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 Jean 10 - Les Brebis et le Berger

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Narkissos

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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Avr 2023, 12:22

Le premier article mérite une lecture attentive (son tableau final est précieux): Luc-Actes semble en effet moins s'intéresser au royaume-règne-royauté (basileia) en soi, pour autant que ça signifie quelque chose (qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que ça veut dire), que dans son rapport à des destinataires/bénéficiaires divers (dignes ou indignes, présomptifs ou effectifs, passés, présents ou futurs, transitoires ou définitifs, etc.). Il me semble cependant que le concept d'"identité" est trop statique pour rendre compte de ce qui se joue là.

Même si les "apôtres" (au sens des "Douze") ne sont pas une invention de Luc, la composition Luc-Actes leur donne un sens particulier qui va vite devenir le principal, celui d'intermédiaires entre "Jésus" et "l'Eglise" ou "le christianisme", de transition ou de médiation assurant le passage de l'un à l'autre; et de fait c'est bien ce qui apparaît en Luc 12,32 comme en 22,29s, le royaume (etc.) "donné" ou "légué" (au sens de la "disposition testamentaire") à un petit cercle de fidèles de la première heure, non comme s'il s'agissait là de sa destination ultime, mais pour s'étendre au-delà, aux horizons du monde (l'eschatologie se mue en téléologie historique). Soit dit en passant, l'interprétation (également statique) de la Watch passe à côté de ce mouvement, car ses "144.000" sont un ensemble trop large par rapport au petit groupe "apostolique" fondateur (il suffit de lire les contextes), et trop étroit par rapport à la perspective finale d'une grande Eglise universelle, même si son "univers" de référence (oikoumènè ou "terre habitée") se confond pour l'essentiel avec l'empire romain...

A propos du second article, je pense que nous avons déjà parlé des "nombres triangulaires", incontournables à mon avis pour les "153 poissons" de Jean 21 et les "276 communiants-sauvés" d'Actes 27, qui jouent d'ailleurs un rôle comparable en dépit de leur contraste littéral (les uns meurent et/ou sont mangés, les autres mangent et survivent); les autres cas sont plus discutables, car le 666 de l'Apocalypse frappe l'imagination par un autre trait (la répétition du six) plus apparent que sa triangularité, sans parler des petits nombres triangulaires trop courants pour être remarquables (3, 6, 10, 15 sont triangulaires aussi...). Si le sens "ecclésial" ne fait guère de doute dans les Actes, dont "l'Eglise" est en effet le "sujet" principal, il faudrait probablement le nuancer chez Jean, bien que le chapitre 21 soit un ajout très tardif (après la conclusion du chap. 20): l'"Eglise" n'est sûrement pas étrangère à ses préoccupations (cf. le rapport du disciple bien-aimé à Pierre reconnu comme berger du troupeau, où l'on discerne habituellement la revendication d'une certaine tolérance de la communauté "johannique" aux marges de la "grande Eglise"), mais le trait peut aussi se rapporter à d'autres motifs du quatrième évangile, par exemple "que rien ne se perde" (dont on parlait encore récemment, supra 21.3.2023 et ici 4.4.2023).
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Avr 2023, 13:29

Citation :
Il est bien évident que même si les "apôtres" (au sens des "Douze") ne sont pas une invention de Luc, la composition Luc-Actes leur donne un sens particulier qui va vite devenir le principal, celui d'intermédiaires entre "Jésus" et "l'Eglise", de transition ou de médiation assurant le passage de l'un à l'autre; et de fait c'est bien ce qui apparaît en Luc 12,32 comme en 22,29s, le royaume (etc.) "donné" ou "disposé" à un petit cercle de fidèles de la première heure non comme sa destination ultime, mais pour s'étendre au-delà aux horizons du monde.


