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| Que peut on dire sur le récit du déluge | |
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Auteur | Message |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 05 Déc 2019, 13:40 | |
| L’étude fondatrice de Noé et du Déluge menée par J. Daniélou sur les textes de l’Ancien Testament jusqu’à ceux des Pères de l’Église a mis en évidence, à la fois l’importance dans la tradition chrétienne de la dimension typologique des différents éléments de cette histoire appliquée au Christ, et la dimension eschatologique du Déluge. Si, déjà dans l’Ancien Testament, le Déluge est envisagé comme un événement passé, il est aussi interprété comme la figure d’un événement à venir. Comme le montre le livre d’Isaïe, l’anéantissement du peuple pécheur est annoncé, avec la promesse qu’en raison de sa fidélité à l’Alliance Israël sera épargné. Au premier déluge par l’eau doit succéder un second par le feu auquel seuls les justes seront soustraits. Ce second anéantissement par le feu qui apparaît déjà dans la littérature mésopotamienne4 est repris dans une perspective eschatologique dans les traditions juives et chrétiennes. Comme le rappelle le patriarche Michel le Syrien dans sa chronique d’après Flavius Josèphe (au travers de la chronique d’Eusèbe) : « Adam avait prédit une double destruction, l’une par le feu, l’autre par le déluge ». Deux stèles furent érigées, l’une en pierre, l’autre en brique sur laquelle les fils de Seth écrivirent l’astronomie, pour que ces connaissances échappent à ces destructions. Un « livre des Séthiens » se trouve vraisemblablement derrière ces informations. Le jugement final par le feu est mentionné dans les épîtres de Pierre dans le Nouveau Testament et dans les commentaires patristiques. Le déluge d’eau est interprété comme le type du déluge de feu du jugement dernier. À côté de cet aspect eschatologique, se développe en milieu chrétien une typologie sacramentaire du baptême : de même que Noé a affronté la mer de la mort qui a englouti l’humanité pécheresse, de même le baptisé descend affronter le dragon du mal dans les eaux de la piscine baptismale et en ressort vainqueur. Le Christ lui-même est un nouveau Noé, premier-né de la Création nouvelle après le passage par les grandes eaux de la mort. Le Déluge est interprété par les Pères de l’Église comme la figure, l’antitype, du baptême (1 Pe 3, 18) et l’arche comme celle de l’Église. https://journals.openedition.org/rhr/8472#bodyftn3
"C'est pourquoi le Seigneur, le SEIGNEUR (YHWH) des Armées, enverra le dépérissement parmi ses hommes corpulents. Et, parmi ses nobles, s'allumera un embrasement, tel l'embrasement d'un feu." - Isaïe 10,16
"Le SEIGNEUR vide la terre et la dépeuple, il en bouleverse la surface, il en disperse les habitants : Celui qui fuit le bruit de la frayeur tombe dans la fosse, et celui qui monte de la fosse est pris au filet ; car les fenêtres d'en haut s'ouvrent, et les fondations de la terre tremblent." - Isaïe 24,1 et 18
"Ecoutez donc la parole du SEIGNEUR, insolents, vous qui dominez sur ce peuple de Jérusalem ! Vous dites : Nous avons conclu une alliance avec la mort, nous avons fait un pacte avec le séjour des morts ; quand le déferlement destructeur passera, il ne nous atteindra pas, car nous avons le mensonge pour abri et la fausseté pour cachette. A cause de cela, ainsi parle le Seigneur DIEU : J'ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre éprouvée, une pierre angulaire de prix, solidement fondée ; celui qui la prendra pour appui n'aura pas à se hâter. J'ai placé l'équité comme règle, et la justice comme niveau ; la grêle emportera l'abri du mensonge, les eaux déferleront sur toute cachette. Votre alliance avec la mort sera annulée, votre pacte avec le séjour des morts ne tiendra pas ; quand le déferlement destructeur passera, il vous écrasera". - Isaïe 28,14-18 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 05 Déc 2019, 19:11 | |
| Aperçu fascinant de cette vaste et riche tradition syriaque si peu connue en Occident -- ce qui, entre autres choses, favorise l'incompréhension entre celui-ci et l'islam, lequel tire principalement sa relation originelle au judaïsme et au christianisme de cette tradition-là.
En ce qui concerne le livre d'Isaïe, la note 3 de l'article précité mentionne également (d'après Daniélou) 54,8s, qui serait de loin la référence la plus explicite au déluge mais ne comporte aucune menace de destruction future. D'autre part il faut tenir compte de la tradition distincte de la "catastrophe" de Sodome et Gomorrhe (etc.), destruction par le feu et le soufre aussi décrite en hébreu ou en grec comme retournement, bouleversement ou renversement (hpk, katastrephô d'où "catastrophe", Genèse 19,21ss etc.), postérieure au déluge dans le récit de la Genèse et qui peut inspirer tout autant, avec ou sans l'idée d'une telle séquence (l'eau d'abord, le feu après), nombre d'autres textes bibliques et connexes.
Pendant qu'on y est, l'article de J.J. Glassner sur les "déluges" mésopotamiens référencé à la note suivante est aussi lisible ici, ainsi que l'ensemble de ce numéro de la RHR consacré au déluge. |
| | | free
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Ven 06 Déc 2019, 17:04 | |
| "Dieu dit encore à Noé et à ses fils avec lui : Quant à moi, j'établis mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous, avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux sauvages, avec tous ceux qui sont sortis de l'arche, avec tous les animaux sauvages." (Gen 9, 8-10)
Fait intéressant, toutes les créatures vivantes sont partie prenante dans l’Alliance, les animaux compris. A partir de v12, Dieu établit une alliance avec le "cosmos" puisque la terre fait partie de l’alliance. :
"Dieu dit : Voici le signe de l'alliance que je place entre moi et vous, ainsi que tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour toutes les générations, pour toujours :je place mon arc dans la nuée, et il sera un signe d'alliance entre moi et la terre." (9,12-13)
Le mot alliance, selon Gerhard Von RAD est une traduction provisoire de l’hébreu berîth qui peut désigner la convention elle-même, son cérémonial, mais il peut désigner la relation commune que cette alliance inaugure entre deux partenaires10. Généralement l’alliance est établie entre le fort vainqueur et le faible vaincu. Ce n’est donc pas une relation d’égalité entre deux partenaires. D’après certains textes de l’Ancien Testament, l’alliance apparaît comme une convention imposée par le plus fort au plus faible.
