut que se soit le lecteur qui fasse l'effort de recevoir ce texte avec cet humour (juif), ce recul et ce décalage je ne suis pas sûr qu' Elie Wiesel l'ai exprimé avec cet humour mais d'un autre côté, j'y vois une sincérité qui exclut toute volonté de mépriser les non-juifs (mais la formule reste et prête à interprétation). A mon avis, Elie Wiesel estimait que l'histoire atypique du peuple juif et les différentes persécutions (génocides) dont il fût victime, lui donnait une identité singulière (ce qui n'est pas faux). Elie Wiesel est resté fidèle, et de manière intraitable, à sa foi et à sa culture juive (ce qui est tout à fait respectable), d'ailleurs suite à la parution du livre majeur de Jean-Marie Lustiger appelé Le choix de Dieu, Elie Wiesel publiera un article dans le Monde. L'article suivant révèle dans quel contexte. Ce qui rapproche plutôt que ce qui sépareIl ne conteste pas l’amour de son ami converti pour le peuple juif, la fidélité de sa mémoire juive, son combat de tous les instants contre l’antisémitisme, mais il exprime sa totale incompréhension et même son scandale devant sa prétention à vouloir cumuler une identité juive et une identité chrétienne. Cela lui est insupportable. Il écrit: - Citation :
- «Sans vouloir lui faire de la peine, comment ne pas lui rappeler qu’il s’agit de deux religions liées entre elles et même proches l’une de l’autre, mais non identiques? D’innombrables juifs l’ont prouvé, à travers des siècles de persécution et d’oppression, en optant pour la mort par l’épée et par le glaive plutôt que d’embrasser la croix».
Elie Wiesel exprime sa douleur devant l’éloignement de Jean-Marie Lustiger de son authentique tradition juive. Il regrette qu’au lieu d’aller «chercher ailleurs», le futur cardinal n’ait pas approfondi sa quête spirituelle « à l’intérieur de sa propre condition». Enfin il ajoute cette question dans laquelle percent à la fois l’humour et la tristesse: - Citation :
- «Le peuple juif n’a t-il pas perdu en Jean-Marie Lustiger un homme qui, en d’autres circonstances, aurait sûrement contribué à sa grandeur et à l’épanouissement de sa gloire?».
Autrement dit, plutôt qu’un cardinal de l’Eglise, Jean-Marie Lustiger aurait fait un très bon et un très grand rabbin! http://www.slate.fr/story/120533/elie-wiesel-jean-marie-lustiger-amitie-dechirement |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 12:01 | |
| Dieu est une blague juive qui a mal tourné, cette boutade me semble décidément juste, sous réserve d'explications qui la font mal tourner à son tour, de boutade en thèse sérieuse.
Qu'un peuple devienne "monothéiste" dans la défaite, en transformant son dieu tutélaire vaincu non seulement en dieu vainqueur, au prix de sa propre autoflagellation (notre dieu a donné la victoire à nos ennemis parce que nous avons péché contre lui, c'est un schéma assez classique, cf. notamment la relation de Babylone à Mardouk dans le Cylindre de Cyrus), mais en un Dieu rigoureusement unique et maître de toute histoire, c'est une chose; qu'un millénaire plus tard une bonne moitié de l'humanité (chrétienne puis musulmane) se soit mise à croire non seulement en "Dieu", mais en ce Dieu-là avec cette histoire-là; que les textes mêmes du "judaïsme" soient lus de l'extérieur comme une "preuve" quasiment objective, et de "l'élection" d'Israël par le Dieu unique, et de son "infidélité" et de sa "malédiction", c'est assurément tragique mais ça ne laisse pas, avec un peu de recul, d'avoir l'air d'une blague, à l'échelle de l'histoire...
