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| antijudaïsmes, antisémitismes | |
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free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Lun 26 Aoû 2024, 16:15 | |
| Attaque de la synagogue de La Grande-Motte: Jean-Luc Mélenchon est un "pompier-pyromane" pour Yonathan ArfiAprès l’attaque de la synagogue de La Grande-Motte, Yonathan Arfi, président du Crif, estime ce lundi matin sur RMC que Jean-Luc Mélenchon est un "pompier-pyromane". Après l’attaque de la synagogue de La Grande-Motte samedi matin, Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un "intolérable crime", sans parler d'antisémitisme. Président du Crif et invité d’Apolline Matin ce lundi sur RMC et RMC Story, Yonathan Arfi estime que le leader de LFI est un "pompier-pyromane". " Je ne crois pas non plus à la sincérité de Jean-Luc Mélenchon quand il condamne cet acte antisémite, explique-t-il, rejoignant l’avis du grand rabbin de France Haïm Korsia. Il est pompier-pyromane dans ce moment-là. Il a contribué à ce climat délétère qui met les juifs en danger. Et ensuite, il vient s’apitoyer sur le sort, non pas des juifs qui sont désignés collectivement, mais simplement des croyants, des fidèles… Il présente ça comme une atteinte à la laïcité. Ce n’est pas la laïcité qui a été attaquée samedi matin à La Grande-Motte. Ce sont des juifs qui ont été pris pour cible personnellement, au nom de leurs convictions supposées par rapport à un conflit qui est à 4.000 km." L’attaque de synagogue de La Grande Motte, "illustration tragique du nouveau visage de l’antisémitisme" L’attaque de la synagogue de La Grande-Motte est "le symbole de l’antisémitisme qui frappe la société française depuis le mois d’octobre" selon Yonathan Arfi. "Il faut le voir comme tel, comme une illustration tragique du nouveau visage que prend l’antisémitisme ces derniers mois, ajoute-t-il. Il se saisit de manière dévoyée de la cause palestinienne pour désigner les juifs comme des cibles légitimes. Les Français juifs sont aujourd’hui attaqués au nom du conflit israélo- palestinienne, au nom de Gaza, par des raccourcis coupables mais aussi par un certain nombre d’acteurs qui attisent ce feu-là, notamment les responsables politiques de La France insoumise qui ont contribué à ce qu’aujourd’hui, ces questions-là soient inflammables. Ça se traduit malheureusement par le fait que des juifs, derrière, sont attaqués." "Quand on est responsable politique, on a une parole qui compte et qui porte, souligne le président du Conseil représentatif des institutions juives de France. Aujourd’hui, les responsables politiques de La France insoumise, pour un certain nombre d’entre eux, ceux qui ont choisi de brandir la question palestinienne comme un slogan politique, de la convoquer en permanence, ils portent une responsabilité dans le fait que des esprits faibles, ensuite, vont s’attaquer à des Français juifs au nom de conflit-là. C’est ça la réalité. Il faut le dire dans des termes clairs. L’image de ce terroriste, drapé avec le drapeau palestinien et un keffieh, traduit dans les faits ce que certains ont pu dire dans les mots." https://rmc.bfmtv.com/actualites/politique/attaque-de-la-synagogue-de-la-grande-motte-jean-luc-melenchon-est-un-pompier-pyromane-pour-yonathan-arfi_AN-202408260205.html J'avoue que je reste effaré par l'analyse que propose Yonathan Arfi, président du Cri, que partagent la quasi-totalité des journalistes : 1) J-L MELENCHON est antisémite parce qu'il ne condamne pas les crimes du 07 octobre dans les termes voulus ("crimes de guerre" au lieu de "terrorisme"). 2) Même quand il condamne un acte antisémite, il n'est pas sincère et de plus, il n'a pas utilisé le langage adéquate ( Au lieu de faire allusion aux "juifs qui sont désignés collectivement", il a fait allusion uniquement " simplement des croyants, des fidèles". J-L MELENCHON est utile dans son rôle de pourvoyeur d'antisémitisme qui lui est ASSSIGNE d'office. 3) Le simple fait de " brandir la question palestinienne" correspond à une incitation à l'antisémitisme . Je ne suis pas sûr que les médias et le CRIF emploient les meilleures méthodes pour combattre l'antisémitisme. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Lun 26 Aoû 2024, 16:49 | |
| Vu la façon dont "le judaïsme" ou "les judaïsmes" successifs ont intégré la haine ou la phobie des autres, je veux dire la haine ou la phobie réelles ou fantasmées des autres à leur égard, dans la construction même d'une "identité" ethno-confessionnelle plurimillénaire (ce qui n'a attendu ni Netanyahou ni Ben Gourion ni Hitler ni Paul ni Jésus, cf. les livres d'Esdras-Néhémie ou d'Esther), leur volonté de "combattre l'antisémitisme" paraît pour le moins ambiguë, puisque d'une certaine façon l'antijudaïsme et l'antisémitisme apparaissent comme des ingrédients essentiels de leur subsistance et de leur longévité. Logique retorse où se trouve inextricablement pris quiconque s'en approche, qu'il soit juif, chrétien, musulman, athée, philosémite ou antisémite, sioniste ou antisioniste, de droite, de gauche ou indifférent...
Le christianisme a d'ailleurs été tenté d'en faire autant avec la "haine du monde", là encore haine présumée du monde pour lui; son malheur a été de conquérir ledit "monde", ou du moins une bonne partie, et d'en être célébré, non plus haï ni méprisé... |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mar 24 Sep 2024, 15:57 | |
| Derrida disait : "Israël est le dernier Etat colonial" lundi 16 octobre 2023, par Thierry Briault
Derrida disait à propos d’Israël, nous étions à l’époque de Sharon, il le disait à ses proches, ses amis et certains de ses disciples : "Israël est le dernier Etat colonial".
Propos lapidaire, certes, mais : jurons que Derrida aujourd’hui aurait développé son accusation lui le militant anti-apartheid, lui qui a vécu la guerre d’Algérie. Je ne dois pas être le seul à avoir entendu le fond de sa pensée sur la politique d’Israël. Le massacre de Sabra et Chatila, qui avait provoqué les réactions véhémentes de Jean Genet, ne l’avait pas laissé non plus sans voix.
Derrida disait donc : "Israël est le dernier Etat colonial". Formule qui renferme tout ce que l’on peut dire de responsable sur Israël aujourd’hui, et sa politique de colonisation des territoires occupés. On peut encore ajouter ceci de la part de Derrida pour bien préciser les choses sur l’antisémitisme dont on accuse souvent ceux qui dénoncent la politique israélienne.
