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 Devenez des réalisateurs de la parole

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MessageSujet: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeLun 08 Juil 2019, 10:47

Aussi, débarrassés de toute souillure et de tout débordement de méchanceté, accueillez avec douceur la parole plantée en vous et capable de vous sauver la vie.
Mais devenez des réalisateurs de la parole, et pas seulement des auditeurs qui s’abuseraient eux-mêmes. En effet, si quelqu’un écoute la parole et ne la réalise pas, il ressemble à un homme qui observe dans un miroir le visage qu’il a de naissance : il s’est observé, il est parti, il a tout de suite oublié de quoi il avait l’air. Mais celui qui s’est penché sur une loi parfaite, celle de la liberté, et s’y est appliqué, non en auditeur distrait, mais en réalisateur agissant, celui-là sera heureux dans ce qu’il réalisera." Jac 1, 21 ss

En lisant ce texte de lettre de Jacques j'ai découvert qu'en lieu et place de l'habituel formule "des pratiquants de la parole" (celle que j'ai lu pendant 30 ans dans la TMN), la TOB emploie l'expression "des réalisateurs de la parole". Autre point intéressant, l'idée que l'on retrouve dans la formule "la parole plantée en vous", la parole vient habiter le corps du croyant, comme un symbiote et s'y développer. La croyant peut devenir un pratiquant de la parole que si, celle-ci, est implanté en lui, à condition que la divin habite en lui. Ensuite le texte propose l'image fascinante du miroir, en soulignant que le croyant/pratiquant découvre son son "visage naturel", donc appréhender le fait qu'il est emplit par la parole et que celle-ci se développe en lui, moyen de reconnaitre son identité divine :

 "Nous tous qui, le visage dévoilé, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire ; telle est l'œuvre du Seigneur, qui est l'Esprit." 2 Co 3,18



 
Ce qui est intéressant avec l'écriture de Jacques, c'est qu'elle travaille — et ... l'anthropologie s'enracine dans une théologie héritée du judaïsme et l'autre ... La seconde affirmation consiste à exhorter l'auditeur à devenir « créateur de la Parole ». On traduit généralement : «pratiquants de la Parole » mais on pourrait dire littéralement par "faiseurs", ou encore des "poètes", c'est à dire des "auteurs" , des "créateurs " de la parole.

Lien.
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeLun 08 Juil 2019, 11:56

(J'ai abrégé le lien à ta demande, j'espère ne pas avoir tronqué involontairement ta citation -- en relisant ton post j'ai un petit doute à ce sujet, mais il est désormais invérifiable pour moi...)

Pour rappel, tu avais cité sur un autre fil (13.6.2019) un article très intéressant du même duo d'auteurs (Assaël-Cuvillier), où étaient traités le même passage et les mêmes thèmes de l'épître de Jacques... Ce qui me paraissait (partiellement) discutable dans ce cas, c'était l'anachronisme de l'"explication" par des textes, notamment néo-platoniciens (Plotin etc.), postérieurs de plusieurs siècles à l'épître de Jacques. Ici ce serait plutôt celui de la réduction psychanalytique (anachronisme plus massif au sens strictement chronologique, mais moins sensible dans la mesure où il correspond aux catégories usuelles d'une bonne partie des lecteurs, surtout français).

La traduction de poiein (= "faire", a priori rien de plus "simple") et de ses dérivés est de toute façon délicate, et pas seulement dans cette épître (cf. les "faire la vérité" johanniques ou augustiniens, mais aussi "faire la justice", "le commandement", etc.). La traduction "poétique" est une forte tentation étymologique, qui pèche évidemment par sa connotation "poétique", autrement dit (pour nous) "artistique" (quoique l'étymologie retombe toujours sur ses pattes, en remontant de l'ars latine à la tekhnè grecque qui sont aussi "artisanales"). "Réaliser" paraît trop "réaliste" (et l'étymologie le "chosifie" d'autant plus, res = chose), "pratiquer" trop "pratique" ou "pragmatique" (avec l'inconvénient de renvoyer en grec à prassô, le "concurrent" direct de poieô). "Faire" reste le plus souvent préférable quand il n'est pas trop ambigu (p. ex. quand il a le "commandement" pour objet), mais "faiseur" est trop péjoratif. L'important c'est qu'en jouant sur les mots on finisse par voir ce qu'on "fait", ce qu'il en est de ce "faire" qui n'est pas pure "fabrication", "artificielle", mais bien la "réalisation", l'accomplissement ou le déploiement effectif d'une "essence" (mais là déjà ça sonne "heideggerien" pour nous, ç'aurait sonné "aristotélicien" en d'autres temps, "entéléchie" etc.): traduire, surtout un texte ancien, c'est de toute façon jouer avec l'anachronisme, sans être jamais sûr de qui gagne ou perd.
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeLun 08 Juil 2019, 12:39

Dire et le Faire

L’antithèse du v. 21 entre le Dire et le Faire pose d’emblée le contraste entre l’acte liturgique et la dimension éthique de la confession de foi. En effet, la double invocation « Seigneur, Seigneur ! » sous la plume de Mt invite à dépasser la simple distinction banale entre paroles et actions, telle qu’on pourrait la lire, par exemple, en Mt 23,3, à propos des scribes et des pharisiens : « Faites donc et observez tout ce qu’ils vous diraient, mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. » La déclaration de Mt 7,21 ne se limite pas à un principe appliqué aux gens du dehors, ni d’ailleurs uniquement aux pseudo-prophètes évoqués dans le contexte proche. La perspective polémique est élargie pour inclure la communauté de ceux qui confessent Jésus comme Seigneur. La force de l’argument est alors de définir, au sein de cette Église confessante, l’identité de ceux qui entreront dans le Royaume des cieux. Ainsi, toute personne est jugée, d’ores et déjà, sur la base de son Faire (cf. Mt 7,19 : tout arbre) et non sur son appartenance socioreligieuse, fut-elle placée sous le nom de Jésus.

