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| Fierté, suffisance et confiance en soi | |
| | Auteur | Message |
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free
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| Sujet: Fierté, suffisance et confiance en soi Ven 17 Sep 2021, 10:58 | |
| "Etant donc justifiés en vertu de la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ ; c'est par son entremise que nous avons eu, par la foi, accès à cette grâce dans laquelle nous nous tenons, et que nous mettons notre fierté dans l'espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté dans les détresses, sachant que la détresse produit l'endurance, l'endurance une fidélité éprouvée, et une fidélité éprouvée l'espérance. Or l'espérance ne rend pas honteux, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans notre cœur par l'Esprit saint qui nous a été donné" (Rm 5,1-5).
La TOB traduit : « Par lui nous avons accès, par la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis et nous mettons notre fierté dans l’espérance de la gloire de Dieu.» J-M Martin traduit par "suffisance" le mot kaukhêma qui est souvent traduit par "orgueil" ou "fierté". J-M Martin a précisé une fois : « C'est est un mot très fréquent dans la deuxième épître aux Corinthiens, et il se trouve dans l'épître aux Romains. Là aussi il y a l'oreille pour entendre. Le mot "suffisant" est une assez bonne traduction car elle a à la fois le sens moral d'être suffisant et aussi d'avoir en soi de quoi suffire à. C'est l'invitation à penser que, si le mot Dieu a un sens, il est le décèlement bienheureux que ce n'est pas au titre de mes propres ressources, mais au titre de la donation qu'il donne à moi même, que je peux me tenir devant lui. » |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Ven 17 Sep 2021, 11:45 | |
| Je suppose que ça vient d'ici (note 5, p. 3). Nous avons déjà évoqué (dernièrement ici, à propos de Jacques 2,13) cette famille de termes ( kaukhaomai, kata-kaukhaomai, kaukhèsis, kaukhèma etc.), dont l'usage néotestamentaire est en effet surtout paulinien (et accessoirement post-, simili- ou même anti-paulinien, dans le cas de Jacques: 1 Corinthiens 1,29.31; 3,21; 4,7; 5,6; 9,15s; 2 Corinthiens 1,12.14; 5,12; 7,4.14; 8,24; 9,2ss; 10,8.13.15ss; 11,10.12.16s.18.30; 12.1.5s.9.11; Romains 2,17.23; 3,27; 4,2; 5,2s.11; 11,18; 15,17.31; Galates 6,4.13s; Philippiens 1,26; 2,16; 3,3; 1 Thessaloniciens 2,19; 2 Thessaloniciens 1,4; Ephésiens 2,9; Hébreux 3,6; Jacques 1,9; 2,13; 3,14; 4,16). Les bibles traditionnelles disaient "(se) glorifier (de)", ce qui entraînait une confusion regrettable avec le vocabulaire de la "gloire" ( doxa, doxazô etc.): on pourrait dire aussi bien "s'enorgueillir" ou "se vanter" (de), si l'orgueil, la vantardise ou la vanité n'étaient pas péjorativement connotés. La "fierté" (option de la NBS, "être fier [de]", "faire le fier", etc.) est assez commode parce qu'elle est moralement neutre ou ambiguë (justifiée ou pas, "bien placée" ou non). Je ne suis pas sûr que la notion de "suffisance" (aussi péjorative en français) soit adéquate, d'autant qu'elle se confondrait encore avec d'autres termes (p. ex. hikanos etc. pour capable, apte, compétent, qualifié, habilité etc., cf.notamment 2 Corinthiens 3ss à propos du "service" ou "ministère" de la "nouvelle alliance"). Il y a d'autre part une connotation d'exaltation, d'exultation ou d'exubérance, une tonalité joyeuse en somme, qu'à mon sens elle rendrait encore moins bien que la "fierté". Au-delà du lexique, c'est un thème qui intéresse particulièrement les exégètes et les théologiens au contact de la psychologie ou de la psychanalyse, parce qu'il semble contredire, compenser ou contrebalancer tout ce qui (dans le paulinisme notamment) tend à l'humilité ou à l'humiliation, à l'abaissement, à la mort ou à la mortification, au renoncement, au reniement, à la négation ou à la dénégation de "soi". L'essentiel étant bien sûr dans la pirouette ou le tour de passe-passe du "soi" qui se nie pour se rétablir ou se ressaisir autrement, "en Dieu", "en Christ", "dans le Seigneur", "en esprit", etc. |
| | | free
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Ven 17 Sep 2021, 12:51 | |
| - Citation :
- Je suppose que ça vient d'ici.