Lors d’un échange épistolaire avec Claude Lanzmann :
"Ne crois pas que ma vigilance critique soit unilatérale. Elle est aussi vive à l’endroit de l’antisémitisme ou d’un certain anti-israélisme, aussi vive à l’égard d’une certaine politique de tels pays du Moyen-Orient et même de l’Autorité palestinienne [...], sans parler bien entendu du "terrorisme". Mais je crois de ma responsabilité de le manifester davantage du côté auquel, par "situation", je suis censé appartenir : le "citoyen français" que je suis manifestera publiquement une plus grande attention critique à l’endroit de la politique française qu’à l’égard d’une autre, à l’autre bout du monde. Le "juif", même s’il est aussi critique à l’égard des politiques des ennemis d’Israël, tiendra plus à faire savoir son inquiétude devant une politique israélienne qui met en danger le salut et l’image de ceux qu’elle est censé représenter."
A entendre certains "on devrait se sentir coupable ou présumé coupable dès lors qu’on murmure la moindre réserve au sujet de la politique israélienne, [...] voire d’une certaine alliance entre telle politique américaine et une certaine politique israélienne".
"Coupable au moins sous quatre chefs : anti-israélisme, antisionisme, antisémitisme, judéophobie (concept récemment mis à la mode, tu le sais, et sur lequel il y aurait beaucoup à dire) - sans parler de l’anti-américanisme comme on dit primaire... Eh bien, non, non, non et non ! Quatre fois non. C’est exactement pour cela que je voudrais te dire, et c’est pour cela que je t’ai écrit[...]. S’il y a des procédés d’intimidations totalitaires, ils sont là, justement, dans cette tentative de faire taire toute analyse critique des politiques et israélienne et américaine.[...] Je veux pouvoir me livrer à cette analyse critique, la compliquer ici, la nuancer là, la radicaliser parfois, sans la moindre judéophobie, sans le moindre anti-américanisme, et , dois-je l’avouer, sans le moindre antisémitisme."
A une époque où la pensée de Derrida se réduirait pour certains si j’ose dire à la défense des animaux ou à une pensée de l’animalité, une cause importante bien sûr, mais souvent au détriment du Derrida dénonciateur du "poker menteur" selon son expression : FMI, OMC, Banque mondiale, OCDE, le Derrida politique à l’encontre de l’ordre du monde mérite de retrouver le chemin de l’actualité et de tout ce qui vient : puisque le "ce qui arrive" est une des sortes de définitions de la déconstruction qu’il s’est risqué à donner.
Ce qui vient est un horizon peut-être obscurci dans le fameux horizon sans horizon d’attente d’une ouverture et d’une force faiblement messianique susceptible de surgir comme événement politique. Cette fois-ci, "ce qui vient" autant que ce "qui arrive", c’est peut-être l’événement de l’obscurcissement possible de la pensée, de la politique et du rapport à l’autre. Car je n’ai, pour ma part, jamais été très convaincu par ces semblants de définitions de la déconstruction souvent marquées si l’on peut dire par l’avenir.
La déconstruction écrivait Derrida "c’est ce qui arrive dans le monde".
La déconstruction bien sûr ne se décide pas. Il y va de l’événementialité.
Oui, le "ça se déconstruit" est fondamental, "on" ne décide pas la déconstruction, Derrida lors de la soirée de l’Odéon avec nos portraits, avait repris l’un des intervenants qui parlait d’une déconstruction qu’il faut faire, et en disant "je".
Pour ma part je tique encore sur le "ce qui arrive", et en particulier dans le monde, comme si l’événement dans le monde ou ailleurs devait toujours être lié à ce qu’on appelle la déconstruction. Ce qui arrive et fait événement caractérise, spécifie si l’on peut dire quelque chose comme la déconstruction, mais aussi ce qui est en déconstruction comporte un élément qui n’est pas encore déconstruit, ce qui arrive n’est pas toujours ce qui arrive par et avec cet "en déconstruction". Sans même supposé un prêt à déconstruire, une métaphysique disponible, un sens commun qui se laisserait déconstruire apparemment, avec l’assurance encore étrange du ça se déconstruit, et du déconstruit lui-même, on peut faire l’expérience que ce qui arrive, arrive aussi autrement qu’en déconstruction. En un mot je voulais dire que (tout) ce qui arrive, et donc l’événement, ne "relève" pas toujours de la déconstruction.
Le "ce qui arrive" sera, était, a toujours été encore - une kitschdéconstruction. Ce que j’appelle ainsi, d’un autre appel.
La kitschdéconstruction visait d’abord le cliché d’une imagerie cubiste ou dadaïste, voire l’urinoir de Duchamp comme nécessairement "déconstructif". J’avais essayé de cerner un style déconstructif en peinture comme en architecture.
Mais le frelaté, mieux : l’hérésie et la camelote intéresse si l’on peut dire la déconstruction, c’est le côté vulgaire et vulgarisé de la déconstruction, tout ce qui se range sous le sens commun et qui produit aussi des effets déconstructifs. Le sens commun populaire et kitsch agit à sa façon sur le geste de la déconstruction, et y concourt à sa façon : il s’y prête d’abord, il semble s’offrir à elle et la responsabilité impossible du sens qui se donne ainsi très vite, qui se partage, le sens commun décrit une communauté, une communau/ologie difficilement contrôlable, une contagion métaphysique qui est peut-être rendue nécessaire depuis toujours. Il n’y a pas de concept non métaphysique. Mais y a-t-il une déconstruction non inspirée par la métaphysique ? n’est-ce pas toujours elle qui est en déconstruction ? Le non déconstruit est aussi ce qui arrive, et il est aussi déconstructif, comme sens commun présupposé ou non. Et la déconstruction comme sens commun, sens partagé, est aussi ce qu’il faut interroger, il y va de sa forme de donation. Son évidence "propre" obligerait toujours à se demander si elle a lieu, la déconstruction, en sommes-nous si sûr ? A cause du "frelaté" ?
Derrida semblait persuadé à la fin de sa vie, menacé par la maladie, qu’au lendemain même de sa mort, tout ce qu’il avait écrit et pensé sombrerait dans l’oubli, brutalement, du jour au lendemain. Et qu’ainsi il n’en resterait rien. D’un seul coup. Il n’en n’a rien été, bien sûr, mais en sommes-nous si sûr ? Peut-être qu’un tel naufrage a eu lieu, ou se montre soudain, maintenant, dix ans après sa disparition. C’est au contraire la multiplicité des héritages supposés et des commentaires incessants qui contribueraient peut-être à la disparition de la pensée de Derrida. Derrida - une disparition à venir ?
