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 dépense et libation, liquidité ou liquidation

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Narkissos

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MessageSujet: dépense et libation, liquidité ou liquidation   dépense et libation, liquidité ou liquidation Icon_minitimeMar 11 Juil 2017, 15:23

D'un texte "sacrificiel" (un peu, beaucoup, pas du tout) deux autres, pauliniens ou post-pauliniens, posthumes par anticipation ou antidatation, qui correspondent aux deux seules occurrences néotestamentaires du verbe grec spendô, répandre, verser, offrir en "libation", c.-à-d. en "offrande liquide" (où l'angliciste reconnaîtra un parent du verbe spend, dépenser), au moyen-passif spendomai (se répandre, se dépenser / être répandu-dépensé):

Mais même si je me répands ou suis répandu (comme une libation, spendomai) sur le sacrifice (thusia) et le service (leitourgia, d'où "liturgie") de votre foi, je me réjouis, et je me réjouis avec (khairô kai sugkhairô = sun-khairô) vous tous. (Philippiens 2,17.)

Car moi je suis déjà répandu (idem), et le temps (kairos) de mon départ (analusis, d'où "analyse", solution, résolution, dissolution, absolution) est arrivé. (2 Timothée 4,6.)

(Être, devenir: se répandre et se dépenser. Ou: du sang et des larmes, entre autres.)

---

Les libations comptent parmi les nombreux "parents pauvres" d'une grande famille vétérotestamentaire (et plus largement antique) de sacrifices et d'offrandes en tout genre, dont la théologie chrétienne et spécialement protestante a surtout retenu (et considérablement développé à sa manière) le concept d'"expiation" associé au sacrifice "pour le péché" (au départ faute, déficience ou souillure rituelle et non morale), qui n'était pourtant ni le "centre" ni le "sommet" du système sacrificiel (pas vraiment systématique d'ailleurs) de la Torah. Dans ses références aux sacrifices ou aux offrandes de l'AT, le NT reste relativement éclectique: d'autres types d'offrande (ici les libations, ailleurs les sacrifices de "communion", de "louange" ou d'"action de grâces", les offrandes végétales, de fruits, de céréales, de pain, ou de parfums, encens et autres) y jouent un rôle important que le lecteur chrétien ultérieur tend à sous-estimer en les traitant comme de simples "images" (alors que l'expiation ne passe pas à ses yeux pour une "image", mais pour une vérité théologique absolue, un "signifié" ultime et non un "signifiant" parmi d'autres; la théologie chrétienne a consacré des milliers de volumes à l'"expiation", à peine une attention distraite à "l'agréable odeur" qui caractérise aussi bien le "sacrifice" du Christ, cf. Ephésiens 5,2).

Le caractère supplémentaire de la libation, versée sur un (autre) "sacrifice" (cf. p. ex. Exode 29,40s, où la Septante utilise le substantif spondè correspondant au verbe spendô), demeure sensible en Philippiens: la mort (martyre ?) de l'apôtre viendrait se surajouter à un sacrifice principal -- qui n'est pas identifié à la mort de Jésus mais à la "foi" des croyants (cf., encore, Romains 12,1ss). Cet aspect de supplément s'estompe en 2 Timothée où la libation apparaît plutôt comme une offrande autonome (comme en Genèse 35,14, en grec spendô... spondè), qui par ailleurs s'étend à la vie et à la mort -- au mourir -- de l'apôtre (je suis déjà répandu). Vu l'importance de la mort dans l'emploi de cette image, il est probable que s'y mêle une autre catégorie rituelle: outre la "libation" proprement dite (offrande de boisson, eau, vin, bière, lait, etc.), l'"aspersion" (de sang et/ou d'eau) qui accompagne également certains sacrifices.
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MessageSujet: Re: dépense et libation, liquidité ou liquidation   dépense et libation, liquidité ou liquidation Icon_minitimeMer 23 Aoû 2023, 14:44

La spécification proprement paulinienne de la question rituelle me paraît claire : pour Paul, l’unique rite chrétien, c’est la vie du témoin annonçant l’Évangile. On a reconnu depuis longtemps que Paul n’utilise jamais le langage du culte ou du rite pour un quelconque culte chrétien ; mais il utilise le langage cultuel, voire sacrificiel, pour décrire la vie et la mission de l’apôtre (« je suis répandu en libation sur le sacrifice de votre foi », Ph 2, 17), ou encore pour la vie chrétienne (« présentez vos personnes – vos corps – comme offrande vivante et sainte qui plaise à Dieu, c’est votre culte spirituel », Rm 12, 1). Il faut lire la belle étude de Claude Tassin, dans le livre sur Le Sacrifice dans les religions, publié par l’Institut Supérieur de Théologie des Religions de l’Institut Catholique de Paris sous la direction de Marcel Neusch (Beauchesne, 1994). Paul refuse pour la vie chrétienne communautaire tout le ritualisme qui vient du monde juif ou païen. Jamais le baptême ou le repas du Seigneur, dont il parle si peu, n’ont une quelconque dimension rituelle. Au contraire il investit complètement le vocabulaire du culte dans la vie quotidienne, la vie relationnelle, des croyants.

https://www.cairn.info/revue-transversalites-2010-2-page-67.htm
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Narkissos

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MessageSujet: Re: dépense et libation, liquidité ou liquidation   dépense et libation, liquidité ou liquidation Icon_minitimeMer 23 Aoû 2023, 16:15

Ferais-tu l'inventaire des posts restés sans suite ? Smile Par rapport à la durée et au volume des échanges, il n'y en a pas tant que ça...

L'impression que me laisse un survol sans doute trop rapide de cette "table ronde", c'est que le "philosophe" paraît en l'occurrence plus pertinent que le "théologien" ou l'"exégète" de service.

La "libation" en Philippiens comme en 2 Timothée me semble plus évocatrice de "la mort" que de "la vie", encore que les deux soient indissociables -- on pourrait d'ailleurs en dire autant du vin/sang de la Cène selon 1 Corinthiens 10--11, de l'eau du baptême selon Romains 6, ou des "onctions" (chrisme, chrême) originellement associées au nom même de "Christ" (quoique les récits d'onction évangéliques évitent ce vocabulaire). Mais même là où "la vie" est expressément mise en avant, comme dans le "sacrifice vivant" de Romains 12, je ne crois pas qu'on puisse opposer un rituel à une morale, une éthique, un "mode de vie" comme disaient les TdJ à l'américaine (way of life). Dans le "mystère" chrétien, paulinien entre autres, il y a forcément un aspect "rituel", non réductible à un pur symbole accessoire et facultatif d'une prescription éthique qui serait la seule chose sérieuse (prescription éthique d'ailleurs très vague et banale pour l'époque: s'il y a une "morale chrétienne", elle ne se différencie guère de ses homologues pharisienne, stoïcienne, épicurienne, platonicienne, ni en théorie ni en pratique malgré l'écart partout inévitable entre théorie et pratique). Le "rite" n'est certes plus exactement celui des vieux temples "juif(s)" ou "païens", mais il lui ressemble toujours et il n'en est pas moins rituel à sa manière; du reste les anciens "rites" n'étaient pas non plus dépourvus de "spiritualité" ni de "morale". Mais quand une "religion" n'est plus perçue comme "significative" elle est fatalement remplacée par une autre qui croit tout inventer quand même elle ne fait guère que recycler l'ancien tout en le dépréciant -- ce qui est arrivé aux cultes antiques à l'époque gréco-romaine, avec la multiplication des "mystères", le judaïsme pharisien ou le christianisme, est à peu près ce qui est arrivé aux christianismes traditionnels à l'époque moderne. Les théologiens étant peut-être les moins bien placés pour le comprendre.
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MessageSujet: Re: dépense et libation, liquidité ou liquidation   dépense et libation, liquidité ou liquidation Icon_minitimeJeu 24 Aoû 2023, 10:34

Citation :
Ferais-tu l'inventaire des posts restés sans suite ? dépense et libation, liquidité ou liquidation Icon_smile Par rapport à la durée et au volume des échanges, il n'y en a pas tant que ça...

Effectivement, je trouvai dommage que certains sujets (il est vrai, rares) ne soient pas abordés.


L’OFFRANDE
Office sacerdotal de l’Eglise

Les libations (page 40)

Philippiens 2/7 : « Et si je sers de libation pour le sacrifice et le service de votre foi, je m’en réjouis. »

II Timothée 4/6 : « Pour moi, je sers déjà de libation, et le moment de mon départ approche »

Dans P, la libation nések, d’huile ou de vin, accompagne toujours un sacrifice, et spécialement le sacrifice perpétuel. (Ex. 29/40, Nom. 15/5,
7, 11, 24 ; 28/24 et 31 ; Lév. 23/13, etc.). Elle n’est pas sacrifice à elle seule, mais offrande surérogatoire au sacrifice principal. Elle n’est ni consommée, ni consumée, mais répandue.

Ce geste de répandre était, nous l’avons vu, un acte de purification ou de bénédiction. C’est pourquoi les sacrifices de culpabilité et le sacrifice
de jalousie ne comportent pas de libation (Lév. 5/11, Nom. 5/15).

Paul sait tout cela quand il parle de libation, et ses lecteurs le savent aussi ; et ce n’est pas au hasard qu’il emploie ce terme. L’homme moderne, voyant dans ce texte une image allusive au sang répandu d’un martyre proche, passe à côté de la pensée de Paul, car le sang n’est
jamais libation.

Paul doit donc penser ici à autre chose qu’à son sang. Remarquons d’abord que Paul ne s’offre point en libation. Dans les deux textes cités, l’acte est au passif. Bonnet et Calvin pensent que Paul est sacrificateur, offrant à Dieu la foi des Philippiens. Mais le texte ne dit pas cela. Bonnard, tenant compte du passif, dit que l’exécuteur sera l’autorité romaine, mais que le sacrifice n’en est pas moins offert par l’apôtre. Uni aux Philippiens, Paul offre sa vie.

Ph. H. Menoud dit de même que Paul s’offre à Dieu et que « les Philippiens s’offrent de leur côté ». Et tous ensemble remplissent l’office sacerdotal de l’Eglise, le service cultuel de la liturgie sacrificielle.

Serrons davantage le contenu précis du terme libation : la libation, redisons-le, n’est pas un sacrifice en elle-même. Elle est seulement répandue, mais répandue sur (Calvin) une autre offrande pour purifier ou pour bénir.

Il y a là une nuance de pensée très profonde, mystique, émouvante.

Paul ne va point s’offrir en sacrifice : c’est déjà fait. Il ne considère pas son martyre comme un holocauste. Non, sa vie se répandra humblement, pour accompagner l’offrande sacrificielle et communielle (leiturgia) de ses frères.

Paul, parlant au passif, abandonne tout rôle actif.

https://www.pomeyrol.com/wp-content/uploads/2021/10/Antoinette-Butte-L-Oraison.pdf
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MessageSujet: Re: dépense et libation, liquidité ou liquidation   dépense et libation, liquidité ou liquidation Icon_minitimeJeu 24 Aoû 2023, 11:53

Mémoire très utile sur l'"offrande" et les "sacrifices" en général (voir ici et ), qu'il faut quand même dater (1963, cf. p. 92; contemporain de Vatican II) et situer: la communauté de Pomeyrol est un des rares cas de monachisme (cénobitique) et de couvent protestant, réformé, de tradition calviniste quoique d'inspiration plutôt "libérale" (Wilfred Monod, etc.). Cela peut expliquer, sans la discréditer, une certaine réticence (anti-catholique) à étendre toute notion de "sacrifice" au-delà de "Jésus", fût-ce à "Paul".

Il me semble que l'image du sang (versé, répandu, ici dans un sens "sacrificiel" plutôt que "criminel" ou "accidentel") reste sous-jacente aux formules pauliniennes et/ou pseudo-pauliniennes (mot-à-mot "je suis versé, répandu"; mais on pourrait aussi traduire le moyen-passif par un pronominal, je me verse, je me répands; le présent étant dans tous les cas l'anticipation d'un futur, hypothétique ou certain), et qu'elle était aussi évidente pour un Juif (surtout hellénophone) que pour un non-Juif. Certes dans le judaïsme (et dans bien d'autres cultes et cultures) on ne boit pas le sang (cf. Psaume 6,4, en mauvaise part; ou l'association du sang et des libations dans le culte d'Ozias, réprouvé par les Rois, 2 Rois 16,13ss); mais on ne boit pas non plus la "libation" versée sur le "sacrifice" (principal), et le sang comme la libation était bien, au moins à l'origine ou "par défaut", destiné à la consommation du dieu (même si la chose est expressément niée dans certains textes, p. ex. Psaume 50,13); il en reste d'ailleurs quelque chose dans les images sacrificielles des textes "prophétiques" ou "apocalyptiques" où c'est la terre, l'épée, les oiseaux ou les bêtes sauvages, voire les victimes mêmes ou les fidèles qui sont conviés à boire le sang (p. ex. Nombres 23,24; Deutéronome 32,42; Isaïe 34,6; 49,26; Jérémie 46,10; Ezéchiel 32,6; 39,17ss; Zacharie 9,15; cf. aussi l'addition hyper-sacramentelle de Jean 6,53ss et l'Apocalypse...). La métonymie d'un "je suis répandu" convoque inexorablement celle de la libation et du sang versé, et d'autant plus qu'elle passe assez naturellement par le relais de l'"âme" (sang <=> âme, inséparablement vie et mort, et "mon âme" c'est "moi", "ma vie et ma mort").

Au passage, l'erreur de référence dans ton extrait (Philippiens 2,7 au lieu de 17) m'a fait remarquer une vraie analogie, entre la "kénôse" et la "libation". Le Christ-Adam se vide et l'apôtre se verse ou se répand. Et cela rejoindrait aussi d'autres thèmes fort éloignés en apparence, sur le vase, le coeur ou l'esprit "brisé", et l'esprit également "répandu" ("effusion", etc.).

Ce qui me fascine peut-être le plus là-dedans, c'est la métaphore à la fois liquide et comptable de l'effusion et de la dépense (spend, spendô, etc.), avec tout ce qui s'ensuit: perte, gâchis, gaspillage, prodigalité... Elle me rappelle beaucoup de souvenirs épars et inégaux: ce qui passait pour un proverbe indien, "tout ce qui n'est pas donné est perdu", en exergue de la Cité de la joie si ma mémoire ne me trompe pas; l'argot militaire américain de Full Metal Jacket, de Kubrick, où on disait "waste" (nom des déchets, des ordures, de tout ce qu'on jette) au sens de tuer ou d'achever quelqu'un (le terrible waste her, s'agissant d'un redoutable sniper qui s'avère être une adolescente vietnamienne); et notre formule stéréotypée et comptable, "passer par pertes et profits", et l'anglicisme "expendable" (ce qu'on peut se permettre de perdre, de gâcher, de gaspiller, de dépenser, de "sacrifier", qu'il s'agisse de "vies" ou de "biens"; le dispensable, le dépensable). Entre le don et la perte la frontière est incertaine et poreuse, d'autant qu'elle est liquide.
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