Merci infiniment Narkissos pour ces précieux éclaircissements. 



les additions au groupe des douze apôtres, d’après le livre des Actes

Selon l’auteur des Actes, les apôtres au sens spécifique du mot, c’est-à-dire les témoins de Jésus incarné et ressuscité, et ses représentants plénipotentiaires devant le monde, forment un groupe restreint de douze hommes. Barnabas et Paul sont aussi appelés apôtres (Ac. 14 4, 14), mais ce terme, quand il s’applique à eux et du reste exceptionnellement, a le sens large de missionnaires, envoyés sans doute par le Saint-Esprit, mais recommandés par une Eglise déterminée et revenant à elle pour lui rendre compte de leur mission (Ac. 13 1-3 ; 14 27). Que Barnabas et Paul ne soient pas apôtres au sens où les Douze le sont, c’est ce que montre encore le texte des Actes 15 2, où l’on voit les deux missionnaires d’Antioche «monter auprès des apôtres et presbytres à Jérusalem », c’est-à-dire se rendre auprès d’un groupe dont ils ne font pas partie. Au reste, Barnabas et Paul ne sont pas les seuls personnages de premier plan dans l’Eglise naissante que Luc ne range pas parmi les apôtres. Jacques, le frère du Seigneur, qui apparaît comme le chef de l’Eglise résidant à Jérusalem (Ac. 12 17 ; 15 13, 19 ; 21 i8), demeure lui aussi en dehors du cercle des douze apôtres.

Cependant, ce cercle fermé est complété deux fois. Il bénéficie d’abord d’une addition interne, lorsque Mathias est appelé à occuper la place laissée vide par le traître Judas, mort dans l’impénitence (Ac. 1 15-26). Ensuite, le cercle s’agrandit, à l’extérieur, par l’arrivée avec Paul de Tarse d’un nouveau témoin (Ac. 22 15 ; 26 ιβ), égal en importance aux premiers témoins et auquel est dévolue la mission de porter «jusqu’aux extrémités de la terre » le témoignage déjà rendu par les Douze «à Jérusalem, en Judée et en Samarie » (Ac. 1 s). En effet, après la conférence de Jérusalem, dans la seconde partie des Actes, «le vase d’élection » (Ac. 9 15) assume à lui seul la tâche confiée d’abord à ceux qui avaient accompagné Jésus depuis le temps de Jean-Baptiste jusqu’à son ascension (Ac. 1 21). Paul est donc bel et bien ajouté aux Douze, alors même qu’il ne rejoint pas leur cercle et qu’il ne reçoit pas, dans les Actes, le titre d’apôtre au sens spécifique.

D’autre part, le groupe des Douze n’est pas reconstitué après la mort de Jacques le Zébédaïde (Ac. 12 2), lequel n’est pas remplacé comme l’a été Judas.

Comment expliquer ces faits différents et même opposés à première vue ? Sont-ils la conséquence de vues divergentes sur l’apostolat que l’auteur des Actes aurait empruntées à ses sources d’information et qu’il aurait reproduites sans songer à les uniformiser ? Ou, au contraire, ces faits présupposent-ils, en dépit de leur diversité, une seule et même notion de l’apostolat, celle de Luc lui-même ? C’est à cette question que nous voulons essayer de répondre.

Etudions d’abord le récit des Actes 1 15-26 sur le remplacement de Judas par Mathias. Dans ces versets, nous voyons l’apôtre Pierre expliquer au groupe des premiers fidèles que l’Ecriture a prédit et la fin misérable de Judas et la nécessité de confier à un autre sa charge apostolique ; après quoi, le chef des Douze formule les conditions auxquelles doit satisfaire le nouvel apôtre : être témoin avec les Onze du ministère et de la résurrection de Jésus. Deux fidèles sont présentés, et le Seigneur, dont la volonté s’exprime par le sort, choisit Mathias, qui se trouve ainsi ajouté aux onze apôtres.

