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| Que peut on dire sur le récit du déluge | |
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Auteur | Message |
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le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Que peut on dire sur le récit du déluge Lun 25 Nov 2019, 11:11 | |
| Nous avons tous entendu, autour de nous, des gens s’émerveiller du fait que l’on retrouve de nombreux récits par le monde évoquant une catastrophe terrestre à laquelle ont échappé un petit groupe d’êtres humains, une famille patriarcale, ainsi que des animaux. Généralement bêtes et humains ont eu la vie sauve parce que les femmes et les hommes les gardant ont construit un bateau.
Pour bon nombre d’occidentaux cela tendrait à prouver : 1. La véracité du texte biblique 2. Les récits qui existent viendraient tous de la Bible.
Une telle façon de raisonner tend à vouloir prouver qu’en dehors des peuples liés au Livre, il n’y a pas de tradition solide et sérieuse. Bien entendu il ne devrait plus être possible de regarder les choses de cette façon. Souvent les légendes ont une base solide racontant un événement qui, avec le temps a été modifié en partie et est présentée dans le but de mettre en valeur l’intervention de Dieu ou d’un dieu auquel l’humain a prêté attention.
Avez-vous déjà entendu parler de récits similaires à celui de la Genèse ? |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Lun 25 Nov 2019, 14:10 | |
| Et encore, le Déluge, la première catastrophe majeure racontée dans la Bible, ressemble davantage à une bonne nouvelle qu’à la mère de toutes les calamités. «La Genèse raconte que la catastrophe mondiale est intervenue, non pas à la fin des temps, mais aux origines de l’humanité, observe le professeur de l’UNIL. Dans la Bible, quand les éléments se calment enfin, Dieu donne l’assurance à Noé que cela ne se reproduira pas et il s’engage avec l’arc-en-ciel de renoncer à faire revenir un nouveau déluge. L’Ancien Testament raconte que la fin des temps a déjà eu lieu, que Yhwh a déjà essayé de détruire le monde, et que, d’une certaine manière, il n’a pas pu le faire ou qu’il a changé d’avis à ce sujet.» https://wp.unil.ch/allezsavoir/le-21-12-2012-dormez-tranquilles-la-fin-du-monde-a-deja-eu-lieu/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Lun 25 Nov 2019, 23:37 | |
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| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 27 Nov 2019, 09:07 | |
| Ce jour-là jaillirent toutes les sources du grand abîme et les écluses du ciel s'ouvrirent. La pluie tomba sur la terre pendant 40 jours et 40 nuits... Alors périt toute chair qui se meut sur la terre : oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, tout ce qui grouille sur la terre et tous les hommes (Gn 7,17…21).
Pour réaliser son grand jugement, Dieu « démonte » d'abord la création; il dé-crée l'univers et le fait retourner au chaos primordial, comme avant l'œuvre du deuxième jour, avant la séparation des eaux d'en haut des eaux d'en bas. Plus aucune séparation, plus aucune différence : tout est mêlé, noyé, invivable. Les eaux mortelles engloutissent tous les êtres pollués de violence, sauf Noé et sa famille, ainsi qu'un couple de chaque espèce. Dans l'arche, Dieu protège la vie : celle des hommes et celle des animaux.
Alors Dieu se souvint de Noé... Il fit passer un vent sur la terre et les eaux baissèrent. C'est en l'an 601 de la vie de Noé, au 1° mois, le 1° jour du mois, que les eaux séchèrent sur la terre (Gn 8,1-13).
Alors peut commencer la nouvelle création. Sur ces eaux qui ont tout recouvert, de nouveau passe le souffle de Dieu, comme pour y féconder la vie. Les eaux d'en haut et les eaux d'en bas cessent de se confondre; la terre sèche réapparait, comme au troisième jour de la création. Symboliquement, c'est le Jour de l'an que ce monde nouveau émerge des eaux destructrices; c'est une nouvelle humanité qui sort de l'arche. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200358.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 27 Nov 2019, 11:40 | |
| Les concepts de "création" et de "destruction" sont en effet inséparables, ils ne s'entendent que l'un par l'autre. (Re)voir aussi, éventuellement, ceci. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 27 Nov 2019, 12:03 | |
| - Narkissos a écrit:
- Voir p. ex. ici et là.
