Jacob le patriache et Jacob le tricheur

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

Mais le commerçant tient dans sa main des balances trompeuses ; il aime escroquer." Osée 12, 7 - TMN

"Devenue marchand Jacob prit en main une balance trompeuse, il aime frauder." (Traduction Pirot-Clamer / Liénart)

"Canaan a dans sa main des balances fausses, il aime à opprimer." (NBS)

"Canaan a dans la main une balance trompeuse, il aime à frauder." (TOB)

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

Les traductions peinent à rendre dans toute sa richesse le sens potentiel du texte, qui joue à la fois sur l'acception ethnique et géographique du nom propre "Canaan" (ailleurs diversement appliqué à toute la zone du Levant qui va de la Phénicie au nord, Isaïe 23,11, à la Philistie au sud-ouest, Sophonie 2,5, mais ici clairement identifié à "Israël" = "Ephraïm", contre tout le "grand récit" -- surtout deutéronomiste -- qui OPPOSE "Israël" et "Canaan": on peut toujours imaginer qu'une première rédaction d'Osée ignorait purement et simplement ce récit, mais les relectures et rédactions ultérieures ne peuvent certes pas l'ignorer et par conséquent le CONTREDISENT, ce qui accentue la violence du propos: Israël qui se croit autre et meilleur que "Canaan" n'est rien d'autre ni de mieux que "Canaan") ET l'acception "socio-professionnelle" du nom commun qui s'y rattache, "commerçant, marchand", d'où les balances (cf. Isaïe 23,8; Zacharie 1,11; Ezéchiel 17,4), entendu de façon d'autant plus péjorative que les balances sont fausses et que le commerçant est un escroc...

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

L’origine nordiste du Patriarche Jacob se manifeste d’abord à partir des lieux avec lesquels il est mis en relation : Béthel, Galaad, Penuel, Mahanaim et Sichem. L’épisode de la fondation du sanctuaire de Béthel par Jacob en Gn 28, 10-22  indique la volonté de faire de Jacob le fondateur d’un sanctuaire dédié d’abord au dieu El (Béthel signifiant « maison d’El »). Le scénario du songe de Jacob correspond à des motifs religieux des époques néo-assyrienne ou babylonienne : la porte des cieux, une ziggurat faisant le lien entre le ciel et la terre, une divinité trônant dans le ciel et une autre se tenant près de l’être humain pour le guider vers la divinité dans le ciel . Il est donc possible que ce texte, à l’origine, distinguait encore entre El, le dieu trônant au ciel, et Yhwh, le dieu personnel de Jacob. De toute façon, ce texte veut introduire le culte de Yhwh dans Béthel et faire de Jacob le fondateur de ce sanctuaire. Ce récit peut refléter le contexte du VIII siècle avant notre ère. Pour une telle datation, on pourrait également citer le texte d’Os 12 qui semble présupposer un nombre important d’épisodes du cycle de Jacob : la naissance de Jacob et de son frère, avec une allusion au nom de Jacob (12, 4 ; cf. Gn 25, 24-26) ; le combat avec El  (12, 4-5 ; cf. Gn 32, 23-32), la rencontre à Béthel (12, 5 ; cf. Gn 28, 10-22 et 35, 10-13  ; le thème de l’enrichissement (12, 8-9 ; cf. Gn 30, 25-42) ; l’allusion à Galaad (12, 10 ; cf. Gn 31, 46-47) ; la fuite d’Aram (12, 13, cf. Gn 31, 1-22) ; Jacob, gardien de troupeaux à cause d’une femme (12, 13 ; cf. Gn 29, 15-30).