On conteste souvent l’unité littéraire de ces versets. On remarque surtout que la prophétie sur la fin de Judas (v. 20) est séparée de la formule qui l’introduit (v. 10) par un récit de la mort du traître, qui ne devait pas faire partie, à l’origine, des paroles de Pierre, vu que l’apôtre est censé apprendre à ses auditeurs un épisode «connu de tous les habitants de Jérusalem », et leur traduire un terme araméen, comme si l’araméen n’était pas leur langue. On voit donc dans les versets 18-19 une addition au texte primitif L Dans une étude récente, Ch. Masson se range à cet avis et estime que l’auteur des Actes a surchargé sa source d’autres éléments encore 2. D’une part, Pierre annonce une seule parole scripturaire (v. 16) et en cite deux (v. 20 a et 20 b) ; il faut donc considérer comme ajoutés par Luc et la seconde citation et le verset 17, qui s’efforce de la préparer et qui est fort mal relié au contexte. D’autre part, dans les versets 21-22, Pierre fixe à l’apostolat des conditions que personne ne pouvait réaliser, car Jésus n’a choisi que les Douze pour être toujours avec lui ; il faut donc admettre que Luc met dans la bouche de Pierre sa propre conception, selon laquelle seuls les Douze sont apôtres au sens spécifique du mot. Bref, selon Ch. Mas son, Luc a remanié un récit plus ancien, dont le contenu peut se résumer ainsi : dans les premiers temps de l’Eglise, alors qu’une petite communauté de disciples de Jésus était groupée autour des Onze, Pierre demandait que le vide laissé dans les rangs des Douze par la défection de Judas fût comblé, d’une manière qu’il indiquait sans doute. L’assemblée approuvait et présentait deux candidats. Pour que le choix fût fait par le Seigneur lui-même, comme jadis dans le cas des Douze, on priait le Seigneur de faire connaître sa volonté par le sort. Le sort tombait sur Mathias et le collège des Douze se trouvait reconstitué (p. 196). Dans la pensée du premier auteur, cette reconstitution était le signe que Dieu n’avait pas abandonné son peuple, bien qu’il eût rejeté son Messie ; le collège des Douze reconstitué témoignait auprès d’Israël de la résurrection de Jésus et de la fidélité de Dieu, en dépit de l’infidélité du peuple (p. 200). Mais, poursuit Ch. Masson, Luc a retouché le récit et lui a donné un sens nouveau, parce que l’Eglise de son temps ne pouvait plus s’y intéresser sous sa teneur première. Au temps de Luc, Israël repoussait l’Evangile, alors que les païens entraient en nombre dans l’Eglise. Le collège des Douze, signifiant que le salut était destiné d’abord à Israël, n’avait plus de sens dans une Eglise devenue en majorité pagano-chrétienne. L’intérêt perdu pour les Douze s’est porté sur les apôtres ; le vieux récit de la reconstitution du collège des Douze est devenu dans l’œuvre de Luc le récit de l’élection par le Seigneur du douzième apôtre, «élection dont on ne voit plus la raison, car pourquoi devait-il y avoir douze apôtres, ni plus ni moins » ? (p. 201). Aussi bien, conclut Ch. Masson, Luc a-t-il vu dans ces douze hommes, non plus les envoyés de Jésus au peuple juif, mais les témoins de leur Maître dans l’Eglise et devant le monde (ibid.).

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1957_num_37_1_3488
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Avr 2023, 14:32

Etude ancienne (1957), mais très riche, de l'excellent P.H. Menoud: il faut naturellement lire la suite où l'auteur réfute de façon à mes yeux convaincante, après l'avoir honnêtement exposée dans l'extrait que tu cites, la thèse "historico-critique" de Ch. Masson... Je signale par ailleurs que ce débat se compliquerait encore si l'on tenait compte de la critique textuelle, car certains témoins du texte "occidental" des Actes paraissent ignorer le "remplacement" de Judas (Pierre avec dix et non onze apôtres en 2,14).