Merci, effectivement j'ai oublié de'indiquer le lien. " Nous n'oserions pas nous égaler ou nous comparer à quelques-uns de ceux qui se recommandent eux-mêmes. D'ailleurs, en se mesurant à leur propre mesure et en se comparant à eux-mêmes, ceux-là manquent d'intelligence. Quant à nous, nous ne voudrions pas faire les fiers hors de toute mesure ; nous prendrons au contraire pour mesure le domaine que Dieu nous a départi en nous faisant parvenir aussi jusqu'à vous. Nous ne dépassons pas nos limites, comme si nous n'étions pas parvenus jusqu'à vous ; car c'est bien jusqu'à vous que nous sommes arrivés avec la bonne nouvelle du Christ. Nous ne mettons pas, hors de toute mesure, notre fierté dans les travaux d'autrui. Mais nous avons l'espérance, si votre foi augmente, de devenir encore plus grands parmi vous, dans notre propre domaine, en annonçant la bonne nouvelle dans les régions situées au-delà de chez vous, au lieu de mettre notre fierté en ce qui a déjà été fait dans le domaine d'autrui. Que le fier mette sa fierté dans le Seigneur ! Car ce n'est pas celui qui se recommande lui-même qui est approuvé, c'est celui que le Seigneur recommande" (2 Cor 10, 12 ss). Paul insiste pour une prise en considération de son ministère apostolique, il doit faire valoir son autorité mais il ne doit pas le faire outre mesure et il ne doit pas se faire valoir lui-même. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Ven 17 Sep 2021, 14:21 | |
| A noter tout de même qu'ici les "grands principes", théologiques ou christologiques, sont mobilisés au service de considérations très "terre-à-terre", pour ne pas dire sordides -- en l'espèce, "territoriales": c'est la concurrence générale de toutes les "missions judéo-chrétiennes" (au sens inclusif du double adjectif, pour autant que la frontière n'est pas encore claire entre judaïsme[s] et christianisme[s]), dans l'ensemble de la diaspora juive et de ses marges, dans tout l'empire romain au moins, qui implique des rapports de force différenciés d'un lieu et d'un milieu à l'autre, des conflits et des négociations, de la stratégie et de la diplomatie entre les différents acteurs et "mouvements", donc aussi entre les "doctrines"... Cf. les rapports tout aussi complexes entre "Paul", "Céphas", "Apollos", et sans doute bien d'autres "apôtres" dans la Première aux Corinthiens (1,12; 3,4.ss22; 4,6.9; 9,1ss; 12,28s; 15,5ss; 16,12), qui sont aussi sensibles dans la Seconde (notamment chap. 11--12). Le texte-clé de Jérémie 9,22s était déjà cité verbatim, d'après la Septante et avec le verbe kaukhaomai au sens de "se vanter", en 1 Corinthiens 1,31, et il faut sans doute l'entendre bien plus souvent en arrière-fond des emplois paradoxaux ou dialectiques de ce vocabulaire chez "Paul" -- se vanter, être fier non simplement de "soi", mais quand même de "soi" en Dieu, dans le Christ, dans l'esprit, etc. |
| | | free
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Ven 17 Sep 2021, 15:30 | |
| "En effet, frères, nous ne voulons pas que vous ignoriez la détresse que nous avons connue en Asie : nous avons été accablés à l'extrême, au-delà de nos forces ; nous désespérions même de rester en vie. En nous-mêmes, nous avions accepté notre arrêt de mort ; c'était pour que nous ne mettions pas notre confiance en nous-mêmes, mais dans le Dieu qui réveille les morts" (2 Co 1,8-9).
"c'est par son entremise que nous avons eu, par la foi, accès à cette grâce dans laquelle nous nous tenons, et que nous mettons notre fierté dans l'espérance de la gloire de Dieu" (Rm5,2).
"Quant à moi, jamais je ne mettrai ma fierté en rien d'autre que dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde !" (Ga 6,14).
A priori, il y aune opposition entre deux "fierté" ou "confiance en soi", d'une part il est question de la fierté de l'homme séparé de Dieu et d'autre part, Paul fait allusion à une fierté bonne et nécessaire. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Ven 17 Sep 2021, 15:49 | |
| En 2 Corinthiens 1,8s c'est un autre lexique, rhétorique, celui de la "persuasion" ou de la "conviction", peithô (etc.), qui est souvent employé en parallèle avec pisteuô, pistis, "foi, confiance, fiabilité, crédibilité" (etc.) -- ici c'est l'épreuve et le secours divin qui "persuadent" et renforcent la foi. Pendant qu'on y est, on pourrait aussi en rapprocher la parrèsia stoïcienne, "assurance, franchise, liberté de parole", dont on a parlé ici et qui a également un côté rhétorique, politique ou judiciaire (libre expression du citoyen dans l' ekklèsia ou l' agora, et de toutes les parties au tribunal). Au-delà du vocabulaire et des images, c'est toujours le même je(u), d'un "moi" ou d'un "soi" qui se nie, se dénie ou se renie pour s'affirmer à nouveau, à chaque fois autrement, toujours le même pourtant. A bien y réfléchir, un "je", un "moi", un "soi" ou un "nous" n'est jamais constitué, dans *sa* durée, dans *sa* continuité comme dans *ses* changements, que de ce jeu-là, d'abandon et de reprise de "soi". "Paul" le place d'emblée au coeur de sa "doctrine", en quoi on peut voir aussi bien un "trait de génie" qu'un "symptôme" de sa propre "psychologie"; avec toutefois des variations significatives au fil des textes: ainsi la "fierté" paradoxale de la " croix", normalement sujet de honte suprême (1 Corinthiens ou Galates), se dédouble dans l'épître aux Romains en "fierté" positive de la résurrection, de l'esprit, de l'espérance, de la gloire, etc., et en "fierté" à nouveau paradoxale des épreuves, persécutions, humiliations, etc. Ainsi le jeu se relance, se prolonge ou se répète, dans l'"existence" et dans l'"histoire" comme dans le "mythe" ou dans le "rite". |
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Lun 20 Sep 2021, 10:52 | |
| "Car notre fierté, c'est le témoignage de notre conscience : nous nous sommes conduits dans le monde, et surtout à votre égard, avec une simplicité et une sincérité qui viennent de Dieu ; non pas avec la sagesse de la chair, mais avec la grâce de Dieu. Nous ne vous écrivons pas autre chose que ce que vous lisez et comprenez. J'espère que vous comprendrez pleinement, comme vous l'avez déjà compris en partie, que nous sommes votre motif de fierté, et vous le nôtre, au jour de notre Seigneur Jésus". ( 2 Co 1,12-14).