Dans le cas de Genèse 9:8-17, Dieu est ici le plus fort. Il manifeste sa liberté totale de promettre, de décider et d’établir, donc de juger. Le plus faible, Noé, sauvé de la grande inondation avec sa famille et quelques espèces de couples d’animaux, mérite certainement cette alliance avec Dieu au prix de sa foi et de son intégrité approuvées. Dieu décide et Noé reçoit. Cette alliance perpétuelle a pour objectif de garantir le maintien de la terre ou l’édifice naturel du monde. Elle est l’expression de la grâce divine en vue de la stabilisation de la vie sur la terre. Par cette alliance Dieu se révèle comme le créateur auquel toute réalité doit son existence primordiale mais également comme le seul garant de la pérennité du cosmos et de la survie du monde et de l’humanité.
En effet l’arc-en-ciel est un météore qui se produit dans certaines circonstances après la pluie. Nous comprenons alors pourquoi Dieu choisit ce signe pour sceller son alliance avec Noé, sa famille et tout être vivant avec eux sur la terre. Cet arc mis dans la nuée devient aussi le signe d’alliance entre Dieu et la terre. Cette précision n’est pas anodine car l’arc-en-ciel (ou l’arc de tir mis dans la nuée) semble désormais unir ciel et terre. https://www.dmr.ch/data/documents/DOCUMENTS/etudedeGense9.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Ven 06 Déc 2019, 18:50 | |
| Il est en effet remarquable que l'"alliance" (traité, pacte, charte, contrat, accord, disposition, arrangement, ordre, peu importe comment on traduit bryt-berith ou diathèkè pourvu qu'on n'y introduise pas trop d'idées étrangères et anachroniques de "liberté" et a fortiori d'"égalité" des "parties") ne soit pas circonscrite à l'humanité, mais s'étende aux animaux, à la terre et au "cosmos", selon ses représentations anciennes bien entendu (cf. Osée 2,18, Ezéchiel 34,25 ou Jérémie 33,25, sans aucune référence au déluge; ou les discours de Yahvé dans Job, où l'homme est partout décentré -- la seule "alliance", avec Léviathan, est dans la "question rhétorique" de 41,4). On pourrait dire que l'homme, a priori seul producteur et usager d'"alliances" comme de tout ce qui passe par le langage, le seul à pouvoir promettre, jurer, s'engager, etc., en est aussi le moins capable; seul partenaire possible, et le pire -- c'est au fond la logique de la "nouvelle alliance" de Jérémie et d'Ezéchiel, qui est aussi bien le contraire d'une alliance puisqu'elle ne fonctionnerait qu'à inscrire la loi ou insuffler l'esprit divins dans le coeur humain, autrement dit à priver (ou libérer) la "partie" humaine de toute qualité de "partie", de toute "responsabilité", de toute "autonomie" et de toute "altérité" en la rendant, du coup, aussi "fiable" que les animaux, le soleil ou la lune. [Curieusement peut-être, cela me rappelle le dernier plan du génial Design for Living (Sérénade à trois) de Lubitsch, où le gentleman's agreement qui a d'abord échoué ne peut être rétabli qu'à condition de contourner, sinon de circonvenir, la femme qui est à la fois l'enjeu central et l'achoppement systématique de l'accord entre les deux hommes; ceux qui ont vu ou verront le film me comprendront peut-être. (Fin de la parenthèse cinématographique.)] |
| | | free
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Lun 09 Déc 2019, 10:59 | |
| Ce n’est pas tout. La méchanceté des hommes déborde, Yahvé se repent de les avoir créés, puis il ajoute: « Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés – et avec les hommes les bestiaux, les bestioles et les oiseaux du ciel – car je me repens de les avoir faits » (6, 7). On ne voit pas très bien de quoi les animaux se sont rendus coupables, mais ils n’en sont pas moins les cibles explicites de la colère divine. Cependant, de même que Dieu trouve en Noé le seul homme digne d’être sauvé et de donner naissance à une nouvelle humanité, de même il exempte chaque espèce animale du désastre et lui donne un futur, tout en annihilant la plupart de ses représentants actuels. Pour l’heure, c’est « toute chair » qui doit être détruite. C’est alors qu’apparaît pour la première fois dans le texte une distinction d’un nouveau genre entre les animaux: certains sont purs, d’autres impurs (7, 2-3). Une distinction qui s’accompagne, semble-t-il, d’une hiérarchie: sept couples des premiers seront sauvés, un seul des seconds.Les éléments les plus importants pour notre enquête interviennent toutefois dans l’épisode qui suit le déluge, celui de la première Alliance entre Yahvé et « toute chair ». La résolution divine de maintenir désormais l’ordre cosmique a pour contrepartie le respect de certaines règles par les hommes, et aussi par les animaux, si l’on prend le texte à la lettre, pour au moins l’une d’entre elles. Je dois citer dans son intégralité ce passage essentiel, où Yahvé s’adresse à Noé et à ses fils (9, 2-7): - Citation :
- « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre. Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer: ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c’est-à-dire le sang. Mais je demanderai compte du sang à chacun de vous. J’en demanderai compte à tous les animaux et à l’homme, aux hommes entre eux, je demanderai compte de l’âme de l’homme.
Qui verse le sang de l’homme, Par l’homme aura son sang versé. Car à l’image de Dieu L’homme a été fait. Pour vous, soyez féconds, multipliez, pullulez sur la terre et la dominez. » Le principe d’animation commun aux hommes et aux animaux est, pour la première fois dans ce texte, désigné comme ce que j’appellerai l’âme-sang: celle-ci ne doit pas être consommée ni, dans le cas de l’homme, épanchée par l’homicide. Le Lévitique précisera qu’elle doit revenir à Dieu lors des sacrifices d’animaux. En même temps, il est désormais établi que l’homme a le droit de se nourrir de chair animale, sous la condition que l’on vient de voir. Cette nouvelle possibilité s’accompagne d’une formulation abrupte de la hiérarchie homme/animal déjà mentionnée en Gn_1, 28-29. La dignité supérieure des hommes s’exprime aussi à travers la prohibition de l’homicide, motivée par le fait que l’homme a été fait « à l’image de Dieu ». Enfin, l’intégration des animaux à l’Alliance est explicitement conditionnée par la non-consommation de sang, ce qui revient de fait à en exclure les carnivores. Un troisième registre de législation associé à cet épisode peut être inféré de la mésaventure de Cham qui, découvrant son père dénudé, s’en moque au lieu de le couvrir de son manteau, et qui est maudit par Noé. L’épisode est obscur, mais on s’accorde à y reconnaître une allusion aux règles régissant la sexualité, qui trouveront dans le Lévitique seulement leur pleine expression. https://journals.openedition.org/lhomme/21997#tocto1n3 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 10 Déc 2019, 01:42 | |
| Lecture stimulante -- qui accessoirement répondrait en partie à une question que je m'étais posée récemment, sans aucun rapport avec ce forum, en apprenant qu'il y avait encore des études universitaires intitulées "anthropologie"; je me demandais en effet ce qu'on entendait exactement par là, après que toutes les "sciences humaines" (psychologie, sociologie, ethnologie, linguistique, etc.) s'étaient partagé, sans reste apparent, le champ de ce qu'on appelait "anthropologie" au XIXe siècle. Il resterait en effet le vaste domaine des conceptions et représentations de "l'homme", quoique celui-ci puisse également être revendiqué par d'autres disciplines (philosophie, religion, littérature, histoire des idées...).