Par rapport à la fin de l'article, il me semble tout de même assez clair que les Actes dans leur ensemble tendent à subordonner Paul aux Douze et à minimiser son autonomie, surtout doctrinale, mais j'accorderais volontiers que ce n'est pas du tout par "anti-paulinisme" théologique: les auteurs reçoivent manifestement pour doctrine de référence une synthèse "raisonnée" et "consolidée" du paulinisme, comme celle qu'on peut lire dans les deutéro-pauliniennes et surtout Ephésiens, et que présupposent aussi les Pastorales (Timothée-Tite). Ils sont en revanche allergiques à l'idée d'un "Paul"  indépendant dans sa "mission", sa "vocation" et son "inspiration" et en conflit doctrinal avec d'autres "apôtres" (d'où le déguisement des divergences idéologiques en conflits de personnes, p. ex. Paul / Barnabé, et l'attribution à Pierre ou à Jacques d'idées "pauliniennes"), et cela se comprend infiniment mieux sur la toile de fond du IIe siècle, avec les débats "marcionites" et "gnostiques"...

(On s'éloigne de plus en plus de Jean 10, quoique évidemment il y ait toujours un rapport entre le passage du judaïsme aux non-Juifs et tous ces problèmes d'"apostolat".)
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Avr 2023, 15:05

Citation :
(On s'éloigne de plus en plus de Jean 10, quoique évidemment il y ait toujours un rapport entre le passage du judaïsme aux non-Juifs et tous ces problèmes d'"apostolat".)

Je partage ton analyse. Il me paraissait judicieux également d'éclaircir le sens de l'expression "petit troupeau", ce qui a permis de comprendre le rôle qu'ont pu jouer les 12 apôtres selon Luc 22,28-30.

Une petite digression :

Luc 22​:​29
je fais avec vous une alliance pour un royaume : Le verbe grec diatithémaï, rendu ici par « faire une alliance », est apparenté au nom diathêkê (alliance). En Ac 3:25 et en Hé 8:10 et 10:16, tant le verbe que le nom sont utilisés dans l’expression traduite par « faire [ou : conclure] une alliance ». Ici, en Lc 22:29, Jésus parle de deux alliances, l’une conclue entre lui et son Père, et l’autre entre lui et ses disciples oints, qui seront ses rois adjoints dans le Royaume.

https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/bible/bible-d-etude/livres/luc/22/#v42022029


de διατίθημι (diatithêmi [verbe] ; arranger, disposer – de dia : part. de renforc., et tithêmi : mettre) 
|| Celui qui fait un testament • Là où il y a un testament, il est nécessaire que la mort du testateur intervienne (Hébreux 9. 16) ; un testament n’a pas de force tant que le testateur vit (v. 17).

https://editeurbpc.com/dictionnaires/dictionnaire-nouveau-testament/4741


Définition de "Diatithemai"

Arranger, disposer, faire ses affaires
De quelque chose qui nous appartient Disposer par la volonté, faire un testament
Faire un pacte, signer une alliance

Généralement traduit par : Faire, testateur, disposer, traiter

https://emcitv.com/bible/strong-biblique-grec-diatithemai-1303.html
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Avr 2023, 15:45

Les notes de la NWT/TMN noient le poisson comme à leur habitude: il n'est pas indifférent 1) d'utiliser un substantif comme "alliance/covenant" là où il n'y en a pas dans le texte (Luc 22,29, pas de diathèkè, contrairement à Actes 3,25 etc.); d'autant que 2) ce substantif est lui-même décalé par rapport au grec (alliance ou covenant suggèrent l'idée de pacte ou d'accord bilatéral, sunthèkè plutôt que diathèkè) et 3) qu'il fait l'objet d'une surinterprétation inflationniste (distinction et catalogage des "alliances", dans une tradition calviniste puis dispensationaliste dont la Watch a hérité à son insu). Bref, là où il n'est question que d'une transmission du royaume-règne-royauté (du Père au Fils et du Fils aux apôtres), sur un modèle unilatéral de succession testamentaire, on va chercher et trouver des "alliances" qui à la lettre n'existent pas.