Chez Paul, on retrouve cette de notion de fierté l'un pour l'autre, cette possibilité de citer l'autre en exemple, d’exploiter, en quelque sorte ses expériences :
"Je connais en effet votre ardeur, dont je fais ma fierté devant les Macédoniens : l'Achaïe est prête depuis l'année dernière, et votre passion a stimulé la plupart" (2 Co 9,2).
Même si Paul craint un peu, que cette belle assurance ne soit pas aussi réellement fondée que'il affirme :
"J'envoie les frères, pour que la fierté que nous avons montrée à votre sujet ne soit pas réduite à néant sur ce point-là, et que vous soyez prêts, comme je l'ai dit ; de peur que, si les Macédoniens m'accompagnent et ne vous trouvent pas prêts, la situation ne tourne à notre honte — pour ne pas dire à la vôtre" (2 Co 9,3-4). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Lun 20 Sep 2021, 11:41 | |
| Pour rappel, le "nous" et le "vous" pauliniens ne sont pas toujours équivalents: ils sont souvent différenciés et asymétriques, et leur rapport n'est alors pas de simple réciprocité égalitaire (comme dans le "les uns les autres" johannique), surtout dans 2 Corinthiens: il y a "les apôtres" ("nous") et "les autres" ("vous") qui ne se confondent pas, les seconds étant censés bénéficier de l'action (missionnaire, enseignante) et de la passion (souffrance, sacrifice) des premiers, et leur en être reconnaissants, ce qui se traduit aussi financièrement, au-delà de la réception, de l'accueil ou de l'hospitalité -- notamment par la "collecte" des chap. 8--9 (cf. 1 Corinthiens 16, en décalage avec ce qui précède où "Paul" se dit plutôt "fier" de ne rien demander, chap. 9; Romains 15): si "les apôtres" (pauliniens) n'en sont pas directement bénéficiaires (la collecte est destinée à Jérusalem), ils en sont les organisateurs et les instruments, et elle sert évidemment leur "politique" ou leur "diplomatie", qui consiste à faire agréer leur mission pagano-chrétienne par les judéo-christianismes, sinon par le "judaïsme" en général. Là encore (cf. supra 17.9.2021 au sujet des questions "territoriales"), les "grands principes" sont mobilisés au profit d'un calcul assez "terre-à-terre", qui va jusqu'à mettre en concurrence les groupes de disciples-donateurs (ici Achaïe vs. Macédoine, le sud contre le nord, presque un OM-PSG !). Pour ce qui est de notre thème, ce n'est évidemment pas tout à fait de la même manière qu'un maître (enseignant) est "fier" de ses élèves et que des élèves sont "fiers" de leur maître, même s'il y a dans ce rapport inégal une certaine communion de langage et de sentiment ("fierté" partagée, mais autrement de part et d'autre). |
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Lun 20 Sep 2021, 15:24 | |
| Paul est fier de beaucoup de choses assez contradictoires, Il est fier de lui-même (d'être l'objet d'une révélation) mais il ne veut pas donner le sentiment d'être supérieur aux autres, il y a un jeu, ou il affirme son autorité, la légitimité de son apostolat et une volonté d’apparaître humble ... C'est un visionnaire qui bénéficie de la puissance divine mais mais cette puissance souligne et s'exprime à travers la faiblesse de Paul :
"Il faut faire le fier... certes, c'est inutile, mais j'en viendrai aux visions et aux révélations du Seigneur ... et il m'a dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. » Je mettrai donc bien plus volontiers ma fierté dans mes faiblesses, pour que la puissance du Christ repose sur moi" (2 Co 12, et 9). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Lun 20 Sep 2021, 16:07 | |
| C'est tordu et emberlificoté à souhait, certes -- d'autant qu'en 2 Corinthiens 12 "Paul" se dissocie aussi, formellement, du destinataire ou bénéficiaire de la révélation, "un homme en Christ"; il faut surtout tenir compte du contexte apologétique et polémique, défensif et agressif, et de son ton général d'ironie aigre, voire grinçante (depuis le début du chap. 10, sans rapport ni lien avec ce qui précède: l'"épître" est plutôt un collage de textes disparates), qui mobilise ostensiblement une "fierté" incongrue, inconvenante et paradoxale, dans la mise en scène d'une "déraison" affectée, accumulant les antiphrases et les sous-entendus, face à une "sagesse" contestée et moquée par une parodie de déférence et d'autodénigrement (il faudrait relire le tout, sans trop s'arrêter sur les détails pour en saisir le mouvement et l'"esprit" d'ensemble). Cependant le déploiement de "fierté" paulinienne, même dans ce contexte "mi-figue mi-raisin", garde une certaine fraîcheur, ou une certaine sincérité, par rapport à ce que va devenir l'hypocrisie de l'" humilité" dans la tradition chrétienne, et peut-être plus encore "post-chrétienne", où il ne sera même plus possible d'avouer une fierté, un orgueil, voire un simple intérêt à ce qu'on dit ou à ce qu'on fait, à ce qu'on prétend croire ou vouloir, par exemple la "vérité" -- cf. notamment le "désintéressement" kantien et ses suites dans l'idéal de "neutralité scientifique", dénoncé comme "idéal ascétique" par Nietzsche. Au moins, avec la "fierté" paulinienne, si retorse et comédienne soit-elle, il y a encore l'aveu honnête, quoique embarrassé, d'un intérêt (subjectif, dirions-nous) du croyant ou de l'apôtre à sa "foi" ou à sa "mission". |
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mar 21 Sep 2021, 11:41 | |
| "Que personne ne mette donc sa fierté dans des hommes ; car tout vous appartient, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit le présent, soit l'avenir. Tout vous appartient ; mais vous, vous appartenez au Christ, et le Christ appartient à Dieu" ( Co 3,21).
