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| Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" | |
| | Auteur | Message |
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free
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| Sujet: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Mar 10 Aoû 2021, 13:21 | |
| "le moissonneur reçoit un salaire et recueille du fruit pour la vie éternelle, pour que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. En cela, en effet, ce qu'on dit est vrai : L'un sème, l'autre moissonne. Moi, je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté, à vous, aucun travail ; d'autres ont travaillé, et vous, vous êtes arrivés pour recueillir le fruit de leur travail" (Jean 4,36-38).
Qui sont alors ces mystérieux ("autres") missionnaires qui, en Samarie, ont frayé la voie aux apôtres et leur ont permis de recueillir le fruit de leur travail ?
Dernière édition par free le Mar 10 Aoû 2021, 14:35, édité 1 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Mar 10 Aoû 2021, 14:14 | |
| Je n'en sais pas plus que toi, mais je me demanderais d'abord si, et le cas échéant dans quelle mesure, cette phrase doit être rapportée à son contexte narratif (la Samarie du récit qui précède), et/ou (par extension) historico-géographique (la Samarie "réelle" du Ier siècle, ce qui n'est déjà pas tout à fait la même chose)l les logia évangéliques, a fortiori les discours développés du quatrième évangile, sont situés plus ou moins superficiellement et artificiellement par la narration dans un tel "contexte" qu'ils débordent le plus souvent -- à telle enseigne que ce "contexte", le cas échéant, peut être complètement différent pour les mêmes paroles d'un évangile à l'autre. Si donc on oublie le "contexte" samaritain, comme le lecteur-auditeur le fait assez naturellement une fois pris dans le discours, la référence est on ne peut plus générale: justes, sages, patriarches, prophètes, mouvements baptistes (Jean) et même proto-christianismes divers, samaritains ou non, peuvent jouer le rôle de "précurseurs" (laborieux) du Jésus johannique...
Maintenant, il est tout à fait possible que le "contexte" doive être pris au sérieux et qu'il y ait là, tout au moins dans une strate ancienne de la rédaction, une allusion à quelque chose de spécifiquement "samaritain", comme la tradition de Jacob (v. 5s.12) ou du taheb, le prophète-comme-Moïse (d'après Deutéronome 18) dont le "Messie" du v. 25, enseignant ou révélateur dans la bouche de la Samaritaine, est souvent rapproché. Mais cela pourrait aussi se référer à beaucoup d'autres choses, qu'on ne pourrait que deviner en épluchant les (rares) documents contemporains sur la région (surtout Flavius Josèphe), ou éventuellement de nouvelles trouvailles archéologiques. Dans ce cas on n'aurait encore que l'embarras du choix (prophètes ou martyrs judéo-samaritains, ou encore écoles philosophiques diverses puisque la Samarie est tout aussi hellénisée que la Judée ou la Galilée), et on ne sortirait pas pour autant de la conjecture.
Il est peut-être plus intéressant de noter que, sur la question "brûlante" de la "foi" (pistis, pisteuô etc.) et des "oeuvres" (ergon, erga, ergazomai, qui est aussi le vocabulaire du "travail", cf. work, Werk, etc.; outre tout le lexique du "faire", poieô, prassô etc.) qui oppose le "paulinisme" (à partir de l'épître aux Romains) et les "antipauliniens" (Matthieu, Jacques, etc.), le johannisme ne choisit pas son camp mais déjoue tout le débat en jouant autrement (ironiquement et paradoxalement, comme à son habitude) des mots et des formules des uns et des autres: p. ex., sur l'oeuvre-travail, 4,34ss; 5,17ss; 6,27ss (avec l'énoncé simili-paulinien "l'oeuvre c'est croire", v. 29); 7,3ss; 8,39; 9,3s; 10,25ss; 14,10ss; 15,24; 17,4; et tous les usages caractéristiques du "faire" (poieô: "faire" la vérité, la lumière, la justice, etc.), du "garder" (les commandements), etc., où des pauliniens et des antipauliniens peuvent parfaitement se retrouver, sans y retrouver pour autant ni leur doctrine respective, ni leur antagonisme (commun). |
| | | free
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Mar 10 Aoû 2021, 15:18 | |
| Il ne serait pas judicieux d'établir un parallèle (artificiel) entre Jean 4 (avec ses "autres") et la mission en Samarie décrite en Actes 8 qui fut inaugurée par les Hellénistes, notamment Philippe, l'un des "sept" (6,5) :
"Philippe, qui était descendu dans la ville de Samarie, y proclama le Christ. 6Les foules, d'un commun accord, s'attachaient à ce que disait Philippe, en apprenant et en voyant les signes qu'il produisait" (Actes 8,5-6). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Mar 10 Aoû 2021, 15:42 | |
| Pourquoi pas ? Mais le rapprochement n'est possible qu'à condition de ne tenir aucun des textes pour "historique", puisque, au pied de la lettre de l'"histoire" dans l'une ou l'autre de ses versions, les "disciples" (hellénistes ou pas) sont censés venir après "Jésus".