Si Os 12 date du VIII^e siècle avant notre ère, on aurait là une indication qu’une histoire de Jacob existait à cette date . Mais la datation des textes bibliques est, bien sûr, toujours difficile, et de nombreux exégètes considèrent aujourd’hui Os 12 comme un texte postexilique , souvent cependant avec des arguments circulaires (les textes du Pentateuque sont récents, donc Os 12 doit être plus récent). Une autre possibilité serait de considérer Os 12 comme un texte ancien qui a servi de source pour une première version de l’histoire de Jacob telle que nous la trouvons dans la Genèse. Mais dans ce cas, Os 12 présupposerait néanmoins une histoire (orale) sur Jacob, car la manière dont cette histoire est présentée en Os 12 présuppose nécessairement chez les destinataires une certaine connaissance des exploits de Jacob. Mais, même sans Os 12, il existe de nombreux indices pour une version de l’histoire de Jacob datant du VIII siècle. Prenons d’abord l’importance de Harrân où se trouve Laban, l’oncle de Jacob. Dès le VIII siècle, cette ville devient le centre de la partie ouest de l’empire assyrien ; le séjour de Jacob chez Laban, l’Araméen, pourrait donc être une indication des relations difficiles mais « gérables » entre Jacob/Israël et les Assyriens qui, à cette époque, étaient de fait des Araméens . L’histoire du changement de nom de Jacob en Israël (Gn 32, 23-32) reflète sans doute la volonté de faire de Jacob l’ancêtre d’Israël, du Royaume de Nord, en faisant de lui son éponyme. Le meilleur contexte d’une telle entreprise est sans doute le règne de Jéroboam II (environ 788-747), règne qui se caractérise par une période de tranquillité et de prospérité et aussi d’agrandissement de territoire. Apparemment, Jéroboam II a su mener une bonne politique face aux Assyriens et il est plausible qu’il ait souhaité renforcer l’identité d’Israël en faisant de la tradition de Jacob une tradition officielle du sanctuaire de Béthel où l’on peut imaginer sa première mise par écrit. Dans ce contexte, on pourrait comprendre la présentation assez négative de l’histoire de Jacob comme une polémique contre cette entreprise de Jéroboam de mettre la tradition de Jacob au même niveau que celle de l’Exode. https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2015-1-page-35.htm

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

Article à lire en entier et à noter, précieux bien au-delà du présent sujet... merci ! En ce qui concerne Jacob et l'ensemble des traditions et/ou textes relatifs à l'"Israël" du Nord ou non judéen, le point de vue "samaritain" de l'époque perse et au-delà (au moins jusqu'à la destruction du temple samaritain par les hasmonéens en 113 av. J.-C.; voir un peu plus haut dans le texte, à partir du § 4) me semble particulièrement éclairant, et jusqu'ici largement négligé: si l'on considère la Torah comme une oeuvre intégralement et exclusivement "juive" (au sens "judéen", celui d'Esdras-Néhémie p. ex.), on ne peut que conjecturer sur l'"idéologie" de différents milieux "juifs" (dans le même sens étroit) pour rendre compte de ses différences de perspective ou de tendance (p. ex. entre la Genèse et le Deutéronome); s'il s'agit au contraire d'une oeuvre de synthèse et de compromis, d'abord entre Jérusalem et Samarie qui sont toujours rivales mais ont tout intérêt à s'entendre face à l'administration perse puis séleucide, ce qui est plutôt corroboré par l'accord général du "pentateuque samaritain" et de la Torah (proto-)massorétique (<=> judéenne), les choses s'expliquent en effet beaucoup plus simplement.

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

"Rachel dit : J'ai livré un combat surhumain contre ma sœur, et je l'ai emporté. Elle l'appela du nom de Nephtali (« Combat ») ." Gn 30,8

en hébreu naphtouléi ’élohim niphtalti, qui rappelle le nom de Nephtali. La racine hébraïque correspondante peut évoquer l’astuce ou la ruse, ce qui est tortueux ou retors (cf. Ps 18.27 ; Jb 5.13 ; Pr 8. Cool

. https://lire.la-bible.net/verset/Genèse/30/8/NBS

"avec celui qui est pur tu te montres pur, et avec celui qui est tortueux tu te montres retors." Ps 18,27

Le comportement de l’homme et celui de Dieu sont qualifiés par des termes presque identiques.

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

C'est même, dans le Psaume 18 (// 2 Samuel 22), une symétrie parfaite entre l'homme et le dieu...

La guerre des femmes en Genèse 30 a un côté clairement "magique" (cf. encore les mandragores un peu plus loin), et le dieu joue le jeu.