Pour en rester à l'extrait que tu cites, je ne suis pas sûr que les animaux carnivores (pas plus que les humains omnivores, sanguivores ou homicides) soient exclus de l'alliance puisqu'ils en sont justiciables (même si on ne voit pas trop comment s'exerce la "justice" divine à leur égard, sinon par la mort commune à tous)... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 10 Déc 2019, 12:26 | |
| Essai de datation du cycle de Noé
Et pourtant un nom de lieu va apparaître et je forme l’hypothèse qu’il va servir de pivot, de point de basculement à notre récit : « Le 17ème jour du 7ème mois, l’arche se posa sur les montagnes d’Ararat (“le fléau est renversé” en hébreu) » (Gen 8,4). Pour la première fois, il est potentiellement possible de localiser dans l’espace et dans le temps si l’on réussit bien entendu à localiser les monts Ararat… Le Royaume d’Ararat est également connu sous le nom Urartu dans des sources assyriennes. Sans certitude aucune, la tradition identifie cette chaîne de montagne au Mont Masis, le plus haut volcan des hauts plateaux de l’est de l’Arménie. Au fond, l’identification précise n’est pas essentielle. Ce qui compte, c’est qu’il s’agit d’un nom propre locatif qui est également évoqué en 2 Rois 19,37, en Esaïe 37,38 et en Jérémie 52,27. Autrement dit, le lieu est connu et identifié comme existant dans la réalité. Nous ne sommes plus dans la mythologie et nous entrons dans la géographie. Voilà ce qui est important : c’est un lieu qui existe vraiment. C’est là que l’arche se pose sur la terre sèche, c’est là que Noé et sa famille sortent de l’arche, c’est là que Noé construit l’autel pour y donner un sacrifice…
La seconde indication disponible dans tout le récit est un toponyme à la fois le nom d’une personne et d’un lieu : Canaan, fils de Cham, petit-fils de Noé… et en même temps terre promise au peuple élu à la sortie d’Egypte, terre rendue au même peuple élu au retour de l’Exil à Babylone (Gen 9, 18-29). D’ailleurs, dans la seconde généalogie du chapitre 10, Canaan sera à nouveau mis en avant et surtout dans sa dimension géographique puisqu’il est le seul territoire dans l’ensemble des nations citées dont le narrateur prend la peine de délimiter les frontières géographiques (Gen 10, 15-20). Cela semble indiquer qu’aux yeux du narrateur, cet espace géographique particulier revêt une importance particulière.
Il y a une seconde indication de temps et de lieu qui se donne à voir dans la seconde généalogie du chapitre 10 aux versets 8, 9 et 10. Il est question de Nemrod « grand chasseur devant l’Eternel », fils de Koush (“Celui qui est noir, brûlé par le soleil”, situé en Ethiopie) et roi de Babylone et d’Akkad ayant Ninive pour capitale… Le narrateur parle donc d’un temps où la superpuissance dominante s’appelle Babylone après avoir été l’Egypte et Akkad… Cette fois l’indication temporelle et géographique associée à l’environnement culturel mésopotamien ayant donné naissance aux différents récits du Déluge donne la possibilité de formuler une hypothèse de datation et de localisation du présent du narrateur : le narrateur vit certainement sous la domination du roi de Babylone mais regarde vers le pays de Canaan. Il est donc envisageable de dater le récit du temps de l’Exil à Babylone voire éventuellement du retour d’Exil entre 581 et 538 avant JC au plus tôt. https://gric-international.org/2016/dossiers/cycle-de-noe-essai-dexegese-et-dhermeneutique-par-s-amedro/ |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 10 Déc 2019, 17:01 | |
| Le rédacteur, l'auteur de ce commentaire rapporté par Free semble croire, vraiment, que l'arche de Noé (sans doute un récit légendaire) s'est posée sur le sommet d'une montagne bien réelle.
N'est-ce pas un leurre bien connu que de mêler des éléments bien réels vérifiables avec des parties de récit difficilement contrôlables? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 10 Déc 2019, 20:01 | |
| Rien n'empêche de situer un mythe, ou une légende, dans une géographie réelle, connue des lecteurs ou auditeurs (que nous identifions correctement ou non les toponymes de cette géographie plusieurs millénaires après est une tout autre affaire) -- S. Amédro me semble l'avoir parfaitement compris, même s'il n'a pas réussi à se faire comprendre; ce qui d'ailleurs peut être tout autre chose qu'un défaut, compte tenu de la diversité de son public (musulmans et chrétiens notamment, y compris des "fondamentalistes" des deux espèces). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Lun 16 Déc 2019, 12:51 | |
| En premier lieu, la reprise des mêmes thèmes en parallèle (AB… F / A’B’…F’) met l’accent aussi bien sur le recommencement que sur une certaine forme de “rechute”. Malgré la sanction du Déluge, le renouvellement de la Création et le nouveau départ pris avec Noé, l’humanité sombre à nouveau dans le péché : sorte de “pédagogie de l’échec”.
Dans ces conditions, l’absence de pendant à la crise paroxystique de 6,1-8 est éloquent. Les mêmes causes entraînant les mêmes conséquences, on pourrait s’attendre, à la fin de la seconde séquence A’…F’, à une nouvelle crise et à un autre jugement. Mais avec la promesse faite à Noé de ne plus susciter de tel cataclysme (Gen 9,11-15), le narrateur laissait déjà comprendre au lecteur que Dieu entendait entrer dans une “économie” différente dans son rapport avec l’humanité. Précisément, là où l’on attendrait un équivalent à la crise débouchant sur un jugement, c’est l’appel d’Abram qui se produit. Ce contraste nous paraît délibéré; il met l’accent sur l’espoir de la nouvelle histoire initiée autour du fils de Térah. Les échos notés plus haut (3.2) relevaient manifestement d’une stratégie visant à présenter Noé au lecteur comme un “nouvel Adam”.