Moyennant quoi, il est en effet tout à fait possible (mais indémontrable) que Jean 4 et Actes 8 traduisent et trahissent différemment un "souvenir" de la même chose, à savoir d'un "proto-christianisme" (naturellement "hellénistique") en Samarie.
(J'ai le vague souvenir d'avoir lu quelque chose de ce genre il y a longtemps chez R.E. Brown; il y a probablement eu pas mal d'autres études sur cette question depuis parce que c'est typiquement un "sujet à thèse", mais mes possibilités de recherche -- hors Internet -- sont plus limitées que jamais grâce au "pass sanitaire" qui m'interdit désormais l'accès à toute bibliothèque sérieuse.) |
| | | free
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Mer 11 Aoû 2021, 11:13 | |
| Actes 8, 1, v, rapportent que l'œuvre missionnaire en Samarie fut inaugurée par les Hellénistes en particulier par Philippe, l'un des "sept", ces Hellénistes semble occuper une place importante dans l'histoire du christianisme. Etienne nous renseigne sur les idées théologiques particulières des Hellénistes, notamment sur le fait qu'ils condamnaient le culte du Temple :
"Cependant le Très-Haut n'habite pas dans ce qui est fabriqué par des mains humaines, comme dit le prophète : Le ciel est mon trône, et la terre mon marchepied. Quelle maison me construirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de mon repos ? N'est-ce pas ma main qui a fait tout cela ?" (Actes 8,48-50).
Les douze ne partageaient pas les idées des Hellénistes sur le culte du Temple, et manifestement ils n'ont pas soutenue les partisans d'Etienne au moment de la persécution. Aussi ne furent-ils pas inquiétés et ils purent même même rester à Jérusalem (Actes 8,1).
Cette première persécution donna lieu à la mission en Samarie. Les Samaritains rejetaient eux aussi le culte du Temple de Jérusalem et sous ce rapport, les Hellénistes se sentaient (peut-être) proches d'eux.
Il faut rappeler que, dès le début l'évangile de Jean s'occupe de la question du Temple : Jésus chasse les marchands du temple (Jean 2,13ss). Rappelons qu'en Jean 4, Jésus parle du vrai culte, qui doit s'effectuer en esprit et en vérité, donc opposé à la fois au culte juif du Temple de Jérusalem et au culte samaritain du Garizim ("Jésus lui dit : Femme, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père" - 4,21). . Ce rejet du Temple de Jérusalem explique peut-être le reproche que les Juifs adressent à Jésus en Jean 8,48 : : "N'est-ce pas nous qui avons raison de dire que, toi, tu es un Samaritain". |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Mer 11 Aoû 2021, 12:31 | |
| Tout le problème de l'historien est de distinguer les histoires que racontent les textes de l'histoire tout court, s'il y a jamais rien de tel -- c'est facile à dire mais en pratique c'est un jeu extrêmement délicat, et toujours aléatoire. De l'histoire-historique, il n'y a tout au plus dans les textes du NT, dans l'évangile selon Jean comme dans les Actes, que des vestiges, déformés selon différents points de vue. Ainsi les "Hellénistes" des Actes, opposés aux "Hébreux", passent pour une catégorie purement linguistique, simple prétexte anecdotique pour justifier la fondation d'une première hiérarchie ecclésiastique (le groupe des Sept soumis au groupe des Douze), principe de toutes les hiérarchies à venir et de la structure même de l'ensemble du livre, qui vise principalement à subordonner Paul aux Douze. Mais cela n'empêche pas l'auteur, ou les auteurs, d'utiliser des "matériaux" qui échappent en partie à cette intention manifeste, en les préservant d'autant mieux qu'ils ne les comprennent pas. Ainsi le discours d'Etienne, qui fait apparaître une tout autre "théologie", violemment anti-temple, et reflète sans doute la pensée d'un "milieu" particulier, assurément "hellénistique", quoique sans rapport aucun avec ce que les Actes nous disent par ailleurs des "Hellénistes".