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

"Ruben sortit aux jours de la moisson des blés et trouva des mandragores dans les champs. Il les apporta à Léa, sa mère. Alors Rachel dit à Léa : Donne-moi, je te prie, quelques-unes des mandragores de ton fils. Elle lui répondit : Ne te suffit-il pas d'avoir pris mon mari, que tu prennes aussi les mandragores de mon fils ? Alors Rachel dit : Eh bien, qu'il couche avec toi cette nuit en échange des mandragores de ton fils ! Comme Jacob revenait des champs, le soir, Léa sortit à sa rencontre et dit : C'est avec moi que tu iras, car je t'ai engagé au prix des mandragores de mon fils. Il coucha donc avec elle cette nuit-là. Dieu entendit Léa : elle fut enceinte et donna à Jacob un cinquième fils. Léa dit : Dieu m'a donné mon salaire, à moi qui ai donné ma servante à mon mari. Et elle l'appela du nom d'Issacar (« Salarié »)." Gn 30,14ss

Pour le moment attardons-nous sur cette séquence des mandragores, plante mythique qui, intervenant tout soudain dans le récit, le fait basculer du côté du merveilleux. Les commentateurs d’ailleurs s’y sont tous arrêtés et se complaisent à fournir des détails intéressant ses prodigieuses propriétés tout en multipliant les références faisant autorité. L’épisode est en effet assez scabreux et la pratique touche à un domaine relevant de la magie. Le Tseenah Ureenah nous fait une nouvelle fois entrer dans l’intimité et le secret des deux sœurs :

« Le Behaye et le Rambam disent : “Les mandragores que Reuben trouva exhalaient de bonnes senteurs qui rendaient les femmes enceintes. On glissait les plantes dans les lits ; elles aiguisaient également le désir de l’homme pour la femme.” Quand Rachel vit ces mandragores chez Léah, elle dit : “Donne-moi ces herbes.” Elle pensait que Léah voulait que le lit embaume afin que Jacob la désire. Léah se mit alors en colère contre Rachel… » (Jacob Ben Isaac… 1987 : 215).

Certes, l’effet fécondant de la plante est d’abord rappelé, mais c’est avant tout le désir de l’homme qu’il faut éveiller par de subtiles odeurs et chacune des sœurs soupçonnant l’autre de vouloir confisquer ce dernier à son profit, nous les voyons procéder à une transaction, qui bien qu’opérant sous la forme de l’échange – Rachel donne à Léah une nuit avec Jacob contre les mandragores – est de fait une vente, ce dont Léah d’ailleurs ne se cache pas quand, allant au devant de Jacob, elle lui annonce crûment :« C’est vers moi que tu viendras, car je t’ai acheté pour les mandragores de mon fils ». La séquence « merveilleuse » des mandragores, parce qu’elle ne masque pas les visées des deux femmes, nous ramène à la trivialité de la situation. Elle met sur le même plan la plante (inutile d’insister sur son anthropomorphisme et son hyper sexualisation bien connus) et l’homme dont les deux femmes, inversant leurs positions initiales, entendent disposer et qu’elles instituent en objet de pure jouissance. https://journals.openedition.org/lhomme/123?file=1

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

Merci pour cet article passionnant: on peut s'émerveiller rétrospectivement de la richesse "potentielle" de la Genèse ou, en sens inverse, remarquer qu'il n'y a guère de livres qui aient bénéficié et/ou pâti d'une histoire aussi longue et large de lectures, de récitations, d'interprétations et de développements narratifs en tout genre, "savants" de toute sorte de "science" et "populaires" de lieux et de milieux si disparates...

On notera aussi que le genre "magique", érotique ou aphrodisiaque (les mandragores, de l'hébreu dwd qui évoque l'amour, cf. "David" le "bien-aimé") se combine très bien avec le genre "commercial", contractuel ou transactionnel (les jeux de mots sur Issacar). Et que les langues successives elles-mêmes se prêtent au jeu à mesure qu'elles l'intègrent (ainsi "Ruben" n'évoquera le "rouge" et le "rubis" qu'en latin, et se rapprochera alors d'Edom ou Adam qui évoquaient la même couleur en hébreu). La tradition fonctionne par additions sans fin, et sans autre soustraction critique que l'oubli de tel ou tel motif...

