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 La croivance

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Narkissos

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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeDim 31 Déc 2023, 14:16

J'ai trouvé à la bibliothèque -- sans le chercher, sur un présentoir de "nouveautés" -- le petit livre de Dieguez. En le parcourant (je n'ai pas fini), je constate que ma réaction ne diffère pas tellement de celle que j'ai eue à la présentation ci-dessus: c'était une bonne présentation...

Une chose m'a déjà amusé: l'auteur remarque lui-même, à plusieurs reprises (il se répète beaucoup, mais je serais mal placé pour le lui reprocher), que le concept (quasi-)cognitif de (vraie) croyance tel qu'il le définit (tenir pour vrai sans en être sûr, mais avec un minimum de vraisemblance, ce dont il distingue la "croivance") est précisément celui pour lequel la langue emploie rarement le verbe "croire", sans que ça l'interroge en retour sur la pertinence du concept. Je préfère pour ma part observer et respecter l'usage effectif des mots, où le "cognitif" reste indissociable de l'"affectif", quitte à n'aboutir jamais à un concept ferme et univoque, mais plutôt à une polysémie fluide... Bref, à rebours de l'"analytique", ne pas séparer ce que la langue, ou le phénomène, unit. Autrement dit, le croire me semble inséparable (sinon arbitrairement) du dire croire autant que du "sentir" (sens, sensation, sentiment, etc.) ou du "vouloir" -- mutatis mutandis, c'est le rapport paulinien de la foi à la confession de foi, du coeur à la bouche: l'un(e) n'est connu(e) que par l'autre, à condition encore d'y croire: circularité incontournable, si l'on ose dire, pour la "croyance" comme pour la "connaissance", même s'il ne s'agit pas tout à fait du même cercle...

Séparer arbitrairement le "sentiment" de la (quasi-)"cognition" pour s'étonner ensuite que celle-ci soit affectée (c'est le cas de le dire) par celui-là, c'est un médiocre tour de passe-passe...

(A suivre, peut-être.)

---

Post scriptum et lectionem:

La première vue du titre m'avait suggéré le (vrai) verbe "crever", et le calembour subséquent ne m'a guère quitté tout au long de la lecture: je crois (?) qu'on croive précisément parce qu'on crève et pour ne pas crever, dans une tentative désespérée de résistance à une réalité perçue comme close et étouffante, par claustrophobie métonymique; en saisissant toutes les formes de différence qui nous tombent sous la main, religieuses, politiques, littéraires, artistiques, pseudoscientifiques, sectaires, complotistes, extrémistes, quitte à s'assujettir provisoirement à des micro-systèmes bien plus contraignants que LE (macro-)"Système" -- mais qui présentent sur celui-ci l'avantage d'abord d'en questionner ou d'en subvertir la prétention ou la tendance totalitaire, ensuite d'être, précisément, bornés, limités, marginaux: contrairement au (grand) "Système" on peut en sortir, ils ont un dehors, du moins tant qu'aucun d'eux ne réussit vraiment à devenir LE "Système" (total, universel). C'est à mon sens la dynamique qui a porté le judaïsme et le christianisme, parmi bien d'autres mouvements philosophico-religieux (mystères, gnoses), dans (sous, contre) un monde gréco-romain largement unifié; puis les hérésies ou les sorcelleries sous un christianisme devenu catholicisme et chrétienté, le romantisme sous le rationalisme, les occultismes (p. ex. spiritisme) et les sectes religieuses sous le scientisme du XIXe siècle, et ainsi de suite. La foi, si on ne la dissèque pas pour n'en retenir qu'un "tenir-pour-vrai" qui en fait assurément partie mais n'en est qu'une partie accessoire, apparaît bien plus essentiellement solidaire de la folie, de la déraison, du jeu, du rêve, de l'imagination, de l'expression d'un désir d'impossible, d'une protestation ou d'une insurrection du "sujet" contre la réalité, qui peut ensuite recourir à toutes les "rationalisations" possibles, défensives ou offensives, stratégiques ou tactiques (ce que Dieguez appelle "jeu de la preuve"), ne serait-ce que pour ne pas crever la gueule ouverte dans un monde hermétiquement clos.