La tournure de la phrase laisse entendre que le geste de dévotion n’est pas récusé en lui-même, mais s’avère insuffisant, inapte à considérer comme acquise la protection contre le Jugement qui vient. En « ce jour-là », seule la manière de vivre, seule l’orthopraxie assumée tout au long de l’existence est appelée à la barre du témoignage définitif. C’est finalement le Faire qui révèle ce qu’un homme est réellement, dans sa véritable identité et à travers l’engagement de tout soi-même. La preuve en est donnée dans les versets suivants, lorsque Jésus refuse de reconnaître comme siens ceux qui avaient pourtant œuvré en son nom. Le malentendu sur la valeur de leurs pratiques est levé par la citation du Ps 6,9 (LXX) dans la bouche de Jésus : « Écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité ! » Littéralement, le terme anomia signifie « sans loi ». Il représente ici le péché par excellence, condamné sans espoir d’appel, puisque, par deux fois, le jugement est confirmé irrévocable. Existerait-il alors un Faire « antinomique » qui sera traité lors du Jugement dernier au même titre que le « non-Faire » ? De fait, qu’est-ce que pour Mt accomplir la Loi ? Si le Faire est présenté ici en opposition avec un acte religieux envers Jésus, que ce soit le dire liturgique ou les actes de puissance, comment comprendre alors le jugement sévère face à la transgression de la Loi ? Et comment discerner la volonté du Père afin d’agir en conséquence ? La tradition juive n’ignore pas le débat entre les paroles et la mise en pratique. Avant d’explorer les correspondances avec le contexte et les autres emplois du terme anomia chez Mt, arrêtons-nous sur quelques témoignages rabbiniques qui pourraient éclairer les propos de l’évangéliste.

L’identité se construit dans le Faire

Comme la lecture de la péricope matthéenne l’avait bien montré, le discernement religieux revêt indubitablement un caractère éthique. Pour Mt, le Faire est par excellence le lieu révélateur de l’identité. Si le chrétien tend vers le Royaume des cieux comme étant sa réalité dernière et définitive, il ne peut y entrer qu’en faisant la volonté du Père. Or, celle-ci trouve son expression ultime dans l’amour envers le prochain, l’ennemi, le persécuteur. C’est le dynamisme de l’amour qui commande toute action du croyant, dans sa relation à Dieu et aux autres. Au sein de l’Église, l’amour se met au service des frères, en particulier ceux qui sont fragiles et marginalisés. En dehors de l’Église, l’amour témoigne de la bonté et de la perfection du Père qui est aux cieux. Pour le disciple fidèle, l’amour construit, jour après jour, son identité de fils de Dieu.
https://www.cairn.info/revue-transversalites-2014-1-page-77.htm
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeLun 08 Juil 2019, 13:37

Très bel article, précieux surtout pour ses références rabbiniques qui méritent d'être lues, et méditées, patiemment.

Les deux principaux textes "antipauliniens" du NT (Matthieu et Jacques) ont assurément pâti de cette étiquette commune et négative: non qu'elle soit fausse, mais parce qu'elle occulte le fait qu'ils ont aussi une "logique" et une "cohérence" positives, profondes et profondément différentes. "Pharisiennes" ou "ultra-pharisiennes", si l'on veut, dans le cas de Matthieu (le fait que ce soit lui qui dise le plus de mal des "pharisiens" n'en est qu'un symptôme supplémentaire, jusqu'à un certain point conscient puisqu'il dit qu'il faut faire plus et mieux qu'eux); "hellénistiques", j'entends par là surtout "essentialistes", dans le cas de l'épître de Jacques. Sur la question centrale du "dire" et du "faire", où pour tous deux le "faire" l'emporte sur le "dire" (et sur l'écoute, et sur la prédication ou l'enseignement, et sur la confession, et sur l'"Esprit" et ses "signes", cf. Romains qui est leur "cible" commune), il ne l'emporte pas de la même manière: dans un cas le "faire" fait le "fils de Dieu", dans l'autre il exprime, mais nécessairement, son "essence" ou sa "nature" divine.

A cet égard "Jacques" peut passer pour un ennemi plus intime de "Paul", mais aussi pour un très proche de "Jean" (où le motif du "faire", la "vérité", la "justice", le "commandement", est également, quoique tout autrement, central). Toujours est-il qu'on a affaire à au moins quatre théologies "sérieuses", profondes et cohérentes, là où un regard superficiel tendrait à n'en voir que deux (Paul et Jean) -- et deux "anti-théologies" simplement contestataires et brouillonnes (Matthieu et Jacques).

Et cependant rien d'"indépendant" puisque toutes ces théologies se construisent, à l'évidence, les unes avec et contre les autres, et trouvent par là leurs propres "logique" et "cohérence" internes. De même plus tard pour les autres figures de la même économie, Synagogue vs. Eglise vs. gnostiques et judéo-chrétiens, plus tard encore islam. Jusqu'à l'antisémitisme chrétien et post-chrétien qui caractérise précisément le "juif" par la pratique de l'inessentiel, emblématiquement le commerce, la finance et la communication qui ne créent rien, ne sont rien et de nulle part, mais œuvrent partout en changeant tout en tout, à l'image de l'alchimie médiévale qui se confondait avec la qabbale (cf. le Faust de Goethe: Im Anfang war die Tat, au commencement était l'acte, le faire).
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeLun 08 Juil 2019, 15:53

Le mot « parole » qui revient fréquemment n’est pas là pour exalter le fait de parler: il vaut mieux être lent à le faire et savoir retenir sa langue.
Il ne suffit pas d’écouter la Parole, il faut la mettre en pratique, devenir non pas un auditeur de la Parole, mais un réalisateur de celle-ci ( le monde antique établissait une différence entre le commanditaire d’une oeuvre qui avait le savoir de cette oeuvre et son réalisateur, l’artiste qui la réalisait, une différence entre les verbes « faire » (« poiein ») et « réaliser » (« prattein »), Dieu est le commanditaire de la Parole, nous en sommes les réalisateurs, les artisans.), bien plus que des artisans de la Parole….., nous sommes en fait pénétrés par elle au point que nous devenons nous-mêmes Parole, au point d’être façonnés par elle (comme si le réalisateur d’une oeuvre était pénétré, devenait la matière même de cette oeuvre.)


