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 der letzte Gott

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Narkissos

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MessageSujet: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeSam 25 Aoû 2018, 16:27

Qui a agi et fait, appelant les générations depuis l'origine ?
Moi, Yhwh, premier et avec les derniers, c'est moi
(hébreu 'ny hw', LXX egô eimi).
-- Isaïe 41,4.

Avant moi nul dieu ('l) n'avait été formé,
après moi il n'en sera point (lw' yhyh).

-- 43,10.

Moi premier et moi dernier,
hors de moi point de dieu ('lhym).

-- 44,6.

C'est moi ('ny hw', egô eimi), moi premier et moi dernier.
-- 48,12.

C'est la formule "le dernier dieu" de (sinon du "dernier") Heidegger (voir p. ex. ici) qui me ramène à ces phrases bien connues, mais toujours étonnantes, du "deutéro-Isaïe". Un dieu qui apparaît précisément "indépassable" dans la mesure où l'on envisage son "dépassement": "après moi" dans la bouche de "Dieu", il fallait oser, fût-ce pour dire "après moi rien ni personne" ("avant moi" aussi, d'ailleurs).

Pas d'autre commentaire (pour le moment !). Ce sont seulement des textes qui me paraissent dignes d'être relus, et médités (avec ou sans Heidegger).
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeLun 27 Aoû 2018, 12:19

Citation :
C'est la formule "le dernier dieu" de (sinon du "dernier") Heidegger (voir p. ex. ici) qui me ramène à ces phrases bien connues, mais toujours étonnantes, du "deutéro-Isaïe". Un dieu qui apparaît précisément "indépassable" dans la mesure où l'on envisage son "dépassement": "après moi" dans la bouche de "Dieu", il fallait oser, fût-ce pour dire "après moi rien ni personne" ("avant moi" aussi, d'ailleurs).

Merci Narkissos d'attirer notre attention sur ces textes et de nous offrir cette analyse. Effectivement, il est paradoxal de voir ce Dieu de toute éternité, imaginer son "après soi".

 En ce sens précis, le « dernier dieu » n’est pas le dernier de la série des dieux déjà venus : « Le dernier » n’est pas « la fin »; il est le dieu le plus pensable, celui qui coïncide avec le plus haut de l’essence de l’unicité de l’être-dieu ».Comme tel, il ne peut qu’être « l’autre commencement de la possibilité incommensurable de notre histoire  (https://journals.openedition.org/rsr/302)




Citation :
Qui a agi et fait, appelant les générations depuis l'origine ?
Moi, Yhwh, premier et avec les derniers, c'est moi
(hébreu 'ny hw', LXX egô eimi).
-- Isaïe 41,4.


Ce texte me semble assez énigmatique, notamment l'expression "avec les derniers" , qui n'est pas une suite logique du texte, puisque après l'affirmation : "je suis le premier", on retrouve généralement, "je suis le dernier".

"le SEIGNEUR (YHWH), je suis le premier, et, avec les derniers, c'est encore moi."(NBS)

" je suis le SEIGNEUR, le premier, et serai tel encore auprès des derniers" (TOB)
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeMar 28 Aoû 2018, 23:40

Merci d'avoir déniché cet article, qui complète très utilement celui que j'avais signalé.

La théologie du deutéro-Isaïe -- la première, peut-être la seule, qui puisse être proprement qualifiée de monothéiste -- doit se lire sur un double fond, historique et idéologique: d'une part la destruction du temple de Jérusalem et l'exil marquent une nette différence entre un "avant" et un "après"; d'autre part le zoroastrisme perse introduit non seulement son fameux "dualisme" (le bien contre le mal, la lumière contre les ténèbres) mais aussi, corrélativement, un sens de l'histoire orienté vers une "fin" (eschatologie). Il ne s'agit plus, comme dans (presque) toutes les "religions" jusque-là, de la conservation ou de la restauration régulière d'un ordre cyclique du monde, foncièrement immuable, mais d'une lutte singulière, coextensive à l'histoire, qui doit aboutir à une issue (la victoire finale et définitive du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres, avec un jugement dernier et les récompenses et les châtiments éternels qui s'ensuivent).