Ton dictionnaire artisanal et darbyste (deuxième lien, sur le site de La Bonne semence) dépend évidemment de la traduction de J.N. Darby, qui n'a utilisé le mot et la notion de "testament" que là où il n'a pas pu l'éviter, c'est-à-dire dans l'épître aux Hébreux où la mort du "testateur" est nécessaire à la validité du "testament"... (sujet dont on a déjà amplement parlé ailleurs).

Quant au dernier site que tu as référencé entre-temps, il est encore plus fantaisiste (tendance ultra-fondamentaliste ou plutôt intégriste, défendant à tout prix la King James Version en anglais et David Martin en français, ainsi que le "texte reçu" dont ces traductions dépendent): comme on l'a déjà expliqué, il n'y a jamais eu de "dictionnaire Strong", James Strong (1822-94) n'a fait que numéroter les mots d'une concordance et cette numérotation a ensuite été couplée à toute sorte de dictionnaires, plus ou moins sérieux; en tout cas les définitions de mots hébreux, araméens ou grecs associées au nom de Strong, et que chaque éditeur de site web peut inventer ou adapter à son gré, ne doivent strictement rien à James Strong...
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Avr 2023, 16:17

11 Alors que le rassemblement du “petit troupeau” composé des héritiers du Royaume touchait à sa fin, Jéhovah a dirigé l’attention de ses serviteurs vers une entreprise plus vaste encore, laquelle allait consister à instruire une “grande foule” qui survivrait à la “grande tribulation” pour peupler le Paradis rétabli sur la terre. Déjà en 1918, à Los Angeles, le président de la Société Watch Tower avait prononcé un discours qui devait être ensuite repris par des centaines d’orateurs. Celui-ci avait pour thème “Le monde a pris fin! Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir!”. Puis, en 1923, La Tour de Garde montrait que les “autres brebis” de Jean 10:16 s’identifiaient aux “brebis” d’une autre parabole de Jésus, celle ‘des brebis et des chèvres’, et qu’elles commençaient à se manifester. En 1931, on expliquait que ces “brebis” correspondaient, dans la vision rapportée en Ézéchiel 9:1-11, aux personnes marquées au front en vue de leur survie. En 1932, les serviteurs de Dieu apprenaient que ce même groupe de “brebis” avait été préfiguré par Jonadab, un personnage du passé qui savait combien il était important de témoigner un attachement exclusif à Jéhovah. Cette série d’éclaircissements préparatoires dus à la providence divine est parvenue à son terme en 1935. Cette année-​là, lors d’une assemblée qui se tenait à Washington, la “grande multitude” ou “grande foule” de Révélation 7:9-17 a été identifiée à cette classe terrestre, et des centaines d’assistants ont reconnu leur appartenance à ce groupe. Sous la conduite de l’esprit de Jéhovah, le rassemblement de cette “grande foule” allait désormais s’effectuer rapidement.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1984086?q=autre+brebis+jean+10&p=par


Cet article résume bien le montage artificiel de l'échafaudage théologique qui a permis d'identifier les "autres brebis" à une "classe" de croyants ayant l'espérance terrestre. L'ensemble repose sur des affirmations gratuites et arbitraires, d'ailleurs l'auteur est "contraint" de faire appel à la "providence divine" pour justifier "cette série d’éclaircissements préparatoires".
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeMer 19 Avr 2023, 16:54

(En 1984, il est probable que j'aie traduit ça moi-même...)

L'aspect "continu" du récit dissimule son point de bascule, où l'on passe d'une classe théorique, imaginaire et extérieure à toute "organisation" concrète, à une classe de gens bien réels sur lesquels la Watchtower va exercer une influence et un pouvoir effectifs. Autrement dit, de la relative ouverture du russellisme qui envisageait un salut au-delà de lui-même et du christianisme traditionnel (du moins tel que Russell pouvait le concevoir avec une éducation religieuse rudimentaire, essentiellement presbytérienne = calviniste, obnubilée par le scandale de la prédestination à l'enfer), à la fermeture sectaire du rutherfordisme qui fait de la "deuxième classe" une classe d'esclaves réels et disponibles, taillables et corvéables à merci.