La question des conversions (du ou au judaïsme) est extrêmement sensible, car il y va de deux pathos (pathè ?) irréconciliables: la longue histoire des conversions forcées (sous peine de mort ou de vie impossible) occulte aux yeux de la communauté juive ce que peut avoir d'intimement contraignant pour l'individu le pathos évangélique; comment un juif qui en vient à croire à "Jésus-Christ" pourrait-il éviter de devenir chrétien? D'une certaine façon il est déjà "chrétien" quand il en est là. Et comment pourrait-il l'être sans justifier "objectivement" toute l'histoire de la prépondérance du christianisme et la persécution des juifs, si sincèrement qu'il les réprouve ? Symétriquement, un juif devenu chrétien, même à la énième génération, ne peut pas "redevenir juif" sans avoir l'air de cracher sur ce qui est au cœur même de la foi des chrétiens, "Jésus-Christ". La situation est théologiquement insoluble, on ne commence à la "comprendre" que d'un point de vue "athée" (qui, Dieu merci, est accessible à la plupart des théologiens, puisque c'est précisément de ce point de vue et non de celui du "simple croyant" qu'ils font de la "théologie").
Dernière édition par Narkissos le Jeu 15 Fév 2018, 12:52, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 12:44 | |
| Le fait d'être victime d'un génocide, rend-t-il plus humain ou humaniste ?
Wiesel était un humaniste et a consacré une grande partie de sa vie à défendre les opprimés contre les oppresseurs. Certains lui reprocheront que son humanisme s’arrête devant Israël, en oubliant ceux qui étaient persécutés par l’État d’Israël, les Palestiniens. L'histoire de l'état d'Israël recèle des périodes sombres (comme l'histoire de tous les états), mais l'état hébreu a eu le mérite de les regarder en face.
Les Juifs yéménites, ces êtres "à peine supérieurs aux Arabes". De 1949 à 1952, des enfants de femmes originaires du Yémen auraient été donnés pour mort-nés ou soustraits à leurs parents pour être adoptés par des familles juives occidentales. Au-delà du scandale qui secoue l’opinion, l’affaire trahit la vision des fondateurs de l’Etat, pour qui les Juifs d’Orient étaient des «primitifs». (https://www.courrierinternational.com/article/1997/10/23/les-juifs-yemenites-ces-etres-a-peine-superieurs-aux-arabes)
Yéménites disparus : une affaire d’Etat longtemps étouffée en Israël.
Ce bébé disparu fait partie des milliers d’enfants en bas âge évaporés peu après l’arrivée de leurs parents en «Terre promise». Officiellement, ils seraient morts de ne pas avoir supporté leur vaccination ou d’avoir contracté une maladie inconnue. Mais l’histoire n’est pas si simple. Peu après la création d’Israël en 1948, des centaines de milliers de juifs originaires des pays arabes et du bassin méditerranéen se sont installés dans l’Etat hébreu. Parce que leur nouveau pays était en guerre, que ses institutions, fraîchement créées, étaient désorganisées et que son économie était au bord de la faillite, ils y ont été mal reçus. Mais aussi parce que ces olim (nouveaux arrivants) étaient des mizrahim (issus des pays orientaux) et que l’establishment constitué d’ashkénazes (originaires d’Europe) les méprisait.