Tout cela, bien sûr, est avant tout une confession ou un témoignage de ma part, de la façon dont je crois avoir cru, ou crevu, voulu et cru ou imaginé croire, y compris les choses les plus ridicules... Donc, rationalisation encore, puisqu'on ne se donne plus la peine de traduire la rationalisation anglaise ou la rationalization américaine en "justification après coup". (Je réagis au passage, toujours après coup, à une remarque de VANVDA supra 20.12.2023: Augustin le catholique, rationaliste ou plutôt idéaliste néo-platonicien revenu du sectarisme manichéen, avait quand même bien lu Tertullien, l'antirationnel et sectaire d'où nous vient le fameux credo quia absurdum, même s'il ne l'a jamais écrit tel quel...).

Il est presque inutile de remarquer que tous les apôtres du bien-penser (académiques vulgarisateurs comme Dieguez parmi une cohorte de fact-checkers médiatiques) nourrissent et stimulent malgré eux ce qu'ils combattent, en renforçant l'effet contraignant du système dans sa cohérence synchronique: la philosophie, la neurologie, la psychologie, la sociologie, et bien d'autres "disciplines" voient leurs différences historiques et méthodologiques neutralisées sous un même effet de "science" et d'autorité normative, balisées par les références bibliographiques: un ou plusieurs noms, le plus souvent anglo-saxons, une date, le plus souvent du XXIe siècle (les références plus anciennes, chez Dieguez, sont généralement de seconde main, sauf Hume et Newman, mais j'en ai probablement oublié). Tout cela forme un dispositif impressionnant devant lequel le "croivant" ne peut que capituler ou se revendiquer idiot, mais cette alternative (que j'appelle totalitaire, en repensant au "totalitarisme d'extrême centre" de Baubérot) est précisément le principal ressort, réactif, de la croivance...

---

Par coïncidence, je suis en train de revoir Hitler, ein Film aus Deutschland de Syberberg (1977), où l'on entend plusieurs fois un discours de Goebbels sur la foi (Glaube) qui déplace les montagnes, thème évangélique et spécialement luthérien... et je repense à la fin du Stalker de Tarkovski, où le protagoniste déplore (en russe, mais selon le souvenir que j'ai de la traduction française) l'atrophie de l'organe du croire; ou au I can believe du Breaking the Waves de Lars von Trier, dont j'ai déjà parlé ici...

De la foi, comprise indistinctement comme vouloir, pouvoir, savoir et croire croire, on peut faire le meilleur et le pire, toute sorte de meilleur et de pire... mais sans elle ?
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 02 Jan 2024, 12:01

Bonjour à TOUS et bonne année.

Je suis devenu proclamateur à l'âge de 15 ans mais pour intégrer le "club" ou la "famille", il fallait adopter un ensemble de croyances, je me rends (aujourd'hui) que je n'y ai jamais vraiment adhéré, j'ai accepté ces croyances par nécessité, celle d'être accueilli dans la communauté des croyants. J'ai le souvenir de faire l'inventaire des fidèles pour qui j'éprouvais de l'admiration, pour leur intelligence, leur sagesse et leur côté raisonnable, tout en me disant, que si, ces personnes croyaient au credo de la Watch, c'est qu'ils avaient de bonnes raisons, c'est (donc) cette conviction que ces personnes ne pouvaient pas se tromper qui me confortait dans ma croyance. Mon désire d'être intégré à une communauté, mon attachement et mon admiration pour certains membres actifs de la congrégation (assemblée) m'ont convaincu que j'étais dans la "vérité" (sans jamais vraiment y croire).
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 02 Jan 2024, 12:36

Bonjour et bonne année à toi aussi -- et de nouveau à tou(te)s.

Je me dis, à te lire -- et plus généralement d'après mon expérience, y compris de quelques années passées sur divers forums d'ex-TdJ -- que mon rapport à la "foi-croyance-croivance" était sans doute minoritaire, sinon exceptionnel, dans ce milieu, déjà dans les années 1970-80; a fortiori décalé par rapport à ce que les TdJ sont devenus par la suite (majoritairement "nés-dedans", de "tradition" et non de "conversion", pour qui la "vérité", ou son "contenu", sont devenus accessoires par rapport à la fidélité à l'organisation ou au groupe).

Comme je l'ai raconté plus haut (22.12.2023), le fait de voir des adultes croire (ou croiver), avoir l'air de prendre au sérieux des énoncés religieux d'une façon qui différait du cadre catéchétique ou liturgique, théâtral, que je connaissais du catholicisme, a été un élément déclencheur. