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| Ce que je retiens : de Matthieu | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
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| Sujet: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 09 Nov 2009, 01:25 | |
| Conformément au choix "subjectif" que j'ai fait pour cette "série", je ne m'étendrai pas trop sur ce qui se trouve dans toutes les (bonnes) introductions: Matthieu part (se démarque) du récit de Marc et prend systématiquement le contrepied de la théologie de Paul (5,17ss et 7,21ss, p. ex., semblent cibler très directement l'auteur de l'épître aux Romains et ses thèses centrales sur la loi, la foi, les oeuvres et le salut par la confession de Jésus comme Seigneur).
Ce que j'en retiens (c'est somme toute extrêmement banal aussi, mais subjectif ne veut pas dire original!), c'est le contenu de l'enseignement attribué au Christ devenu chez lui rabbi, maître de la Loi, voire nouveau Moïse. Contenu qui n'est pas non plus inédit, puisqu'on le retrouve par bribes chez d'autres auteurs chrétiens qui ne le rapportent pas à Jésus (Jacques et même Paul, dans la partie "parénétique" de Romains par exemple, chap. 12 et suivants) -- ce qui donne à penser que l'auteur puise dans un "fonds commun" de sagesse -- mais qu'il structure de façon remarquable, notamment dans le "Sermon sur la montagne".
La Torah radicalisée par Matthieu dépasse non seulement l'interprétation légaliste (mais raisonnable et accommodante, contrairement au cliché) des pharisiens, mais aussi la "morale" ordinaire. Car "être parfait" signifie agir comme un Dieu qui est au-dessus de cette morale (qui fait lever son soleil sur les mauvais et les bons, qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes) et par là être ses fils (contrairement au schéma paulinien: on est fils d'abord et les oeuvres en découlent... en principe!). Si c'est une morale c'est une morale d'exception, marginale, extra-ordinaire, qui (contrairement à celle de Kant) n'est pas universalisable ni même généralisable. Qui peut se vanter d'"être" disciple à l'aune des critères matthéens, de l'avoir été toujours, ou même habituellement, même depuis avant-hier? Par contre, "tendre l'autre joue" reste toujours une possibilité ouverte, maintenant, ne serait-ce qu'une fois, fût-ce la première ou même la dernière. Il y a quelque chose de brûlant dans cet appel permanent à une attitude qui ne saurait raisonnablement être permanente.
J'ai aussi été frappé par le "matérialisme philosophique" avant la lettre d'une parole comme "là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur" qui fait dépendre la "spiritualité" d'une situation concrète (contrairement à la lecture courante qui inverse les termes sans même s'en rendre compte). Si tu veux être parfait, débarrasse-toi de tout, au sens le plus littéral du terme, sinon tu ne sais pas de quoi tu parles.
Je me suis souvent dit que le "ne jugez pas (ou mieux, comme pour une fois la TMN: cessez de juger), et vous ne serez pas jugés" rendait superflu toute "religion utilitaire" comme voie de justification et de salut. Il y a beaucoup de critique du religieux, y compris du religieux chrétien, critique voilée mais efficace, dans cet évangile. Si la seule prière qui "vaut" est celle qui est faite en secret, si nul ne doit être appelé "père, rabbi ou instructeur", la charge vise évidemment le judaïsme (Matthieu est par ailleurs un cas extrême d'antijudaïsme juif), mais elle ne peut pas manquer de ricocher pour atteindre la communauté chrétienne elle-même (dont Matthieu sanctionne les hiérarchies et les pratiques autant qu'il les questionne).
Il y aurait énormément à dire sur cet édifice qui, comme les cathédrales bâties sur plusieurs siècles, rassemble des morceaux d'époques et de styles très différents. Matthieu nous conserve la vision d'un judéo-christianisme qui n'envisage nullement de s'étendre aux non-Juifs (chap. 10) comme celle d'un pagano-christianisme qui entend se substituer à Israël (chap. 21, 28). De plus (c'est peut-être un effet de la distance culturelle, mais pas sûr) certaines de ses histoires semblent plus de nature à susciter le doute que la foi (la résurrection générale des saints au moment de la mort du Christ, où le récit suggéré du vol du corps de Jésus). Etrange conclusion que celle de la dernière apparition: "quelques-uns doutèrent"!
Bref, je vois moins de "vision globale" dans cet évangile qu'une collection de paroles extrêmement fortes, voire troublantes -- interpellantes comme aime à dire Jean-Pierre ;) , qui mérite d'être lue et relue et, ne serait-ce que très partiellement et exceptionnellement, expérimentée. Pasolini encore (qui a repris la quasi-totalité du texte dans son Evangile selon saint Matthieu) disait qu'il ne lisait pas l'Evangile pour y puiser du réconfort mais de l'inquiétude. Avec Matthieu il était servi. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 09 Nov 2009, 12:54 | |
| Bonjour,
n'y a-t-il pas une contradiction entre les versets 5 et 6 qui montrent Jésus donnant ordre de ne pas aller vers les païens et les villes samaritaines, mais de rechercher plutôt les brebis perdues d'Israël et le verset 19 parlant de la situation des disciples arrêtés et menés devant des gouverneurs voire des rois afin de servir de témoignage à eux et aux païens.
Avec mes salutations. Jean-Pierre |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12454 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 09 Nov 2009, 13:31 | |
| A mon avis, pas du tout: au chapitre 10 (dans une première lecture au moins) les non-Juifs ne sont pas les destinataires de la mission ni du message (la proclamation, le "kérygme"), mais des spectateurs de second plan, des tiers, qui ne reçoivent qu'un "témoignage", du seul fait du retentissement donné à la mission par son traitement judiciaire, qui excède les compétences du judaïsme (cf. le procès de Jésus!).
D'où l'ambiguïté du fameux (pour certains!) 24,14: dans une première lecture "judéo-chrétienne", il peut signifier une proclamation au judaïsme de la diaspora (la "terre habitée", oikoumènè, = l'empire, ce qui étend déjà les limites du chapitre 10); celle-ci ne serait un "témoignage pour les nations" (non-juifs) que par répercussion. Mais du point de vue de la dernière rédaction (28,18-20) il sera forcément relu comme une annonce de l'évangélisation des non-juifs.
P.S.: Parenthèse qui n'a aucun rapport avec ce qui précède, mais peut-être avec l'ensemble de la "série":
On a dit quelquefois que l'histoire était écrite par les vainqueurs et la littérature par les perdants. Je crois que "ce que je retiens" relève essentiellement de la seconde catégorie. Les textes bibliques les plus intéressants à mes yeux (et ils sont nombreux, car les hommes de pouvoir et d'action ont mieux à faire que d'écrire) sont ceux où les auteurs sont aux prises avec une réalité plus ou moins adverse, avec laquelle ils ne peuvent jouer autrement que par le détour ambivalent, subversif, foncièrement irresponsable, de l'écriture.
La position de "Paul" et de "Jean", dans les rapports de force du christianisme primitif, est précaire mais visible. Celle de "Matthieu" (qui est peut-être le produit d'un groupe de scribes chrétiens, vu les allusions du texte à cette corporation) est plus obscure, peut-être parce qu'elle se situe à l'ombre d'une institution dont "l'auteur" (ou les auteurs) n'est pas entièrement satisfait. |
| | | free
Nombre de messages : 10096 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 09 Nov 2009, 17:14 | |
| Didier nous a fait remarqué que l'évangile de matthieu a été écrit en réaction aux écrit de Paul ? La parabole de l'ivraie mêlée au bon grain (Mt. 8, 24-30) apparaît comme une attaque contre Paul (1 Co. 3, 13) de même que l'affirmation de la pérennité de la Torah (Mt. 5, 17-19) vient comme une réplique à la proclamation paulinienne de la fin de la loi (Rm. 10, 4).