Bébés vendus
Aspergés d’un insecticide (DDT) dès leur arrivée, privés de papiers d’identité, parqués dans des camps de tentes ou dans des ma’abarot, des villages de cabanes rudimentaires : les plus maltraités étaient sans conteste les 48 000 Yéménites emmenés en Israël entre 1949 et 1950 dans le cadre de l’opération «Tapis volant», un pont aérien secret lancé avec le soutien des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Profondément religieux, ces Yéménites croyaient réaliser une prophétie biblique en arrivant en Israël. Et avoir un avant-goût du paradis. Mais beaucoup ont déchanté lorsque leur enfant en bas âge a disparu pour être, quelques jours ou quelques semaines plus tard, déclaré mort sans autre explication. (http://www.liberation.fr/planete/2017/08/10/yemenites-disparus-une-affaire-d-etat-longtemps-etouffee-en-israel_1589337) |
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 13:42 | |
| Comme toujours, la référence (inévitable, compulsive) au nazisme occulte un "mal" beaucoup plus profond et plus répandu; en diabolisant spécifiquement le seul "nazisme" on perd de vue ce que le nazisme lui-même devait à son époque et à sa civilisation: le mythe occidental du progrès scientifique, technique, industriel et administratif, prolongeant une vision de l'histoire où le racialisme prolongeait lui-même l'évolutionnisme de l'histoire naturelle, tout cela n'était pas seulement "nazi" et pourtant constituait une part essentielle et déterminante du "nazisme". Cette vision du monde fascinait le monde entier depuis le XIXe siècle, même au fin fond de l'Asie ou de l'Afrique où tout accès à la "culture" était forcément un accès à cette "culture"-là: les juifs européens ou américains y ont participé tout autant que les Français, les Anglais ou les Allemands "de souche". Elle n'a évidemment pas disparu du jour au lendemain en 1945, elle s'est perpétuée partout, en Israël comme dans les futures ex-colonies arabes, asiatiques, africaines, indiennes, elle s'est fondamentalement préservée en chargeant le nazisme de tout son "mal", comme si les nazis étaient des extra-terrestres tombés du ciel, comme si le "mal" qu'ils ont porté au pire n'était pas celui de toute cette époque et de toute cette civilisation. Et après on s'étonne de retrouver partout, au XIXe et au XXe siècle, des gens, des professions et des institutions qui pensent et se comportent "comme des nazis", parce qu'on ne comprend plus qu'à bien des égards les nazis pensaient aussi "comme tout le monde", comme tout leur monde qui est encore en grande partie le nôtre. |
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 14:11 | |
| Merci Narkissos de la profondeur de tes analyse que tu nous exposes avec beaucoup de nuances. Parmi les théories qui ont favorisées l'éclosion du nazisme (ou d'autres pensées), on trouve le darwinisme social : Le darwinisme social est une doctrine politique évolutionniste apparue au XIXe siècle qui postule que la lutte pour la vie entre les hommes est l'état naturel des relations sociales. Selon cette idéologie, ces conflits sont aussi la source fondamentale du progrès et de l'amélioration de l'être humain. Son action politique préconise de supprimer les institutions et comportements qui font obstacle à l'expression de la lutte pour l’existence et à la sélection naturelle qui aboutissent à l’élimination des moins aptes et à la survie des plus aptes (survival of the fittest : survie du plus apte). (https://fr.wikipedia.org/wiki/Darwinisme_social) - Citation :
- La question des conversions (du ou au judaïsme) est extrêmement sensible, car il y va de deux pathos (pathè ?) irréconciliables: la longue histoire des conversions forcées (sous peine de mort ou de vie impossible) occulte aux yeux de la communauté juive ce que peut avoir d'intimement contraignant pour l'individu le pathos évangélique; comment un juif qui en vient à croire à "Jésus-Christ" pourrait-il éviter de devenir chrétien?
Sur Public Sénat, dans son émission « Bibliothèque Médicis » diffusée pour la première fois le 10 avril, le journaliste Jean-Pierre Elkabbach recevait Véronique Lévy, sœur cadette de Bernard-Henri Lévy, qui s’est convertie au catholicisme et a été baptisée en 2012. Voici un extrait de l’échange… Jean-Pierre Elkabbach – Pourquoi vous n’êtes pas restée juive ? Véronique Lévy – Je suis restée juive en devenant catholique. Catholique veut d’ailleurs dire universel. Un chrétien est un juif accompli. J.-P. E. – Vous dites je suis devenue catholique parce que je suis juive. Mais est-ce que l’avenir d’un juif c’est de se convertir au Christ, est-ce que ça ne sonnerait pas comme la fin du peuple de Moïse ? V. L. – Non, pour moi, c’est un accomplissement absolu. Pour moi un chrétien, je le dis souvent, est un juif accompli. J.-P. E. – Mais il vaut mieux que pour les juifs leur destinée ne soit pas de se fondre dans des conversions qui les fassent disparaître, pire que d’autres ont essayé de le faire. https://www.christianophobie.fr/television/pour-jean-pierre-elkabbach-le-christianisme-est-pour-les-juifs-pire-que-le-nazisme |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 15:38 | |
| 1. Le "darwinisme social" est une étiquette qu'on peut coller sur les idées les plus contradictoires, de sorte qu'elle ne signifie pas grand-chose.