Cette perspective affecte nécessairement l'emploi du mot (en soi assez banal) 'aharon, de 'hr (après, derrière), soit: "postérieur", "ultérieur", "futur" ou "dernier", qu'il soit au pluriel ("les derniers") ou au singulier (notamment pour qualifier Yahvé comme "dernier"). Il est en effet susceptible d'une lecture présente (les derniers ou nouveaux venus, p. ex. la génération du "néo-yahvisme" qui avec son "néo-Yahvé" ressort changée du bouleversement historique de l'exil), future (les générations à venir, la postérité) et eschatologique (la dernière génération, celle de la "fin de l'histoire" puisque désormais l'histoire même doit avoir une "fin"). Toutes les eschatologies judéo-chrétiennes à venir (!) sont pour ainsi dire en germe dans cette notion (du "temps de la fin" de Daniel avec ses "justes-sages" et ses "impies" surcaractérisés aux figures eschatologiques de l'apocalyptique, y compris "messie(s)" et "antimessie(s)" ou "antichrist(s)", à la "génération qui ne passera pas" des évangiles, aux "vivants" qui survivent jusqu'à la parousie chez Paul, etc.). S'il y a une "fin" il y aura aussi des "derniers", c'est imparable.

(Hors Bible, mais quand même dans le "cône d'influence" de la Bible, on peut également penser au "dernier homme", der letzte Mensch, de Nietzsche, en particulier dans Zarathoustra, qui relève à la fois d'une "typologie", d'une "axiologie" et d'une "eschatologie": en l'occurrence le "dernier homme" ce n'est pas seulement celui qui arrive en dernier mais aussi le pire, comme le "dernier de la classe", celui qui "achève" l'humain dans le sens du "trop humain", et dont le règne est pourtant nécessaire à l'avènement de l'Uebermensch, non pas "surhomme" ni "superman" mais plutôt "ultra-humain", "au-delà de l'humain"...)
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeMer 29 Aoû 2018, 14:44

Citation :
Pas d'autre commentaire (pour le moment !). Ce sont seulement des textes qui me paraissent dignes d'être relus, et médités (avec ou sans Heidegger).

« Seul un dieu peut encore nous sauver ». Heidegger

 "Ce qui signifie: le retour phénoménologique aux vécus de la conscience correspond au désir religieux de la vie. La question, sans doute la plus délicate dont se saisit Heidegger, est de savoir comment dans cette expérience religieuse fondatrice, les réalités vécues par le sujet telles que « le plus haut que toi et moi », « ce qui nous est supérieur », sont maintenues comme telles au moment où elles émanent de l’expérience. La réponse esquissée consiste à tenir que le phénomène du processus de constitution de la présence de Dieu est un phénomène originaire. Dieu ne saurait être considéré comme un objet extérieurement constitué, il est présent à la disposition qui cherche à comprendre le monde, à l’analyser et à l’interpréter. Décrire phénoménologiquement, c’est donc rejoindre le sujet historique qui existe en interprétant son monde lequel est aussi bien la demeure de Dieu. Ainsi intervient la référence au Château intérieur de Thérèse d‘Avila: « Celui qui ne croit pas qu’il puisse y avoir quelque chose de semblable tel que le demeurer de Dieu dans l’âme (…) n’en aura pas non plus l’expérience: car le Seigneur aime qu’on ne mette pas de mesure et de fin à ses œuvres ». Il s’agit de voir « le plus intérieur et l’ensemble du château"
https://journals.openedition.org/rsr/302
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeMer 29 Aoû 2018, 15:23

L'impasse faite, voire bétonnée obstinément par Heidegger sur la quasi-totalité de la tradition "judéo-chrétienne" -- avec quelques exceptions qui sont plutôt des lapsus, notamment à l'égard de la mystique médiévale, Eckhart etc. -- l'empêche de voir les convergences et les similitudes, qui sont pourtant évidentes.