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

Dans le livre de la Genèse on retrouve "grandeur" et "décadence" des humains, force et faiblesse sans jugement moral, la ruse, le mensonge et la violence, sont souvent dépeint sur un ton neutre. Rachel négocie les mandragore de sa sœur lui concédant une nuit avec Jacob (elle vend Jacob pour une nuit), or la Genèse ne condamne pas cette attitude qui favorise une forme de "prostitution". Même le désir sexuel n'est pas entouré de suspicion même lorsque ce sont les femmes qui veulent susciter ce désir chez l'homme :

Le fruit de l’Arbre peut être comparé à une mandragore suscitant le désir sexuel. La femme le donne à l’homme pour favoriser leur union sexuelle et leur aptitude à la procréation. Le récit biblique relate en effet qu’Ève, après avoir cueilli le fruit, le mange puis le donne à Adam qui le mange à son tour (Gn 3,6). D’autres passages de la Bible rapportent également que la femme donne un fruit à son conjoint avant leurs noces. Ainsi Rachel (Gn 30,14-16), la femme préférée de Jacob et qui restait sans enfant, mange des mandragores, appelées également « pommes d’amour ». La jeune fille du Cantique des Cantiques (Ct 7,14) chante, elle aussi, les vertus de la mandragore. Et, comme dans notre récit, c’est toujours la femme qui la consomme la première et la donne ensuite à son conjoint. La mythologie grecque et babylonienne, ainsi que le folklore de l’Égypte ancienne, entre autres, connaissaient également le thème de l’arbre dont le fruit rend la femme apte à la sexualité et à la fécondité. Un bas-relief datant de 1340 avant J.C. montre une reine égyptienne offrant des mandragores à son époux. Relevons ici que dans la mythologie grecque, la pomme et la mandragore ont déjà une connotation sexuelle. Dionysos offre une pomme à Aphrodite, Gaïa en donne une Héra comme symbole de fécondité. À Athènes, les jeunes mariés se partagent une pomme avant d’entrer dans la chambre nuptiale. (cf. G. Minois, les origines du mal, une histoire du péché originel, Fayard 2002, p. 19). https://www.evangile-et-liberte.net/2014/03/le-recit-dadam-et-eve-un-mythe-archaique/

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

(Tout est dans tout et inversement dans la soupe à l'Houziaux !)

Le "jugement moral", c'est en l'occurrence le lecteur qui le projette sur les textes, fût-ce pour constater qu'il n'y est pas...

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

Le même scrupule théologique se fait jour en 1 Ch 21,1 : «Satan se dressa contre Israël et il incita David à dénombrer les Israélites ». L'auteur, plus ancien, de 2 S 24,1, écrivait sans sourciller : « La colère de Yahweh s'enflamma contre les Israélites, et il excita David contre eux». Cf. 1 S 26,19, où David dit à Saûl : « Si c'est Yahweh qui fexcite contre moi, qu'il respire l'odeur d'une oblation ! ». En Jg 9,23, Elohim envoie « un esprit mauvais » pour souffler la discorde entre Abimelek et les bourgeois de Sichem. De même, en 1 S 16,14, c'est un «esprit mauvais» suscité par Yahweh qui frappe Saul d'épouvanté. En 1 R 22,19-23, le prophète Michée ben Yimla décrit une vision qu'il vient d'avoir : « J'ai vu Yahweh siégeant sur son trône et toute l'armée des cieux se tenant près de lui, à sa droite et à sa gauche. Et Yahweh dit : Qui séduira Achab, pour qu'il monte et qu'il tombe à Ramoth de Galaad? L'un répondait ceci, l'autre répondait cela. Alors l'esprit se détacha et se tint devant Yahweh; il dit : Moi, je le séduirai ! Yahweh lui dit : Comment? Il dit : Je partirai et je deviendrai un esprit de mensonge dans la bouche de tous ses prophètes. Yahweh dit : Tu le séduiras et ainsi tu triompheras; pars et fais ainsi ! ». Il s'agit, comme en Job, d'un prologue dans le ciel, et l'esprit qui se propose pour tromper Achab fait partie de la cour céleste de Yahweh. Mais là s'arrêtent les ressemblances, car c'est une métamorphose provisoire qui va faire de ce serviteur de Yahweh « un esprit de mensonge » dans la bouche des prophètes, tandis que le Satan de Jb 1-2 remplit une fonction presque constante. Le Satan du livre de Job semble donc avoir repris à son compte des tâches attribuées autrefois soit à Yahweh lui-même (ou à sa colère), soit à un esprit mandé par Yahweh, soit à un esprit dont Yahweh approuve l'initiative. https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1975_num_6_4_1429