Pour rappel, quand je parle de "proto-christianismes", j'entends par là une appellation rétrospective et strictement anachronique: de l'immense diversité du "judaïsme" du Ier siècle et de ses marges (en Samarie, en Galilée, dans l'ensemble de l'empire romain et même au-delà, notamment vers l'Orient, débordant un peu partout le cadre de l'ethnos juif par l'attraction de prosélytes et de sympathisants ou "craignant-Dieu"; un judaïsme donc très majoritairement hellénophone, aramaïsant seulement en Orient, bien plus en Mésopotamie ou en Perse qu'en Palestine), c'est toute une poussière ou une nébuleuse de traditions éparses et diverses qui a fini par se rassembler et se fédérer autour de deux noyaux opposés l'un à l'autre, l'"Eglise chrétienne" et la "Synagogue pharisienne". Mais ces éléments, au cours de leur trajectoire réelle, tant qu'ils étaient "vivants", relativement distincts et indépendants les uns les autres, ne se considéraient pas plus comme "chrétiens" que comme "pharisiens".
C'est dire que quand on veut trouver une correspondance "historique", non aux "Hellénistes" des Actes en général qui sont une fiction, mais à des fragments de théologie originale comme ceux du discours d'Etienne, il faut plutôt les chercher dans un judaïsme hellénistique comme celui de Philon d'Alexandrie. Non que la théologie d'Etienne corresponde à celle de Philon: elle correspondrait plutôt aux adversaires judéo-hellénistiques que Philon mentionne ici et là et qu'il réprouve, mais dont il atteste du même coup l'existence: ceux qui vont "plus loin" que lui en tirant parti de la lecture allégorique et morale de la Torah pour en rejeter l'application littérale, rituelle, dont le temple même est le centre. Entre ces "ultra-philoniens" tels qu'on peut les deviner par les textes de Philon et l'"Etienne" des Actes, en effet, la ressemblance serait frappante. Et bien sûr cette "tendance" anti-rituelle du judaïsme (elle même infiniment variable dans ses théories et dans ses pratiques) n'existait pas seulement en Egypte, mais partout où la culture hellénistique était dominante: non seulement dans toute la diaspora romaine, aussi bien en Samarie qu'en Galilée ou même en Judée, bien qu'elle fût contrée par beaucoup d'autres en tout genre (sadducéens surtout à Jérusalem, pharisaïsme aussi en Galilée, "esséniens", "hénochiens" ou "qoumrâniens" ailleurs).
Dans une perspective complètement différente de celle des Actes, les textes "johanniques" aussi récupèrent en partie cette "tendance" et bien d'autres; en Samarie sans doute dans les premières strates de la rédaction du quatrième évangile, mais aussi en Galilée et en Judée, et beaucoup plus loin si l'on en juge par sa réception (en Egypte comme en Asie Mineure p. ex). En ce qui concerne les références à la Samarie et aux Samaritains, il faut de surcroît faire la part des choses entre ce qui relève éventuellement du vestige historique et ce qui relève du cliché, commun d'ailleurs à Luc-Actes et à Jean en dépit de tout ce qui les sépare: le "bon Samaritain" du christianisme n'est jamais que le retournement du "mauvais Samaritain" du judaïsme (pharisien ou autre). |
| | | free
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Mer 11 Aoû 2021, 15:44 | |
| - Citation :
- Dans une perspective complètement différente de celle des Actes, les textes "johanniques" aussi récupèrent en partie cette "tendance" et bien d'autres; en Samarie sans doute dans les premières strates de la rédaction du quatrième évangile, mais aussi en Galilée et en Judée, et beaucoup plus loin si l'on en juge par sa réception (en Egypte comme en Asie Mineure p. ex). En ce qui concerne les références à la Samarie et aux Samaritains, il faut de surcroît faire la part des choses entre ce qui relève éventuellement du vestige historique et ce qui relève du cliché, commun d'ailleurs à Luc-Actes et à Jean en dépit de tout ce qui les sépare: le "bon Samaritain" du christianisme n'est jamais que le retournement du "mauvais Samaritain" du judaïsme (pharisien ou autre).