Pour qualifier la Parole, Jacques emploie une expression, celle de « parole plantée » (« logos emphytos» ) que connaissait le Stoïcisme pour désigner la raison donnée à chacun afin de lui permettre d’accéder à la compréhension du divin et qu’emploie PHILON d’Alexandrie à propos des Patriarches qui accomplissaient d’eux-mêmes les commandements de la Loi (qui ne sera donnée que plus tard au Sinaï) et sont ainsi comparables à des « Lois incarnées », révélant par leur conduite ce qui est agréable à Dieu.

C’est au verset 26 qu’est abordée cette liberté : « La loi parfaite est aussi la loi de la liberté ». Le statut d’homme libre opposé à celui de l’esclave s’est élargi pour devenir celui du croyant. Jacques met en garde ses lecteurs contre l’agitation intérieure et extérieure; la perfection exclut contradictions et convoitises trompeuses.
Le Chrétien qui « se penche vers une loi parfaite » (Jc 1, 25), celle de la liberté est libéré aussi de lui-même et cela le rend heureux dans l’action qu’il entreprend. Cette liberté conduit à l’affranchissement de toutes les formes d’esclavage. (notes bibliques prédications - Eglise protestante unie de France)
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeLun 08 Juil 2019, 17:06

La (petite) difficulté à localiser le lien (de téléchargement) me fait découvrir avec une naïve stupeur et un retard certain (je ne suis décidément pas très curieux !) que l'EPUF (union réformée-luthérienne) en est depuis des années à fournir chaque semaine des "plans de sermons" à ses pasteurs, (presque) comme la Watch... alors que ceux-ci sont censés avoir fait au moins cinq ans d'études de théologie, avec formation aux langues bibliques, à l'exégèse et à l'homilétique, ça laisse rêveur -- même si la "qualité" du document et de la prédication est très différente à l'arrivée, ce qui reste à voir et surtout à entendre... Il est vrai qu'il y a des "prédicateurs laïcs" moins formés parce qu'il y a pénurie de pasteurs, mais tout cela fait -- cercle vicieux -- que les pasteurs eux-mêmes sont de plus en plus "animateurs" et de moins en moins "théologiens" ou "exégètes", et d'avance sélectionnés et form(at)és en vue de ce "profil".

Il faut surtout noter que la qualification de "poète-faiseur" en Jacques 1,22-25 dérive elle-même de Romains (2,13), et se retrouve en Jacques 4,11 (par opposition cette fois non plus à l'auditeur, mais au juge). A part ça, la différence entre poiein et prattein (ou prassein) est à peu près la même qu'entre "faire" et "pratiquer" en français, avec quelquefois la même nuance de "pratique habituelle" pour le second, comme pour l'"exercice" d'un métier. Sinon, les emplois sont le plus souvent interchangeables (cf., toujours dans Romains, prassô en 1,32; 2,1ss.25; 7,15.19; 9,11; 13,4; pragma en 16,2 et Jacques 3,16). Distinguer le "commanditaire" de l'"exécutant", sur le modèle de l'opposition entre "architecte" et "maître d'œuvre" p. ex., me paraît ici complètement hors de propos, d'autant que cela fonctionnerait à contresens de la différence qu'on prétend (abusivement) établir entre les deux verbes (c'est justement poiein en Jacques 1,22ss ! c'est quand même curieux de réfléchir si peu à ce qu'on écrit, surtout pour que d'autres le répètent)...
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeMar 09 Juil 2019, 11:08

Je trouve que la formule "réalisateurs de la parole" a l'avantage de souligner la collaboration entre les croyants et Dieu, les croyants ne sont pas uniquement des "pratiquants" de la parole, une manière de subir cette parole d'une manière passive mais ils sont pleinement "acteurs" de cette parole, ils contribuent à sa pleine réalisation avec une certaine autonomie.






Un lien intéressant :


Ainsi, l’interprétation psychanalytique permet de se réapproprier de façon nouvelle des notions anthropologiques anciennes : « chair », « esprit », « corps », mais aussi des notions telles que « parole », « loi », « œuvre ».

Exemple 6 : La « parole de vérité » dans l’Épître de Jacques. Dans l’Épître de Jacques le thème de l’écoute de la Parole et de sa « mise en pratique » se trouve thématisé au chapitre 1, versets 16 à 25.

Citation :
16Ne vous égarez pas, mes frères bien-aimés : 17toute bonne donation et tout cadeau parfait sont d’en haut, descendant d’auprès du Père des lumières, chez qui il n’y a ni changement ni ombre de variation. 18Parce qu’il en a décidé ainsi, il nous a mis au monde par la parole de vérité, pour que nous soyons en quelque sorte les premiers fruits de ses créatures. 19Sachez-le, mes frères bien-aimés : que chacun soit prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère, 20car la colère de l’homme ne produit pas la justice de Dieu. 21Aussi, écartant toute saleté et tout excès de disposition au mal, accueillez avec douceur la parole, qui a été plantée en vous et qui a la puissance de vous faire vivre. 22Soyez des « créateurs » de la Parole ; ne vous contentez pas de l’écouter, en vous abusant vous-mêmes. 23En effet, si quelqu’un est auditeur de la Parole et non « créateur », il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir le visage de son origine 24et qui, après s’être regardé, s’en va et oublie aussitôt comment il est. 25Mais celui qui a plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui y demeure, non pas auditeur oublieux mais devenu « créateur » d’une œuvre, celui-là sera heureux dans sa création même.


La lecture classique consiste à opposer ici une écoute passive à une écoute active qui met en actes ce qu’elle entend une opposition qu’on retrouve, par exemple, dans l’Évangile de Matthieu (cf. Mt 7, 21-27, en particulier v. 24-27). Sans nier le bien-fondé d’une telle interprétation, on peut remarquer qu’un certain nombre de termes rassemblés dans ce passage ont une place prépondérante dans le champ de la psychanalyse. Ainsi, pour ne mentionner que les plus évidents : père, parole, vérité, loi, puissance, vie. Une « écoute » psychanalytique de ce passage offre ainsi un renouvellement significatif dont on peut présenter les grandes lignes comme suit. Ce passage invite à réfléchir sur ce qu’est une authentique « écoute » de la parole. L’affirmation initiale pose que le croyant est « engendré » par la volonté du Père, de la « parole de vérité ». Dans la même veine que l’Évangile de Jean, Jacques affirme ainsi que ce qui est premier, ce qui fonde l’existence humaine, c’est une parole, et qui plus est une parole « de vérité » dont l’origine est à situer dans le « Père ». La seconde affirmation invite l’auditeur à devenir « créateur de la parole ». On traduit généralement : « pratiquants de la parole » mais on pourrait dire littéralement des « faiseurs » ou encore des « poètes » (en grec, poiêtês), c’est-à-dire des « auteurs », des « créateurs » de la parole en somme. Être simple auditeur c’est oublier, poursuit le texte, le « visage de son origine » (to prosôpon tês geneseôs). C’est-à-dire, pour reprendre le début du passage, oublier que nous avons été « mis au monde » par une parole de vérité. Être simple auditeur de la parole, c’est croire que nous avons été mis au monde non par une parole vivante mais par un « discours ». Un « discours » qu’on peut alors qualifier de « mensonger », car ne désignant pas une relation vivante avec le « Père ». On pourrait aussi dire : discours « mensonger », car ne désignant pas une parole qui fonde un « sujet » en vérité. Être « créateur » de la parole, au contraire, c’est la laisser désigner jour après jour le visage de notre origine, à savoir justement cette parole de vérité qui nous a engendrés. La laisser dynamiser ce qui en l’homme est du côté du vivant. La laisser désigner en l’homme une autre loi que les lois de ce monde. La laisser désigner la « loi parfaite », la « loi de liberté ». C’est une nouvelle affirmation importante de ce passage. Qu’est-ce que cette « loi de liberté » ? Il semble que l’auteur de l’Épître désigne justement cette parole qui nous a mis au monde et a désiré faire de chacune et de chacun des femmes et des hommes libres. « Pratiquer » la parole, être « créateur » de la parole, c’est regarder le miroir de son origine (la parole de vérité qui nous a engendrés) et discerner que derrière la loi du monde, il y a une autre « loi » qui fonde le sujet humain. Et de cette « loi », il ne s’agit pas d’être simple « auditeur » mais d’y « demeurer » (un terme johannique). https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2007-2-page-159.htm
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeMar 09 Juil 2019, 15:20

D'un autre côté il y a le risque, pour ne pas dire la fatalité, que la psychanalyse finisse par n'entendre (et ne lire) que son propre discours dans toute littérature et dans toute œuvre en général, comme elle tend déjà à le faire chez tous ses patients -- et que ce discours-là, pour le coup, demeure à jamais opaque à toute analyse (cf. là-dessus Deleuze & Guattari)... mais cela vaut, bien sûr, de tout "cercle herméneutique"; et puisque personne n'échappe à un tel cercle, autant qu'il y en ait plusieurs et qu'on puisse passer de l'un à l'autre, à la faveur des points d'intersection et de tangente...

Je reconnais toutefois que ce type de lecture m'a beaucoup apporté quand je m'y suis intéressé, à partir de la fin des années 1980, d'abord sous des formes un peu "sauvages" par rapport à l'académisme des "sciences bibliques" (Dolto-Balmary), puis chez des théologiens (en particulier à Montpellier, d'ailleurs, avec J. Ansaldi ou J.D. Causse qui était à mon sens le plus intéressant -- je découvre qu'il est mort l'année dernière, à 55 ans...).

Pour revenir au texte de Jacques, une des questions essentielles serait de savoir ce qu'il entend par "parole" ou logos dans tout ce passage (1,18ss, à rapprocher de 1 Pierre 1,22--2,3):
- v. 18, il nous a enfantés (apoku[e]ô, idem v. 15 pour le péché, féminin en grec, qui enfante la mort; mais ici ce serait un "père", v. 17, qui "accouche") par (ou quant à, simple datif) la parole de vérité, pour que nous soyons en quelque sorte (tina, indéfini crucial) des prémices de ses créatures;
- v. 19, prompts à écouter, lents à parler... cf. chap. 3;
- v. 21, recevez la parole implantée ou greffée (ton emphuton logon) qui peut sauver vos âmes;
- v. 22, mais devenez des faiseurs de parole (poiètai logou), non seulement des auditeurs qui se "paralogisent" eux-mêmes...
- v. 23 car si quelqu'un est auditeur de parole, et non pas faiseur, celui-là est semblable à un homme qui reconnaît dans le miroir le visage de sa naissance, etc.

Ce qui me paraît assez évident, c'est que le logos ici oscille entre son sens banal de "parole", n'importe laquelle, et ses sens "philosophico-théologiques" spécialisés (de la "pensée-discours-raison" de l'hellénisme à la "parole de Dieu" du judaïsme ou au "Verbe" christologique et chrétien, notamment johannique) qui convoquent toutes leurs métaphores habituelles (images sexuelles, animales ou humaines, de l'engendrement et de l'accouchement -- et même de l'allaitement chez "Pierre"; images végétales de la plantation ou de la greffe); mais parce que ces métaphores se mélangent et se combinent, se heurtent et se télescopent, et aussi par les formules d'approximation comme le tis-tina (en quelque sorte, qui peut aussi rappeler dans le prologue de Jean le "comme d'un Fils unique", simple comparaison entre les deux images, du logos et du Fils, qui désajointe la correspondance au lieu d'aboutir à une identification stricte), il y a en même temps une prise de distance par rapport à tout ce langage surdéterminé, poétique, mythique, mystique, essentialiste...

"Jacques" se méfie de la langue autant qu'il en joue (cf. chap. 3), c'est une évidence que jadis Vouga avait remarquablement mise en valeur: il est critique à l'égard d'un christianisme (post-paulinien) qui tend à se réduire à la doctrine, à l'enseignement et à la confession, il le serait peut-être tout autant à l'égard du fétichisme du langage dans la théorie psychanalytique moderne (et tout spécialement française et lacanienne)...
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeMer 10 Juil 2019, 11:25

Citation :
Pour revenir au texte de Jacques, une des questions essentielles serait de savoir ce qu'il entend par "parole" ou logos dans tout ce passage (1,18ss, à rapprocher de 1 Pierre 1,22--2,3):
- v. 18, il nous a enfantés (apoku[e]ô, idem v. 15 pour le péché, féminin en grec, qui enfante la mort; mais ici ce serait un "père", v. 17, qui "accouche") par (ou quant à, simple datif) la parole de vérité, pour que nous soyons en quelque sorte (tina, indéfini crucial) des prémices de ses créatures;


En 1 Pi 1,23 ; on retrouve les formules , "nés de nouveau" (NBS), "engendrés à nouveau"(TOB) et en Jac 1,18 ; "naitre" (NBS) et "engendrés"(TOB). De nombreux commentaires assimilent ces termes ou expressions à l'idée de ré­gé­né­ra­tion ou de renaissance. Peut-on établir un lien avec le fait d'être né de Dieu de 1 Jean 3,8-9 :

"Celui qui fait le péché est du diable, car le diable pèche dès le commencement. Si le Fils de Dieu s'est manifesté, c'est pour détruire les œuvres du diable. Quiconque est né de Dieu ne fait pas de péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; il ne peut pas pécher, puisqu'il est né de Dieu."

1 Jean 3,8-9 fait référence aussi à la "semence" qui prouve la naissance d’en haut et qui empêche l’homme de pécher. Jacques 1,18 et 1P 1,23 parlent d’enfantement par la parole, la question se pose : "parole" = "semence" ???
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeMer 10 Juil 2019, 12:20

Semence-parole, c'est vraiment la figure par excellence, pour ainsi dire le trope des tropes (comparaison, métaphore, métonymie, analogie, typologie, allégorie, etc.): non seulement elle se décline sous toutes les figures de styles mais elle est le symbole idéal de la figure de style; cf. les paraboles synoptiques du semeur, avant et après leur allégorisation: dès que la semence est identifiée à quelque chose, c'est tout naturellement à la parole.

D'autant que la "semence" assure la continuité d'un "être" ("étant") à un autre par-delà toutes sortes de ruptures, non seulement entre des "individus", mais entre individus et collectivités, et entre les "règnes": zèra`, sperma, c'est aussi bien le "sperme" animal que la "graine" végétale, et la "descendance", la "postérité", la "lignée", la "race", l'"espèce". Et bien sûr toutes les relations d'"essence" sont aussi, ou d'abord, des relations de "langage" et de "logique" (entre nom propre et nom commun, individuel, spécifique ou générique, etc.), avec toutes les généalogies et taxinomies qui s'ensuivent. Du spermologos au logos spermatikos, ou du "sémantique" au "séminal" si l'on joue sur le grec (sèma = "signe") et le latin, l'association parole-semence est omniprésente.

Mais elle peut être entendue très différemment d'un contexte à l'autre, et c'est à cela surtout qu'il faut être attentif: le religieux d'un culte agraire et de fertilité, le magicien et le superstitieux, le sage, le philosophe, le scientifique, l'adepte d'un "mystère", le gnostique, le dogmatique, le mystique peuvent bien se référer à la même figure "parole-semence" et l'entendre avec de tout autres oreilles... d'où l'importance des marques de distance par rapport à ce langage que l'on peut relever, différemment, chez les auteurs, "Jacques", "Paul" ou "Jean", et a fortiori chez les lecteurs, qui tendent à une saisie plus ou moins "réaliste" ou "figurée" des mêmes termes (au pied de la lettre, au second ou énième degré comme on dit).

En ce qui concerne 1 Pierre 1,23, on a pour "être né-engendré-enfanté de nouveau" (ce que signifie étymologiquement "ré-généré", malgré la banalisation de ce terme en français courant) le verbe ana-gennaô, où le préfixe ana- rappelle, par exemple, au moins l'un des deux sens de l'adverbe anôthen qui se combine au simple gennaô en Jean 3: naître/être engendré-enfanté "de nouveau" OU "d'en haut", Nicodème comprend le premier quand Jésus pointe vers le second. De son côté le verbe gennaô (qui se confond souvent avec gi[g]nomai, "devenir") a aussi un écho dans la genesis de Jacques 1,23: le visage de sa "naissance" ou de son "origine". Quant à la "semence", c'est spora en 1 Pierre, variante de sperma (du même verbe speirô, "semer", d'où dispersion <=> dissémination)...
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeMer 10 Juil 2019, 15:28

Merci infiniment Narkissos pour ces explications.


Deux passages de l’épître sont plus particulièrement consacrés à la Loi. Dans le premier, la Loi est qualifiée de « Loi parfaite de liberté ».

Celui, au contraire, qui se penche sur la Loi parfaite de liberté et s’y tient attaché, non pas en auditeur oublieux, mais pour le mettre activement en pratique, celui-là trouve son bonheur en la pratiquant. Jacques 1, 25.