Merci pour les suggestions. Les infos sur Wikipedia sont intéressantes et bien documentées (37 pages)... |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 27 Nov 2019, 12:35 | |
| Je n'ai pas vu, malheureusement, de traduction intégrale du texte en ligne et en français, alors qu'il y en a pléthore en anglais (p. ex. celle-ci, avec au chapitre 5 le récit du déluge qui correspond à la tablette XI du texte akkadien "canonique" = le plus complet ou le mieux conservé). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 27 Nov 2019, 12:47 | |
| Noé, comme les références l’indiquent, est d’abord le héros du déluge. Le récit a généralement fait l’objet d’un consensus de la part des critiques : deux récits différents peuvent aisément être délimités, l’un sacerdotal (P), l’autre non-sacerdotal (non-P). La trame non-sacerdotale se caractérise ainsi : la divinité s’appelle Yhwh. La cause du déluge est la perversité du cœur humain. Yhwh demande à Noé de prendre sept paires d’animaux purs et une paire d’animaux impurs. Le déluge dure quarante jours et quarante nuits et il est provoqué par une pluie violente. Noé sort de l’arche et offre un sacrifice composé d’animaux purs. Yhwh hume l’odeur du sacrifice, se résigne face à la méchanceté humaine et promet de ne plus bouleverser l’ordre de l’univers par un déluge. La trame sacerdotale s’en différencie ainsi : la divinité porte le nom d’Elohîm (comme dans le récit de création sacerdotal en Gn 1). La cause du déluge est générique : la terre est corrompue et la violence règne partout. Elohîm demande alors à Noé de construire une arche et d’y faire entrer un couple de chaque espèce animale vivant sur la terre. La chronologie de ce second récit est rythmée par un véritable calendrier. Le déluge est provoqué par l’ouverture des cataractes du ciel et des sources de l’abîme, la cosmologie n’étant autre que celle de la création (cf. Gn 1,2). À la fin du déluge, après que les eaux se sont retirées, Elohîm bénit Noé et sa famille, change les instructions sur la nourriture – en permettant, sous condition, de manger de la viande (cf. 1,29‑30) – et conclut une alliance avec Noé, alliance par laquelle il promet de ne plus envoyer un autre déluge. L’arc-en-ciel est le signe de cette alliance. Mais le Noé de ce double récit joue-t‑il le même rôle ? https://journals.openedition.org/rhr/8462 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 27 Nov 2019, 20:22 | |
| Bien qu'il puisse sembler de plus en plus périlleux de jouer à l'archéologie des textes et des traditions, vu le nombre de constructions théoriques qui se sont effondrées sur ce terrain, j'objecterais qu'à ce jeu-là ce n'est justement pas le Noé du déluge qui paraît le plus ancien, mais l'inventeur du vin qui se passe fort bien de déluge (sinon tout à fait d'eau) et qui seul correspond à son nom ("repos"). Evidemment c'est moins glorieux, selon nos perspectives religieuses ou morales, que de sauver le monde -- quoique selon d'autres critères (Silène, Dionysos-Bacchus, etc.) on puisse en juger autrement.
Les indices que le récit "biblique" du déluge, toutes rédactions confondues et malgré sa longue préhistoire mésopotamienne, est un ajout relativement tardif aux traditions hébraïques des "origines" sont assez nombreux. On peut citer l'histoire des Nephilim ou géants collée maladroitement au chapitre 6 de la Genèse pour expliquer le déluge, et supposés exterminés par celui-ci, alors qu'ils (ré-)apparaissent plus tard ou plus loin (c.-à-d. après le déluge, s'il y a un déluge !) dans les textes narratifs de la Torah et au-delà (Rephaïm, Anaqim, Goliath etc.); ou le dédoublement des généalogies de la Genèse avec des variantes des mêmes noms pour distinguer artificiellement, à cause du déluge inséré entre-temps, une lignée éteinte et une lignée survivante (Caïn et Seth; mais là encore Caïn, ancêtre-éponyme des Qénites ou Caïnites comme son nom l'indique clairement en hébreu, n'a aucun sens sans descendance survivante...). Bref, les "origines" ont pu se raconter aussi -- et même mieux à certains égards -- SANS déluge, et Noé cependant y avoir une place, quoique beaucoup plus modeste. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 28 Nov 2019, 08:55 | |
| - Citation :
- Bien qu'il puisse sembler de plus en plus périlleux de jouer à l'archéologie des textes et des traditions, vu le nombre de constructions théoriques qui se sont effondrées sur ce terrain, j'objecterais qu'à ce jeu-là ce n'est justement pas le Noé du déluge qui paraît le plus ancien, mais l'inventeur du vin qui se passe fort bien de déluge (sinon tout à fait d'eau) et qui seul correspond à son nom ("repos"). Evidemment c'est moins glorieux, selon nos perspectives religieuses ou morales, que de sauver le monde -- quoique selon d'autres critères (Silène, Dionysos-Bacchus, etc.) on puisse en juger autrement.