Les évangiles nous dépeignent des attitudes différentes de Jésus à l'égard de la Samarie. En Mt 10,5 nous retrouvons l’injonction suivante : " Ne partez pas sur le chemin des non-Juifs, et n'entrez pas dans une ville de Samaritains ; allez plutôt vers les moutons perdus de la maison d'Israël". L'évangile de Luc qui ne rapporte pas l'ordre de Mt 10,5 indique que Jésus avait eu l'intention de faire au moins une halte en Samarie au moment où il se rend à Jérusalem : " Comme arrivaient les jours où il allait être enlevé, il prit la ferme résolution de se rendre à Jérusalem et il envoya devant lui des messagers. Ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains, afin de faire des préparatifs pour lui. Mais on ne l'accueillit pas, parce qu'il se dirigeait vers Jérusalem.Quand ils virent cela, les disciples Jacques et Jean dirent : Seigneur, veux-tu que nous disions au feu de descendre du ciel pour les détruire ? Il se tourna vers eux et les rabroua. Et ils allèrent dans un autre village" (Luc 9,51ss). Lorsque les disciples, en présence du refus des Samaritains de le recevoir, lui demandent de faire descendre sur eux le feu du ciel, Jésus les reprend. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Jeu 12 Aoû 2021, 00:37 | |
| Matthieu ne montre pas d'intérêt particulier pour la Samarie ni pour les Samaritains (il n'en était pas du tout question dans Marc): 10,5 est leur unique mention, négative et accessoire, dans cet évangile. -- Pour rappel, Samaritains à part, le propos du chapitre est tout à fait étonnant, surtout quand on le compare à sa "source" (Marc 3,13ss), car il donne la mission des disciples pour définitivement cantonnée à Israël (cf. v. 23, jusqu'à la venue du Fils de l'homme), en contradiction flagrante avec la suite du récit (où Jésus lui-même entre en contact avec des non-Juifs, plus ou moins malgré lui, suivant la trame narrative de Marc: ainsi la "Syro-Phénicienne" devenue "Cananéenne"; avant même les expressions aggravées -- par rapport à Marc -- du rejet et du remplacement d'Israël, chap. 21, et la mission ultime à toutes les nations, 28,18ss, qui répond encore aux mages de la Nativité, aux "païennes" de la généalogie, et à maintes autres références aux "nations" dans le cours du texte, p. ex. "Galilée des nations"). C'est naturellement le genre de chose sur lequel se sont précipités les historiens du christianisme primitif, surtout dans la veine "évolutionniste" du XIXe siècle, trop contents de trouver là une trace d'un "proto-christianisme" exclusivement juif, qui n'envisageait même pas son extension aux "païens", et d'en faire LE "christianisme originel" directement sorti de la bouche d'un "Jésus historique". Mais cette théorie est sérieusement battue en brèche par l'analyse littéraire montrant que Matthieu multiplie à dessein les invraisemblances historiques, jusqu'à la scène de "fin du monde" avec résurrection générale à la crucifixion (chap. 27): on aurait plutôt affaire à des exemples d'"uchronie" avant la lettre, par définition "incroyables" parce qu'ils ne sont précisément pas faits pour être "crus" dans un sens "réaliste" (voir éventuellement ici, à partir du 6.4.2021). Chez Luc en revanche, les Samaritains sont une référence récurrente, par inversion systématique du "cliché juif", pharisien ou autre (tout simplement juif pour un auteur qui ne fait plus la différence): en 9,51ss ce sont les disciples qui réagissent comme des "pharisiens" (ou "juifs") et qui sont rabroués en conséquence (les Samaritains sont pour ainsi dire "excusés" de leur inhospitalité par l'indication que Jésus se dirige vers Jérusalem, c.-à-d. vers les rivaux dominants et à l'occasion persécuteurs); au chapitre 10 c'est le "bon Samaritain" opposé en parabole au prêtre et au lévite; au chapitre 17 c'est encore un Samaritain qui est le modèle de la gratitude. Bien entendu, les "Samaritains" ne sont là que des prototypes des "païens" (celui du chapitre 17 est typiquement qualifié d'"étranger", allogenès, ce qui est un contresens "ethnique" mais bien dans la ligne du "cliché" remontant à 2 Rois 17) qui vont fournir le gros des troupes de "l'Eglise" dans les Actes (le chapitre 8 constitue, selon le programme de 1,8, une phase intermédiaire et préparatoire à la conversion du Romain Corneille au chap. 10, qui ouvre la voie vers Rome et la totalité de l'empire). Pour revenir à Jean dont nous sommes partis, 8,48 est l'unique mention des Samaritains hors du chapitre 4, et c'est encore une reprise (ironique) du "cliché" sur le registre de l'insulte populaire où tout se vaut (Samaritain <=> bâtard <=> démoniaque <=> fou, cf. v. 52; 7,20; 8,41.48s.52; 10,20s). Les références à la "Galilée" sont beaucoup plus massives (1,43; 2,1.11; 4,3.43ss; 6,1; 7,1.9 etc.), et à l'occasion également ironiques (7,41.52; cf. 1,46 etc.). En ce qui concerne plus précisément et plus positivement 4,35ss, les comparaisons intertextuelles seraient sans doute plus fécondes que les devinettes historico-géographiques, puisque les images des "semailles" et de la "moisson" en général abondent dans toute la Bible et dans tous les sens possibles; noter que c'est parfois le maître des paraboles qui moissonne où il n'a pas semé (cf. Matthieu 25,24ss // Luc 19,22 et, dans un sens tout à fait négatif, Michée 6,15 ou Job 31,8 ).