"Mes frères, c'est à cause de vous que j'ai usé de ces images à propos de moi-même et d'Apollos. Vous apprendrez ainsi, à notre exemple, à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, afin qu'aucun de vous ne se gonfle d'orgueil en prenant parti pour l'un contre l'autre. En effet, qui est-ce qui te distingue ? Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi fais-tu le fier, comme si tu ne l'avais pas reçu" (1 Co 4,7).
En outre, la conception sophistique du lien entre le disciple et son maître de sagesse correspondait à la reconnaissance de part et d’autre d’une « clientèle » exclusive, ce qui ne manquait pas de promouvoir des jalousies et de produire des factions : « Moi, j’appartiens à Paul. Moi à Apollos. Moi à Céphas. Moi à Christ » (v. 12). Paul analyse ce comportement comme typique de la « chair » et d’une démarche « selon l’homme » (1 Co 3,1-4), alors que ses armes à lui « ne sont point charnelles » (2 Co 10,4). Il lui oppose une « imitation » de l’apôtre et de ses pauvres et folles « voies dans le Christ » (1 Co 4,16-17), ainsi qu’une relation d’appartenance inversée et refinalisée : « Car tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas …, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu » (1 Co 3,21-23). Dans l’économie du salut, les prêcheurs sont de simples « serviteurs », « coopérateurs de Dieu » (3,5.9) : « car c’est par Lui que vous êtes dans le Christ Jésus, qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu » (1,30). Leur ethos doit donc se garder de toute vanité et orgueil mal placé : « Celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur » (1 Co 1,31 et 2 Co 10,17 citant Jr 9,22-23).
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2003-3-page-374.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mar 21 Sep 2021, 12:20 | |
| Les "éclairages" unilatéraux -- ici sous l'angle "(néo-)sophistique", mais on a fait des choses tout à fait semblables naguère avec d'autres sources, p. ex. la rhétorique de Quintilien (cf. le commentaire de Betz sur Galates) -- occultent à chaque fois bien plus qu'ils ne révèlent, mais ils sont tout de même bons à prendre (on trouvera aussi pas mal de choses intéressantes concernant le type d'argumentation de 2 Corinthiens 10--13, dont je parlais dans mon post précédent).
L'enflure ou gonflement en 1 Corinthiens 4,6 (l'"orgueil" est sous-entendu, mais une traduction française ne peut guère éviter de le suppléer) correspond au verbe phusioô, apparenté à phusis (la "nature" entendue comme "croissance" végétale, de phuô, d'où la parenté large de la "physique", de l'"emphysème" et de tous les "phyto-" qui se rapportent aux plantes, "phytothérapie" etc.; cf. aussi v. 18s; 5,2; 8,1; 13,4; Colossiens 2,18) fonctionne en effet comme un quasi-synonyme de la "fierté", dans ce cas prise en mauvaise part (v. 7).