L’expression « Loi parfaite de liberté » qui n’a pas d’équivalent dans le Nouveau Testament peut paraître ambiguë. La notion de Loi parfaite n’est pas inconnue de la Bible et de la littérature juive non biblique. On peut penser que l’auteur se réfère ici à la Loi rendue parfaite par Jésus. La notion de loi de liberté est peut-être d’origine stoïcienne. Pour certains stoïciens l’homme en vivant sous la loi qui gouverne le cosmos atteint la vraie liberté, c’est-à-dire qu’il se libère de la tyrannie des désirs et des passions. Philon a repris cette notion en affirmant que vivre sous la Loi mosaïque conférait la liberté parce que cette loi reflétait l’ordre de la nature. Ce concept de Loi de liberté se retrouve également dans la littérature rabbinique. Ainsi d’après le Pirqé Avot, un recueil de sentences datant du iie siècle, Rabbi Josué ben Lévi a dit « qu’il n’est pas d’homme libre excepté celui qui s’adonne à l’étude de la Torah. » Donc l’auteur de l’épître peut très bien, en accord avec une telle conception, avoir souhaité se référer à la Loi mosaïque, mais dans l’interprétation de Jésus, laquelle n’exclut pas les aspects dits rituels. On peut également voir dans l’expression « Loi de liberté » une attaque contre Paul et ses disciples qui identifient la Loi avec l’esclavage. Cependant, selon certains spécialistes, l’épître ne se référait pas à la Loi mosaïque, aspects rituels inclus, mais à la conception paulinienne de la loi de l’esprit qui libère de la loi du péché et de la mort (Romains 8, 2). D’une façon dérivée cette notion de loi de liberté sera souvent comprise dans la littérature chrétienne ancienne comme la libération des « contraintes rituelles » de la Loi mosaïque. L’insistance de l’épître sur l’obligation de mettre la Loi en pratique ainsi que sur le bonheur obtenu en le faisant, notions très fréquentes dans le judaïsme ancien, suggère que la « Loi parfaite de liberté » ne se réduit pas à des prescriptions purement morales. https://www.cairn.info/revue-pardes-2001-1-page-27.htm
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeMer 10 Juil 2019, 21:22

Sur l'épître de Jacques, mes présupposés et options de lecture sont à peu près aux antipodes de ceux de Bernheim, mais plus généralement je pense aussi qu'il faudrait se méfier des étiquettes de toute sorte, qui sont trompeuses à la mesure même de leur commodité. C'est vrai pour "judéo-chrétien" ou "judaïsant" qui peuvent recouvrir, selon les lieux, les milieux et les époques, des doctrines et des pratiques extrêmement diverses, sutout tant que la frontière entre "judaïsme" et "christianisme" n'est pas nette et que ces appellations ne désignent pas des ensembles relativement cohérents -- l'image serait plutôt d'une nébuleuse qui se scinde progressivement en se regroupant autour de deux noyaux opposés à mesure que ceux-ci gagnent en masse, la synagogue pharisienne d'une part et la grande Eglise "orthodoxe-catholique" d'autre part; mais tant que la scission n'est pas consommée et les deux "identités" constituées avec un minimum de consistance de part et d'autre, les relations entre tous les éléments en présence sont beaucoup plus complexes, et elles peuvent varier grandement selon les circonstances).

Mais c'est aussi vrai pour des catégories comme "moral" ou "rituel", que les textes du NT eux-mêmes n'emploient jamais... même "Paul" est capable d'utiliser positivement le concept de "loi" (nomos), quand il s'agit de "loi de l'esprit" ou de "loi du Christ", qu'il conçoit de façon tout aussi "sacrale" que "morale"; et la "loi" dont il dénonce par contraste l'incapacité à justifier est tout aussi "morale" que "rituelle" (cf. Romains 7).

Le "judéo-christianisme" de l'épître de Jacques, si l'on veut l'appeler ainsi, est clairement une posture anti-paulinienne, mais certainement pas crypto-pharisienne ni même phariséo-compatible pour autant: le pseudépigraphe se donne le nom de celui que "Paul" lui-même se donne pour adversaire principal en Galates, bien que l'objet du débat n'ait aucun rapport d'un texte à l'autre (circoncision et observance "rituelle" vs. communion inter-ethnique dans Galates, éthique sociale vs. religion de doctrine et de confession d'autre part).
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeJeu 11 Juil 2019, 10:05

En effet, si quelqu'un écoute la Parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir son visage naturel et qui, après s'être regardé, s'en va et oublie aussitôt comment il était." (1, 23-24).

L'expression le "visage naturel" ou "le visage qu’il a de naissance" fait-elle allusion à l'origine pécheresse de l'homme, que celui qui ne met pas la parole en pratique oublie (et pat la même la nécessité de se métamorphoser) OU à l'instar de l'évangile de Jean, à l'origine divine des croyants (nés d'en haut) ?



Le phénomène n'est possible, dans cette perspective, que parce que le croyant peut se fondre, d'une certaine manière, avec l'essence d'un Dieu qui partage sa nature. En effet, en 1,23, Jacques propose l'image fascinante du miroir de la contemplation, au fond duquel l'être en méditation découvre son "visage originel". Or, dans l'antiquité, aussi bien dans la culture de l'Ancien et du Nouveau Testament, que dans la mythologie de la civilisation grecque, au fond d'un miroir, le regard des mortels découvre nécessairement la lumière du divin.  Les légendes se rapportant ˆ Psyché ou ˆ Dionysos en attestent, de même qu'un épisode dans lequel intervient Moïse, en Exode 38,8, ou des passages pauliniens comme 2 Corinthiens 3,18. L'originalité de la pensée néotestamentaire consiste à identifier ce rayonnement de clarté au "visage"  humanisé de Dieu, c'est-à-dire ˆ celui de Jésus-Christ, dans lequel le contemplatif finit par reconnaître son propre visage originel.
Au cours de cette symbiose qui s'accomplit, dans cette phase de fascination devant le miroir, le croyant peut alors éprouver en lui le sentiment mystique de cette Parole qui emplit désormais sa nature et qui s'y développe. Dans ce texte inspiré, Jacques contamine le sens de ses métaphores qui s'éclairent mutuellement. Les deux expressions : la "Parole implantée" et le "visage originel" confirment réciproquement un sens métaphorique destiné à suggérer les effets de l'incarnation du Christ comme un moyen de reconnaître la substance de toute identité et de toute vie dans la foi. 
https://www.academia.edu/13204704/_Au_miroir_de_la_Parole_Lecture_de_l_%C3%A9p%C3%AEtre_de_Jacques
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeJeu 11 Juil 2019, 12:00

free a écrit:
En effet, en 1,23, Jacques propose l'image fascinante du miroir de la contemplation, au fond duquel l'être en méditation découvre son "visage originel".