Par contre je trouve que l'évangile de Mathieu et l'épitre aux Romains ont des points communs
Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère? Toi, aussi, pourquoi méprises-tu ton frère? puisque nous paraîtrons tous devant le tribunal du Christ; car il est écrit: " Je suis vivant, dit le Seigneur; tout genou fléchira devant moi, et toute langue donnera gloire à Dieu. " Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu pour soi-même. Ne nous jugeons donc plus les uns les autres; mais jugez plutôt qu'il ne faut rien faire qui soit pour votre frère une pierre d'achoppement ou une occasion de chute. Romains 14
A comparer avec
Mathieu 7 Ne jugez point afin de n'être point jugés, Mais celui qui scandalisera un de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu'on lui suspende une meule à âne autour de cou et qu'on le précipite au fond de la mer. Mathieu 18 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 09 Nov 2009, 21:16 | |
| Ça rejoint ce que j'appelais, dans le premier post de ce fil (2e alinéa), le "fonds commun" de la sagesse du temps et du milieu, qui apparaît dans l'épître aux Romains à partir du chapitre 12 surtout (notamment avec l'idée de la Loi résumée par l'amour, aussi chez Marc). S'y mêlent des idées, des formules, des images d'origines diverses, juives et hellénistiques, partagées par des auteurs "chrétiens" pourtant opposés les uns aux autres dans leur théologies particulières (comme c'est le cas de Paul et de Matthieu). |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Mer 11 Nov 2009, 12:11 | |
| Ce que je retiens de Matthieu, c'est sans aucune originalité le Sermon sur la montagne. Absolument impraticable au quotidien, irréaliste au possible, et pourtant qui continue de nous parler, et même de façon trans-culturelle (d'après certains témoignages célèbres). Sans doute faut-il y voir aussi le signe d'une immense banalité, une sorte d'effet Barnum avant l'heure. Mais justement, n'y a-t-il pas un véritable génie à savoir mettre des mots simples (même irréalistes) sur nos attentes les plus profondes, les plus naïves, réussir à pointer si simplement (peut-être) un peu de ce qui fait notre humanité à tous? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12454 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Mer 11 Nov 2009, 14:52 | |
| A la problématique paulinienne de l'aliénation, Matthieu (et Jacques aussi, à sa manière) oppose la stupéfiante simplicité de l'acte. Un peu comme Diogène "plante là" la vénérable dialectique éléatique de l'impossibilité du mouvement en se mettant à marcher.
Et c'est bien là que gît notre seule chance de "liberté" -- quelque illusoire que cette notion puisse être démontrée par ailleurs. Dans l'acte chaque fois unique, ponctuel, exceptionnel, en rupture tangentielle avec l'habitude, la logique, la norme, les attentes, de nos cercles vicieux ou non. Marginal au sens statistique du terme: la loi des grands nombres ne sait rien du prochain coup de dés.
Cette "grâce" d'un tout autre genre que celle de Paul est merveilleusement illustrée dans La beauté du diable, de René Clair: Faust (Gérard Philipe) a vendu son âme à Mephisto (Michel Simon) et celui-ci lui montre dans le miroir son avenir -- depuis ce qu'il va faire le soir même (retrouver la princesse) jusqu'au jour de sa mort. Faust, horrifié, se sauve... et il n'est pas au rendez-vous avec la princesse. Toute une montagne de fatalité s'évanouit dans une pirouette... |
| | | free
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| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Jeu 12 Nov 2009, 12:10 | |
| Ce que je retiens de Mathieu c'est la réinterprétation ou la spiritualisation de la loi par JC "vous avez entendu dire que ...mais moi je vous dis". Je devrais dire plutot que le JC Mathéen insiste plus sur l'esprit de la loi que sur la lettre, peut être une vision révolutionnaire pour l'époque.
Mathieu 15,11 " Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui souille l'homme. "
JC ne remet-il pas en cause les prescriptions sur la pureté de Lev chapitre 11 à 16 ? Le JC de l'évangile de Mathieu ne veut-il pas remettre en cause l'aspect rituel, formaliste de la loi (ce qu'elle est au demeurant) ?
Enfin pour la beauté de l'histoire et l'indication que le ministère de JC était bien à l'origine limité à Israel. Le JC Mathéen est accessible aux non-juifs, capable de discerner leur foi et d'accomplir des miracles en leur faveur.