L'une des difficultés exégétiques célèbres de 1 Corinthiens 1,12 consiste dans le rôle ambigu du "Christ", qu'on peut interpréter comme le nom d'un "maître" et d'un "parti-école" parmi d'autres, au même titre que "Paul", "Céphas" ou "Apollos", avec la question subsidiaire de savoir si "Paul" lui-même se réclamerait de ce "parti"-là contre tous les autres y compris le sien, se déclarant en somme disciple et non maître... mais la syntaxe identique dans tous les cas (egô de + nom propre au génitif, "moi [je suis] de X") ne se prête guère à cette hypothèse, et le plus probable est que "Paul" oppose à un parti-école (réel ou imaginaire) de "Christ" conçu comme "maître" (humain) sa propre idée du "Christ" Seigneur de gloire dans sa crucifixion même, qui devient ainsi une référence commune à tous les "partis", et donc "au-dessus des partis". Ce n'est pas tout à fait sans rapport avec notre sujet, dans la mesure où la citation de Jérémie 9,22s au v. 31 renvoie à un kurios qui est à la fois le "Dieu" des Ecritures juives (Yahvé) ET le "Christ" des "chrétiens": la "fierté" placée en lui ne l'est plus dans un "homme". |
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mar 21 Sep 2021, 14:30 | |
| Dans les Psaumes quand la fierté est connotée positivement, son objet est toujours lié à Dieu, la fierté est mise en Dieu lui-même (20,6 ; 34,3-4 ; 63,12 ; 64,11 ; 105,3 ; 106,1-5,47-48 ; 89,17-18) ou elle résulte de la victoire donnée par Dieu (3,4 ; 18,44-51 ; 148,14) ou encore du fait d'avoir donné aux pauvres et d'être justes (112,9). En d'autres mots, l'objet de la fierté est lié à un autre que soi. Au contraire, les impies se glorifient d'autres choses que Dieu, des vanités (97,7) de leur richesse (49,7) ou encore du mal (49,7). L'objet de la fierté est lié à des choses mauvaises que le soi peut faire. https://sites.duke.edu/bablab/files/2021/01/Van_Cappellen-RTL-fierte%CC%81.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mar 21 Sep 2021, 16:35 | |
| A la faveur des "sciences humaines" (psychologie surtout), ce genre d'approche réussit à être encore plus naïf, ou naïve, que ne l'était naguère la "théologie biblique", ce qui n'est pas peu dire: il ne faut douter de rien pour faire d'un "concept" forgé dans des langues modernes ("fierté", "pride") un opérateur d'analyse de textes anciens écrits dans d'autres langues, en ne tenant quasiment aucun compte de ces dernières -- au moins autant que pour interroger "la Bible" sur "Dieu" sans remarquer que les textes "bibliques" ne disposent précisément pas d'un concept de "Dieu" au sens où nous l'entendons, même si ce concept doit beaucoup aux textes "bibliques"... Je passe sur d'autres exemples de naïveté tout aussi sidérants, comme "David" pris pour "sujet" quasi universel des Psaumes d'après des su(per)scriptions tardives, et divergentes de surcroît.
D'un point de vue plus classiquement philologique, kaukhaomai traduit dans la Septante de Jérémie 9,22s (cité en 1 et 2 Corinthiens) le hithpael de hll, seul (indirectement) concerné par l'usage essentiellement paulinien dont nous parlons ici: cette racine hll est courante dans les psaumes, où elle signifie notamment "louer" (au sens de louange et non de location) et fournit même le titre hébreu du recueil, tehillim, "louanges". Dans la Septante des Psaumes, kaukhaomai ne traduit cependant hll (aussi au hithpaël) qu'une seule fois, en 48/9,6 (un peu plus chez Aquila: 33/4,3; 43/4,9; 55/6,11; 62/3,12; 104/5,3); il correspond à `lç en 5,12, à `lz en 93/4,3 et 149,5, à rnn en 31/2,11; et kaukhèma à tp'rt en 88/9,17.
Bien sûr, si l'on en reste à cette considération psychologique générale que "la religion", comme beaucoup d'autres choses, nourrit une forme d'"estime de soi", individuelle et/ou communautaire, et que celle-ci s'exprime plus volontiers et de façon moins détournée dans l'AT que dans le NT, et a fortiori dans le christianisme qui s'ensuit, elle reste tout à fait valable -- mais on s'en serait douté. |
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mer 22 Sep 2021, 10:46 | |
| "Or j'estime n'avoir été inférieur en rien à ces super-apôtres. Si je suis profane pour ce qui est de l'éloquence, je ne le suis pas pour ce qui est de la connaissance ; nous vous l'avons clairement montré, de toute manière et à tous égards. Ou bien ai-je commis un péché en m'abaissant moi-même pour vous élever, lorsque je vous ai annoncé gratuitement la bonne nouvelle de Dieu ? J'ai dépouillé d'autres Eglises, en recevant d'elles un salaire pour vous servir. Et lorsque chez vous j'ai manqué de tout, je n'ai été à charge à personne, car les frères venus de Macédoine ont suppléé à ce qui me manquait. En tout, je me suis gardé d'être un fardeau pour vous, et je m'en garderai. Par la vérité du Christ qui est en moi, personne ne m'interdira cette fierté dans les contrées d'Achaïe ! Pourquoi ? Parce que je ne vous aime pas ? Dieu le sait ! Ce que je fais, je le ferai encore, afin d'ôter tout prétexte à ceux qui en voudraient un pour être considérés comme nos égaux en ce qui fait leur fierté. De tels individus sont des apôtres de mensonge, des ouvriers trompeurs, qui se transforment en apôtres du Christ. Et ce n'est pas étonnant, car le Satan lui-même se transforme en ange de lumière. Il n'est donc pas étrange que ses ministres se transforment aussi en ministres de justice. Leur fin sera selon leurs œuvre". ( 2 Co 11,5-15).