Et la question du fascisme comme ligne de fuite "plastique" ou en "plasticité", une ligne de vie qui tourne mal, qui devient ligne de mort selon Deleuze, n’est pas si éloignée du mythe nazi que nous avions trouvé proprement incroyable, chez Philippe Lacoue-labarthe et Jean-Luc Nancy, à savoir un façonnage du peuple, une "fiction" politique, un peuple comme œuvre d’art. Vous imaginez la surprise pour le moins du peintre que je suis en découvrant ces pensées de la "plastique". La ligne de fuite devenue ligne de mort, le fascisme c’est ce qui veut la mort de l’autre, selon Deleuze, est donc une thanatographie plastique, une plastique thanatographique.
Car pour revenir aux définitions improbables de la déconstruction, celle de la judéité pour Derrida devenait encore plus difficile : c’est le rapport à l’à-venir, disait-il aussi. "Etre juif c’est être ouvert à l’avenir". Etrange spécificité. L’hyperbole derridienne rejoint peut-être l’hubris ici aussi. Il se disait enfin, selon une condensation dont il a souvent eu le secret : "Je suis le dernier des juifs". Je crois que c’est dans cette tension à laquelle il nous invitait entre le "dernier", le moins juif de tous, le moins recommandable, le dernier des derniers, le moins fidèle en somme, et aussi avec l’idée qu’il était le dernier juif, le seul, l’unique, le plus fidèle, celui qui dit d’un même mouvement peut-être : je suis en tant que juif, le dernier, inconditionnellement ouvert à l’avenir et donc je vous le dis : "Israël est le dernier Etat colonial".
https://ici-et-ailleurs.org/contributions/portraits-philosophiques/article/derrida-disait-israel-est-le |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mar 24 Sep 2024, 16:30 | |
| Merci pour ce texte remarquable, jusque dans sa passion...
J'ai toujours éprouvé un sentiment mitigé pour le côté "politiquement impeccable" de Derrida -- c'était la formule de son biographe, Benoît Peeters, que j'ai lu grâce à VANVDA, ça fait déjà longtemps mais je ne l'oublie pas. J'eusse pour ma part tiré de sa "déconstruction" des conséquences théoriques autrement dé-structrices que les siennes, sans d'ailleurs que ça change grand-chose de "pratique" ou de "concret" car, heureusement ou malheureusement, j'eusse fait un piètre terroriste... Mais je dois bien reconnaître qu'en ce qui concerne "Israël" et à la différence d'autres "philosophes juifs" que j'ai aussi beaucoup appréciés, Buber, Scholem, Jankélévitch, Levinas, il s'est effectivement montré "politiquement impeccable", aussi de mon point de vue (qui certes ne vaut pas cher en la matière).
Cela dit, vingt ans après la mort de Derrida, dix ans après la première édition de ce texte de Briault, "Israël" est encore devenu autre chose, et le moins qu'on puisse dire c'est que ça ne s'arrange pas, sans que ça semble pourtant bouleverser les lignes de front entre ses alliés et ses ennemis, ses soutiens et ses adversaires, ses défenseurs et ses détracteurs. N'empêche qu'il est en train de donner rétrospectivement raison aux antisionismes les plus radicaux et les moins nuancés, ce qui ne peut pas ne pas se traduire en un certain "antisémitisme" dans la mesure où le judaïsme et la judéité sont eux-mêmes "pris en otage" par "Israël", le devoir religieux devenu politique d'un "amour d'Israël", 'ahavat Israel, dont Scholem déjà accusait Hannah Arendt de "manquer". |
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 16 Oct 2024, 14:29 | |
| Israël «créé par l’ONU» : le Crif s'émeut des propos de Macron
Selon des propos rapportés au Conseil des ministres, Emmanuel Macron a estimé que c'est une «décision de l'ONU» qui a «créé» l'État d'Israël.
Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) s'est ému des propos attribués au président Emmanuel Macron en Conseil des ministres sur le rôle de l'ONU dans la création de l'État d'Israël. «Les propos attribués au président de la République, s'ils sont confirmés, sont une faute à la fois historique et politique», a écrit Yonathan Arfi dans un message sur X.
Selon des propos rapportés par des participants au Conseil des ministres, mardi, Emmanuel Macron a estimé que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne devait pas «s'affranchir des décisions de l'ONU», en soulignant que c'est une «décision de l'ONU» qui a «créé» l'État d'Israël. Une référence à la résolution 181 adoptée en novembre 1947 par l'Assemblée générale des Nations unies, prévoyant le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe.
«Ce n'est pas la résolution de l'ONU qui a établi l'État d'Israël , mais plutôt la victoire obtenue dans la guerre d'indépendance avec le sang de combattants héroïques, dont beaucoup étaient des survivants de l'Holocauste, notamment du régime de Vichy en France», lui a répondu Benyamin Netanyahou dans un communiqué. «Laisser penser que la création de l'État d'Israël est le fruit d'une décision politique de l'ONU, c'est méconnaître à la fois l'histoire centenaire du sionisme» et «le sacrifice de milliers d'entre eux pour établir l'État d'Israël», déclare le président du Crif dans son texte.
«À l'heure où l'antisémitisme se nourrit de l'antisionisme, ces propos renforcent dangereusement le camp de ceux qui contestent la légitimité du droit à l'existence d'Israël», a ajouté Yonathan Arfi, en souhaitant que, «au-delà de ces propos regrettables, l'amitié entre la France et Israël continuera, je l'espère, à l'emporter».
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/israel-cree-par-l-onu-le-crif-s-emeut-des-propos-de-macron-20241016
1948 : naissance de l'État d'Israël
Avner BEN-AMOS - Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe
Éclairage : La déclaration d’indépendance (1948) justifie l’existence de l’État d’Israël
Le texte de la Déclaration d'Indépendance a été rédigé entre le 24 avril et le 13 mai 1948 par des juristes et des hommes politiques membres de la direction sioniste du « Yishuv », nom donné à la communauté politique des Juifs en Palestine avant la création d’Israël. Elle eut plusieurs versions, corrigées et amendées par un certain nombre de commissions ad hoc, jusqu'à ce que soit obtenu le texte final ratifié par David Ben Gourion (1886 - 1973), président du Gouvernement temporaire du Yishuv (avril - mai 1948) et premier chef de gouvernement provisoire de l'État d'Israël (mai 1948 - mars 1949).
Cette déclaration d’indépendance fut lue au cours d'une cérémonie officielle qui se déroula dans le hall du musée de Tel Aviv, le 14 mai 1948, et à laquelle participèrent les membres du Conseil national – le parlement temporaire du Yishuv – qui ratifièrent sa formulation. Ils cosignèrent ensuite un parchemin (Ill.2) auquel furent adjoints un lacet de couleur et un sceau rouge, destinés à lui octroyer une apparence solennelle.
La Déclaration, appelée communément « Charte de l’Indépendance », fut ensuite transcrite en lettres hébraïques traditionnelles ressemblant à celles de la Bible, dans l'intention de marquer sa sainteté. Elle est largement affichée dans les écoles et les institutions gouvernementales et de nombreux débats politiques et juridiques se réfèrent à ses différents paragraphes. Sans tenir lieu de véritable constitution pour Israël, elle reste un texte fondateur.
Dans la première partie de la déclaration, l'évocation du passé légitime l'existence de l'État d'Israël. Pour ce faire, elle s'ouvre sur l'affirmation que le peuple juif est né en Eretz Israël, qu'il y est devenu souverain et qu'il y a créé sa culture particulière. Elle raconte ensuite le départ du peuple en exil à la suite de la destruction du temple de Jérusalem (70 ap. J.-C.), sa nostalgie ininterrompue du pays et son retour « au cours des dernières générations ».
La Déclaration se réfère ensuite à la reconnaissance internationale du droit du peuple juif à sa patrie historique, depuis la déclaration Balfour (2 novembre 1917), via le mandat britannique, sans faire allusion à l'État palestinien qui devait être édifié dans son voisinage. Enfin, la Déclaration rappelle « le droit naturel du peuple juif d'être une nation », faisant ici référence implicitement à la Charte des nations Unies (26 juin 1945) qui mentionnait le droit des peuples à l’auto-détermination. Les membres de la direction sioniste du Yishuv choisirent le nom d’Israël pour le nouvel État, soit le nom de Jacob et de ses enfants à l’origine des 12 tribus qui formèrent le premier royaume juif dans la Bible. Cette appellation permettait en théorie aux habitants non-juifs de s'identifier au nouvel État. Alors que des appellations comme « État des Juifs » auraient pu être comprises comme excluantes, les futurs citoyens d’Israël pouvaient, ainsi, se nommer arabes-israéliens, ou druzes-israéliens, à la manière des juifs-allemands ou juifs-italiens.
Dans la troisième partie, le futur État est décrit comme observant l'égalité, la liberté et la justice pour tous ses citoyens. Cette partie s'appuie sur le discours international des droits de l'homme en vigueur à l'époque qui s'exprima dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme adoptée par l'ONU le 10 décembre 1948. Les partis de gauche et les partis arabes s'y référèrent lorsqu'ils exigèrent l'égalité des droits pour tous les habitants du pays. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 16 Oct 2024, 15:04 | |
| Lien de la seconde citation.
Brèves remarques:
Si un organisme "représentatif des institutions juives de France" voulait vraiment éviter qu'un antisionisme relance l'antisémitisme, il se garderait bien de répondre de, pour, au nom ou à la place de l'Etat d'Israël.
Rappeler la "guerre d'indépendance", c'est aussi rappeler toute une histoire de "terrorisme", sioniste puis israélien, qui la précède et qui la suit jusqu'à ce jour, et retirer par là même tout argument à la condamnation d'un (autre) "terrorisme".
Une "déclaration d'indépendance" (acte performatif s'il en est) n'engage que ses auteurs, et ne dit un "droit" que dans la mesure où ce "droit" s'appuie durablement sur un rapport de force(s) favorable: c'est le droit du plus fort dans une configuration donnée, et rien d'autre.
Dès lors que les "Nations unies" expriment un droit sans force face à des nations (notamment dotées, officiellement ou non, de l'arme nucléaire) qui imposent unilatéralement leur propre droit par leur propre force, tout débat de droit inter-national est un jeu de dupes -- ou un jeu de rhétorique pour la conquête médiatique d'un public de dupes, aspect subsidiaire du rapport de forces général.
La "déclaration d'indépendance" de 1948 assurait en principe un droit égal à tous les habitants de l'ex-Palestine (en 1948, malgré l'immigration massive sous le mandat britannique, à peu près deux fois plus de Palestiniens arabes que de juifs), en contradiction formelle avec la notion même d'"Etat juif". Toute la suite était inscrite dans ce vice fondateur: un Etat juif, au sens "ethnique" sinon "religieux", aurait pu tolérer des minorités "non juives" et leur assurer des droits à condition qu'elles ne fussent pas égales, à la façon des monarchies musulmanes ou chrétiennes prémodernes ou même des Etats islamiques contemporains, fussent-ils aussi des républiques. Seul un Etat laïque et multiethnique eût été une autre solution viable, surtout dans l'ère de la décolonisation et après la chute du dernier bastion racialiste (l'Afrique du Sud). Le comble c'est que sionistes et Palestiniens "de gauche" auraient alors pu s'entendre idéologiquement sur ce type de projet, ce qui n'est plus le cas depuis que les "fondamentalismes" religieux ont pris de part et d'autre la relève de l'"idéologie". |
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Ven 25 Oct 2024, 16:37 | |
| - Citation :
- Même si à bien des égards je me sais très loin de tout cela, j'en arrive à avoir honte de cette "Bible" que j'ai aimée, à laquelle j'ai consacré tant de temps et d'intérêt, et dont les effets lointains, imprévisibles, incalculables certes mais non moins effectifs, se lisent aussi ici. Le délire du "grand Israël", c'est le royaume imaginaire de David et de Salomon, qui ne faisait de mal à personne quand il était pure fiction littéraire et pseudo-historique, mais qui devient une réalité meurtrière entre les mains d'un "fondamentalisme" revenu du protestantisme évangélique américain au judaïsme pro-israélien, contre la tradition pacifique d'un judaïsme millénaire. Décidément, en plus d'un sens les livres sacrés ou saints "souillent les mains"...