Un "dieu" irrémédiablement perdu et ressaisi à neuf, tel qu'il apparaît à la lumière de l'ê(s)tre, de l'histoire, de l'événement (Sei/yn, Geschichte, Ereignis): c'est exactement ce qui arrive au "deutéro-Isaïe" ! De l'éclipse du "dieu national" (et de ce point de vue tout à fait "perdant" et "perdu") à l'épiphanie du "Dieu" de l'univers et de l'histoire, dût-il avoir Cyrus pour Messie -- et à partir de là "sauveur", "créateur", "premier et dernier" -- il y a un chemin de pensée et de foi tout à fait similaire. Ça n'enlève rien à Heidegger, bien au contraire: cela montre seulement que la critique ou dé(con)struction de la "métaphysique" qu'il a menée sur la tradition philosophique grecque peut (doit ?) également être menée sur la tradition religieuse juive, qui elle aussi s'éloigne de son expérience originaire à mesure qu'elle bâtit sur elle -- ça n'a d'ailleurs, historiquement au sens banal (Historisch) du mot, rien d'un hasard: les deux traditions, quoique indépendantes au départ, sont à peu près contemporaines et différemment marquées par la même influence perse, de sorte que leur confluence effective à l'époque hellénistique et romaine vient de loin.
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeVen 25 Jan 2019, 23:10

Parmi les imprudences de langage du deutéro-Isaïe et de son monothéisme émergent, il en est une que j'ai citée plus haut (43,10) sans la relever, et qui me fait soudain repenser à ce fil. Non seulement il fallait envisager (fût-ce pour le nier) un "avant" et un "après" ce dieu ou Dieu "premier" et "dernier", mais encore suggérer (à la lettre ce n'est pas dit, mais on ne peut pas ne pas l'entendre) que comme nul autre avant ou après lui il a lui-même été "formé" ou "façonné" -- du verbe yçr et selon l'image immémoriale, mais particulièrement concentrée dans ce recueil, du potier, de son argile et de ses vases; à l'instar de sa propre "création" (d'abord continue et historico-politique, ensuite seulement initiale et cosmique: "Israël" avant "le monde", cf. v. 1.7.21; 44,2.21.24; 45,7.9.11.18; 46.11), et aussi bien de n'importe quel "dieu"-idole confondu avec sa statue (44,9ss). Comme quoi, pour penser "Dieu", même et surtout par opposition (aux hommes, au monde, aux dieux, aux idoles), il faut encore le penser de la même façon, sur le même modèle que ses "contraires" -- autrement dit, à leur image (idea > eidos < eidolon, toujours la forme et la représentation, "sensible" ou "intelligible"; optique, jusque dans l'image mentale, la vue ou la vision de l'esprit, la notion, le concept, la bien-nommée imagination qui ne fonctionne pas selon les règles strictes du oui ou du non, de l'identité et de l'altérité, mais à la manière floue et autrement efficace de la ressemblance). Un "Dieu", une idée, une notion ou un concept de "Dieu", même le plus "spirituel", le plus vide ou le plus éthéré, le plus invisible, intangible, insensible ou supra-sensible qu'on puisse concevoir ou imaginer, ne serait-ce que pour le nommer, cela doit encore être formé. A l'image d'une image, même si ce n'est qu'une façon de parler, une figure de style, un trope, un tour de langage comme un tour de potier -- on ne sort pas de la métonymie de l'image et de la forme. Cela vaudrait pour le "Dieu des philosophes", cela vaut a fortiori pour le Dieu d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse ou de Jésus-Christ, formé, informé, surinformé de toutes ses révélations successives, de tous ses "actes" et de toutes ses "paroles".
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeLun 28 Jan 2019, 12:48