C'est dans contexte très polémique (mise en cause très vive des "hyper-apôtres" longue mise au point sur la question des subventions ministérielles) que Paul affirme : "personne ne m'interdira cette fierté" (v 10) avec l'objectif clair : "afin d'ôter tout prétexte à ceux qui en voudraient un pour être considérés comme nos égaux en ce qui fait leur fierté". Paul trouve légitime sa "fierté" mais il récuse la fierté des "super-apôtres". Paul ne semble pas accepter la concurrence de ceux qu'il nomme les "super-apôtres"qui "proclame(nt) un autre Jésus que celui que nous avons proclamé" (v 4). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mer 22 Sep 2021, 11:25 | |
| Le fond de cette "logique" a déjà été exposé en 1 Corinthiens 9, sur un ton aussi polémique quoique peut-être un peu moins aigre et agressif: en somme, ce qui fait la "fierté" ou l'"orgueil" (kaukhaomai etc.) légitime(s), ce serait (paradoxalement) de renoncer à (l'exercice d')un "droit" dont on dispose "en droit" -- en l'espèce, pour un "apôtre", celui de vivre de son "apostolat", d'être payé, nourri, logé, blanchi, par ceux qui reçoivent son enseignement...
Il faut noter cependant que toute cette argumentation se présente d'emblée sous le signe (lui-même rhétorique, ou stratégique) de la "déraison" (aphrosunè, v. 1, 17, 21; cf. aphrôn, v. 16, 19, 12,6.11). Il y a bien là quelque chose de "socratique", ce qui n'est pas étonnant en contexte grec, à la fois du côté de la "gratuité" (Socrate est réputé ne pas se faire payer, contrairement aux "sophistes") et du côté de l'"ignorance" ou de la "sottise" affichées ("je sais que je ne sais rien", formule socratique traditionnelle sinon authentique) -- quoique le ton et la visée du propos soient très loin de la "dialectique" socratique.
Il est évidemment tentant de rapprocher la mention d'"un autre Jésus" (ou d'"un Jésus autre", cf. aussi Galates 1,6ss) du "parti de Christ" dont on parlait plus haut (21.9.2021), à propos de 1 Corinthiens 1 -- mais aussi du "Christ (connu) selon la chair" en 2 Corinthiens 5,16 (cf. Romains 1,3; 9,5).
Il y a bien sûr une certaine ironie dans tout cela, mais c'est surtout celle, rétrospective, de "l'histoire": quand on pense que tout ce jeu de postures aboutira, dès les deutéro-pauliniennes, les Actes des Apôtres ou les Pastorales, à l'idée générale d'une Eglise universelle (autrement dit "catholique"), fondée sur des "apôtres" unanimes, conjointement héritiers du Jésus terrestre et du Christ de l'esprit, avec un "clergé" professionnel et rémunéré, infiniment fière d'elle-même en dépit de toutes ses protestations d'humilité... |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Lun 27 Sep 2021, 11:49 | |
| Il serait peut-être intéressant de s'arrêter un instant sur l'antithèse de la notion de "fierté" (orgueil, vanité, vantardise etc.), à savoir la "honte" (opprobre, ignominie, vergogne, etc.), qu'on a déjà vue revenir, en traduction, par opposition à kaukhaomai etc. dans plusieurs des textes cités ci-dessus: au-delà du vocabulaire, c'est précisément l'opposition "fierté/honte" qui détermine le sens de son "axe" et de ses deux "pôles", qui fait comprendre et ressentir de quel "sentiment" on parle. Or le lexique de la "honte" est tout aussi présent dans le corpus paulinien, au sens très large, que celui de la "fierté", notamment avec les dérivés d'aiskhros, aiskhunô etc. (cf. p. ex. 1 Corinthiens 1,27; 4,14; 6,5; 11,4ss.22; 14,35; 15,34; 2 Corinthiens 4,2; 7,14; 9,4; 10,8; 11,21; Romains 1,16.27; 5,5; 6,21; 9,33; 10,11; Philippiens 1,20; 3,19; Colossiens 3,8; Ephésiens 5,4.12; 2 Thessaloniciens 3,14; 1 Timothée 3,3; 2 Timothée 1,8.12.16; 2,15; Tite 1,7.11; 2,8). |
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Lun 27 Sep 2021, 12:57 | |
| "Ayant donc une telle espérance, nous montrons d'autant plus d'assurance. Nous ne faisons pas comme Moïse, qui mettait un voile sur son visage, pour que les Israélites ne voient pas la fin de ce qui était passager. Mais leur intelligence est devenue obtuse. En effet, jusqu'à ce jour, quand ils font la lecture publique de l'ancienne alliance, le même voile demeure ; il n'est pas enlevé, parce qu'il ne disparaît que dans le Christ. Jusqu'à ce jour, quand on lit Moïse, il y a un voile sur leur cœur ; mais lorsqu'on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé. Or le Seigneur, c'est l'Esprit ; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Nous tous qui, le visage dévoilé, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire ; telle est l'œuvre du Seigneur, qui est l'Esprit Dès lors, puisque nous avons ce ministère, selon la compassion dont nous avons été l'objet, nous ne perdons pas courage. Nous refusons les secrets de la honte ; nous ne nous comportons pas avec ruse et nous n'altérons pas la parole de Dieu. Au contraire, en rendant la vérité manifeste, nous nous recommandons nous-mêmes à toute conscience humaine devant Dieu. Si cependant notre bonne nouvelle est encore voilée, elle est voilée pour ceux qui vont à leur perte — pour les gens sans foi dont l'intelligence a été aveuglée par le dieu de ce monde, de sorte qu'ils ne voient pas resplendir la bonne nouvelle de la gloire du Christ, qui est l'image de Dieu' (2 Co 3,12-18 et 4,1-4).