La rédaction, du reste, ne tente pas de masquer le "problème", elle le souligne au contraire, sans lui esquisser la moindre ébauche de solution. Il n'est que de comparer l'introduction (vi, 5ss) et la conclusion (viii, 21s): Yahvé vit que le mal de l'homme sur la terre était abondant, que tout le tour (songer à l'image du potier) des pensées de son cœur n'était que mal, toujours. Yahvé regretta d'avoir fait l'homme sur la terre, il en fut peiné au cœur. Et Yahvé dit; Je vais effacer l'homme que j'ai créé de la surface du sol, de l'homme au bétail, aux bestioles et aux oiseaux du ciel, car je regrette de les avoir faits. Mais Noé avait trouvé grâce (l'accompli non consécutif a souvent la nuance de notre plus-que-parfait) aux yeux de Yahvé.Yahvé sentit l'odeur apaisante (du sacrifice, "apaisante", nihoah, faisant jeu de mot avec le nom de Noé, Noah) , et Yahvé dit à son cœur: Jamais plus je ne maudirai le sol à cause de l'homme(, -- il faudrait pouvoir traduire avec et sans virgule pour percevoir l'ambiguïté de "l'original") parce que le tour du cœur de l'homme est mauvais, et jamais plus je ne frapperai tout vivant comme je l'ai fait.Car tous les jours de la terre, semailles et moissons, froid et chaud, été et hiver, jour et nuit, ne cesseront plus.Passons sur l'incohérence logique qui permet encore à un "Dieu" unique, par définition "transcendant" au temps et à toute histoire, de créer, de détruire et de sauver, de projeter et de regretter, plus généralement d'agir (ou de parler) dans le temps de l'histoire (ne fût-ce que celui du récit) -- nous lui devons d'avoir tout de même un récit, mythique par tout ce qui le constitue tel , quoique fort indigent par rapport aux mythes polythéistes qu'il recueille et transforme. Par contre, le gain de profondeur, toute accidentelle qu'elle soit, paraît indéniable: voilà un créateur à jamais captif de sa création, un auteur inextricablement pris au réseau de l'écriture, de l'histoire et de la mémoire avec lequel il se débat vainement, nostalgique de la page blanche, voyant toute tentative d'effacement dégénérer en rature inutile; un tout-puissant impuissant à défaire, débile devant l'indélébile. http://oudenologia.over-blog.com/article-autour-du-deluge-120551297.html Dieu reconnait avoir commis une faute en faisant venir le déluge, au point de demander pardon, à lui-même. ainsi Il se promet de ne plus jamais recommencer, fournissant une sorte de compensation à sa "folie" destructrice. Dans ce récit Dieu apparait indécis, s'interroger sur la création et regretter d'avoir regretté. L'article que j'ai cité ci-dessus attire notre attention sur un autre aspect : Comme l’a souligné Carol M. Kaminski, la juxtaposition des concepts de « grâce » et de « justice » pose une question d’interprétation théologique : Noé est-il choisi par grâce divine, parce qu’« il a trouvé grâce aux yeux de Yhwh » (Gn 6,8 non-P) ou parce qu’il est « juste » (Gn 6,9 P ; 7,1 non-P), obéissant et donc justifié ? L’auteur tente de montrer que la grâce divine est sans mérite dans l’ensemble de l’histoire des origines (Gn 1–11) et même de la Genèse, de sorte que c’est la grâce plus que la justice qui doit éclairer la finalité du déluge. Quoi qu’il en soit de l’interprétation théologique, la figure noachique est enrichie par la double perspective sacerdotale et non-sacerdotale, de justice et de grâce. https://journals.openedition.org/rhr/8462 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 28 Nov 2019, 11:03 | |