Citation :
Comme quoi, pour penser "Dieu", même et surtout par opposition (aux hommes, au monde, aux dieux, aux idoles), il faut encore le penser de la même façon, sur le même modèle que ses "contraires" -- autrement dit, à leur image (idea > eidos < eidolon, toujours la forme et la représentation, "sensible" ou "intelligible"; optique, jusque dans l'image mentale, la vue ou la vision de l'esprit, la notion, le concept, la bien-nommée imagination qui ne fonctionne pas selon les règles strictes du oui ou du non, de l'identité et de l'altérité, mais à la manière floue et autrement efficace de la ressemblance).


Narkissos,

Merci pour cette belle découverte. L'auteur n'est pourtant pas conscient de penser Dieu, comme une idole "façonnée", puisqu'il pose la question suivante : "A qui voulez-vous comparer Dieu ? Que présenterez-vous qui lui ressemble ?" (40,18).

Ce qui suit n'a pas un lien direct avec notre discussion mais elle représente un intérêt non négligeable :


Ainsi, en proposant que Yhwh ne peut avoir d’image (et peut-être n’en a-t-il jamais eu), le prophète développe une théologie de l’image et de la ressemblance qui semble rejoindre celle de la création de l’homme et la femme en Genèse et qui ne sert plus la médiation royale. La seule image divine est celle qu’il a faite lui-même en créant l’humanité à son image. On en revient donc encore à l’importance de la création dans le message du prophète et la récurrence du kérygme de la création : Yhwh a créé le ciel et la terre, il a créé l’homme. La polémique contre l’idolâtrie est étroitement liée à la théologie de la création et à l’exclusivité de Yhwh. Comme il n’y a pas d’autre dieu égal à Yhwh, il ne peut y avoir d’autre image que celle qu’il crée dans sa propre création.

Statues et images des dieux en Orient ancien

Mais avant de se pencher sur la comparaison du Deutéro-Isaïe avec le Cylindre, on voudrait brièvement rappeler la réalité des statues en Orient ancien et comprendre ce que pouvait signifier précisément la polémique et la dénonciation des cultes idolâtriques. Les mythes renseignent peu sur la réalité des statues, et l’image du dieu même dans sa personne ne risque pas d’être la description de sa statue. C’est le cas, par exemple, des Cylindres de Gudea et de l’apparition en songe de Ningirsu au souverain de Lagash. Les Cylindres de Gudea (v. 2120) – on le rappelle – commémorent la reconstruction du temple de Girsu, l’Eninnu. C’est auprès du dieu Ningirsu, dieu tutélaire de Girsu, que Gudea prie pour connaître la volonté divine de reconstruction du temple. C’est aussi à Ningirsu que le temple est dédié. Or Ningirsu est décrit, dans son apparition en songe à Gudea, comme un « dieu quant à la tête, oiseau de tempête quant à ses ailes, et déluge quant à la partie inférieure de son corps, avec deux lions couchés à ses côtés ».

 La divinité du dieu est donc métaphoriquement pensée en termes météorologiques associant tempête et déluge. On aurait pu, par ailleurs, attendre du genre littéraire particulier des voyages sumériens qu’il offre quelques renseignements sur les statues puisque le rituel du voyage justement les concerne. Mais là encore les statues ne sont jamais décrites tandis que les dieux sont loués pour leurs attributs divins. Cette inadéquation symbolique, par définition mythologique, et l’absence finalement de données relatives à la description des statues, montrent sans nul doute que la matérialité n’est que le support de la divinité. Enfin, les sources historiques, dont les principales sont les inscriptions royales et les annales, offrent quelques éléments à la description physique des statues. Ici le mot même de statue nécessite d’être analysé, car il va conduire de la réalité physique de la statue à son essence : la présence divine. Effectivement, du point de vue de l’expression, on ne rencontre aucune différence entre le dieu et l’image du dieu : c’est dire que l’image est désignée par le nom du dieu même. Si le sumérogramme alan/alam lu en akkadien tsalmu, « statue » existe, on ne le trouve pas précédant le nom divin dans les inscriptions sumériennes lorsqu’il s’agit de désigner la statue.