Dans le même temps, on l’a dit, le narrateur prenait bien soin de montrer par d’autres échos que l’humanité issue de Noé, tout en se développant, demeurait sous l’emprise du péché. A ce stade, le lecteur peut se demander si la nouvelle histoire débutant avec Abram, nettement marquée par l’initiative divine, ne fournirait pas un nouvel espoir. Il est intéressant de noter que selon le Midrash Rabbah (14,6 citant R. Levi), Abram était digne d’être créé avant Adam mais Dieu a préféré créer ce dernier en premier afin que s’il pèche, Abram puisse ensuite arranger les choses. De fait, comme N. T. Wright l’a relevé, le reste du livre de la Genèse prend soin de montrer que “Abraham et sa famille héritent, dans une certaine mesure, du rôle d’Adam et Eve”. Nous suggérons que le début de la Genèse permet même de compléter ce schéma à l’aide du “chaînon manquant” entre Adam et Abram que constitue Noé, le “faux nouvel Adam”, par lequel l’humanité a fait en quelque sorte un “faux nouveau départ”. La pédagogie de l’échec mise en œuvre par les rédacteurs finaux à l’aide du parallélisme régulier qui domine Gen 1,1-11,26 donne toute sa dimension à la nécessité d’un nouvel Adam donnant lieu à une humanité sans péché, après l’échec relatif de la descendance de Noé. En somme, c’est un triple parallèle qui apparaît: Adam / Noé / Abram. http://www.digitorient.com/wp/wp-content/uploads/2016/02/BN_151_2011.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 17 Déc 2019, 01:58 | |
| Il est assez amusant que la structuromanie qui a connu son heure de gloire, aux antipodes de toute religion et même de tout "humanisme", avec le "structuralisme" du milieu du siècle dernier ne perdure guère que dans les franges les plus "conservatrices" de la théologie et de l'exégèse biblique (ici: Vaux-sur-Seine). Comme si c'était l'ultime refuge pour un fétichisme du texte biblique, sans l'ombre d'une réflexion sur ce qui produit dans un texte en général, dans un discours ou dans une langue, et même dans la physique la plus élémentaire, des effets de structure (de forme et de rythme, de répétition et de réplique, de parallélisme et de symétrie, de règle et d'exception, etc.), sans que personne, aucune conscience ni aucune intention, n'en ait jamais décidé.
Il n'empêche que ce type de lecture, comme ses concurrents d'ailleurs (critique historico-littéraire, analyse narrative ou rhétorique, sémiotique etc.), finissent toujours par faire ressortir certains aspects intéressants du texte qu'on n'aurait pas forcément remarqués sans eux: ici, par exemple, le "parallélisme" relatif, mais réel, d'Adam et de Noé, de leurs "plantations", de leurs "sommeils" et de leurs "nudités", de leurs "bénédiction" et "malédiction" respectives. Leur interprétation en termes de "chute" ou de "péché" me semble en revanche fort douteuse. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 10 Fév 2021, 13:09 | |
| " Il fait les Pléiades et Orion, il change l'ombre de mort en aurore, il obscurcit le jour pour en faire la nuit, il appelle les eaux de la mer et les répand sur la terre : son nom, c'est le SEIGNEUR (YHWH)" (Am 5,.Quant à la quatrième action, elle est formulée comme suit : « il convoque les eaux des mers pour les répandre sur la surface de la terre ». Son explication suscite deux grandes prises de positions opposées. Certains commentateurs y voient le prélude d’une catastrophe de proportion cosmique et lui donnent deux significations très similaires. D’une part, ils estiment, qu’Amos annonce à ceux qui dénaturent le droit et la justice que Dieu est sur le point d’enclencher le processus inverse de ce qu’il fit respectivement le deuxième et le troisième jours de la création de l’univers, c’est-à-dire, l’établissement du firmament séparant les eaux terrestres des eaux célestes (Gn 1,6) et les eaux inférieures de la terre ferme (Gn 1,9 ; Jb 38,8-11 ; Pr 8,29 ; Ps 104,9). Autrement dit, comme en Jr 4,23-26, cette action traduirait le retour de la terre au chaos ou du moins à l’aspect qu’elle avait avant l’intervention de Dieu après le premier jour de la création (Bovati et Meynet 1994, 173). D’autre part, en s’appuyant sur le récit du déluge, ils avancent que cette quatrième action prend la connotation d’une annonce d’un déversement des océans sur la terre comme au jour de Noé. Ils estiment également qu’en dépit de l’engagement de Dieu dans Gn 8,21 à ne plus anéantir la création, Amos avertit les coupables de crimes contre la justice qu’à cause de leurs exactions, Dieu est sur le point de provoquer une inondation similaire à celle du temps de Noé afin d’anéantir de nouveau toute la création (Olher 1970, 92-100 ; Andersen et Freedman 2008, 493). En un mot, pour les partisans de cette ligne d’interprétation, Amos annoncerait la fin du monde : Dieu va défaire la création en ramenant les eaux de la mer sur la terre. https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2016-v24-n1-theologi03584/1044737ar/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 10 Fév 2021, 15:06 | |
| Ce ne sont pas les seules explications disponibles (voir la suite).
Tout dépend, comme toujours, de la relation chrono-logique qu'on imagine entre les textes: non seulement entre les "livres", Amos ou la Genèse, mais entre les différentes parties et strates rédactionnelles de l'un et de l'autre; ainsi entre les "mini-poèmes" d'Amos (4,13; 5,8s; 9,5s) qui se distinguent aisément du reste du livre et le récit complexe du déluge (Genèse 6--9), de toute évidence tardivement inséré dans les récits des origines (Genèse 1--11) et lui-même composite... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 18 Fév 2021, 12:18 | |
| "à ceux qui avaient refusé d'obéir autrefois, lorsque la patience de Dieu attendait — aux jours où Noé bâtissait l'arche dans laquelle un petit nombre de personnes, huit, furent sauvées à travers l'eau. C'était une figure du baptême qui vous sauve à présent — baptême qui n'ôte pas la saleté de la chair, mais qui est l'engagement envers Dieu d'une bonne conscience — par la résurrection de Jésus-Christ" (1 Pi 3,20-21)
La valeur instrumentale de dia suggère que l’eau ait été l’instrument du salut de l’arche. C’est la lecture préférée par Michaels, Best, Schelkle, Ferguson et Puig Tarrech. Les versets 20-21 signifieraient donc que de même que l’eau du déluge a porté l’arche du salut, de même l’eau du baptême sauve le croyant. L’eau qui a détruit le monde fut en même temps le moyen du salut pour Noé et sa famille. Si l’auteur a passé sous silence le fait que l’eau détruisit le monde, c’est qu’il portait son attention sur ceux qui se sauvent et qui sont le type de la communauté chrétienne. La littérature juive a présenté le déluge comme jugement et salut. Les eaux de Noé mentionnées en Is 54,9 furent interprétées comme symbole de miséricorde pour tous les justes. On peut dire que les eaux de Noé ont opéré une expiation de la terre. Is 54,9 mentionne Noé dans un contexte où il est question d’un changement radical en Israël: son retour en grâce après la faute et l’établissement d’une alliance de Paix. Le monde nouveau qui a suivi le déluge est une création nouvelle. 1 P 1, 3 avait présenté le baptême comme nouvelle naissance due à la résurrection du Christ d’entre les morts. Comme Noé fut sauvé du monde mauvais par l’eau et entra dans un monde nouveau et purifié, les chrétiens sont libérés par l’eau du monde mauvais pour entrer dans la communauté des croyants. Cette typologie est développée aux versets 20-21. La difficulté de cette lecture vient du fait que l’auteur abrège l’histoire du déluge et la met au service de sa théologie du baptême. La tradition du déluge affirme que Noé entra dans l’arche et fut sauvé de la mort. La formule eis hên diesôthêsan exprime bien cette idée.