Il répondit: " Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël. " Mais elle vint se prosterner devant lui, disant: " Seigneur, secourez-moi! " Il répondit: " Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens. - Oui, Seigneur, dit-elle; mais les petits chiens mangent des miettes, qui tombent de la table de leurs maîtres. " Alors Jésus lui dit: " O femme, votre foi est grande: qu'il vous soit fait comme vous voulez. " Et sa fille fut guérie à l'heure même. Mathieu 15, 24-28 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Jeu 12 Nov 2009, 13:34 | |
| Bonjour free,
Matthieu ne distingue pas entre loi rituelle et morale mais entre choses plus ou moins importantes (littéralement: "lourdes"): "Vous payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin [exemple d'extrême scrupule], et vous laissez de côté ce qui est le plus important dans la loi: la justice, la compassion et la foi; c'est cela qu'il fallait pratiquer, sans laisser de côté le reste." (23,23). Il relativise au sens où il hiérarchise, détermine des priorités. Mais il n'entend rien abandonner (pas un iota).
Pour le reste, il ne faut pas perdre de vue que Matthieu travaille avec une contrainte considérable puisqu'il part de Marc qui, lui, est très radicalement antinomien (contre la loi rituelle surtout; cf. la conclusion de 7,19, "ainsi il déclarait pur tous les aliments", que Matthieu évidemment ne suit pas): il joue souvent CONTRE l'orientation de son matériau de base. (Là encore, la synopse est l'outil indispensable pour apprécier tous ses déplacements au fil du texte.)
C'est vrai aussi sur un autre point, peut-être encore plus important à mes yeux: Marc centre et construit son récit sur l'énigme de l'identité du Fils de Dieu (qui est-il, celui-là?), qui constitue le mystère du salut. Dans la mesure où le salut de Matthieu dépend intégralement de la pratique d'un enseignement, la personne du maître n'y joue quasiment plus aucun rôle (sinon dans la mesure où elle participe à l'enseignement, c.-à-d. comme modèle). Cependant Matthieu n'élimine pas ce qui ne sert pas directement son but, seulement ce qui s'y oppose formellement, et il adapte le reste. Le résultat est plus hétérogène que ne le serait un texte produit du point de vue d'une seule idéologie cohérente, mais il est somme toute assez efficace quand même. |
| | | free
Nombre de messages : 10096 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Jeu 12 Nov 2009, 18:07 | |
| Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les voleurs percent les murs et dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni la teigne ni les vers ne consument, et où les voleurs ne percent pas les murs ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Nul ne peut servir deux maîtres: car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la Richesse. Mat 6, L'évangile de Matthieu condamne la possession des biens matériels, la richesse est vue comme un rival de Dieu. D'une manière moderne nous pourrions parler d'un rejet du matérialisme au profit des valeurs spirituelles. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Jeu 12 Nov 2009, 19:21 | |
| Bonsoir,
condamner le matérialisme revient-il à condamner l'acte de posséder ou bien pa pocession de biens.
Si c'est l'acte qui est condamné en tant que tel, ne peut-on pas condamner le fait de vouloir s'amasser un trésor dans le ciel pour le simple fait d'avoir un trésor, spirituel ou non? Matthieu est -il sorti du circuit classique de la pocession de biens...
Avec mes salutations. Jean-Pierre |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12454 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Jeu 12 Nov 2009, 20:18 | |
| Comme je l'ai dit dans mon premier post (§ 4), ce n'est pas du tout comme ça que je comprends le rapport de Matthieu (et sans doute d'une partie de la tradition qui le précède, mais je ne vais pas entrer ici dans le débat sur "Q") aux richesses.
Opposer un "matérialisme" à un "spiritualisme", ce serait dire, au fond, que la condition matérielle de chacun n'a aucune importance. Que l'on soit riche ou pauvre, on pourrait être "matérialiste" ou "spirituel". Question d'attitude, d'état d'esprit, d'attachement, de "valeurs". C'est grosso modo le discours de toutes les Eglises, surtout celles qui sont bien implantées dans la moyenne et haute-bourgeoisie. C'est déjà ce vers quoi tend Luc avec ses "pauvres" parés de toutes les vertus et dignes de toute charité, pourvu que ce soient les autres. La spiritualité du dépouillement (du genre retraite en abbaye cistercienne) fait toujours recette dans les beaux quartiers.