Quant à l'"illusion perspectiviste" (comme dirait Nietzsche) par laquelle chacun, individu ou groupe, est conforté dans son propre "point de vue" par tout ce qu'il voit de ce point de vue-là, en particulier par son histoire telle qu'il se la raconte et qui le ramène invariablement là où il se trouve, c'est la déclinaison infinie de la tautologie, ou lapalissade: quand on voit ce qu'on voit et qu'on entend ce qu'on entend, on se dit qu'on a de bonnes raisons de penser ce qu'on pense... cf. l'anecdote que je rapportais plus haut, 16.3.2023.
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeLun 25 Mar 2024, 16:50

La seconde application (10,11-18) (Je suis étonné ... Il me semble n'avoir jamais cité ce texte). 

11 Moi, je suis le bon pasteur (egô eimi ho poimèn ho kalos)
Le bon pasteur donne sa vie pour les brebis.
12 Le berger salarié et qui n’est pas le pasteur,
dont les brebis ne sont pas les siennes
voit venir le loup et il laisse les brebis et il s’enfuit
– et le loup s’en empare et les disperse –
13 parce qu’il est un berger salarié et il n’y a pas chez lui de souci à l’égard des brebis.
14 Moi, je suis le bon pasteur (egô eimi ho poimèn ho kalos)
 et je connais les miennes (brebis), et les miennes me connaissent,
15 comme le Père me connaît, et que je connais le Père ;
et je donne ma vie pour mes brebis.
16 Et j’ai d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos
et celles-là aussi, il faut que je les conduise et elles écouteront ma voix
et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur.
17 À cause de cela le Père m’aime :
parce que moi, je donne ma vie, pour que je la reçoive de nouveau.
18 Nul ne me l’enlève : je la donne de moi-même.
J’ai la liberté de la donner, j’ai aussi la possibilité de la recevoir de nouveau :
voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

Un examen attentif du contenu de cette dernière section mène aux observations suivantes.

a) Après s’être appliqué à lui-même le motif de la porte, prélevé dans le récit imagé de Jn 10,1-5, c’est maintenant celui du pasteur que Jésus reprend et s’applique de la même façon. Comme la première application, la seconde s’ouvre par une proclamation en Egô eimi : « Je suis le pasteur, le bon » (10,11). Et comme dans la première application, cette proclamation est ensuite reprise (10,14a), et de nouveau à la suite d’une mise contraste (10,12-13).

b) Le motif du pasteur se trouve cependant ajusté et exploité dans une ligne nouvelle. Il ne s’agit plus, comme dans la paroimia, du pasteur qui pénètre dans l’enclos par la porte et qui appelle ses brebis à le suivre, mais de celui qui va jusqu’à donner sa vie pour elles. Nous verrons que c’est bien en ce sens qu’il faut entendre le verbe tithèmi dans l’affirmation qui revient à cinq reprises du début à la fin (aux versets 11, 15, 17, plus deux fois au v. 18). Cette nouvelle thématique entraîne comme motif contrastant non plus celui du voleur, présent dans le récit imagé (10,1) et repris dans la première application (10,8.10a), mais celui du berger salarié qui, au lieu de risquer sa vie lorsque survient le danger, s’enfuit et abandonne les brebis (10,12-13).