«Huit personnes furent sauvées par l’eau» (diesôthêsan di’hudatos) Lecture juive de 1 P 3,20 Frédéric Manns
Dernière édition par free le Jeu 18 Fév 2021, 14:45, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 18 Fév 2021, 13:16 | |
| Lien de téléchargement. Voir aussi ici une vieille discussion sur le verset 21, avec des liens qui peuvent éclairer en partie le contexte. L'article de Manns est très instructif et bien documenté, et son exégèse proprement dite de 1 Pierre me paraît équilibrée -- même si je trouve toujours qu'il surévalue dans le débat l'importance des textes rabbiniques, qui constituent son champ d'intérêt principal. On notera d'ailleurs qu'en définitive il ne tranche pas entre le sens local et instrumental (seul décrit dans ton extrait) de di'hudatos: "par l'eau", cela s'entend aussi en français dans les deux sens, "à travers" ou "au moyen de"; du reste le baptême lui-même est un symbole ambivalent (mort et vie) -- c'est même son ambivalence qui constitue son ressort symbolique. Si Manns tend à insister sur les traits "judéo-chrétiens" de 1 Pierre, il ne faut pas oublier non plus que l'influence paulinienne (et deutéro-paulinienne, jusqu'à Ephésiens au moins) est encore plus massive sur l'ensemble du texte, et que c'est elle qui forge avant tout sa conception du "baptême", même si les analogies avec le déluge sont plus originales. |
| | | free
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 18 Fév 2021, 15:37 | |
| "Tu dois prendre avec toi sept animaux de chaque espèce pure, le mâle et sa femelle ; de tout animal impur, deux seulement, le mâle et sa femelle" (TMN 2018).
Questions de lecteurs
● Selon Genèse 7:2 il a été dit à Noé : “ De tous les animaux purs, tu prendras sept de chaque espèce, des mâles et des femelles. ” (Jé). Cela signifierait sept de chaque espèce pure ; cependant quelques versions modernes disent “ sept couples ”, ce qui représenterait quatorze animaux purs de chaque espèce. Qu’en est-il exactement ? — C. M., États-Unis.
L’expression hébraïque originelle est, littéralement, “ sept sept ”. L’hébreu indique fréquemment le rapport de distribution ou une répartition en répétant simplement un nombre donné. Dans son commentaire sur Genèse 7:2 et 9, Harper dit dans Introductory Hebrew Method and Manual, page 176 : “ Certains mots sont souvent répétés pour exprimer le rapport de distribution. ” Sous le titre “ Syntaxe des chiffres ” de la Grammaire hébraïque (en anglais) de Gesenius (2e édition américaine), il est aussi dit, à la page 409, qu’une façon d’indiquer la distribution consiste à répéter le chiffre. De ce fait les chiffres ne doivent pas être additionnés.
Dans II Samuel 21:20 il est question d’un géant ayant six doigts à chaque main et six orteils à chaque pied. L’hébreu répète le chiffre “ six ”, mais cela ne signifie pas que chaque main avait six paires de doigts ou douze doigts ou que chaque pied était muni de six paires d’orteils ou douze orteils. Le chiffre est répété parce qu’un rapport de distribution est en jeu. Dans Nombres 13:2 et Josué 3:12 il est dit qu’un homme est pris de chaque tribu, l’hébreu dit littéralement : “ un homme un homme ”. La répétition doit indiquer le rapport de distribution et ne signifie pas un couple d’hommes ou deux hommes de chaque tribu. Dans Nombres 34:18 l’ordre est donné de prendre un prince de chaque tribu ; en hébreu : “ un prince un prince ”, ce qui indique un rapport de distribution et non deux princes.
Si donc le chiffre “ sept ” est répété dans Genèse 7:2, cela ne signifie pas sept couples ou quatorze animaux purs mais sept bêtes de chaque espèce. Le chiffre “ deux ” est répété aux Ge 7 versets 9 et 15 de ce chapitre, mais certaines versions modernes qui, au Ge 7 verset 2, disent “ sept couples ” ne rendent pas les Ge 7 versets 9 et 15 par “ deux couples ”, comme, pour être conséquentes, elles auraient dû le faire. Ces versets indiquent que les animaux impurs pénétraient dans l’arche “ deux par deux ” (Da). De même, le Ge 7 verset 2 montre que “ sept de chaque espèce ” d’animaux purs étaient conduits dans l’arche, selon la Traduction du Monde Nouveau des Écritures Hébraïques (en anglais). Quelques-uns pensent qu’il s’agit de sept paires, car après “ sept ” il est écrit : “ le mâle et sa femelle ”, ce qui exigerait un nombre pair si chaque mâle avait sa propre femelle. Cependant il est montré dans Genèse 8:20 qu’après être sorti de l’arche, Noé “ prit de tous les animaux purs et de tous les oiseaux purs ” (Jé) et offrit des holocaustes. Ayant fait entrer dans l’arche trois couples d’animaux plus un, ce dernier pour être offert en sacrifice, il n’était pas nécessaire de séparer un couple. Telle est l’explication donnée dans le livre “ New Heavens and a New Earth ” (en anglais), à la page 102, paragraphe 3. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1954451?q=No%C3%A9+arche+animaux&p=par |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Jeu 18 Fév 2021, 21:39 | |
| Il est étonnant que F.W. Franz -- probablement le seul à oser s'aventurer dans la syntaxe hébraïque, c'est bien à ça qu'on le reconnaît -- n'ait rien dit de la sexualité des mouches, il eût pourtant été d'une rare compétence...
Soit dit en passant, il devait être particulièrement obsédé par la notion grammaticale de distributivité à laquelle il n'a visiblement jamais rien compris (cf. le kat'oikous des Actes, traduit par "de maison en maison" alors que la nuance "distributive" de kata + accusatif signifie au contraire "chacun / chaque groupe [respectivement] dans sa maison"; ça vaut aussi pour le géant, le "distributif" étant précisément l'équivalent de notre "chaque" dans "à chaque main / pied").
Ce n'est pas la répétition "distributive" du numéral, qui signifie simplement "sept par sept" ou "par groupes de sept", qui implique la notion de couple et de parité (noter qu'il n'est pas dit sept quoi, les "animaux" à cet endroit sont une pure invention de la NWT/TMN; les "couples" ou "paires" des autres traductions aussi, bien sûr, mais au moins ils se justifient par la suite immédiate), mais bien la formule 'yš w-'yštw (mot-à-mot "l'homme et sa femme" -- au v. 3 zkr w-nqbh, "mâle et femelle", comme en 6,19; des formules analogues s'emploient couramment de tout ce qui va par deux, même quand ce n'est ni humain, ni animal, ni sexué: ce qui se traduirait mot-à-mot par "l'homme / son frère" ou "l'homme / son prochain/voisin" signifie souvent "l'un / l'autre")...