Ce n'est pas du tout cela que nous dit Matthieu. "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur" est justement un postulat matérialiste: il dit que la condition matérielle, concrète, effective, est déterminante. Celui qui A ne pourra pas faire COMME S'il n'avait pas. On est plus près de La Fontaine: le financier sait bien que le savetier arrêtera de chanter dès qu'il possédera quelque chose, qu'il ne pourra pas ne pas s'en soucier. Ou, comme dirait Garance (ça c'est pour BB): on ne peut quand même pas tout leur prendre, aux pauvres...
Et, pour répondre à l'ultime question de Xavier: Matthieu, je ne sais pas qui c'est, mais que dans le christianisme primitif certains aient effectivement renoncé à toute possession, je crois que c'est indéniable. Seulement il ne s'agit pas de morale, il s'agit de "perfection". |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Jeu 12 Nov 2009, 20:41 | |
| Bonsoir Didier,
loin de moi l'idée de considérer que la sitution matériel n'a pas d'importance, mais tu le relèves bien d'ailleurs, être pauvre (comme en abbaye cistercienne) fait encore recette dans les beauc quartiers, mais justement je parle de cette recherche du dénuement volontaire que me fait penser aux trésors que certains tentent de thésauriser au "ciel" afin d'être riche envers Dieu en oubliant de l'être en belles oeuvres, une telle attitude n'est-elle pas matérialiste. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12454 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Ven 13 Nov 2009, 00:28 | |
| Bonsoir Jean-Pierre,
Nous n'employons pas le mot "matérialisme" dans le même sens.
Le mien est (un peu) analogue à celui de Marx ou de Sartre: les "idées" ne tombent pas du ciel, elles dépendent de conditions de production matérielles (économiques/existentielles). A tort ou à raison, je retrouve quelque chose de cette intuition chez Matthieu: dans son insistance sur l'acte en général, dans l'appel à la dépossession (réelle) en particulier. Etre pauvre, dépendant, démuni, etc., détermine une manière de penser et de vivre, que celui qui n'est pas (vraiment) dans la même situation pourra peut-être admirer, envier, voire singer, mais non pas vivre de façon authentique. Je trouve que c'est une idée provocante et importante.
Le "matérialisme" que tu lui reproches est d'une autre nature, si j'ai bien suivi: c'est, en somme, le fait d'être "intéressé" par une récompense (que ce soit pour la pauvreté même ou pour de "belles oeuvres" ne me paraît pas changer grand-chose au problème -- pire, comme le relevait Simone Weil, dans le second cas le prochain est instrumentalisé au bénéfice de notre "comptabilité" personnelle). En utilisant le langage de la récompense, voire la métaphore économique de la thésaurisation céleste, Matthieu prête assurément le flanc à cette critique et ne fait rien pour s'en dédouaner -- au contraire, on dirait qu'il la cherche. Il ne prône pas la vertu aristocratique de la bonté désintéressée, il fonde à l'inverse sa pédagogie sur le postulat de l'intérêt: vous voulez être récompensés au ciel? alors prenez garde à ne pas l'être ici et maintenant (même argument pour la prière, l'aumône, le jeûne, l'amour des ennemis, et ainsi de suite). Il ne s'adresse pas aux "belles âmes". Il n'idéalise pas l'homme ("vous qui êtes mauvais"). Peut-être devine-t-il dans les postures "désintéressées" son pire ennemi: l'hypocrisie? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Ven 13 Nov 2009, 12:36 | |
| Bonjour Didier,
je suis content d'avoir soulevé le problème du matérialisme, même si j'ai de la peine à préciser quelque peu mes idées. Tes explications viennent compléter mes traits un peu grossiers.
Il m'est souvent venu à l'esprit que le croyant, et je me compte parmi cette appelation, développait un amour un peu intéressé en vue d'une récompense quelle qu'elle puisse être, alors que l'amour du prochain selon ma compréhension de notre nature et de notre lecture des textes de la Bible devrait nous permettre de donner ce que nous avons sans rien attendre.