Le problème de fond -- auquel Nietzsche s'est sans doute affronté plus profondément et douloureusement que quiconque -- peut s'exprimer ainsi: dès lors qu'on pense en termes de "rapport de force", au nom de quoi pourrait-on exclure quoi que ce soit du "rapport de force" ? La ruse du faible, la coalition des faibles contre le fort qui peut renverser le rapport de force, la solidarité entre forts et faibles qui résulte d'une négociation à laquelle chacun trouve son intérêt, le fort utilisant l'intelligence du faible à son profit, le faible utilisant aussi la force du fort à son profit, tout cela ne cesse de modifier le rapport de force et de (re-)constituer du rapport de force. Même une théorie du rapport de force se réinscrit aussitôt dans un rapport de force effectif: prôner un "darwinisme social" (quelle que soit son "espèce") peut avoir pour effet de décourager les faibles mais aussi de les stimuler, de les fédérer, etc., y compris par la contre-théorie. Opposer sur ce point "nature" et "culture" est d'une stupidité sans nom: le renard mange le lapin, mais il y a toujours plus de lapins que de renards, c'est dans l'intérêt des renards comme des lapins... Parce que "le mieux adapté" n'est pas simplement "le plus fort", parce qu'il y a mille façons de "s'adapter" et qu'elles sont en relation les unes avec les autres.
2. Il vaut peut-être la peine de remarquer comme ce "sujet" nous fait voyager, d'un lien à l'autre, de textes intéressants ou instructifs aux "poubelles d'Internet", aussi variées qu'avariées. L'interview tronquée -- c'est la suite, à la rigueur, qui aurait pu être significative -- et la surinterprétation qui s'y greffe (le titre) ne renseignent que sur la mentalité des auteurs du site et de ceux qui le fréquentent.
Cela dit il y a bel et bien, là aussi, un problème de fond, celui dont nous parlons depuis le début, à propos de l'"identité juive" (et qui vaudrait de n'importe quelle identité collective), menacée autant par ce qui l'attire (la tente, la séduit) que par ce qui la combat ou la persécute: l'hellénisme, le christianisme, les Lumières et tout ce qui s'ensuit. Socrate ou Platon potentiellement plus "dangereux" qu'Antiochos, Jésus ou Paul que Titus ou Hadrien, la philosophie allemande que l'antisémitisme allemand. "Dangereux" mais stimulants aussi, y compris pour le mouvement de refus qui à chaque étape empêche "le judaïsme" de se dissoudre dans la civilisation ambiante, et lui permet quand même de se renouveler en apprenant de ses tentateurs, autant que de ses adversaires... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 16:35 | |
| - Citation :
- Il vaut peut-être la peine de remarquer comme ce "sujet" nous fait voyager, d'un lien à l'autre, de textes intéressants ou instructifs aux "poubelles d'Internet", aussi variées qu'avariées. L'interview tronquée -- c'est la suite, à la rigueur, qui aurait pu être significative -- et la surinterprétation qui s'y greffe (le titre) ne renseignent que sur la mentalité des auteurs du site et de ceux qui le fréquentent.
Je ne m'associe en rien aux auteurs de ce site, c'est pour cela que je n'ai pas mentionné le titre et les commentaires. Je voulais juste attirer l'attention sur la peur (légitime) de certains juifs d'être assimilés et de voir leur identité, disparaitre. Il me semble que chaque conversion d'un juif, à une autre religion, est vécu par certains juifs, comme une "perte" irrémédiable d'identité (comme la brebis égaré, qui brise l'UN). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 17:04 | |
| Je ne t'accusais pas !