Notes : 2 Corinthiens 4:2 les secrets de la honte : litt. les choses cachées de la honte ; autre traduction les manœuvres secrètes et honteuses ; cf. 1Co 4.5. – nous ne nous comportons pas : litt. nous ne marchons pas, cf. 5.7 ; 10.2s ; 12.18. – ruse 11.3 ; 12.16n ; 1Co 3.19. – n’altérons pas la parole de Dieu 2.17 ; le verbe utilisé ici est apparenté au mot traduit par ruse en 1Th 2.3. – nous nous recommandons 3.1+. – à toute conscience 5.11.
Il y a une corrélation entre le fait de montrer son assurance et le refus des secrets de la honte, pour des croyants qui ont "le visage dévoilé" :
"Car ceux qui ont bien exercé le ministère s'acquièrent un beau rang et une grande assurance par la foi qui est en Jésus-Christ" (2 Tm 3,13). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Lun 27 Sep 2021, 13:21 | |
| N.B.: l'"assurance" ici c'est parrèsia (aussi 1 Timothée 3,13), voir supra 17.9.2021 et le lien correspondant; dans le même "champ lexical" il faudrait surtout souligner la "gloire" (doxa, leitmotiv de 2 Corinthiens 3,7 à 4,6, 16 fois si je compte bien), qui est au coeur de l'interprétation paulinienne de l'Exode (souvent qualifiée de midrash, par analogie avec l'interprétation rabbinique, mais qu'on pourrait aussi bien qualifier d'"allégorique" au sens large, dans la tradition hellénistique): la "gloire" c'est, dans le texte de l'Exode, ce que Moïse contemple et "réfléchit" (au sens optique du terme, avec ou sans "cornes") dans son face-à-face avec Yahvé, mais qu'il cache ou voile à l'extérieur (aux Israélites, donc au "judaïsme" non "chrétien" au plan de l'interprétation); c'est aussi le "Seigneur" et l'"esprit", kurios et pneuma, de la confession "chrétienne" (du moins paulinienne), plus identifiés l'un à l'autre que distincts à ce stade (cf. 1 Corinthiens 15,45). On retrouverait la même opposition "gloire/honte" (doxa/aiskhunè) en Philippiens 3,19 par exemple.
(Tout cela me rappelle soudain un vague souvenir que je tire par les cheveux, ou par les dents, du fond d'une lecture de lycée et d'adolescence, le personnage de "La Gloïre" de L'Arrache-coeur, de Boris Vian, ainsi nommé parce qu'il se charge de la honte des autres.) |
| | | free
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mar 28 Sep 2021, 11:12 | |
| De même, pour Jésus et pour les apôtres, c'est. le péché qui est là grande cause de honte (Ro 6:21, Eph 5:12, Php 3:19,1Pi 3:16, etc.). L'apôtre Paul relève des « hontes » de gravités assez diverses : d'abord les attitudes alors jugées inconvenantes par le rabbinisme de son temps, des hommes portant cheveux longs et des femmes portant cheveux courts (1Co 11:14 et suivant). Il parle de « faire honte » dans le sens de faire rentrer en soi-même (1Co 4:14 6:5 15:34,2Co 11:21). Il dénonce avec une vigueur indignée les hontes des « oeuvres des ténèbres » (2Co 4:2, Ro 1:26, Eph 5:12, Php 3:19). De son côté Jude condamne comme « hontes » les impuretés (Jude 1:13). Mais Jésus est venu pour détruire le péché et toutes ses conséquences ; aussi, comme « auteur et consommateur de la foi, a-t-il souffert la croix et méprisé la honte » (Heb 12:2) ; c'est pourquoi saint Paul « n'a pas honte de l'Évangile » : (Ro 1:16) il ne veut se glorifier que de la croix de Christ (Ga 6:14). Jésus a placé ce sentiment humain dans la formule de réciprocité qui affirme la justice : « Celui qui aura honte du Christ, le Fils de l'homme aura aussi honte de lui, lorsqu'il viendra dans la gloire du Père » (Mr 8:38, Lu 9:28) ; et Jean assure que ceux qui demeurent en Lui « ne seront point honteux ni rejetés à son avènement » (1Jn 2:28). « Celui pour qui et par qui sont toutes choses n'a pas honte de leur donner le nom de frères » (Heb 2:10 et suivant), et Dieu lui-même « n'a pas honte d'être appelé. leur Dieu, car il leur a préparé une cité ». (Heb 11:16).