Pour rappel, la différence numérique des animaux "purs" et "impurs" -- distinction anachronique dans le grand récit de la Torah-livre puisqu'elle n'est censée apparaître qu'avec la Torah-loi (cf. Lévitique 11 // Deutéronome 14, règles alimentaires déjà étendues des sacrifices et de la prêtrise à "tout Israël") et ignorée du chapitre 6 qui ne parle que de paires ou de couples -- est un des nombreux indices, mais aussi l'un des plus visibles, du caractère composite du récit du déluge (avec une "source" ou plutôt une "rédaction" qui tient à cette différence quand d'autres n'en font aucun cas). Outre la nécessité pour la rédaction finale d'expliquer les sacrifices à la fin du déluge (qui viennent du modèle Atrahasis-Gilgamesh) alors qu'il n'est question ni de mort ni de naissance dans l'arche (à supposer que ce soient les animaux entrés dans l'arche qui en sortent et qu'il n'y ait que des paires, le sacrifice détruirait ce que l'arche a sauvé)... |
| | | free
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Ven 19 Fév 2021, 16:51 | |
| Les instructions de départ
La liste de 6,7 ne mentionnait pas les bêtes sauvages, 6,18b-20 la reprend en la précisant. C’est de tout être vivant, de toute chair qu’il s’agit (v. 19) et c’est par couple, mâle et femelle de chacune des espèces, que Noé doit procéder au tri des futurs survivants. Quant au couple humain, il a droit à deux générations. Entreront dans l’arche «Noé, ses fils, sa femme et les femmes de ses fils ». Si 7,1-3 constitue un doublet immédiat, et dans sa proximité syntagmatique et dans son cadre de base, ces versets apportent un ajout inattendu, soit l’existence d’une nouvelle distinction inter et trans-catégorielle chez les animaux. Certains sont purs, d’autres impurs. Parmi le bétail, Noé prélèvera sept couples des animaux purs, un couple seulement des impurs mais sept couples des oiseaux du ciel. Le tressage des deux traditions repérées en Gn 1 et Gn 2 (voir note 4) explique le doublet. Curieusement, cependant, c’est la tradition yahviste qui se préoccupe de la pureté des animaux et non la sacerdotale qui la théorisera et «théologisera» au livre du Lévitique. Plus curieusement encore, Dieu, dans son opération de purification radicale au prix d’hécatombes de chair humaine et animale, assure la perpétuation des animaux dits impurs. Ce fait troublant soulève toute la question de l’acception de la pureté/impureté en jeu.
L’embarquement
Un second doublet répète le premier, marqué par le défilé des animaux venant à Noé dans l’arche pour leur salut et rappelant leur procession devant Adam pour leur dénomination. Le premier volet, apport de tradition yahviste, continue de distinguer les bestiaux purs et impurs (7,7-9). Le second, de tradition sacerdotale, fournit la liste la plus longue incluant les bêtes sauvages et la classification par espèces et par couples de toute créature ayant souffle de vie, un mâle et une femelle de toute chair (7,13-16), hors de la répartition entre purs et impurs. « Et Yahvé referma la porte sur Noé. »
Le déluge
Les grandes eaux de l’abîme séparées et harnachées lors de la création furent réunies, et ouvertes les écluses du ciel. Une troisième reprise jumelée de 6, 7 sert à enregistrer les pertes du déluge. La liste familière est coiffée dans les deux cas d’une constatation globale qui surclasse tout pathos. «Avec la crue des eaux qui recouvrirent les montagnes expira toute chair qui remuait sur terre…» (7,20-21). «Tout ce qui avait une haleine de vie dans les narines, c’est-à-dire tout ce qui était sur la terre ferme, mourut. » (7,22) Le verset 23 boucle la boucle : « Ainsi le Seigneur effaça tous les êtres de la surface du sol », tous ceux que 6,7 avait nommés.
Le débarquement
Long atterrissage à la verticale par assèchement des eaux qui couvraient les sommets des plus hautes montagnes plutôt qu’arrivée à un port, le débarquement tient narrativement dans la double reprise de la liste complète, titrée : « Dieu dit à Noé : Sors de l’arche, toi et…» (8,16) et «Noé sortit et avec lui…» (8,18). Bêtes sauvages et bestiaux apparaissent et disparaissent à tour de rôle, mais assimilés dans les deux cas à l’intérieur de « toutes les bêtes (hébreu : tous les vivants) qui sont avec toi ». Troisième défilé encyclopédique de l’espèce animale. Pour se transformer en renaissance, la fin du monde va emprunter les termes du récit de la première création. Si les préceptes de fécondité, de prolifération seront les mêmes, les relations entre le monde humain et le monde animal subiront une transformation tragique et inattendue. Le texte en présente laconiquement le comment mais non le pourquoi. https://www.erudit.org/en/journals/theologi/2002-v10-n1-theologi714/008159ar.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Ven 19 Fév 2021, 18:36 | |
| Joli texte -- les analyses sémiotiques brillent rarement par leur légèreté ou leur humour, la surprise n'en est que meilleure. Cela, du reste, pourra rappeler ceci.J'ignore à quelles définitions du "yahviste" et du "sacerdotal" O. Genest en était restée en 2002 -- la note 4, assez vague, présuppose seulement l'antériorité du premier sur le second, ce qui se discute au cas par cas, d'autant qu'il s'agit moins de "sources" que de "rédactions" qui s'étendent sur une longue période, en majeure partie "postexilique" contrairement à ce qu'elle suggère; on parle plutôt aujourd'hui de "P" (de Priest = prêtre, soit "sacerdotal") et de "non-P", ce qui contre toute apparence ne signifie pas que le "non-P" soit moins "ritualiste" que l'autre (la preuve !), mais simplement qu'il se distingue du récit sacerdotal dominant qui associe l'institution de la prêtrise et des sacrifices à l'Exode (cf. plus tôt dans la Genèse les sacrifices d'Abel et de Caïn, ou l'invocation du nom de Yahvé associée à Enosh dans la lignée de Seth, contre Exode 6 "P" qui lie la révélation du nom divin à Moïse). Par ailleurs il ne faut pas confondre la "pureté" au sens rituel et au sens courant, physique (propreté) ou moral (bonté, justice, etc.): l'adjectif tahôr, qui est bien le terme "technique" de la pureté rituelle, n'intervient qu'à propos des animaux dans la Genèse (7,2.8; 8,20); il faudra attendre l'Exode pour le retrouver dans un cadre cultuel, mais plutôt "matériel" (l'or, l'encens, le chandelier), et le Lévitique pour en préciser le sens spécifiquement rituel (par opposition systématique à l'impureté ou souillure, tm', qui n'apparaît pas dans la Genèse: les animaux sont "purs" ou " non purs"). Jamais dans la Genèse il ne caractérise le déluge en tant que tel ni son résultat comme une "purification", quoiqu'il nous soit naturel de l'envisager ainsi dans un sens moral (purification ratée toutefois, si l'homme est aussi "mauvais" après qu'avant)... |