| Regret et changement (d'avis et/ou d'humeur, tout ce qu'évoque le verbe nhm dont nous avons déjà parlé ailleurs), sans aucun doute; par contre je n'y vois guère les thèmes "moraux" de la faute (du moins d'une "faute de Dieu") et du pardon. Sur le dernier point, je pense que c'est une grosse erreur d'opposer "grâce" et "justice" dans (une traduction française de) la Genèse, en projetant sur ces mots une problématique ultérieure (Paul, Augustin, Luther, Calvin, Jansenius etc.). En hébreu celui qui "trouve grâce ( hen) aux yeux de quelqu'un" (généralement d'un supérieur, dieu, roi, maître) n'est pas dépourvu de "mérite" ou de "qualité" personnels, il a précisément une "grâce" (au sens moral mais aussi esthétique) qui est une telle "qualité" -- dès lors qu'elle est reconnue et appréciée par le supérieur (voir p. ex. ici; de même la "justice" ( çdq) n'est pas toujours la stricte équité, elle peut inclure tout ce que nous appelons la "bonté" (générosité, magnanimité, y compris la "grâce", la compassion ou la clémence). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 28 Nov 2019, 11:13 | |
| Merci Narkissos pour ces précisions.
L'article en question fait remarquer que : "les dimensions précises de l’arche et le choix de son matériau font écho aux instructions données à Moïse pour le sanctuaire (Ex 25–27), à la description du temple de Salomon (1 R 6,2‑10 ; 2 Ch 3,3‑17), ou encore à la description du temple en Ezéchiel 40–42. Une même formule solennelle sanctionne l’obéissance à l’instruction divine (Gn 6,22 // Ex 39,42), une même date signale le début de la fin « au premier jour du premier mois » (Gn 8,13 // Ex 40,1‑15). Enfin, les trois étages de l’arche (Gn 6,16) rappellent la structure fondamentale du temple de Salomon en trois étages selon la Septante ou trois annexes selon le texte massorétique (1 R 6,6). Cette symbolique ne serait autre que cosmique, décrivant ciel, terre et enfers. De plus, les traducteurs de la Septante n’ont pas hésité à utiliser le terme de κιβωτός pour désigner à la fois l’arche de Noé et l’arche d’alliance. L’arche du déluge est (donc) un temple avant la lettre, au centre du nouvel ordre cosmique, d’où sort tout ce qui peut donner la vie au monde." |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 28 Nov 2019, 13:06 | |
| C'est tout le problème, infiniment délicat, de l'exégèse comparative quand elle s'affronte à une telle stratification de textes et de traditions: les "auteurs" présumés de la Genèse ont pu comprendre, ne pas comprendre ou comprendre autrement les récits "étrangers" (p. ex. Gilgamesh-Atrahasis) qu'ils utilisaient, plus ou moins consciemment selon le cas; et ce qu'ils y ont ajouté le cas échéant, NOUS l'interprétons d'après une autre intertextualité ("biblique" cette fois: en l'occurrence le temple -- temple de la vision d'Ezéchiel, temple rétro(pro)jeté sur "Salomon" ou "Moïse" dans l'Exode, les Rois ou les Chroniques, mais qui présuppose au moins dans ce dernier cas la réalité du "Second Temple" de l'époque perse), ce qui correspond ou non, plus ou moins, à leur intention... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 28 Nov 2019, 13:50 | |
| "les fils de Dieu virent que les filles d’homme étaient belles et ils prirent pour femmes celles de leur choix. Le SEIGNEUR dit : « Mon Esprit ne dirigera pas toujours l’homme, étant donné ses erreurs : il n’est que chair et ses jours seront de cent vingt ans. » En ces jours, les géants étaient sur la terre et ils y étaient encore lorsque les fils de Dieu vinrent trouver des filles d’homme et eurent d’elles des enfants. Ce sont les héros d’autrefois, ces hommes de renom." Gen 6, 2-4
Lorsque nous lisons ce texte, nous constatons qu'il n'y a pas de lien direct entre les géants et l'union entre les filles d’homme et les fils de Dieu, le texte n'affirme pas clairement que les géants sont le résultat de cette union. Le texte semble confus et s'apparenter à un sommaire. De plus, en rapport avec les "géants", le v4 précise : Ce sont les héros d’autrefois, ce qui suppose que les "géants" étaient donc sur la terre avant l’union entre les entités divines et humaines. La mention des "héros d'autrefoisé" rappelle peut-être une époque lointaine, ou cette union "contre-nature" a permis leur apparition.