Je voulais souligner aussi que la phrase incriminée pose une excellente question, parce qu'elle débouche sur un problème de responsabilité sans fin: on ne peut, à la lettre, rien faire sans déclencher des catastrophes en série dont on ne se rendra compte que trop tard, si seulement on s'en rend compte. Si "bons" que se soient voulus le judaïsme, l'hellénisme, le christianisme ou l'humanisme moderne, leur "bien" a fait du "mal" sans mesure, détruit à jamais d'autres équilibres vitaux et compromis à terme leur propre avenir. C'est la règle générale de l'histoire, à laquelle personne n'a jamais échappé mais que nous comprenons peut-être un peu mieux dans la mesure où il nous manque l'enthousiasme d'autres générations, qui détruisaient comme elles créaient, légèrement. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 17:25 | |
| - Citation :
- Je voulais souligner aussi que la phrase incriminée pose une excellente question, parce qu'elle débouche sur un problème de responsabilité sans fin: on ne peut, à la lettre, rien faire sans déclencher des catastrophes en série dont on ne se rendra compte que trop tard, si seulement on s'en rend compte.
« Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » Il est difficile de quitter une minorité, quitter le judaïsme, c’est quitter une minorité qui se sent en danger (comme toutes les minorités), cette peur de l’affaiblissement du judaïsme par la perte des Juifs attirés par d’autres religions est palpable, cette question est encore plus traumatisante avec la Shoah. Se convertir peut signifier "renier", renier une identité collective mais aussi une histoire et une souffrance collectives. L’« être juif » se mue en « devoir être juif ». Réside ici tout le drame des convertis : juifs largement étrangers au judaïsme, ils ne perçoivent leur héritage religieux que sous la forme insaisissable d’une absence, de souvenirs tragiques que l’on espère ne voir jamais plus reparaître. Mais, n’est-ce pas également la condition de nombreux Juifs, au-delà du cercle restreint des convertis, et particulièrement dans le monde intellectuel ? Comment expliquer autrement que certains restent « fidèles jusque dans l’incroyance » pour reprendre l’expression d’André Frossard ? Cette solidarité avec une communauté de souffrance retient, par exemple, le philosophe Henri Bergson qui, tout prêt d’abjurer sa foi, pressent les persécutions de la Seconde Guerre mondiale et décide de « rester parmi ceux qui seront demain des persécutés. Pour Marc Boasson, « le judaïsme ne peut se comparer à aucune des autres religions européennes et je dirai qu’il est plus cosmopolite qu’universel. Il est à peine une règle morale, mais il est un puissant lien matériel, la loi d’une tribu dispersée plutôt que le canon universel des peuples . ». Boasson ne cherche pas ici à réduire le fait juif au sionisme : l’emploi du terme « tribu » qui plonge ses racines dans la plus haute antiquité est davantage à rapprocher du concept moderne d’« ethnicité » que de ceux d’« État » ou de « nation » juive, nés au sein du mouvement d’éveil des nationalités au cours du XIX e siècle. https://www.cairn.info/revue-archives-juives-2011-1-page-106.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 15 Fév 2018, 18:18 | |
| Article passionnant, pour le coup (malgré l'étrange absence de Simone Weil dans cette série de portraits où elle aurait eu, à mon sens, toute sa place), et d'autant plus pathétique que ce catholicisme intellectuel français de droite, qui a exercé une telle fascination, a lui-même quasiment disparu après la Seconde Guerre mondiale... |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Lun 23 Avr 2018, 15:56 | |
| Pour l'ex-ambassadeur israélien en France, "le néo-sionisme en Israël pense comme le Hamas, c’est le Hamas juif"
Elie Barnavi, ancien ambassadeur israélien en France, a expliqué, jeudi sur franceinfo, que "le projet séculier s’est déplacé vers un projet à forte connotation religieuse et messianique" alors qu'Israël fête ses 70 ans.
Sur franceinfo, Elie Barnavi, ancien ambassadeur israélien en France, a estimé que "le projet séculier s’est déplacé vers un projet à forte connotation religieuse et messianique", utilisant le terme de "néo-sionisme". Pour lui, ce dernier "pense comme le Hamas, c’est le Hamas juif".
franceinfo : Quel était le projet d’origine de la création d’Israël en 1948 ?