c) Comme dans le récit imagé, le motif du pasteur s’accompagne de nouveau aux versets 14b-15 de celui de la familiarité ou de la connaissance réciproque existant entre le pasteur et les brebis. À première vue, il est vrai, on aurait l’impression que ces versets – en retrait dans le texte ci-dessus – viennent interrompre un développement continu sur le don de la vie et que, s’ils n’étaient pas là, on ne se rendrait pas compte qu’il manque quelque chose. À y regarder de plus près cependant, on comprend que ce passage explicite de deux façons le contraste qui précède (10,12-13) entre les deux bergers. Pour une part, dans le cas du salarié, les brebis ne sont pas les siennes propres (ouk estin ta probata idia) (10,12a) ; par contraste, est-il dit à deux reprises (10,14b), dans le cas de Jésus, le « bon berger », elles sont ta ema, « les miennes propres » (10,14), en précisant qu’il existe entre elles et lui une connaissance réciproque comme celle qui existe entre Jésus et le Père (10,15a). En outre, alors que le salarié s’enfuit quand survient le danger (10,12b), le v. 15b répète que Jésus, lui, donne sa vie pour ses brebis. La référence au Père, quant à elle, prépare ce qui va suivre : au v. 17a, elle sera exprimée, non plus sous l’angle de la connaissance réciproque mais de l’amour et au v. 18b sous l’angle du « commandement », de l’attente du Père, pour ainsi dire, à l’égard de Jésus.

d) Au verset 16 – également en retrait dans le texte ci-dessus car il semblerait interrompre le développement –, se présente la perspective vraiment nouvelle d’un accroissement à venir du troupeau, dont il est dit cependant que « les brebis écouteront ma voix », ce qui ramène en sourdine le thème de la familiarité par rapport au pasteur.

De ce contenu global de la seconde application, il se dégage en condensé trois autres données christologiques, qui viennent s’ajouter à celle que nous avons retracée en lien avec la première application.

https://www.erudit.org/fr/revues/scesprit/2022-v74-n2-3-scesprit06927/1088265ar/
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MessageSujet: Re: Jean 10 - Les Brebis et le Berger   Jean 10 - Les Brebis et le Berger - Page 2 Icon_minitimeLun 25 Mar 2024, 17:33

Intéressant en effet.

Je pense aussi que la distinction "juifs / païens (non-Juifs, Gentils, etc.)" est tout à fait accessoire pour le quatrième évangile, et que les "autres brebis" pourraient aussi bien désigner les "disciples futurs" du "Jésus" raconté, indépendamment de leur ethnie, par opposition à ceux qui l'accompagnent dans le récit (c'est aussi le sens de la distinction du chap. 17, non seulement ceux-ci mais ceux qui croiront par leur parole). En réalité ça ne change pas grand-chose puisque les disciples "futurs" seront principalement "non-juifs", et c'est quand même la distinction par rapport à la nation, ethnos, qui joue aux chapitres 11 (Caïphe, v. 48ss) et 12 (les Grecs, v. 20ss; mais les disciples présents, et particulièrement ceux qui sont mis en évidence ici, André et Philippe, ont déjà des noms grecs, ce n'est sûrement pas un hasard). Sans oublier que tous les personnages du récit, autant "Jésus" que "les disciples", sont essentiellement fictifs, ou, si l'on préfère, rétrospectifs, (re-)construits a posteriori, même quand ils sont aussi "historiques" comme Pilate. A mon avis toute contextualisation "historique" d'une "figure" telle que le "Jésus" des évangiles est une erreur, mais avec "Jean" l'erreur tourne au contresens flagrant.

Cela vaut pour la contextualisation "rurale", "pastorale" ou "bucolique" de l'ensemble: certes c'est un effet du texte et des évangiles en général, quoique le quatrième se situe plus souvent à Jérusalem (cf. encore ici 10,22), mais le monde des auteurs et des (premiers) destinataires est à peu près aussi citadin que le nôtre, nonobstant les différences entre les villes du monde romain et les villes modernes: les références aux bergers, aux moutons ou aux loups sont presque aussi imaginaires, exotiques, et poétiques, pour eux que pour nous... Dans tous les cas "la campagne" est vue de "la ville".
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