Le mot contemplation emporte pour moi l'idée d'un regard posé sur une personne, un objet non pas à la dérobée ou rapidement mais en prenant le temps d'observer. Le verset 24 de Jacques évoque celui ou celle qui jette un regard rapide, distrait sur l'image apparue dans le miroir, un peu comme lorsque l'on se regarde distraitement, parce que pressé par le temps qui passe, avant de sortir. Ce n'est pas de la contemplation.
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeJeu 11 Juil 2019, 13:01

L'expression de Jacques est ambiguë: "le visage de sa naissance" (genesis; il y a d'ailleurs une variante mineure en gnôsis, connaissance, assonance et allitération en français comme en grec !), ce n'est pas  (contrairement à 1 Pierre), celui de sa "re-naissance", et de fait on peut y voir aussi bien une origine "divine" qu'une origine "humaine" ou "pécheresse". Il ne fait à mon avis aucun doute que le texte joue avec les concepts "mystiques" de contemplation extrêmement répandus à son époque, non seulement dans les (cultes à) "mystères" proprement dits mais aussi bien dans la philosophie populaire (d'influence plutôt stoïcienne ou médioplatonicienne) que dans la gnose, en passant par tout le spectre des judaïsmes et (proto-)christianismes hellénistiques (en particulier pauliniens et post-pauliniens, cf. le miroir en 1 Corinthiens 13 ou 2 Corinthiens 3). Mais toute la question est de savoir comment il en joue, c'est-à-dire aussi la distance (éventuellement ironique) qu'il prend à l'égard de ces concepts "mystiques" au sens large -- cf. ce que je disais plus haut de l'indéfini: "en quelque sorte", "façon de parler". Ici l'ambiguïté de l'"origine" me semble jouer dans le même sens.

Quant à la contemplation proprement dite, elle est bien exprimée au v. 25, par opposition à ce qui précède: celui qui plonge (ou se penche, parakuptô, cf. 1 Pierre 1,12; Luc 24,12; Jean 20,5.11) et demeure auprès (paramenô, dérivé du "demeurer" johannique, entre autres)... mais alors ce n'est plus dans un "visage" ni dans un "miroir" (qui correspondent surtout au côté négatif du contraste), mais dans la "loi parfaite de la liberté".
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeVen 12 Juil 2019, 16:06

Au hasard de mes lectures j'ai relevé la citation suivante :

« Quand on se regarde dans le miroir des eaux, on voit d’abord sa propre image. Celui qui va vers lui-même risque de rencontrer cette partie de lui-même qu’il fuit. Le miroir ne flatte pas, il donne une image fidèle de ce qui regarde en lui, c’est-à-dire le visage que nous ne montrons jamais au monde parce que nous le dissimulons au moyen de la persona, ce masque de l’acteur. Or le miroir se trouve derrière le masque, il dévoile le vrai visage. C’est là la première épreuve de courage sur la route intérieure. »

citation du livre L'Âme et la vie de Carl Jung mentionnée dans l'ouvrage "La médiation un nouveau projet de société? de Brigitte Kehrer
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeVen 12 Juil 2019, 17:18

Jung connaissait bien sa bible, et certainement mieux le NT que Freud... Smile

Mais la question (qui concerne mais déborde largement l'exégèse de Jacques) serait de savoir si la "contemplation" débouche, "au-delà" du "miroir" ou du "masque", sur un "visage". Pour le paulinisme ce serait un visage paradoxal à plus d'un titre (Christ image du Dieu invisible, nouvel Adam qui a tous les visages et aucun en particulier, le nôtre, le mien et tout autre que cela); pour l'hindouisme aussi, peut-être (le Brahman en qui toute forme et toute identité se fondent, au double sens de "fondre" et de "fonder": tu es cela); pour le bouddhisme ce ne serait probablement pas un "visage", en tout cas pas "personnel", ni même "essentiel"...

Ce qui correspond effectivement à la "contemplation" en Jacques 1,25, ce n'est ni le "visage" ni le "miroir" mais la "loi parfaite de la liberté" -- expression mixte qui évoque des échos partout (la "perfection", cf. 1,17; 3,2, est associée à l'observance absolue de la Torah en milieu "judéo-chrétien", cf. Matthieu, la Didachè ou les pseudo-Clémentines; mais aussi à l'accomplissement "spirituel" en milieu paulinien, johannique ou gnostique qui valorise également la "liberté", cf. 2,12). Ce n'est pas "personnel", ce n'est même pas "visuel".
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeSam 13 Juil 2019, 17:47

Citation :
Mais la question (qui concerne mais déborde largement l'exégèse de Jacques) serait de savoir si la "contemplation" débouche, "au-delà" du "miroir" ou du "masque", sur un "visage". Pour le paulinisme ce serait un visage paradoxal à plus d'un titre (Christ image du Dieu invisible, nouvel Adam qui a tous les visages et aucun en particulier, le nôtre, le mien et tout autre que cela); pour l'hindouisme aussi, peut-être (le Brahman en qui toute forme et toute identité se fondent, au double sens de "fondre" et de "fonder": tu es cela); pour le bouddhisme ce ne serait probablement pas un "visage", en tout cas pas "personnel", ni même "essentiel"...