Mais au moins Matthieu nous permet-il de nous pencher sur nos actions et nous pouvons nous demander si nos actes sont dénués de toute arrière pensées, de toute hypocrisie, et dans un premier temps la notion de récompense dans les cieux nous aide à continuer de "marcher" jusqu'à ce que nous soyons mieux à même de donner, d'aimer, de soulager simplement par amour, par bonté désintéressée parce que nous avons en nous une part divine.
Avec mes salutations. Jean-Pierre |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Ven 13 Nov 2009, 13:28 | |
| Bonjour Didier,
pour formuler ma réponse précédente je n'ai pas été consulter le texte de Matthieu chapitre 6 versets 19 à 34 et sans doute ai-je peut-être été un peu à côté du sens du texte et je m'en excuse.
Le verset sur lequel nous discutons, le 19, suit 2 versets dans lesquels Matthieu développe un argument montrant combien, déjà en son temps, les bien matériels étaient peu sûrs et sujets à provoquer bien des vicissitudes; et de suggérer d'ammaser des biens au ciel. De plus comme Matthieu le souligne en amassant un trésor dans le ciel les regards de "l'épargnant" seront portés vers d'autres richesses, ce qui est le thème du verset 21.
Puis il continue en parlant de la lumière projetée par l'oeil fonctionant comme la lampe du corps et il joue sur la dualité de la lumière et des ténèbres pour arriver au fait qu'il dénonce à savoir l'on ne peut servir deux maîtres, et si l'on s'attache aux richesses d'ici bas il peut paraître bien difficile de s'intéresser à celles d'en haut.
Puis avec beaucoup de poésie autant que de réalisme il décrit les fleurs des champs et parle des oiseaux montrant que Dieu s'intéresse autant aux fleurs qu'aux oiseaux en les habillants pour les premières de façon somptueuses et en permettant que les oiseaux trouvent toujours leur nourriture pour autant qu'ils n'attendent pas que cela tombe du ciel...
Avec beaucoup de vérité Matthieu indique que l'inquiétude ne résoud pas les problèmes, et ne permet pas de mieux profiter de la vie, et revenant sur l'idée suggérée dans le verset 19 il encourage les lecteurs a rechercher en premier les intéreêts du Royaume.
Nous avons donc un thème présenté, annoncé puis développé avec simplicité et enfin une conclusion faisant la synthèse de ce qui a précédé.
Avec mes salutations. Jean-Pierre |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12454 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Ven 13 Nov 2009, 14:32 | |
| On l'a déjà dit ailleurs ( https://etrechretien.1fr1.net/un-jour-un-verset-f10/l-oeil-simple-mathieu-6-22-t106.htm), mais il est peut-être utile de le répéter ici: le thème de la lumière et des ténèbres est d'autant moins étranger au contexte qu'en hébreu (et donc dans le grec influencé par la culture juive) "l'oeil bon/simple" et "l'oeil mauvais" dénotent respectivement la générosité et l'avarice, la cupidité, l'envie. Voir 20,15; Dt 15.9; Pr 22;9; 23.6. C'est une association d'idées qui ne va pas de soi pour le lecteur francophone, mais en fait on ne change pas de sujet. La "lumière" est liée à la dépossession. |
| | | free
Nombre de messages : 10096 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 16 Nov 2009, 15:00 | |
| "Alors Jésus lui dit (à l'un des disciples) ; remets ton sabre en place, car tous ceux qui prennent le sabre, périront par le sabre. Crois-tu que je ne pourrais pas faire appel à mon père qui mettrait à l'instant à ma disposition plus de douze légions d'ange ?" (Mt. 24, 52-53). Ce verset m'interesse car il semble prôner la non violente mais je me demande si l'on ne détourne pas le sens du verset en parlant de non violence. Pourquoi Jésus aurait accepter dans son entourage des disciples en arme, s'il avait été fondamentalement non- violent. Une personne non violente dit-elle "Je ne suis pas venu mettre la paix mais le sabre." (Mt.10, 34). Le JC Matthéen est-il un non violent ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12454 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 16 Nov 2009, 16:22 | |