Dernière édition par free le Ven 29 Nov 2019, 08:48, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 28 Nov 2019, 15:44 | |
| Si ce n'est pas clair, c'est sans doute parce que le texte est interrompu par une glose (w-gm 'hry-kn, "et aussi [même, encore] après cela") qui viserait précisément, mais maladroitement, à expliquer pourquoi il y a encore des "géants" après le déluge... les effets d'antériorité et de postériorité se télescopent, ainsi que les points de vue temporels (du récit et du rédacteur), ce qui donne un texte très embarrassé (encore plus en hébreu que dans la plupart des traductions).
Cf. ici plusieurs discussions sur ce passage compliqué. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Ven 29 Nov 2019, 12:09 | |
| Vous représentez-vous les dimensions de cette arche ? Si l’on prend des coudées de 44,50 cm, estimation la plus faible, l’arche mesurait 133,50 m de long, 22,30 m de large et 13,40 m de haut. Comme elle comprenait trois niveaux, elle avait une surface de plancher d’environ 9 000 mètres carrés. Sa capacité totale était de quelque 34 000 mètres cubes. On aurait donc pu y entreposer 445 wagons de marchandises ou 10 trains de 44 voitures chacun. Mais la survie du genre humain et du règne animal exigeait-elle la construction d’un bâtiment aussi énorme ? Noé n’aurait-il pas pu tout simplement se réfugier en un endroit que les eaux n’auraient pas atteint ? Lisons attentivement ce que dit la Bible, dans Genèse 7:11, 12, 17-24, quant à l’étendue du déluge :
“Ce jour-là se fendirent toutes les sources des eaux de l’immense abîme et les écluses des cieux s’ouvrirent. Et la pluie torrentielle sur la terre dura quarante jours et quarante nuits. (...) Les eaux continuèrent à s’accroître et commencèrent à porter l’arche, et elle flottait au-dessus de la terre, à une grande hauteur. Et les eaux devinrent irrésistibles et continuèrent à s’accroître considérablement sur la terre, mais l’arche allait sur la surface des eaux. Et les eaux submergèrent la terre d’une manière si considérable que toutes les hautes montagnes qui étaient sous tous les cieux se trouvèrent recouvertes. De quinze coudées au-dessus les eaux les submergèrent et les montagnes se trouvèrent recouvertes. “Ainsi expira toute chair qui se mouvait sur la terre, parmi les créatures volantes, et parmi les animaux domestiques, et parmi les bêtes sauvages, et parmi tous les pullulements qui pullulaient sur la terre, ainsi que toute l’espèce humaine. Tout ce en quoi le souffle de la force de vie était en action dans les narines, c’est-à-dire tout ce qui était sur le sol ferme, mourut. Ainsi il effaça toutes les choses qui possédaient l’existence et qui étaient à la surface du sol, depuis l’homme jusqu’à la bête, jusqu’à l’animal qui se meut et jusqu’à la créature volante des cieux, et ils furent effacés de la terre ; et il n’y avait que Noé et ceux qui étaient avec lui dans l’arche qui survivaient. Et les eaux submergèrent la terre cent cinquante jours.”