https://topbible.topchretien.com/dictionnaire/honte/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Mar 28 Sep 2021, 11:52 | |
| Puisque le site, ou du moins la page, ne le dit pas: c'est (sauf modification à la numérisation) le Dictionnaire encyclopédique de la Bible d'Alexandre Westphal (comparer ici), 1932, protestant, plutôt conservateur ou "orthodoxe" (on ne disait pas encore "évangélique" dans ce sens-là; cf. recension ici). Sur le thème (ou l'anti-thème) de la honte, les énoncés des Synoptiques, des écrits johanniques ou de l'épître aux Hébreux sont en effet très importants, mais leur antithèse n'est généralement pas la "fierté" (orgueil, vantardise) paulinienne ( kaukhaomai etc., seulement Hébreux 3,6, kaukhèma en parallèle avec parrèsia), ambivalente, humaine et banale; c'est plutôt la "gloire" ( doxa etc.), le plus souvent avec une connotation eschatologique (manifestation de la gloire de Dieu, du Christ, des élus ou des fidèles à la "fin des temps"), y compris quand l'eschatologie est conçue (c.-à-d. renversée ou subvertie) comme réalisée, intériorisée ou spiritualisée (paradoxalement chez Jean, c'est le cas de le dire, où la gloire et la croix, qui est normalement la "honte" suprême, ne font qu'un, comme les deux côtés de la même pièce), ou encore "éternisée" sur le modèle médio-platonicien de l'épître aux Hébreux, qui aboutit autrement au même paradoxe (la gloire du Christ et des siens consiste à "mépriser la honte", selon le raccourci saisissant de 12,2, aiskhunès kataphronèsas, toujours en rapport avec la "croix"; encore faut-il noter que l'antithèse ici n'est pas la "gloire", mais la "joie", bien que la "gloire" soit fréquente dans le livre, 1,3; 2,7ss; 3,3; 5,5; 9,5; 13,21). |
| | | free
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Jeu 30 Sep 2021, 14:48 | |
| « Et maintenant, écoutez-moi, vous qui dites : ‘Aujourd’hui ou demain, nous irons dans telle ville, nous y passerons une année, nous y ferons des affaires et nous gagnerons de l’argent.’ Savez-vous ce que demain vous réserve ? Qu’est-ce que votre vie ? Une brume légère, visible quelques instants et qui se dissipe bien vite. Voici ce que vous devriez dire : ‘Si le Seigneur le veut, nous vivrons et nous ferons ceci ou cela !’ Mais en réalité, vous mettez votre orgueil dans vos projets présomptueux. Tout orgueil de ce genre est mauvais. Oui, ‘celui qui sait faire le bien et ne le fait pas, se rend coupable d’un péché’. » (Jacques 4.13-17)
Jacques dénonce l’arrogance des riches
Ce n’est pas leur richesse que Jacques dénonce, mais leur arrogance pleine de prétention ! Ces hommes d’affaires sont décrits comme des hommes sûrs d’eux-mêmes et confiants dans la réalisation de leurs projets. Ce tableau sommairement esquissé par Jacques était évocateur pour les premiers lecteurs de l’épître, de l’intense activité commerciale du premier siècle. De nombreux Juifs étaient engagés dans ce va-et‐vient d’affaires. Ils n’ont pas grand‐chose à envier aux temps modernes, sinon que les distances se sont multipliées !
En établissant leurs projets de voyage, ces gens d’affaires agissent comme s’ils disposaient en maîtres de leur propre vie. Vous ne savez pas ce que sera votre vie demain, les interpelle Jacques ! Votre vie est d’une fragilité extrême : elle est comparable à une brume légère que dissipe le vent et qui ne laisse aucune trace ! A tout moment, sans aucun signe annonciateur, un imprévu peut survenir et tout remettre en question : un accident, une maladie, une mort subite ou violente. Et voilà que tout est par terre ! C’est donc une pure folie de tout miser sur l’avenir et sur le succès, en affaires comme dans d’autres domaines d’ailleurs.
http://blog.selfrance.org/predication-jacques-marc-luthi |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Fierté, suffisance et confiance en soi Jeu 30 Sep 2021, 15:29 | |
| C'est bien le vocabulaire paulinien de la "fierté" qui est repris au v. 16 (le verbe kaukhaomai et le substantif kaukhèsis, en parallèle avec alazoneia, aussi 1 Jean 2,16; cf. alazôn Romains 1,30; 2 Timothée 3,2, toujours en mauvaise part), de même qu'en (Jacques) 1,9; 2,13; 3,14 (cf. la liste générale supra, 17.9.2021), ce qui n'est sûrement pas un hasard. Comme toujours dans l'épître de Jacques, "Paul" est moins visé pour ce qu'il dit effectivement que pour ce que la "doctrine" de ses épîtres (surtout aux Romains) a rendu possible, et réel, dans l'"Eglise" qui en résulte en grande partie, du point de vue de "Jacques" évidemment: un "christianisme" tout de "doctrine" et de "parole", de "foi" entendue "objectivement" (fides quae creditur) au sens de "croyance" ou de "dogme", de "confession" et d'"enseignement" tous verbaux, et de pratique "religieuse" ou "rituelle", soucieux de sa "morale" en particulier sexuelle et de sa bonne réputation, mais indifférent aux attitudes et aux comportements sociaux et économiques, à l'intérieur comme à l'extérieur de la communauté. |
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