| | | free
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 23 Fév 2021, 11:07 | |
| 27Les éléments les plus importants pour notre enquête interviennent toutefois dans l’épisode qui suit le déluge, celui de la première Alliance entre Yahvé et « toute chair ». La résolution divine de maintenir désormais l’ordre cosmique a pour contrepartie le respect de certaines règles par les hommes, et aussi par les animaux, si l’on prend le texte à la lettre, pour au moins l’une d’entre elles. Je dois citer dans son intégralité ce passage essentiel, où Yahvé s’adresse à Noé et à ses fils (9, 2-7):
« Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre. Soyez la crainte et l’effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer: ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c’est-à-dire le sang. Mais je demanderai compte du sang à chacun de vous. J’en demanderai compte à tous les animaux et à l’homme, aux hommes entre eux, je demanderai compte de l’âme de l’homme. Qui verse le sang de l’homme, Par l’homme aura son sang versé. Car à l’image de Dieu L’homme a été fait. Pour vous, soyez féconds, multipliez, pullulez sur la terre et la dominez. »
28Le principe d’animation commun aux hommes et aux animaux est, pour la première fois dans ce texte, désigné comme ce que j’appellerai l’âme-sang: celle-ci ne doit pas être consommée ni, dans le cas de l’homme, épanchée par l’homicide. Le Lévitique précisera qu’elle doit revenir à Dieu lors des sacrifices d’animaux. En même temps, il est désormais établi que l’homme a le droit de se nourrir de chair animale, sous la condition que l’on vient de voir. Cette nouvelle possibilité s’accompagne d’une formulation abrupte de la hiérarchie homme/animal déjà mentionnée en Gn_1, 28-29. La dignité supérieure des hommes s’exprime aussi à travers la prohibition de l’homicide, motivée par le fait que l’homme a été fait « à l’image de Dieu ». Enfin, l’intégration des animaux à l’Alliance est explicitement conditionnée par la non-consommation de sang, ce qui revient de fait à en exclure les carnivores. Un troisième registre de législation associé à cet épisode peut être inféré de la mésaventure de Cham qui, découvrant son père dénudé, s’en moque au lieu de le couvrir de son manteau, et qui est maudit par Noé. L’épisode est obscur, mais on s’accorde à y reconnaître une allusion aux règles régissant la sexualité12, qui trouveront dans le Lévitique seulement leur pleine expression.
32La question la plus embarrassante est celle du sens à donner à la participation des animaux à l’Alliance. Cette dernière se présente en effet comme un engagement réciproque qui, dans le cas des hommes au moins, suppose l’obéissance à des lois et, par conséquent, une intériorité de type humain. La question s’était déjà posée à propos du déluge: pour mériter d’être punis, les animaux devaient avoir péché, au sens humain du terme. De quoi s’étaient-ils donc rendus coupables? Cette question – faut-il s’en étonner? – a déjà été envisagée par d’anciens commentateurs juifs, qui me semblent lui avoir apporté une réponse en parfait accord avec l’esprit, sinon la lettre, du texte biblique: la faute des animaux est qu’ils se sont hybridés, tout comme le faisaient à leur manière les « fils de Dieu » et les « filles des hommes ». Or se reproduire « selon son espèce » est un commandement (ou une norme de la création) qui revient quatre fois dans Gn_1, l’hybridation volontaire des bestiaux étant quant à elle prohibée par le Lévitique: « Tu n’accoupleras pas dans ton bétail deux bêtes d’espèce différente » (19, 19). Hélas pour eux, avant le déluge, les manquements des animaux à cette règle furent nombreux. Si l’on en croit un ancien talmudiste, « les bêtes elles-mêmes repoussaient leurs partenaires propres: l’étalon montait l’ânesse; le baudet, la jument; le chien, la louve; le serpent, la tortue, et ainsi de suite » (Graves & Patai 1987: 122) https://journals.openedition.org/lhomme/21997#tocto1n3 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mar 23 Fév 2021, 12:48 | |
| Sur cet article, cf. supra 9.12.2019 -- il est toutefois assez riche pour que sa relecture ne soit pas du luxe.
Outre ce que nous avions remarqué à l'époque (les carnivores ne sont pas "exclus" de l'"alliance" en ce sens qu'ils en sont aussi "justiciables" en principe, même si on ne voit pas très bien comment; il y aura aussi des exécutions quasi pénales d'animaux dans la Torah, pour des "crimes de sang" ou des "fautes" sexuelles, cf. Exode 21,28ss; Lévitique 20,15ss), il faut peut-être rappeler, plus généralement, ce que le mot d'"alliance" a de trompeur, par ce qu'il évoque en français contemporain de consentement et d'"engagement" libre et non contraint, sous peine d'invalidité. Comme l'a bien compris la Septante qui traduit bryt-berith par dia-thèkè (exactement dis-position) plutôt que par sun-thèkè au sens de con-trat, de con-vention ou d'"accord bilatéral", l'"alliance" en question est totalement unilatérale, imposée par le fort au faible comme par le suzerain au vassal, le roi au sujet, le maître à l'esclave, etc. A cet égard l'"homme", "Noé et ses fils", n'a pas davantage le "choix" d'y entrer ou non que les "animaux", sauvages ou domestiques (on peut d'ailleurs en dire autant de notre "contrat social", dont la "contraction" relève toujours du "mythe fondateur", quoique sans contre-partie "divine"); mais la perspective va changer, dès la Torah-loi dans la mesure où celle-ci, tout en s'inspirant abondamment des modèles des traités de vassalité assyriens, surtout dans le Deutéronome, va aussi insister sur l'engagement du peuple (par l'entremise de ses ancêtres au Sinaï, Moïse, Aaron, Josué et les "anciens"); et surtout dans le pharisaïsme et le rabbinisme qui s'ensuit, qui vont développer plus avant, dans la vie synagogale, domestique, familiale et individuelle (bar-mitsva), la répétition rituelle de l'"engagement" (ce qui accentue aussi la différence entre l'"homme" qui croit pouvoir "s'engager librement" et l'"animal" qu'il en croit incapable). |
| | | free
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 14 Juin 2023, 14:25 | |
| "Après le déluge, Noé vécut trois cent cinquante ans. La totalité des jours de Noé fut de neuf cent cinquante ans ; puis il mourut" (9,28-29).