Il est vrai que l’enseignement de Bouddha ne parle pas du visage que l’on peut apercevoir dans un miroir et que révèle la personne telle qu’elle est au-delà de la persona ce masque derrière lequel nous aimons nous réfugier. Il déclare en fait que nous ne sommes que la somme de 5 agrégats :

La matière
Les sensations (plaisantes, déplaisantes, neutres)
Les perceptions (ce sont les perceptions qui reconnaissent les objets physiques)
Les formations mentales (tous les actes volitionnels ou non)
La conscience

Bien souvent Bouddha et ses commentateurs ont mis en avant le rôle que chacun joue dans la vie à l’instant présent et non le fait de resasser le passé ou d’imaginer une action possible dans un futur en devenir. (Sans doute n'avait-il pas le même usage du miroir que la philosophie occidentale?)
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeDim 14 Juil 2019, 02:52

Je suppose que partout où l'on a fabriqué et utilisé des miroirs, même rudimentaires, et bien avant cela depuis qu'on a discerné un reflet à la surface d'une eau calme (cf. Narkissos-Narcisse), on s'est fait le même genre de... réflexion. Mais il est vrai que l'exploitation du miroir dans la philosophie occidentale, de Platon à Hegel au moins (spéculation > speculum = miroir, cf. Spiegel), a été particulièrement abondante.

Cela dit, dans un miroir comme ailleurs on ne voit jamais que ce qu'on veut et peut voir, et ce qui distingue un "visage" d'une (autre) "vision" (les deux mots dérivent du même video latin, comme le pros-ôpon grec est aussi ce qui se présente aux yeux et à la vue) dépend de l'idée (encore l'image, eidos aussi apparenté à video, on n'en sort pas) qu'on s'en est faite et que dès lors on y re-connaît. Qu'on distingue tant qu'on veut masque et visage, persona et personne, qu'on cherche encore plus loin derrière, dessous, dedans, on ne mettra jamais le doigt sur un atome d'unité simple et indivisible du genre "âme" ou "sujet".  Agrégat d'agrégats, autrement dit construction et effet de surface(s), ce que "nous sommes", en somme, ce qui fait une "personne" comme tout autre "chose" ou "événement": à cet égard le bouddhisme paraît très "moderne" -- quoiqu'il ait beaucoup d'échos anciens, notamment dans l'épicurisme grec.
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeDim 14 Juil 2019, 13:51

En continuant ma lecture du livre "Médiation un nouveau projet de société?" j'ai trouvé au chapitre 4 cette déclaration à propos de conflits :

"Le conflit nous rend sensibles à nos imperfections mutuelles et nous montre notre reflet dans le regard de l'autre".

J'ai trouvé intéressant cette comparaison du regard des autres comme un miroir nous renvoyant notre image telle qu'elle apparait à autrui et que nous pouvons apercevoir en nous inspectant dans un miroir sans pour autant prendre conscience des différences apparaissant entre l'image reflétée et ce que nous pensons être.

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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeDim 14 Juil 2019, 18:19

Oui.

Et pourtant ni l'une ni l'autre (ni l'image que les autres ont de nous, ou plutôt celle que nous nous imaginons qu'ils ont de nous, ni celle que nous avons de nous-même[s] le cas échéant) n'est forcément plus "vraie", "juste", "exacte" ou "fidèle"; mais leur différence, fût-elle celle d'erreurs différentes, donne tout de même l'impression, ou l'illusion, de mieux (se) voir -- effet d'"objectivité" par multiplication des points de vue subjectifs et réflexifs.
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeVen 16 Aoû 2019, 16:13

Un acte fondateur

Lorsqu’il « s’identifie l’image dans le miroir » (la formule est de J. Bergès), l’enfant s’identifie quelque chose dont il est séparé et c’est en tant qu’autre que le sujet fait l’expérience de lui-même. Cet acte fondateur n’est pas seulement émotionnel et intellectuel, il produit une coupure qui sépare le sujet de l’objet qu’il perçoit. Pour Lacan, le stade du miroir est « la matrice où le je se précipite en une forme primordiale avant qu’il ne s’objective dans la dialectique de l’identification à l’autre et que le langage ne lui restitue, dans l’universel, sa fonction de sujet ». Lacan insiste sur le caractère fictif du moi, une fiction tout à la fois dans le sens de ce qui est construit et de ce qui est raconté dans un récit imaginaire. Le stade du miroir situe le moi « avant sa détermination sociale dans une direction fictive que l’enfant devra concilier avec sa réalité propre ». Le moi n’est donc pas basé sur le fonctionnement d’un système de perception/conscience, ni organisé par le principe de réalité, mais existe largement grâce à la méconnaissance. Avec le développement du langage, l’enfant commence à attacher des signifiants à ce qu’il perçoit de son corps et s’engage dans la construction de ce qui deviendra le moi. Ces signifiants sont souvent le produit de la dénégation de la réalité ou « l’envie d’y croire », ce qui serait une manière de traduire l’expression anglaise wishfull thinking. https://www.cairn.info/revue-la-revue-lacanienne-2008-2-page-169.htm
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MessageSujet: Re: Devenez des réalisateurs de la parole   Devenez des réalisateurs de la parole Icon_minitimeVen 16 Aoû 2019, 19:14

fictio > fingo, faire, fabriquer, façonner, feindre... synonyme partiel de facio, d'où factum, fait, factuel, factice, et facies, visage... et pas bien loin dans le dictionnaire comme dans la phonétique fallo, d'où le faux, la faute et aussi le "il faut". Tout y est, dans le désordre, à monter, à démonter, à remonter, comme on veut et comme on peut.

Le jeu de miroir du je (se) joue entre (au moins) deux limites, peut-être plus théoriques que réelles, mais dont le jeu exige néanmoins qu'elles soient aussi jouées, comme limites précisément: l'une qui consisterait à "y croire" au point d'en être complètement dupe, inconscient et par là même dans l'illusion parfaite d'une conscience de soi; l'autre qui consisterait au contraire à s'en défier au point de le renier, de le déserter ou de l'abandonner -- où la conscience même rendrait tout soi et tout je(u) impossible (les non-dupes errent, dixit Lacan). Ce genre de réflexion donne évidemment aux concepts chrétiens de "foi" et d'"incrédulité" une toute autre portée que la dogmatique traditionnelle, mais il n'en est pas moins, dans son fond, religieux.
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