Dernière édition par Narkissos le Jeu 12 Aoû 2021, 11:06, édité 1 fois |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Jeu 12 Aoû 2021, 11:03 | |
| Le Samaritain :
La Samarie, patrie de Jésus
Le même évangile décrit aussi le départ de Jésus de la Samarie : « Après ces deux jours, Jésus partit de là pour se rendre en Galilée. Il avait, en effet, avoué lui-même qu’un prophète n’est pas honoré dans sa propre patrie » (Jn 4:43-44).
Cette dernière affirmation est surprenante : quelle est la « propre patrie » de Jésus, la Samarie ou la Galilée ? Logiquement, on doit affirmer que c’est la Samarie : Jésus en effet n’y reste que deux jours et la quitte car il sait bien qu’un prophète n’est pas honoré dans sa patrie. Mais, dira-t-on, la Samarie n’est pas sa patrie puisqu’elle l’a honoré pendant son séjour. Une chose était pour lui de passer par sa patrie et de la visiter après une absence, une autre d’y rester après s’être manifesté comme prophète. Sans doute aurait-il dû se manifester toujours comme prophète et répondre aux exigences du peuple, mais il aurait suffi d’une faiblesse, d’un recul, de ne pas donner satisfaction à une exigence, pour que le peuple ne le reconnaisse plus qu’à la lumière de son image originelle.
Ce sens est confirmé dans les évangiles de Marc et de Matthieu, où nous trouvons dans la bouche de Jésus cette même expression, mais à Nazareth (Mc 6:4 ; Mt 13:57). Personne ici ne conteste que la patrie de Jésus soit précisément Nazareth, les deux évangélistes l’affirment explicitement (Mc 6:1 ; Mt 13:54). La patrie n’est pas le pays où Jésus va, mais celui qu’il quitte. Mais comment l’auteur du quatrième évangile peut-il affirmer que la patrie de Jésus est la Samarie, alors qu’il dit lui-même qu’il est de Nazareth (Jn 1:45-46) ? D’une part, on ne trouve pas dans le quatrième évangile que Nazareth ou la Galilée soient « sa patrie », d’autre part l’origine de Jésus était trop ambigüe pour pouvoir lui assigner une patrie déterminée. En effet Matthieu, tout en affirmant que sa patrie est Nazareth, fait naître Jésus à Bethléem, l’insérant dans une descendance davidique, donc Judéenne. Luc se comporte de façon analogue.
On peut donc affirmer que, si Nazareth était le domicile de Jésus, il n’y était cependant pas né mais, du fait que Bethléem n’est sa ville natale que par rapport aux Écritures, le lieu de sa naissance est ailleurs. Le quatrième évangile, par l’énigme de l’allégorie, nous désigne le véritable lieu de naissance de Jésus : la Samarie.
http://alain.auger.free.fr/t763300-evangile-de-jean-la-samarie-patrie-de-jesus.htm#debtex |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Jeu 12 Aoû 2021, 11:58 | |
| N.B.: J'ai rajouté un dernier petit paragraphe à mon post précédent.
Comme tu l'auras compris, ma lecture des évangiles en général, et de Jean en particulier, se situe aux antipodes de ce type d'enquête historico-géographique sur le "Jésus historique". Indépendamment de la méthode, des hypothèses et des conclusions (celles-ci me semblent en l'occurrence particulièrement foireuses, mais peu importe), la démarche même me paraît un contresens absolu, surtout par rapport au quatrième évangile qui n'a de cesse de situer l'origine de son "Jésus" hors de toute histoire et de toute géographie: *il* vient du "ciel", d'"en-haut", du "Père", justement pas d'un lieu "terrestre" (géo-graphique de gè = terre; cf. les références ironiques à la Galilée et à Nazareth dans mon post précédent, que le texte laisse ostensiblement sans réponse), ni même d'un "temps" particulier (cf. notamment le chapitre 8, d'où l'on a aussi tiré l'idée d'un Jésus quadragénaire, alors que le texte le situe aussi bien, et expressément, d'"avant Abraham"). A vrai dire on retrouverait la même idée d'origine transcendante dès l'évangile de Marc, par le moyen de "l'esprit" opposé à toute "origine humaine" (que ce soit celle de la famille de Nazareth ou du "fils de David"). Bien sûr, entre-temps, les récits (formellement contradictoires) de la Nativité (Matthieu et Luc) auront quelque peu brouillé les pistes, quoique là encore l'idée de naissance ou de conception "virginale" soit une autre façon de dire la même chose.