 On note aussi que le verbe sumérien relatif aux statues n’est pas celui utilisé dans la construction des temples (dù) mais celui du façonnement voire de l’enfantement (tu.d/ù.tud)20. Surtout on ne voit nulle mention de la matérialité de la statue. Celle-ci est désignée par le nom du dieu qu’elle (re)présente et chaque nom divin est précédé le plus souvent du déterminatif divin. La statue est donc la personne divine. Et il n’est pas étonnant alors que les inscriptions royales ne mentionnent que très rarement les statues. Et les statues ou plutôt les divinités de l’Orient ancien sont inséparables des rites. D’ailleurs elles ne peuvent « exister » et « vivre » leur vie quotidienne qu’à travers le rite. Comme le rappelle Beaulieu, les statues étaient façonnées et réparées selon des prescriptions très élaborées transformant leur matière inerte en une incarnation vivante de la divinité. Et la présence divine était entretenue par un ensemble complexe de rituels et de cérémonies certainement calqués sur la vie du palais royal. Et Beaulieu n’hésite pas à utiliser le terme de « consubstantialité », reprenant alors une idée développée par T. Jacobsen24. Quelle que soit la pertinence du terme, il est clair que les sources anciennes des rituels, et particulièrement des rituels Mīs pî (littéralement du « lavage de la bouche ») montrent que l’on ne s’adressait jamais à la statue mais toujours à la divinité (akk. ilu, « dieu » et non tsalmu, « statue »). Et ce qui reste, quel que soit l’acte déclencheur de « l’assimilation » de la statue à la divinité, c’est que celle-là est œuvre divine : tout est effectivement mis en œuvre pour que la part humaine soit rendue nulle et que la divinité, au sein d’une famille et d’une communauté divine, soit mise au monde sur la terre comme elle l’a été au ciel. La divinité est littéralement venue au monde dans sa statue de manière biologique plutôt que technique. Et c’est ainsi que le rituel reproduit pour la statue la naissance mythologique des dieux, c’est-à-dire celle que l’on trouve décrite dans les mythes. Au terme de ce rappel de la question dans les sources mésopotamiennes, on voit que les divinités de l’Orient ancien habitent leurs statues selon un mode essentiel mais surtout rituel dont le Deutéro-Isaïe ne peut pas être ignorant.
https://journals.openedition.org/rsr/361?file=1
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeLun 28 Jan 2019, 13:56

Ta citation d'Isaïe 40,18 est d'autant plus pertinente que "comparer" et "ressembler" traduisent respectivement dmh et son dérivé dmwt, qu'on retrouve aussi en Genèse 1 (çlm/dmwt = "image/ressemblance"). Cf. aussi 40,25; 46,6.

L'excellent article de Stéphanie Anthonioz mérite en effet une lecture très attentive. Il apporte un éclairage assez exceptionnel, je trouve, sur la problématique retorse de l'"idolâtrie" (par-delà l'habituelle "mauvaise foi" monothéiste et aniconique, sinon iconoclaste, qui feint de confondre les dieux des "païens" avec leurs statues et d'ignorer leur relation profonde, on découvre qu'il y a aussi une critique polythéiste et iconique de l'"idolâtrie" qui vise, non l'image en soi mais le culte illégitime; ainsi dans la polémique des prêtres de Mardouk contre le culte "lunaire" de Nabonide, qui précède et inspire la dénonciation juive ou judéenne des "idoles" en général).