https://etrechretien.1fr1.net/t1467p575-inter-minables#35248 Israël, les ministres du chaos Depuis leur entrée au gouvernement Netanyahou, les deux ministres d'extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir n’ont cessé de jeter de l'huile sur le feu dans le contexte explosif du Moyen-Orient. Nous immergeant dans l'histoire récente d'Israël, cette enquête donne la mesure de leur influence. Convergence idéologique ou opportunisme ? En 2022, Benyamin Netanyahou s'est allié avec deux hommes issus des franges radicales de l'extrême droite israélienne. Poursuivi pour corruption et abus de confiance, il est redevenu premier ministre, parvenant ainsi à échapper à la justice. Bezalel Smotrich, à la tête du parti sioniste religieux, a hérité du portefeuille des finances et de l'administration civile des colonies tandis qu’Itamar Ben-Gvir, patron de la formation suprémaciste Force juive, s'est vu confier la sécurité intérieure. Réforme liberticide, distribution d'armes, provocations, complaisance vis-à-vis de la violence envers les Palestiniens... : ils ont pour stratégie de semer le chaos, avec en ligne de mire l'annexion des territoires occupés et l'instauration d'une théocratie autoritaire en Israël – des idées qui avaient infusé avant leur arrivée au pouvoir. En 2018, le gouvernement, déjà sous l'égide de Netanyahou, autorisait officiellement le Qatar à financer le Hamas, à la tête de Gaza depuis 2007. Cette stratégie, qui vise à affaiblir l'Autorité palestinienne, Smotrich la prônait déjà en 2015. Dédiabolisation Au vu de leurs itinéraires sulfureux, retracés dans ce documentaire, il est sidérant que ces deux hommes soient parvenus au sommet de l'État. Obsédé par l'idée d'expulser les Arabes d'Israël, Itamar Ben-Gvir est un émule du rabbin Meir Kahane, le fondateur de l'ex-parti raciste Kach, où il a fait ses classes en manipulant des jeunes sans repères. Parmi eux, le journaliste Gilad Sade, aujourd'hui repenti, avoue, adolescent, avoir fabriqué des prospectus haineux et vandalisé des voitures palestiniennes avec l’assentiment d'Itamar Ben-Gvir, qu'il considérait comme son grand frère. Autre modèle de Ben-Gvir (renié depuis qu'il s'est "dédiabolisé" afin d'accéder au Parlement) : Baruch Goldstein, l'auteur du massacre d'Hébron. Smotrich, lui, est soupçonné d'avoir planifié un attentat, à 24 ans, en 2005, peu avant le retrait d'Israël de la bande de Gaza, et l'évacuation musclée de 8 000 colons par l'armée. "Je sais que nous avons empêché quelque chose de très gros mais j'aurais préféré qu'on parvienne à le démontrer avec des preuves matérielles", commente Dvir Kariv. Cet ancien du Shin Bet, le renseignement intérieur israélien, fait partie des nombreux intervenants de ce documentaire fouillé : parmi eux, les anciens premiers ministres Ehud Barak et Ehud Olmert, la physicienne Shikma Bressler, devenue l'égérie de la contestation contre la réforme judiciaire, Gil Dickmann, qui se bat pour la libération des otages, des journalistes, militants ou historiens. Le documentaire montre comment ces ministres usent de divers leviers pour instaurer un " Grand Israël" au mépris de la démocratie et du droit international : force, intimidation, bataille des idées, mais aussi procédures et lois, tous deux étant juristes. Ils ont ainsi contribué à rendre plus inflammable la poudrière du Proche-Orient, comme l'ont confirmé les événements tragiques de l’année passée : le massacre du 7 octobre 2023 perpétré par le Hamas, puis la riposte sanglante de l’armée israélienne à Gaza. À travers l'ascension de ces deux extrémistes, ce documentaire, riche en images d'actualité et en vidéos amateurs, nous replonge aussi dans l'histoire récente d'Israël, et sa violence – jusque dans la Knesset. Une dérive populiste, plus spectaculaire qu'ailleurs, mais non sans parenté avec celle qui sévit partout sur la planète. https://www.youtube.com/watch?v=TM3JeahwEUw Cette vidéo un peu longue mais très bien documentée (A regarder à temps perdu) révèle "une partie" effrayante de la réalité de la pensée du judaïsme et de la politique en Israël. Les fous de Dieu sont présents partout, les ténèbres et la barbarie (Pour reprendre les termes de Benyamin Netanyahou) aussi. Comme le dit Ehud Olmert, aujourd'hui en Israël, un criminel condamné pour terrorisme est devenu le ministre en charge de combattre le terrorisme. BRAVO à Arte. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Ven 25 Oct 2024, 18:11 | |
| Merci pour ce reportage, excellent en effet.
Par coïncidence, je me souviens bien du massacre d'Hébron, car j'étais en Israël (en "voyage d'études" avec la Société biblique française) et nous en partions ce jour-là: nous n'en avons vu que la panique sécuritaire à l'aéroport, sans en comprendre sur le coup les raisons...
Mon impression, c'est que quand une "démocratie" est à ce point engagée dans sa phase "démagogique" la solution, s'il y en a une, ne peut plus être "démocratique", ni légale, ni pacifique... Une rupture éventuelle du cercle vicieux (qui se croit naturellement vertueux) ne saurait être que violente, guerrière, terroriste, révolutionnaire. A plus ou moins brève échéance, ce qui vaut pour Israël vaut pour tous les pays plus ou moins avancés sur la même pente, en Europe, en Amérique comme ailleurs. Dans ce fil "spécifique" il faudrait plutôt souligner qu'il n'y a là rien de spécifiquement juif, israélite, hébreu ou israélien, "Israël" reproduit plutôt avec la terrifiante banalité du mal, comme disait Hannah Arendt, les modèles des fascismes européens qui furent, en leur temps, extraordinairement populaires, populistes, volkisch, démocratiques et démagogiques à leur façon... Que le "peuple" ou l'"identité collective", autrement dit le nom de "juif" ou d'"Israël" soit passé en un siècle du rôle de la victime à celui du bourreau n'ajoute guère à la reproduction du modèle qu'une touche d'ironie amère. En tout cas ce n'est pas avec de la morale, du "politiquement correct" ou de "l'état de droit" qu'on arrête ce genre de mouvement de fond et de cycle long, tant qu'il ne s'épuise pas de lui-même ou n'est pas vaincu de l'intérieur ou de l'extérieur par plus fort que lui.
Il y a aussi à tout cela une dimension socio-culturelle, avec une ligne de fracture qui traverse et partage, dans des proportions diverses, presque toutes les sociétés: entre les grandes agglomérations qui votent à gauche et les territoires qui votent Trump en Amérique ou RN en France, l'incompréhension est totale; en Israël aussi il n'y a guère de communication entre les intellos-bobos-CSP+ de Tel-Aviv et les colons qui sont le terreau de l'extrême-droite et du fondamentalisme religieux -- et pas non plus beaucoup de résistance de la part de la première catégorie, minée par sa mauvaise conscience socio-culturelle: quand le progressisme ou la modération vont de pair avec la richesse et l'instruction, toute résistance de ce camp-là s'apparente à du "mépris de classe". Soit dit en passant ça vaut aussi pour les régimes islamiques où les plus islamistes sont, massivement, les plus pauvres et les plus ignorants. |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Lun 28 Oct 2024, 13:33 | |
| Trouble dans la judéité. Mariages mixtes, conversions et frontières de l'identité juive Par Sébastien Tank-Storper
Le dilemme des mariages mixtes
La nécessité de l’intention pure pose problème quand une grande majorité des demandes de conversion ont pour but d’accéder au mariage. En toute logique, les rabbins devraient les repousser sans autre examen. D’autant plus que la question des conversions dans le cadre d’un mariage pose la question de la réponse institutionnelle à la transgression religieuse. Le mariage mixte signe en effet la transgression de l’un des principaux interdits du judaïsme : la règle d’endogamie. Et convertir l’épouse non juive d’un mariage mixte pourrait ainsi signifier la validation a posteriori de la transgression. Mais plus encore, la pratique religieuse des candidats qui se présentent à la conversion ne répond pas, dans la grande majorité des cas, aux exigences des rabbins. Quand ces derniers attendent des candidats qu’ils mettent rigoureusement en œuvre des commandements et qu’ils deviennent des « pratiquants », ceux-ci leur opposent le plus souvent une conception de la pratique religieuse fondée sur le ressenti et la subjectivité [Tank-Storper, 2007 : 161-205].