| N'oublions pas que c'est -- comme d'hab -- Marc qui met tout le monde dans le pétrin avec son histoire d'épée (14,43ss; soit dit en passant, c'est bien la première fois que j'entends ici parler de "sabre"!), et les autres se débrouillent comme ils peuvent -- Matthieu dans le sens de la non-résistance au mal (plutôt que de la non-violence; en un sens son message est d'une extrême violence symbolique); Luc s'empêtre dans les explications scripturales (22,35ss). |
| | | free
Nombre de messages : 10096 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 16 Nov 2009, 17:23 | |
| Matthieu est l'évangile qui asseoir la primauté de Pierre. 16 Simon Pierre lui répondit: ---Tu es le *Messie, le Fils du Dieu vivant. 17 Jésus lui dit alors: ---Tu es heureux, *Simon, fils de Jonas, car ce n'est pas de toi-même que tu as trouvé cela. C'est mon Père céleste qui te l'a révélé. 18 Et moi, je te déclare: Tu es Pierre, et sur cette pierre j'édifierai mon Eglise, contre laquelle la mort elle-même ne pourra rien. Mat 16 Au lieu de tancer les disciples, Jésus s’enthousiasme de la réponse de Pierre et lui témoigne sa consideration en lui confiant les clés du Règne. Dans les évangils de Marc et de Luc Jésus tance ses disciples; 29 Alors il leur demanda: ---Et vous, qui dites-vous que je suis? Pierre lui répondit: ---Tu es le *Messie! 30 Il leur ordonna de ne le dire à personne Mc 8 20 ---Et vous, leur demanda-t-il alors, qui dites-vous que je suis? Pierre prit la parole et dit: ---Le *Messie, envoyé par Dieu! 21 ---Ne le dites à personne, leur ordonna Jésus. Luc 9 Pourquoi L'évangile est-elle pro-Pierre ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 16 Nov 2009, 18:01 | |
| Je doute que cette question ait un rapport direct avec ce que tu retiens (ce que tu aimes) de l'Evangile selon Matthieu, mais je peux me tromper... En deux mots, je pense que le personnage de Pierre se constitue par agrégation de traditions le long d'une trajectoire où il revêt des significations différentes, souvent en tension avec celui de Paul. Dans une première synthèse (dont on peut situer le centre à Antioche de Syrie vers la fin du Ier siècle), il semble être l'emblème d'un premier compromis qui sert de base à une "grande Eglise" judéo-païenne. Un quart de siècle plus tard, il va devenir celui de l'Eglise "catholique" romaine contre Marcion, Valentin et autres. Les enjeux ne sont pas les mêmes d'un moment et d'un lieu à l'autre et la rédaction de l'Evangile selon Matthieu me semble prise dans ce parcours. Peut-être faudrait-il ouvrir un autre fil sur la figure de Pierre dans le NT. |
| | | free
Nombre de messages : 10096 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 16 Nov 2009, 18:54 | |
| Des versets que "j'aime ou retiens" de Mathieu sont ceux que l'on retrouve au chapitre 18, ou Dieu est comparé à un bon berger qui prendre soin des ses brebis, même de celle qui se sont égarées, une belle image, loin du Dieu qui juge, rétribue.... 10 ---Faites attention! Ne méprisez pas un seul de ces petits; je vous l'assure: leurs *anges dans le ciel se tiennent constamment en présence de mon Père céleste[b]. 12 Qu'en pensez-vous? Si un homme a cent brebis, et que l'une d'elles s'égare, ne laissera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne, pour aller à la recherche de celle qui s'est égarée? 13 Et s'il réussit à la retrouver, vraiment, je vous l'assure: cette brebis lui causera plus de joie que les quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne s'étaient pas égarées. 14 Il en est de même pour votre Père céleste: il ne veut pas qu'un seul de ces petits se perde. |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 16 Nov 2009, 20:42 | |
| (Re) bonsoir Xavier, - Citation :
Puis avec beaucoup de poésie autant que de réalisme il décrit les fleurs des champs et parle des oiseaux montrant que Dieu s'intéresse autant aux fleurs qu'aux oiseaux en les habillants pour les premières de façon somptueuses et en permettant que les oiseaux trouvent toujours leur nourriture pour autant qu'ils n'attendent pas que cela tombe du ciel... C'est drôle, moi c'est justement parce que je le trouve absolument pas réaliste que ce verset m'enthousiasme. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12454 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Lun 16 Nov 2009, 21:40 | |