Elie Barnavi : C’était de créer en Palestine un État-nation juif. C’était un projet porté par la gauche travailliste. Il fallait construire un État pour un peuple sans État. Afin de le remettre dans le cours de l’Histoire, mais il y a eu une ambiguïté d’entrée entre religion et volonté d’un État politique. L’unité politique des débuts existe-t-elle toujours aujourd’hui ? Cette idée a été mise au défi par la conquête de la Cisjordanie. La redécouverte de ces anciens territoires qui étaient au cœur de l’espace biblique a provoqué un choc psychologique. Le projet séculier s’est déplacé vers un projet à forte connotation religieuse et messianique. Il s’agit d’un néo-sionisme, un projet radicalement différent de celui d’origine.
Qu’est-ce qui a changé ?
C’est la finalité de cet État. Il y a un débat récurrent et violent entre ceux qui pensent, comme moi, qu’Israël est un État-nation comme les autres et ceux qui pensent que c’est une communauté de croyants sur une terre promise par le Tout-Puissant. C’est devenu un débat politique, le néo-sionisme en Israël pense comme le Hamas, c’est le Hamas juif. Une conception du monde théologique qui refuse toute idée de normalité et de rétrocession territoriale.
https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/pour-l-ex-ambassadeur-israelien-en-france-le-neo-sionisme-en-israel-pense-comme-le-hamas-cest-le-hamas-juif_2713724.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Lun 23 Avr 2018, 16:48 | |
| Comme il a été montré abondamment dans ce fil, une ironie supplémentaire (et doublement amère) est que ce changement de "projet politique" qui paraît à l'avantage de "la religion" s'accompagne de fait d'un changement de "religion". La "religion" littéralement "colonialiste" de l'Etat d'Israël actuel n'est plus le judaïsme essentiellement rabbinique et talmudiste (c.-à-d. post-"biblique") tel qu'il s'était développé depuis les guerres judéo-romaines, mais un néo-judaïsme bibliciste qui tire sa principale inspiration (au Nouveau Testament près) du fondamentalisme évangélique américain. Et cela affecte nécessairement, par solidarité, le judaïsme hors d'Israël, malgré quelques résistances aussi héroïques que vaines. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 26 Avr 2018, 09:28 | |
| Et pourquoi ne pas remettre le mot à sa place : comme faisant partie d’un mal planétaire, touchant toute l’humanité et tapi au fond de chaque être humain, un mal nommé « racisme » ? Ecoutons cette voix, venue d’Israël, celle d’un homme au-dessus de tout soupçon, si l’on se fie à ses titres d’ancien président de la Knesset, ancien président de l’Agence juive, ancien président de l’Organisation sioniste mondiale, et même président par intérim (trois semaines !) de l’Etat d’Israël, Avraham Burg :
« Bien sûr que l'antisémitisme existe encore, sous la forme d'un mixte bizarre d'antijudaïsme religieux, de xénophobie, d'anti-impérialisme, d'antiaméricanisme et d'anti-israélisme d'extrême gauche. Mais le phénomène contemporain est celui d'une haine généralisée de l'autre, de l'étranger, de l'immigré, de la différence, de l'homosexualité, des musulmans et, dans le lot, des juifs. L'antisémitisme est désormais une partie seulement d'un phénomène universel plus global. Revendiquer une spécificité en la matière me paraît stupide. »
https://blogs.mediapart.fr/salah-guemriche/blog/250418/epuration-islamophobique-grand-bruit |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 26 Avr 2018, 12:16 | |