La question (à peine évoquée ici) des rapports entre le deutéro-Isaïe et la Genèse (surtout le premier récit de la "création", 1,1--2,4a) est extrêmement complexe. Il y a écho et contradiction (p. ex.: ni image ni ressemblance vs. homme image et ressemblance, Dieu se fatigue ou ne se fatigue pas, etc.) qui se construisent probablement au fil des rédactions successives, mais il me paraît en tout cas très imprudent de considérer les deux textes comme "complémentaires" et a fortiori d'expliquer l'un par l'autre. Je doute pour ma part que le deutéro-Isaïe fût disposé à reconnaître une quelconque "image" ou "ressemblance" de Dieu, même et peut-être surtout dans "l'homme". N'empêche qu'il n'échappe pas au problème général de la forme de "Dieu" (dût-elle ne ressembler à rien).
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeLun 28 Jan 2019, 15:01

Pour penser sur des bases tangibles les problématiques de la représentation de Dieu, il conviendrait de multiplier ce genre de traversées dans les textes bibliques jusqu’aux oeuvres de peinture, de sculpture, de gravure qui donnent aux constructions textuelles une sorte d’accomplissement formel. On peut ainsi suivre les présentations explicites que l’Ancien Testament fait de Dieu : le Dieu siégeant en majesté, comme Isaïe 6 nous l’a montré, constituerait un des « dossiers » à développer. Cette scène semble aller de soi : le Dieu Pantocrator qu’on approche en tremblant s’impose pour représenter une déité. Pourtant, comme nous l’avons déjà dit, elle ne laisse pas d’étonner quand Isaïe la décrit : le prophète voit le Seigneur que les séraphins n’ont pas l’audace, eux, de contempler. De plus, l’expression « haut et élevé » qui qualifie de trône sur lequel le Seigneur est assis se retrouve plus loin pour caractériser le serviteur souffrant : « mon serviteur sera haut et élevé » (Isaïe 52, 13) ; cet écho est d’autant plus remarquable que le serviteur en question est décrit comme un être écrasé, anéanti.
http://www.unifr.ch/dbs/assets/files/PhL2/peut-on-repr%C3%A9senter-dieu.un-questionnement-dans-la-bible-etudes-4225.pdf
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MessageSujet: Re: der letzte Gott   der letzte Gott Icon_minitimeLun 28 Jan 2019, 16:56

C'est dès le départ un mauvais procès que celui de l'"idolâtrie", qui la nomme et l'accuse comme telle (avec ou sans l'étymologie grecque, il y a toujours de l'accusation dans la catégorie): on n'en sortirait pas sans y renoncer, et il n'est même pas certain qu'on le puisse. Dès lors qu'on désigne et dénonce une "idolâtrie" quelque part on se condamne à la reconnaître partout, et surtout chez soi, pour peu qu'on se demande pourquoi on la condamne. Si l'idolâtre "enferme" le divin dans une "forme" pour avoir prise sur lui et le manipuler, tout rite, toute nomination ou invocation de "Dieu", même la prière la plus simple et la plus spontanée ne font pas autre chose.

Veut-on opposer (cf. l'article précédent) la parole à l'idole comme le son à l'image ou l'ouïe à la vue ? Non seulement le dieu qui parle se montre aussi, les dieux qui se montrent parlent aussi, mais l'écriture qui réinscrit le sonore dans le visible brouille toute distinction ou hiérarchie des sens. A tout prendre, le divin aura été infiniment plus "enfermé" et "manipulé" dans des formes verbales et des schémas conceptuels que dans des statues. Il y a de la "forme" dans la "formule" comme dans la "figure", du visible dans tout audible ("Regardez ce que vous entendez", dit symptomatiquement l'évangile -- Marc 4,24 etc.).

Mais précisément par son côté destructeur, allergique au fond à tout dieu et à toute religion, la critique de l'idolâtrie représente un des deux pôles, une des deux limites du "théisme", à savoir l'a-théisme -- l'autre étant le panthéisme, le divin omniprésent, et par conséquent infiniment "visible" et "sensible", mais à rien d'autre que lui-même (tout en tous/t).
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