Est-ce là la description d’une inondation régionale ? Le livre Le déluge de la Genèse (angl.) fait cette remarque : “Les eaux n’auraient pas pu recouvrir ne serait-ce qu’une seule haute montagne du Proche-Orient sans inonder aussi l’Australie et l’Amérique.” https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/101975401 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Ven 29 Nov 2019, 15:02 | |
| D'un point de vue strictement exégétique, il faut souvent, à son corps défendant, donner raison aux "fondamentalistes" cohérents qui prennent les textes à peu près tels qu'ils sont en s'efforçant de leur soumettre les données scientifiques, contre les "concordistes" qui en essayant de conformer l'interprétation des textes aux données scientifiques trahissent les uns et les autres. Bien sûr que dans la Genèse le déluge est "universel", ou plutôt "cosmique" -- bien qu'il n'ait aucun rapport avec notre représentation sphérique et "planétaire" de la Terre. Il n'empêche qu'il traduit aussi sur le plan mythologique des inondations réelles et locales, fréquentes en Mésopotamie ("au milieu des fleuves", le Tigre et l'Euphrate), beaucoup plus rares et limitées dans l'espace et le temps par le relief montagneux de Canaan -- d'où le caractère secondaire, tardif, et encore plus "théo-mythologique" de l'adaptation hébraïque d'un récit d'origine mésopotamienne. L'imaginaire du déluge est tout aussi étranger à la culture israélite que, par exemple, les "tours" (ziggourats), les briques et le bitume qui caractérisent le récit de Babel, toutes choses ordinaires en Mésopotamie, inhabituelles et par conséquent frappantes pour des exilés du Levant. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 03 Déc 2019, 09:10 | |
| Noé bâtit un autel pour le SEIGNEUR ; il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs, et il offrit des holocaustes sur l'autel. Le SEIGNEUR sentit une odeur agréable, et le SEIGNEUR se dit : Je ne maudirai plus la terre à cause des humains, parce que le cœur des humains est disposé au mal depuis leur jeunesse ; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l'ai fait. Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l'été et l'hiver, le jour et la nuit ne cesseront pas." Gen 8,20-22
Le sacrifice offert lors du déluge n'a pas été réalisé par un pécheur mais par un homme considéré comme juste qui n'a pas besoin du pardon divin. Autre particularité, Ces holocaustes n'ont pas été offerts avant le déluge, dans le but d'apaiser la colère divine et de tenter de préserver l'humanité mais seulement après, une fois le péché sanctionné, en vue de rétablir la relation avec Dieu. Dans ce cas précis, la condition requise pour offrir un holocauste à Dieu, c'est d'entretenir de bonne relations avec lui, ce qui implique que le sacrifice a pour finalité de renforcer de relations sereines (déjà existantes) avec Dieu. Le récit de la Genèse concernant le déluge ne précise pas les critères qui permettent de classer les animaux dans la catégorie de "purs" (ou "impurs"), comme le font Lv 11 et Dt 14. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 03 Déc 2019, 10:53 | |
| Le thème du sacrifice, qui garde bien quelque chose de "propitiatoire" (c'est l'odeur apaisante qui décide Yahvé à promettre de ne plus maudire la terre, de ne plus détruire les vivants par un déluge), a naturellement plus de sens dans son contexte mésopotamien, où le plan destructeur des dieux a été déjoué par un des leurs, et où il faut encore obtenir le consentement de tous pour que l'histoire "finisse bien" (cf. la tablette XI de l'édition assyrienne de Gilgamesh, ou le chapitre 5 du lien donné précédemment pour la traduction anglaise).