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

Ce genre de problème ne se pose pas du tout dans la Genèse où les "médiations" introduites au gré des différentes rédactions (p. ex. tel "ange" = "messager", "homme" identifié ailleurs au "dieu" ou à "Yahvé", comme en Genèse 18--19, 22 ou 32) restent transparentes ou se neutralisent: il n'y a pas l'ombre d'un écart réel ou pensable entre ces figures, chacune assume intégralement ce que font et disent les autres... Seule l'interprétation peut y introduire (eis-égèse) des différences foncièrement étrangères au texte, hiérarchiques (divinité supérieure / représentant inférieur) et a fortiori morales (bon / mauvais). Ce n'est sans doute pas que de telles distinctions n'existent pas (comme il arrive dans des récits très anciens, antérieurs au monothéisme et au développement ultérieur de l'angélologie ou de la démonologie), mais qu'elles sont d'emblée annulées, résorbées ou sursumées par le monothéisme inclusif qui domine l'ensemble: quand tous les "dieux" au fond n'en sont qu'un, leurs (ou ses) "représentants" ne sont, à plus forte raison, pas "autres".

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

"Maintenant, ne vous affligez pas et ne soyez pas fâchés de m'avoir vendu ici, car c'est pour sauver des vies que Dieu m'a envoyé en avant de vous." Gn 45,5

Loin de condamner ses Joseph prononce une réflexion étrange et inattendue, en effet il demande à ses frères de ne pas se condamner et de ne pas se culpabiliser en quelque sorte, car ce qui arrive, reflète de l’action discrète de Dieu, sa vente sert un projet divin. Ainsi Dieu aurait utilisé la jalousie et la haine meurtrière des frères de Joseph pour réaliser son dessein. La divinité apparait complexe, manquant de ressource et utilisant des chemins tortueux pour arriver à ses fins.

Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010

N'est-ce pas cela qui est magnifique, essayer de prouver que Dieu utilise toutes les situations et trouve des solutions pour que son dessein réussisse?

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

Cf. aussi 50,20: le mal que vous avez pensé-conçu-projeté-machiné, le dieu l'a pensé (etc.) en bien. (Comme dit le proverbe espagnol: Dios escribe recto en renglones torcidos -- Dieu écrit droit sur des lignes tordues.) C'est loin d'être une conception fruste, rudimentaire ou déficiente de "Dieu", c'est au contraire une expression du monothéisme inclusif le plus pur et le plus profond, qui ne cantonne pas son dieu au rôle d'un personnage parmi d'autres, fût-il le plus fort ou le plus malin, mais lui fait assumer et transfigurer la totalité de l'histoire. La Genèse, du moins dans sa rédaction finale, n'a rien de "primitif", contrairement à ce qu'on pourrait croire.

Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008

Le peuple vient de vivre le traumatisme de l’Exil. Il se trouve en crise de reconstruction, dispersé au sein de diverses nations ou sur un territoire qui ne lui appartient plus. Il cherche donc à répondre à la question : « Que nous arrive-t-il ? Qui sommes-nous ? ». Cette question résonne différemment suivant les milieux. Tous vont projeter dans un passé mythique des origines revisitées, où Jacob joue des rôles différents, afin de proposer des clés pour comprendre leur monde.

• Ceux qui ne sont pas partis de Judée s’ancrent dans la terre en revendiquant la figure des patriarches. Ils sont cités en Ez 33,24, revendiquant la possession du pays au nom de leur ancêtre Abraham ; ils ne mentionnent pas Jacob car ce sont des Judéens qui ne considèrent pas les traditions du Nord comme aussi fondamentales.

• En revanche, dans le résumé historique sur l’histoire des liens entre Yhwh* et Israël en Ez 20,5, Israël est désigné comme « la postérité de la maison de Jacob », ce qui confère ainsi un poids particulier aux traditions de Jacob, certainement plus anciennes que celles d’Abraham et parfois opposées à elles. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200588.html

Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008

(Je me suis permis de supprimer le bis, puisque tu avais déjà supprimé le ter... ;) )

Excellente synthèse de Corinne Lanoir (déjà évoquée plus haut, 5.9.2019) -- hormis les références à Jonas et à Ruth dont on ne voit pas trop ce qu'elles viennent faire dans une étude limitée à la Genèse ou à la Torah / Pentateuque. Les considérations de Th. Römer (aussi supra 27.9.2019: le texte est apparemment de l'année suivante) sur le rôle de Samarie dans ce processus la complètent utilement.

» Abraham le Patriache, le Père des croyants et le mensonge