Personnellement, je comprends plutôt la référence accessoire (glose peut-être, parenthèse en tout cas) et proverbiale à la "patrie du prophète" en Jean 4,44 comme une allusion à la tradition synoptique (Marc 6,1ss // Matthieu 13,53ss // Luc 4,16ss), donc à la Galilée; qui anticiperait sur les rejets à venir dans cette région plutôt qu'elle ne se référerait à l'accueil précédent (et favorable !) en Samarie. Comme on sait, l'essentiel des "signes" du Jésus johannique se situe en Judée, à l'exception initiale, notable et régulièrement rappelée de Cana (chap. 2; 4,46; 21,2): l'"officier royal" de 4,46ss (noter le "deuxième signe" au v. 54, référence probable à Cana comme "premier signe") n'est pas présenté comme Galiléen (ni même comme Juif: le "modèle" de Matthieu 8 // Luc 7 est centurion), et le chapitre 6 illustre au contraire l'incapacité des "signes" à produire la "foi". |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Jeu 12 Aoû 2021, 15:52 | |
| - Citation :
- En ce qui concerne plus précisément et plus positivement 4,35ss, les comparaisons intertextuelles seraient sans doute plus fécondes que les devinettes historico-géographiques, puisque les images des "semailles" et de la "moisson" en général abondent dans toute la Bible et dans tous les sens possibles; noter que c'est parfois le maître des paraboles qui moissonne où il n'a pas semé (cf. Matthieu 25,24ss // Luc 19,22 et, dans un sens tout à fait négatif, Michée 6,15 ou Job 31,8 ).
"Ne dites-vous pas, vous, qu'il y a encore quatre mois jusqu'à ce que vienne la moisson ? Eh bien, je vous le dis, levez les yeux et regardez les champs : ils sont blancs pour la moisson. Déjà le moissonneur reçoit un salaire et recueille du fruit pour la vie éternelle, pour que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. En cela, en effet, ce qu'on dit est vrai : L'un sème, l'autre moissonne. Moi, je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté, à vous, aucun travail ; d'autres ont travaillé, et vous, vous êtes arrivés pour recueillir le fruit de leur travail" (4,35-38) . Les champs suggèrent la comparaison avec les champs de mission. L'image est courante dans les évangiles comme en Mat 9, 37-38 sur la moisson et les ouvriers : "Alors il dit à ses disciples : La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson". D'une manière très particulière, le Jésus de Jean 4, souligne l'idée que lorsqu'il s'agit des champs au sens propre, un certain laps de temps doit s'écouler entre les semailles et la moisson; pour les champs de la mission, il n'en est pas ainsi, le temps des semailles et celui de la moisson coïncident : "le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble". |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Jeu 12 Aoû 2021, 16:22 | |
| On peut même dire, si l'on ne rechigne pas à la banalité anthropologique, que la quasi-totalité de notre "culture", et notamment son rapport au "temps" et à l'"espace", proviennent de l'agriculture et de sa différence par rapport à la cueillette, la chasse, la pêche ou même l'élevage, avec ce qu'elle implique de décalage et de délai, saisonnier et cyclique (cf. Genèse 8,22 ou Ecclésiaste 3,2), entre le travail (labour, semailles, etc.) et son résultat (récolte), outre la nécessité de ne pas tout consommer pour semer à nouveau. De là aussi l'attachement au lieu (sédentarisme vs. nomadisme, Caïn et Abel p. ex.), et le "culte" qui est d'abord service des morts (ensevelis comme semés dans le sol même d'où lève la récolte) avant d'être service des "dieux", lesquels assument d'emblée les mêmes fonctions, jusqu'au bout de leur dérive métonymique (de la fécondité-fertilité à la "résurrection" ou à la "vie éternelle"). La fameuse condamnation à "manger son pain à la sueur de son front", à la fin du récit de l'Eden, implique en fait, dans le "temps réel", des millénaires de "culture" humaine, à commencer par la domestication des céréales -- chose dont les auteurs comme les lecteurs-auditeurs, tout du moins jusqu'à l'époque moderne, sont bien sûr totalement inconscients, puisque pour eux les animaux et les végétaux "domestiques" sont d'emblée "créés" tels, distincts des "sauvages".