| (On notera au passage, dans cet article un peu confus mais riche et intéressant, un aperçu des problèmes de l'herméneutique coranique que nous évoquions récemment: comment l'introduction d'un principe d'"abrogation", donc de sélection ou de hiérarchisation des textes, s'est retourné contre l'intention plutôt "humaniste" de ses auteurs en finissant par valoriser les textes les plus "durs" et non les plus "doux".) En rapprochant cette parenthèse hors-sujet de mon post précédent dans ce fil: la mutation "bibliciste" du judaïsme actuel, qui résulte directement de la situation nouvelle de l'Etat d'Israël, pourrait bien réserver d'autres surprises. Plus le dispositif herméneutique rabbinique et traditionnel (Talmud, midrash, etc.) est délaissé au profit d'un retour im-médiat aux textes "bibliques" (Torah et TaNaKh en général) -- on a parlé plus haut de néo-qaraïsme (cf. supra p. 3, à partir du 30.8.17) -- plus le retour de tout ce que le judaïsme rabbinique avait "dépassé" devient probable: si l'on prend "à la lettre" la cartographie de la "conquête" de Josué ou du royaume de David pour en tirer un programme politique, il n'y a pas de raison (herméneutique) qu'on n'en revienne pas aussi au temple, à la prêtrise, aux sacrifices et aux lapidations. Seul ce que l'Etat d'Israël conserve de "moderne" et de "laïque" (autrement dit ce qui reste du projet "sioniste" originel) peut encore s'y opposer -- et pour combien de temps ? -- sûrement pas une religion qui a déjà viré d'une subtilité rabbinique et "savante" au fondamentalisme bibliciste populaire à la sauce américaine... Surplus d'ironie historico-littéraire: comme une conquête fictive est devenue quasiment réelle 2500 ans plus tard, une Torah née sous domination étrangère et par conséquent largement inapplicable à l'origine peut acquérir force de loi dans un Etat indépendant et souverain... Le problème de la singularisation de l'"antisémitisme" à l'intérieur du "racisme" et a fortiori à côté (comme si c'était autre chose qu'un "racisme") a été amplement discuté tout au long de ce fil et je n'y reviens pas (je suis tout à fait d'accord avec la dernière citation). On peut en effet relever qu'avec le concept (si l'on peut dire) d'"antisémitisme arabe" la boucle du contresens étymologique est bouclée: la notion d'antisémitisme avait été crée pour noyer un antijudaïsme ou une judéophobie spécifiques sous une apparence de généralité ethno-linguistique (les "Sémites" qui parlent des langues "sémitiques", dont l'arabe), quand on appelle "antisémites" des "Sémites" judéophobes l'absurdité de cette terminologie est patente. Mais comme dit à peu près Guemriche, en matière linguistique l'usage est roi même s'il est fou. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 10 Mai 2018, 21:57 | |
| Cela fait quelques semaines que j’observe, avec intérêt, comme d’autres lecteurs de ce forum le sujet traitant des antijudaïsmes et des antisémitismes, bien que je n’y ai pas participé. Je tiens à m’en expliquer.
La Suisse, pays multiculturel, plurilingue se déclarant laïc bien que son pacte fondateur commence par « Au nom du Seigneur, Amen… » ne semble pas connaître les turpitudes évoquées le long de ce fil.
Je peux me tromper, mais j’ai l’impression que lorsqu’un acte est commis à l’encontre d’une personne juive, les médias français qui se réclament de la laïcité, mettent en avant la religion de la victime avant de préciser s’il s’agit d’un citoyen français ou d’une citoyenne française.
En Suisse en cas de violence perpétrée contre une personne de confession juive, l’on déclarera qu’un citoyen suisse de religion juive a été victime d’agression. C’est donc la citoyenneté suisse voire étrangère qui est mentionnée avant la religion. Le 1er avril 1993 Ruth Dreifuss a été élue au Conseil Fédéral (composé de 7 membres [équivalents des ministres de pays européens]) elle y a siégé jusqu’au 31 décembre 2002 puis a quitté ses fonctions sur sa demande ; elle a exercé la fonction de Présidente de la Confédération (pour une année) en l’an 2000. Cette femme remarquable est juive non pratiquante. Son élection n’a pas posé de problème.
Il m’apparait que les déclarations d’intellectuels français demandant une réforme de certains passages du Coran totalement déplacé. Mais cela a déjà été dit bien mieux que je ne saurai le faire. |
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes | |
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