En fait c'est un peu plus compliqué que ça: dans son usage habituel en koinè le verbe haptomai signifie bien "toucher" et non prendre, tenir, retenir, s'attacher ou s'accrocher à, etc., toutes choses pour lesquelles le grec contemporain dispose naturellement d'autres verbes tout aussi courants et plus adéquats (haptomai a eu des nuances similaires en grec classique, à la différence de thigganô qui signifiait essentiellement "toucher", mais à l'époque du NT les deux verbes sont aussi synonymes que des synonymes peuvent l'être). Il n'y a donc a priori aucune raison pour le traduire par un autre verbe que "toucher" -- d'autant que cette notion est extrêmement riche d'intertextualité et se suffit amplement à elle-même (qu'on songe aux récits évangéliques où le miracle, ou la bénédiction, dépend de toucher Jésus ou d'être touché par lui; et encore plus largement au contact du sacré qui foudroie ou de l'impur qui souille, jusqu'au récit de l'Eden où "ne pas toucher" est l'expression ultime de l'interdit, cf. aussi Colossiens 2,21; toujours haptomai); en revanche, ce qu'il faut apprécier ou décider, c'est le possible aspect "progressif" ou "duratif" du temps présent, action qui dure ou se répète, et sous forme négative cessation, arrêter de faire ce qu'on était en train de faire ou qu'on avait l'habitude de faire.
La meilleure traduction si l'on tient compte de cet aspect temporel, ce serait par conséquent "ne me touche plus" (sous-entendu ambigu: comme tu allais le faire, comme tu viens de le faire ou comme tu le faisais habituellement) -- et encore: si l'auteur avait voulu rendre cette nuance explicite il aurait pu le faire (p. ex. en ajoutant eti).
Quant à la "raison" exposée ensuite (gar = car), il est clair que le quatrième évangile joue avec la tradition commune de l'"ascension" ou "élévation" du crucifié, mais il ne faut pas pour autant la rapporter trop servilement au schéma chronologique des Actes des Apôtres (J + 2 ou 3 Résurrection, + 40 Ascension, + 10 Pentecôte). Qu'à ce stade de la rédaction johannique ce schéma précis soit connu et visé, à titre de référence ou d'allusion, c'est possible, mais le moins qu'on puisse dire c'est que dans ce cas l'auteur le (mal)traite avec une grande liberté, il le déjoue autant qu'il en joue. Déjà dans les phases antérieures de l'évangile (antérieures au sens narratif et probablement rédactionnel) l'ascension ou l'élévation était identifiée à la crucifixion même (3,13-14; 6,62; 8,28; 12,32.34), mais ici encore l'équivalent de la Pentecôte des Actes (le don de l'esprit) a lieu le jour même de la résurrection (20,19-23). Ajoutons que la question de "toucher Jésus" (ressuscité) reviendra aussitôt après dans d'autres termes, avec l'histoire de Thomas (où, formellement, Jésus ordonne à Thomas ce qu'il a interdit à Marie-Madeleine...) -- ce ne sont là que quelques-uns des nombreux paradoxes des apparitions johanniques du ressuscité: pour commencer on le reconnaît instantanément, ou pas, et à divers signes...
Cf. aussi ici.