Chez Matthieu, la "moisson" est tantôt présente (9,37s), tantôt future (la "fin du monde", et alors les "moissonneurs" ce sont les "anges", 13,30.39ss.49; cf. 16,27; 21,34.41; 24,31; 25,31); à l'inverse, les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent sont aussi des modèles (6,26). En Jean 4,35ss la coïncidence remarquable des semailles et des moissons peut aussi rappeler bien des analogies littéraires (p. ex. Amos 9,13 ou le psaume 126). |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Ven 13 Aoû 2021, 14:06 | |
| Jésus et la Samaritaine (Jean 4). Utilité de l'Ancien Testament
Sommaire. — Une première lecture de Jn 4 bute sur de nombreuses difficultés en ce qui concerne la trame du récit. Le lien entre les différentes parties du dialogue de Jésus avec la Samaritaine et avec les disciples est loin d'être évident. Un recours à la «scène typique» de la rencontre auprès du puits (Gn 24; 29, 1-14; Ex 2, 14-22) et à F oracle de Os 2, 4-25, où Dieu condamne, puis appelle à la conversion son épouse infidèle (Israël), permet de résoudre quelques-unes de ces difficultés. Le fil conducteur est le thème des épousailles ou des retrouvailles entre Dieu et son peuple.
Tout ceci se retrouve à l'arrière-fond du récit johannique, mais avec une pointe particulière. Jésus cite d'abord une sorte de proverbe : «Ne dites-vous pas: 'Encore quatre mois et ce sera la moisson'? Voici que je vous dis: 'Levez les yeux et regardez les champs, ils sont déjà blancs pour la moisson!'» Ç4, 35). En Israël, la moisson commence en avril-mai. Le mois d'avril s'appelle d'ailleurs le mois des «épis». Quatre mois plus tôt, c'est le mois de décembre, en plein hiver. En fait, les semailles viennent de se terminer. L'écart normal entre les semailles et la moisson est d'environ quatre mois. Par contraste, Jésus parle d'une moisson qui est déjà mûre, parce qu'elle suit presque immédiatement les semailles. De quelle moisson parle-t-il? Il ne peut s'agir que des Samaritains qui viennent vers lui pour savoir s'il est le Messie tandis qu'il parle avec ses disciples. La disposition du récit révèle ici toute son importance. Les deux scènes se déroulent simultanément et c'est ce qui permet de comprendre pourquoi les Samaritains venant à Jésus représentent la «moisson» de la Samarie qui retrouve son vrai mari et sa fertilité. Le retour au vrai mari est symbolisé par l'image d'une terre qui porte une abondante moisson.
Au début, le récit met en scène une femme dont la vie tourmentée en vient peu à peu à représenter son peuple et sa terre. C'est pourquoi, à ce stade, le récit ne dit pas exactement que la femme a retrouvé son mari. Ce sont les Samaritains qui viennent trouver Jésus et ce sont eux qui jouent le rôle le plus important dans la finale. En fait, ils prennent le relais, parce qu'ils jouent à présent le rôle dévolu à la future épouse dans les récits de rencontre auprès du puits. Il y a donc «permutation» de rôle.
«Et il resta là deux jours» (4, 40)
Le récit de la conversation entre Jésus et ses disciples {4, 31-38) est suivi d'un verset de «reprise» (4, 39) qui relie la dernière scène, la conversion des Samaritains (4, 39-42), aux vv. 29-30, où la femme invite les Samaritains à venir voir Jésus parce que ce dernier lui a dit tout ce qu'elle avait fait. Après l'intermède {4,31-38), le récit reprend donc le fil principal de la trame.
Par ailleurs, la juxtaposition des versets 38 et 39 crée un effet particulier qui confirme, si besoin en était, le lien étroit entre la «moisson» et la «foi» des Samaritains. Jésus dit en effet: «Je vous ai envoyés moissonner là où vous n'avez pas peiné. D'autres ont peiné et vous, vous récoltez le fruit de leur peine» (4, 38). Immédiatement après, le narrateur poursuit: «Et de cette ville, beaucoup de Samaritains crurent en lui [Jésus] à cause des paroles de la femme qui attestait: 'II m'a dit tout ce que j'ai fait'» {4, 39). La juxtaposition des phrases suggère immanquablement le rapprochement entre le langage symbolique de la moisson et les réalités qu'il vise, c'est-à-dire la conversion et la foi des Samaritains".
Ensuite, comme dans les récits de rencontre auprès du puits, Jésus est invité à rester chez ses hôtes. Nous sommes donc bien retournés au schéma traditionnel. Il manque uniquement le dernier élément, c'est-à-dire le mariage. En lieu et place, le récit se conclut par une profession de foi: «Nous savons qu'il est vraiment le sauveur du monde» (4, 42).