La question, pour les rabbins soucieux d’accorder leur pratique aux principes régissant les conversions, est la suivante : peuvent-ils convertir des individus qui ne répondent pas aux exigences de la pureté de l’intention et dont ils savent qu’ils ne respecteront pas rigoureusement les mitsvot ? Car c’est leur responsabilité de rabbin qui est ici engagée : dans leur esprit, si le peuple juif est élu, il l’est avant tout afin de témoigner et de porter la Torah pour l’humanité entière. Les autres nations n’en sont pas pour autant privées de salut. Au contraire, les non-juifs sont sauvés à condition de respecter les sept lois de Noah – ou lois noachiques [6]. Dans ce contexte, convertir quelqu’un qui sera dans un perpétuel état de transgression, alors qu’il peut obtenir le salut à moindre coût, c’est, pour les rabbins, prendre la responsabilité de « fabriquer » un pécheur. Mais ne pas convertir ces candidats, c’est prendre le risque de déboiter leur identité subjective (ces candidats, pour la plupart, se sentent juifs même si cette identité n’est pas systématiquement traduite dans les gestes prescrits par la tradition) et leur identité formelle (même s’ils se définissent subjectivement comme étant juifs, ils ne le seront cependant pas pour les principales institutions du judaïsme). Le danger serait alors de faire cohabiter, au sein des collectivités juives, des personnes aux statuts différents, et de voir se développer une judéité des marges au cœur même des sociétés juives.
Face à ce dilemme, deux postures « orthodoxes » typiques peuvent être identifiées : certains rabbins privilégient la cohérence du K’lal Israël? [7] à travers une politique de conversion inclusive permettant de maintenir la frontière statutaire entre juifs et non juifs (ceux qui évoluent dans les espaces collectifs juifs doivent tous être considérés comme juifs afin notamment de permettre l’intermariage), au risque de transiger sur les principes idéaux ; d’autres défendent la « sainteté » du peuple juif en conditionnant la conversion au strict respect des mitsvot, au prix de la cohésion statutaire au sein du monde juif.
https://shs.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2013-4-page-591?lang=fr#s1n3 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Lun 28 Oct 2024, 14:33 | |
| Article éclairant sur un problème complexe: on voit mieux comment l'interaction de logiques différentes et contradictoires ("ethniques", "communautaires", "religieuses", "civiles" ou "laïques", "orthodoxes" et "libérales", etc.) déplacent continuellement le problème et les "logiques" elles-mêmes, différemment encore d'un lieu et d'un contexte politique à l'autre. Le "judaïsme" ne peut pas être le même là où il est considéré comme une "religion" indifférente dans un Etat-nation laïque ou séculier, encore différemment là où l'Etat est plus volontiers "communautariste" (Etats-Unis, Angleterre, mais aussi bien Russie, Moyen-Orient ou Asie en général) et là où il est strictement individualiste, réduisant la religion à la sphère "privée" (Europe, exemplairement la France); encore moins en Israël où le judaïsme (religieux) interagit de façon toute particulière, et officielle, avec les droits civils (notamment le mariage) d'une société encore largement "laïque"...
Arrive en plus, là-dedans, une "nouveauté" spécifique, dans la mesure où les structures religieuses du judaïsme rabbinique, qui l'ont déterminé jusqu'au milieu du XXe siècle (jusque dans les débats entre "orthodoxes" et "libéraux" de toutes nuances), se trouvent impactées par un "fondamentalisme" prophétique, eschatologique et messianique, inspiré des "évangéliques" protestants américains, qui tend à court-circuiter les médiations traditionnelles, rabbiniques et synagogales, pour une lecture littérale de "la Bible" en prise directe sur l'actualité politico-militaire. De sorte que les rabbins homologués de toutes les tendances, qui restent structurellement incontournables, se trouvent quelque peu dépassés par une "religion" qui ne dépend plus vraiment d'eux et qu'ils ne maîtrisent plus.
Je me souviens d'avoir, vers la fin des années 1980, fréquenté une famille juive, sépharade, de la région parisienne, qui était alors sous l'influence Loubavitch -- c'étaient les enfants, le fils adolescent surtout, qui avaient amené les parents à une conversion ou "retour" (teshouva) dans ce type de "néo-orthodoxie" à tendance messianique et fondamentaliste, qui semblait déjà dominant dans leur synagogue... J'avais été frappé, notamment, par les publications traduites de l'américain qui provenaient de ce mouvement et ressemblaient à s'y méprendre aux revues de la Watch (ça sortait aussi de Brooklyn, si je ne m'abuse). Plus tard j'ai retrouvé des choses tout à fait similaires, au point de vue graphique du moins, dans des publications "piétistes" populaires de l'islam chiite iranien... Et de part et d'autre un langage qui semblait calqué de l'usage "évangélique": on "devenait juif", "musulman", comme on "devenait chrétien", au sens de cet "engagement" spécifique, quand même on n'avait jamais été sociologiquement autre chose que juif, musulman ou chrétien... A la limite, dans ce "fondamentalisme" généralisé ce sont même les frontières entre les "religions" qui s'effacent, dès lors que tout le monde a la même manière d'être "religieux", et par la même occasion accro à une interprétation littéraliste et eschatologique de la "religion", de la tradition et des textes sacrés; sans que ça n'arrange en rien, bien au contraire, les conflits frontaliers, inter-communautaires, politiques et ethniques. |
| | | free
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| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 30 Oct 2024, 16:59 | |
| Mariage mixte et conversion Éléments de construction de l’identité juive en Suisse alémanique1
Madeleine Dreyfus Traduit par Lucie Robin
Religiosité judaïque paradoxale (Belonging without Believing)
11 Les personnes interrogées étaient issues de différents milieux traditionnels et pratiquants à des niveaux également très différents. On ne pouvait donc pas attendre de réponses homogènes à la question de savoir si les interlocuteurs croient en Dieu, en une puissance supérieure ou en la révélation sur le Sinaï. La complexité des réponses confirmait aussi pour les enquêtés juifs l’allusion à la distanciation grandissante de la religion ainsi qu’à l’« imprécision » grandissante de la religiosité moderne8. Nous prendrons pour exemple la réponse suivante faite par Pierre Baumgarten, qui, comme mentionné précédemment, mène « une vie assez juive » :
Pierre Baumgarten : Je suis là… je doute, mais pour moi ce n’est pas non plus si important. Je crois, vraiment, que l’éthique et la religion juives… c’est pas… que quelqu’un croie en Dieu ou autre chose, c’est un peu secondaire pour moi. Je pense qu’on peut être un juif exceptionnel sans pour autant… être religieux, c’est l’avantage dans notre foi [il sourit].