Dans la Genèse, d’Adam à Jacob, en passant par Enosh, Abraham, Lot et Isaac
À quel âge la Bible commence-t-elle à parler de la vieillesse et du vieillard ? Poser la question demande d’abord de reconnaître que personne ne sait quand la vieillesse commence réellement, que ce soit dans les sociétés antiques ou contemporaines. En fait, si dans la société israélite, on peut dire d’une personne qu’elle est âgée lorsqu’elle atteint l’âge de soixante ou soixante-dix ans , aucun repère chronologique ne vient offrir des précisions strictes. Autrement dit, la notion d’ancienneté demeure relative, dépendant du contexte littéraire. Plus répandu est le point de vue qui souligne la brièveté de l’existence (Ps 39, 6 ; 89, 48 ; Jb 11, 17). Un indice lié aux différentes tranches d’âge est donné à travers le service rendu par les lévites : la période de vingt-cinq à cinquante ans est considérée comme celle d’une activité intense tandis que l’âge de cinquante ans signifie en quelque sorte celui de la retraite : « À l’âge de cinquante ans, il quittera le service actif : il ne servira plus » (Nb 8, 24). À partir de ces données recueillies dans différents extraits, l’âge biblique de la vieillesse se situerait entre cinquante et soixante-dix ans.
Si les premières pages de la Bible font état d’une longévité exceptionnelle, la suite se charge de ramener le lecteur à une échelle plus réaliste . Ce n’est pourtant pas une raison pour passer sous silence la généalogie de l’être humain dans le récit de la Genèse, depuis sa création jusqu’à Noé. En lisant l’enchaînement assez monotone des noms, le lecteur constate la longévité des personnages : Mathusalem est celui qui meurt à l’âge le plus avancé (969 ans !) tandis qu’à la neuvième génération Lamek, le benjamin, ne vit que 777 ans. Parmi ces personnages, on retiendra surtout Énosh et Noé. Le premier vit 365 ans, c’est-à-dire symboliquement une année solaire d’années, soit une perfection qu’aucun autre n’atteint. Le narrateur ne précise pas qu’Énosh meurt, contrairement aux autres personnages . Sa particularité tient aussi au fait qu’il va et vient avec Dieu, comme s’il était le premier à accorder son pas à celui de Dieu : est-ce « pour que celui-ci le prenne sans lui laisser connaître la mort ? » On retrouve ce va et vient chez Noé qui, en échappant au déluge, traversera plus loin la mort régnant partout (Gn 6). En restant extrêmement prudent quant au commentaire, ce passage « pourrait suggérer que ceux qui empruntent le chemin de Dieu ne connaissent pas la mort ».
Plus loin, on retrouve une nouvelle liste généalogique qui prolonge la précédente, à savoir celle des descendants de Sem (Gn 11, 10-26). « Certes, leurs jours dépassent les cent vingt ans […]. Mais par rapport aux patriarches antédiluviens du chapitre 5 qui, mis à part Énosh, vivent tous au-delà de sept cent soixante-dix ans, ceux-ci ont une vie qui semble se raccourcir par paliers. […] Par ailleurs, l’âge de la paternité est aussi nettement moins élevé. Alors qu’avant le déluge, il variait de soixante-cinq à cent quatre-vingt-sept ans, il est ramené ici au début de la trentaine, sauf pour Tèrakh qui doit attendre soixante-dix ans avant d’engendrer». En résumant drastiquement la suite de ce récit, l’âge fort avancé de Tèrakh le relie à une situation familiale marquée par la mort (celle de son fils cadet et la stérilité de Saraï, l’épouse de son fils aîné, Abram). C’est de ce contexte morbide qu’Abram s’arrache, quittant son père à l’âge encore plus avancé de soixante-quinze ans (Gn 12, 4).
À l’âge où il semble inconcevable de vivre encore, Abram – dont le nom sera changé plus loin en Abraham – vit une rupture radicale en se risquant vers un avenir inconnu. C’est ce que vivra plus tard Moïse, à quatre-vingts ans (Ex 7, 7), lorsqu’il guidera le peuple d’Israël esclave en Égypte vers la terre promise. Abram est appelé par le Seigneur à un déplacement ainsi qu’à une séparation ; la visée est clairement de l’ordre de la vie dont la bénédiction est le signe . Le Seigneur lui annonce qu’il deviendra une grande nation à travers sa descendance, défiant ainsi la précision initiale du narrateur au sujet de Saraï qui est stérile (et qui portera plus loin le nom de Sarah). La Bible redoute en effet bien moins la vieillesse que la stérilité. Les deux problématiques se rencontrent dans ce passage, comme elles ne cesseront de se croiser tout au long du récit de la Genèse, ouvrant constamment la voie de l’inattendu.
https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2016-3-page-35.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Que peut on dire sur le récit du déluge Mer 14 Juin 2023, 15:40 | |
| En lisant cet article -- avec un ennui croissant, je l'avoue -- je repensais à ma consternation, il y a déjà une vingtaine ou une trentaine d'années, de constater que la Bible ou la théologie n'intéressaient plus guère que des "vieux", et encore, de quelques catégories sociales... ayant moi-même rejoint cette tranche d'âge, comme on dit, en marge d'un christianisme qui semble avoir vieilli encore plus vite que la population générale, je vois que non seulement ce sont toujours les vieux qui parlent aux vieux, mais qu'ils n'y parlent plus guère que de vieillesse... Lichtert semble confondre Hénoch et Enosh, qui sont probablement des variantes délibérées dans les généalogies opposées de la Genèse (Seth vs. Caïn) mais n'en ont pas moins un "sens" (le nom commun sous le nom propre) très différent, peut-être volontairement contrasté dans ce cas, à partir de deux racines tout à fait distinctes, autant par la prononciation et l'écriture que par la signification: 1) hnk inauguration, dédicace, renouvellement renvoyant au "cycle" solaire (d'où les 365 ans, et le calendrier solaire des textes "hénochiens"); 2 'nš évoquant la faiblesse ou la fragilité, à peu près l'équivalent du "mortel" ( brotos) de la tradition grecque opposé aux dieux... A part ça je ne vois pas trop quoi rajouter à ce fil, sinon que l'insertion relativement tardive du "déluge" dans la trame narrative de la Genèse introduit aussi des incohérences (comme on l'a vu à nouveau il y a peu ici, 24.5.2023, à propos des "géants", qui se retrouvent aussi bien après qu'avant le déluge) sur la longévité des personnages. Pour une lecture suivie du texte, la réduction décrétée à "120 ans" va donc connaître des exceptions plus ou moins énormes et inexpliquées... Pour rappel, et indépendamment de cela, les chiffres de la Septante et du Pentateuque samaritain sont souvent très différents (voir p. ex. ici). |
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