D'une part, Jn 4 reprend la structure d'une rencontre de futurs époux auprès du puits. De l'autre, le récit recourt incessamment à Osée 2, l'histoire d'une épouse infidèle. Où situer la Samaritaine ? Bien sûr, du côté de l'épouse infidèle. En effet, les rencontres auprès du puits mettent en scène des jeunes filles non mariées. Gn 24 est explicite à ce sujet: «La jeune fille [Rébecca] était toute charmante à voir, elle était vierge et nul homme ne l'avait connue» (v. 16). En d'autres termes, Rebecca est la candidate idéale pour devenir l'épouse d'Isaac. La Samaritaine se trouve dans une situation bien différente. Le problème, pour elle, n'est certainement pas de trouver un mari, mais plutôt de mettre de l'ordre dans sa vie. Il lui faut retrouver son seul vrai mari, comme la Samarie doit trouver ou retrouver son seul vrai Dieu. L'acte de foi final n'est-il pas, dans ce cas, la conclusion logique et adéquate du récit? Et si la rencontre avait commencé dans des circonstances inhabituelles, à midi et à l'insu de tous, c'était pour la même raison. Il ne s'agissait pas d'aller chercher une épouse auprès du puits, ce qui se fait le soir. Il s'agissait bien plutôt de «parler au cœur» de l'épouse infidèle pour la ramener à son seul vrai mari (cf. Os 2, 16). Dans ce cas, il ne peut y avoir de mariage, puisqu'il a déjà eu lieu, il y a bien longtemps, entre Dieu et son peuple de Samarie. Jésus vient restaurer ce mariage ou cette alliance brisée et les Samaritains sont les premiers à révéler les profondeurs insoupçonnées de ce salut qui s'étend désormais à tout l'univers {4, 42; cf. 4, 21-26). https://www.nrt.be/fr/articles/jesus-et-la-samaritaine-jean-4-utilite-de-l-ancien-testament-415 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les semeurs, les moissonneurs et les "autres" Ven 13 Aoû 2021, 15:32 | |
| Bonne étude, qui montre toutefois que dans ce type de commentaire mi-historique, mi-littéraire, mi-théologique et j'en passe (ça fait déjà au moins un mi- de trop, mais on va faire comme Pagnol avec les tiers), l'écart entre l'analyse d'un excellent exégète (comme J.L. Ska, bien qu'il soit plutôt spécialiste de l'AT) et le sermon du dimanche d'à peu près n'importe quelle paroisse est très limité: même le TdJ moyen, avec les seuls commentaires de la Watch pompés dans l'abondante vulgarisation protestante américaine, connaît à peu près toutes les "clés" d'interprétation du texte qui sont rabâchées un peu partout depuis au moins deux siècles. Et personne n'est cependant à l'abri des imprudences de lecture (où Ska lit-il, p. ex., que la Samaritaine refuse à Jésus l'eau qu'il lui demande ?).
Il ne fait pas de doute à mon sens que ce chapitre, comme une bonne partie de la première grande section (ou édition) du quatrième évangile (chap. 1--12), dans une certaine mesure aussi du récit de la Passion (chap. 18--19), puise dans des traditions "palestiniennes" (judéennes surtout, mais aussi galiléennes et samaritaines), et davantage encore dans la littérature "biblique" (c'est beaucoup moins vrai des développements ultérieurs, dans ces chapitres mêmes et dans la section intermédiaire, chap. 13--17). Mais je me demande quand même si l'explication de l'évangile selon Jean par l'AT, si justifiée qu'elle puisse paraître dans le détail ici ou là, n'aboutit pas à des contresens bien plus graves: il me semble que le propos du Jésus johannique, quel que soit son contexte narratif, n'est absolument pas de ramener des lecteurs "juifs" au sens le plus large du terme (judéens, samaritains, galiléens ou d'une diaspora quelconque) au "Dieu d'Israël" -- rien que les v. 23s de ce chapitre montrent que ce qui est visé est sans commune mesure autant avec "Jérusalem" qu'avec "cette montagne" (Garizim), autant avec "les juifs-judéens" (dont "Jésus" ne cesse de se dissocier, comme de "leur loi") qu'avec les Samaritains. Cela vaut à plus forte raison pour les destinataires de l'évangile complet, très majoritairement non-Juifs, ignorants aussi bien des subtilités des traditions palestiniennes que de la "Bible juive", même en traduction grecque, hormis une poignée de citations. Là encore, l'excès du "savoir" moderne, qui peut aisément consulter et mettre en relation des textes et des informations inaccessibles aussi bien aux auteurs-rédacteurs qu'aux premiers lecteurs-auditeurs, aurait plutôt tendance à nuire à l'exégèse (si celle-ci vise précisément à comprendre ce que pouvaient comprendre les "destinataires", et non davantage). |
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