12 Il a ici formulé un paradoxe : on peut être un juif exceptionnel sans croire. « Religieux » ici voudrait dire que croire « en Dieu ou autre » serait une condition préalable au respect des règles. L’« avantage de notre foi » est donc de pouvoir être juif sans croire. On continue d’observer certaines règles, mais pas toutes, seulement un certain nombre de règles choisies : celles qui se rapportent à l’« intellect et à l’émotivité », socialement supportables et apparemment déjà adaptées à la situation spécifique des familles. La remarque sur la dimension éthique de la religion juive n’aboutit pas – ce rapport est trop complexe pour qu’il puisse l’exprimer à ce moment-là.
13 Les enquêtés se montrèrent assez réticents à répondre aux questions sur leur foi au sens de religiosité ou de transcendance, s’il s’agissait de foi en Dieu ou de la perpétuation des règles, et étaient bien incapables de déterminer un pilier du judaïsme, de parler de la révélation sur le Sinaï ou de la revendication comme peuple élu. La théorie britannique de la foi sans appartenance, Believing without Belonging9, exprime une diminution, en Europe occidentale, de l’appartenance à une paroisse. Ici, c’est l’inverse : il s’agit d’une appartenance – même ambiguë – à la communauté juive, sans ou parallèlement à la foi.
14 Dans la littérature scientifique anglo-saxonne, l’absence de consensus entre la foi et le sentiment d’appartenance mène à une différenciation des affectations ethnique et religieuse du judaïsme, compréhensible certes, mais très problématique, d’autant plus que, selon le point de vue du chercheur, elle s’accompagne d’une dévalorisation de composantes non religieuses10. Quand on leur pose la question de la foi, beaucoup de juifs non orthodoxes en viennent à parler d’éthique, qu’ils associent au judaïsme dont ils sont fiers. Même sans rapport à la transcendance, ils se sentent liés à une éthique juive concrétisée dans le respect de l’autre
15 Lorsque l’on aborde le sujet de la conversion, le judaïsme se réduit de manière unidimensionnelle à la « religion », au sens d’un système de normes et de rites transmis. La foi et le maintien des règles sont le chas à travers lequel doit passer l’aspirant à la conversion, même si sa relation au judaïsme est bien plus complexe et considère d’autres aspects comme plus importants. À la différence du christianisme, le rapport à la transcendance joue un rôle secondaire. Bien que la tradition juive soit très importante pour lui, Pierre Baumgarten se refuse à exiger de sa femme ce en quoi il ne croit pas lui-même : une conversion religieuse qui relèverait d’une transformation intérieure radicale11.
https://books.openedition.org/pufr/16118?lang=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mer 30 Oct 2024, 17:23 | |
| Ce qu'il y a de remarquable avec l'"identité" juive, telle qu'elle s'est construite pendant près de deux millénaires en situation de diaspora exclusive, sans terre ni centre de référence autre que passé-légendaire ou futur-eschatologique, c'est qu'elle ne pâtit pas de la conscience de son artificialité, de son caractère "construit", "factice", "fabriqué", bien au contraire... Elle se joue des définitions "religieuses" ou "ethniques", elle se définit et se redéfinit par-delà toute définition. Or cela même est remis en cause, autant que confirmé, par la situation d'autochtonie créée de toutes pièces par l'Etat d'"Israël", sur son territoire et même en dehors... On retrouve là toutes les apories de la tradition: on ne traduit pas sans trahir, on ne transmet pas sans transformer cela même qu'on transmet au point de ne plus rien transmettre, sinon l'idée même de tradition, de legs, de patrimoine, d'héritage, de succession, de suite, de série, de séquence, de chaîne et d'histoire dans tous les sens de ces termes, y compris les pires... Le christianisme qui a prétendu rompre avec les traditions, juives et "païennes", a aussitôt institué et valorisé les siennes, et la modernité rompant avec les traditions chrétiennes les a prolongées dans le même geste. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mar 12 Nov 2024, 15:59 | |
| Hausse des actes antisémites en Europe : comment l’expliquer ? - C Ce Soir du 11 novembre 2024
Pour essayer de mettre des mots sur les violences de jeudi dernier à Amsterdam après le match de foot entre l’Ajax et le Maccabi Tel Aviv… “Pogrom” ou “hooliganisme” ? “Chasse aux Juifs” ou “violences sur fond de conflit israélo-palestinien ?” Comment répondre à la peur ressentie par un grand nombre de Juifs européens ? Comment résister à la récupération politique, d’où qu’elle vienne ?
https://www.youtube.com/watch?v=ygy2jq16niI
La question me semble pertinente (et courageuse) : Est-ce que Israël, par sa politique contribue à alimenter l'antisémitisme ???
Tensions au Proche-Orient: un ministre israélien promet l’annexion des colonies en Cisjordanie dès 2025
LE POINT SUR LA SITUATION - Bezalel Smotrich, ministre des Finances, également chargé de la gestion civile en Cisjordanie a affirmé que la «création d’un État palestinien (...) mettrait en danger l’existence de l’État d’Israël».
Un ministre israélien promet l’annexion des colonies en Cisjordanie en 2025
Un ministre israélien d’extrême droite, Bezalel Smotrich, a promis lundi l’annexion en 2025 par Israël des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, disant voir «une occasion» dans le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis. Lors d’un discours au Parlement, M. Smotrich, ministre des Finances, également chargé de la gestion civile en Cisjordanie, et donc des colonies, a affirmé que la «création d’un État palestinien (...) mettrait en danger l’existence de l’État d’Israël».
Lui-même colon, M. Smotrich a précisé que 2025 serait «l’année de la souveraineté en Judée et Samarie» et qu’il avait donné instruction à l’administration de s’organiser «pour préparer l’infrastructure nécessaire à l’application de la souveraineté» israélienne sur les colonies de Cisjordanie. «Je n’ai aucun doute que le président Trump, qui a fait preuve de courage et de détermination dans ses décisions au cours de son premier mandat, soutiendra l’État d’Israël dans cette démarche», a-t-il dit.
Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères palestinien a «condamné dans les termes les plus forts» les propos de M. Smotrich, symptomatiques selon lui d’un «colonialisme raciste par excellence» et d’un «mépris répété du droit international» encouragé par «l’échec international à faire appliquer les résolutions des Nation unies relatives à la question palestinienne».
M. Smotrich doit participer mercredi à Paris au gala «Israël forever», un événement de soutien à Israël organisé par plusieurs personnalités d’extrême droite. Le gala, dont des associations, syndicats et partis de gauche français ont en vain réclamé l’annulation, se tiendra à la veille du match de football France-Israël. Cette rencontre est jugée à «haut risque» par les autorités françaises après les violences qui se sont produites jeudi dernier à Amsterdam en marge d’un match impliquant le club israélien Maccabi Tel-Aviv.
https://www.lefigaro.fr/international/tensions-au-proche-orient-un-ministre-israelien-promet-l-annexion-des-colonies-en-cisjordanie-des-2025-20241112 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Mar 12 Nov 2024, 17:10 | |
| Excellent débat, en effet, sur "C Ce soir" -- ce serait presque rassurant quant à l'état des médias français, si ce n'était pas l'exception qui confirme la règle, et peut-être pas pour très longtemps; et surtout si ce n'était pas le plus désespéré dans le fond qui rassure sur la forme...
Toute morale mise à part, Smotrich a probablement raison quant au pronostic: Trump encouragera le pire -- son nom même y suffirait, même s'il ne faisait rien -- en Israël comme partout ailleurs, mais avec des conséquences plus lourdes là qu'ailleurs. Plus d'oppression, d'exactions, d'injustices et de massacres ne feront que nourrir la haine, et la disproportion n'y changera rien: qu'on tue dix, cent, mille Arabes pour un juif ou un Israélien -- de préférence "innocents" des deux côtés parce que ceux-là sont plus faciles à atteindre que les "coupables", on n'a même pas à les viser -- ça ne fera que prolonger et exacerber un désir insatiable de vengeance.
Toute la nouveauté historique du sionisme et de l'Etat d'Israël ne s'en réinscrit pas moins dans un schéma multimillénaire: le judaïsme et la judéité, sans préjudice de leurs mutations et redéfinitions successives, du Second Temple à la modernité, fonctionnent à l'"antijudaïsme" et/ou à l'"antisémitisme", ils les nourrissent et les renouvellent quand ceux-ci viennent à faiblir: ça n'a pas attendu les Arabes, ni les Allemands, ni les chrétiens ni les Romains, il suffit de lire Esther ou Esdras-Néhémie (et même les contre-exemples, de la Genèse à Ruth ou à Jonas, qui mettent en scène le préjugé de la méchanceté du non-juif -- Abimélek, Pharaon, Moab ou Ninive -- qu'on est surpris de trouver bon, bienveillant, pieux, généreux): l'hostilité "anti-juive", quel que soit le "judaïsme" ou la "judéité" de référence, est attendue, anticipée, escomptée, provoquée, inventée de toutes pièces si elle vient à manquer -- et de fait elle ne manque jamais, même s'il n'y a aucun rapport d'essence, de contenu ou de motivation entre l'antijudaïsme chrétien, l'antisémitisme nazi et l'antisionisme de gauche, arabe ou musulman. On ne peut même pas le remarquer sans passer pour antisémite, même si on est juif: ça fait partie intégrante du jeu qui, pour être stupide et pervers, ne manque pas d'efficacité. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 14 Nov 2024, 16:13 | |
| - Citation :
- Toute la nouveauté historique du sionisme et de l'Etat d'Israël ne s'en réinscrit pas moins dans un schéma multimillénaire: le judaïsme et la judéité, sans préjudice de leurs mutations et redéfinitions successives, du Second Temple à la modernité, fonctionnent à l'"antijudaïsme" et/ou à l'"antisémitisme", ils les nourrissent et les renouvellent quand ceux-ci viennent à faiblir: ça n'a pas attendu les Arabes, ni les Allemands, ni les chrétiens ni les Romains, il suffit de lire Esther ou Esdras-Néhémie (et même les contre-exemples, de la Genèse à Ruth ou à Jonas, qui mettent en scène le préjugé de la méchanceté du non-juif -- Abimélek, Pharaon, Moab ou Ninive -- qu'on est surpris de trouver bon, bienveillant, pieux, généreux): l'hostilité "anti-juive", quel que soit le "judaïsme" ou la "judaïté" de référence, est attendue, anticipée, escomptée, provoquée, inventée de toutes pièces si elle vient à manquer -- et de fait elle ne manque jamais, même s'il n'y a aucun rapport d'essence, de contenu ou de motivation entre l'antijudaïsme chrétien, l'antisémitisme nazi et l'antisionisme de gauche ou musulman. On ne peut même pas le remarquer sans passer pour antisémite, même si on est juif: ça fait partie intégrante du jeu qui, pour être stupide et pervers, ne manque pas d'efficacité.
Eyal Sivan : Comment Israël utilise la mémoire juive pour justifier le génocide des Palestiniens Cinéaste et militant, Eyal Sivan, qui a grandi en Israël, se bat depuis plusieurs années pour la cause palestinienne.À travers ses films et ses écrits, il dénonce l’instrumentalisation de la mémoire juive pour justifier l’oppression palestinienne. https://www.youtube.com/watch?v=e6Xu3T_LH6U&t=19s |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes Jeu 14 Nov 2024, 16:36 | |
| Je n'avais jamais entendu parler d'Eyal Sivan (je n'ai fait que de rares incursions dans le vaste domaine du cinéma documentaire), mais je me sens très proche de ce qu'il dit là... sauf que si c'est moi qui dis des choses semblables je devrais avoir plus de chances que lui de passer pour "antisémite", parce qu'il est juif et pas moi -- et pourtant ce n'est pas le cas. Il y aurait d'ailleurs toute une histoire à faire du concept, si l'on ose appeler ça un concept, d'"antisémitisme (ou d'antijudaïsme) juif" (dixit Finkielkraut): ça pourrait remonter aux "prophètes" bibliques qui disent beaucoup de mal d'"Israël" et de "Juda", en passant par Philon ou Josèphe, le christianisme primitif, notamment "Jésus", "Paul", "Matthieu" ou "Jean", Maïmonide, Spinoza, Marx ou Freud, pour arriver à Simone Weil, Hannah Arendt ou Sivan... La critique du "judaïsme" par lui-même fait partie intégrante du "judaïsme", bien plus profondément encore que son rapport tantôt défensif, tantôt paranoïaque, à un "antisémitisme" externe. |
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