La distinction des animaux (rituellement) purs et impurs, anachronique en effet au regard de l'intertextualité narrative de la Torah (le "grand récit" qui enchaîne la Genèse, l'Exode et la suite), était déjà annoncée avant le déluge -- qu'il s'agisse de "sources" ou de "rédactions" différentes, les bêtes dites pures apparaissaient comme une exception numérique à la règle (sept couples au lieu d'un, 7,2ss), ne fût-ce que pour éviter la contradiction (interne au récit et par rapport à la "réalité" où il y a toujours des animaux "purs" à sacrifier) d'un holocauste qui éliminerait leurs "espèces" à peine sauvées... Bien sûr, la juxtaposition secondaire des récits entraîne d'autres contradictions dans ce domaine (p. ex. le sacrifice d'Abel, qui ne présuppose pas le déluge, ni le régime végétarien antérieur à celui-ci; et comme on l'a vu ailleurs les récits de "création", 1--2,4a/2,4b--3, supposent déjà la distinction "créationnelle" des animaux "sauvages" et "domestiques", comme si la "culture" humaine n'y était pour rien). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 04 Déc 2019, 10:28 | |
| "En effet, ils oublient volontairement qu'il y eut, autrefois, des cieux et une terre qui surgit de l'eau et se tint au milieu de l'eau par la parole de Dieu, et que par cela même le monde d'alors disparut, submergé par l'eau ; or c'est par la même parole que les cieux et la terre de maintenant sont gardés en réserve pour le feu, en vue du jour du jugement et de la perdition des impies." 2 Pi 3,5-7
L'auteur met en contraste "le monde d’autrefois (d'alors)" qui a disparu dans le déluge, et "les cieux et la terre de maintenant" et établit l'idée que le déluge a créé une vraie rupture entre le monde d'avant le déluge et le monde actuel. Paradoxalement, pour ce texte, le déluge a détruit les "cieux et une terre", donc l'univers. Force est de constater que cette destruction du "monde d’alors" n’a pas nécessité une nouvelle création, il y a continuité avec la création actuelle. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 04 Déc 2019, 11:50 | |
| Comme on l'a expliqué ailleurs, l'auteur de 2 Pierre lit le déluge au prisme d'une cosmologie essentiellement stoïcienne, marquée par une conception cyclique de renouvellement du monde qui peut aussi être décrite comme une succession de mondes -- l'instance finale-initiale du renouvellement étant surtout le feu (ekpurôsis, mais le processus comprend aussi parfois en début de cycle une phase aquatique. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 04 Déc 2019, 11:55 | |
| D’autres ne manqueront pas de voir dans la théorie cartésienne l’explication certaine du déluge universel. Les sciences de la terre naissantes y trouvent le moyen de justifier la formation du globe et la présence de fossiles dans des territoires éloignés de la mer. Le théologien anglais Thomas Burnet, par exemple, auteur d’une Telluris Theoria sacra publiée en 1681, identifie ouvertement le modèle cosmologique cartésien au déluge de la Bible, mais il y ajoute une dimension surnaturelle en expliquant que le jour du déluge c’est Dieu qui inclina l’axe de la terre, autrefois perpendiculaire, et qui provoqua l’écroulement de l’écorce terrestre primitive, entraînant la naissance des saisons et par conséquent tous les désagréments que celles-ci provoquent dans la vie de l’homme . https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2003-4-page-685.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 04 Déc 2019, 13:22 | |
| L'article vaut le détour -- ne serait-ce que pour Cyrano (le vrai), et pour un coup d'oeil sur la littérature pré-scientifique de cet "âge classique" où l'on reconnaîtra sans peine les ancêtres de théories pseudo-scientifiques qui courent encore sur Internet... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 04 Déc 2019, 13:35 | |
| Etant en train de lire l’Epopée de Gilgamesh j’ai été interpellé par le passage suivant (Gilgamesh accompli son voyage de retour, sans avoir obtenu l’immortalité que possède Uta-hapishti après le déluge ; cependant Gilgamesh a ramené du fond de la mer une plante de jouvence) : « Gilgamesh décide d’emporter la plante à Uruk, pour d’abord tester ses effets sur un vieillard avant de la prendre lui-même. Sur le chemin du retour, au cours d’une halte, Gilgamesh, ayant aperçu un trou d’eau fraîche, s’y jeter pour s’y baigner. Un serpent, attiré par l’odeur de la plante sort furtivement de son terrier et s’en empare, rejetant ses écailles. »
Je trouve intéressant le récit mentionne que « le serpent rejette ses écailles », n’est-ce pas ce que nous pouvons observer dans un vivarium lorsque nous voyons des peaux de serpent abandonnées, les serpents ayant mus. Cela veut-il dire que la présence de cette peau délaissée ait apparu aux hommes du passé comme une faculté développée par les serpents pour vivre « éternellement » ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 04 Déc 2019, 14:04 | |
| Tout à fait. Et par la mue qui fait coïncider l'apparence de mort et de survie, et par le venin présumé remède (de Nombres 21 à Jean 3, d'Asklèpios-Esculape au caducée des pharmaciens), et par le mouvement mystérieux (serpent sans pattes, de Genèse 3 à Proverbes 30), et par les analogies sexuelles et circulaires (du noeud de vipères au serpent qui se mord la queue), le serpent est pour ainsi dire LE symbole par excellence, qui signifie tout et son contraire, universel du moins dans les cultures des zones géographiques où il y a des serpents... |
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