| Deux paraboles exclusivement matthéennes, illustrant (dans la ligne du post de free) une conception de la grâce assez différente celle de Paul:
La grâce qui renverse l'ordre du mérite en donnant à tous la même chose (on y retrouve "l'oeil mauvais" lié à la cupidité et au calcul):
"Voici en effet à quoi le règne des cieux est semblable: un maître de maison qui était sorti de bon matin embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d'accord avec les ouvriers pour un denier par jour et les envoya dans sa vigne. Il sortit vers la troisième heure, en vit d'autres qui étaient sur la place sans rien faire et leur dit: 'Allez dans la vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.' Ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième, puis vers la neuvième heure, et il fit de même. Vers la onzième heure il sortit encore, en trouva d'autres qui se tenaient là et leur dit: 'Pourquoi êtes-vous restés ici toute la journée sans rien faire?' Ils lui répondirent: 'C'est que personne ne nous a embauchés. -- Allez dans la vigne, vous aussi', leur dit-il. Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant: 'Appelle les ouvriers et paie-leur leur salaire, en allant des derniers aux premiers.' Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier. Les premiers vinrent ensuite, pensant recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier. En le recevant, ils se mirent à maugréer contre le maître de maison et dirent: 'Ces derniers venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites à l'égal de nous, qui avons supporté le poids du jour et la chaleur!' Il répondit à l'un d'eux: 'Mon ami, je ne te fais pas de tort; ne t'es-tu pas mis d'accord avec moi pour un denier? Prends ce qui est à toi et va-t'en. Je veux donner à celui qui est le dernier autant qu'à toi. Ne m'est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux? Ou bien verrais-tu d'un mauvais oeil que je sois bon? C'est ainsi que les derniers seront premiers et les premiers derniers." (20,1ss)
La grâce qui passe (finalement) par l'acte:
"Qu'en pensez-vous? Un homme avait deux fils; il s'adressa au premier et dit: Mon enfant, va travailler dans la vigne aujourd'hui. Celui-ci répondit: Je ne veux pas. Plus tard, il fut pris de remords, et il y alla. L'homme s'adressa alors au second et lui dit la même chose. Celui-ci répondit: Bien sûr, maître. Mais il n'y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père? Ils répondirent: Le premier. Jésus leur dit: Amen, je vous le dis, les collecteurs des taxes et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous par la voie de la justice, et vous ne l'avez pas cru. Ce sont les collecteurs des taxes et les prostituées qui l'ont cru, et vous qui avez vu cela, vous n'avez pas eu de remords par la suite: vous ne l'avez pas cru davantage." (21,28ss.) |
| | | free
Nombre de messages : 10096 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Ce que je retiens : de Matthieu Mar 17 Nov 2009, 12:59 | |
| 11 Ce qui rend un homme impur, ce n'est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en sort. 17 Ne saisissez-vous pas que tout ce qui entre par la bouche va dans le ventre, puis est évacué par voie naturelle? 18 Mais ce qui sort de la bouche vient du coeur, et c'est cela qui rend l'homme impur. 19 Car, c'est du coeur que proviennent les mauvaises pensées qui mènent au meurtre, à l'adultère, à l'immoralité, au vol, aux faux témoignages, aux *blasphèmes. 20 Voilà ce qui rend l'homme impur. Mais manger sans s'être lavé les mains ne rend pas l'homme impur Mat 15 Ces versets me plaisent car ils insistent sur l'importance des mobiles, plus que sur les actes eux mêmes. Il me semble que l'évangile Mathéenne met en evidence que le formalisme, l'apparence sont à rejeter. |
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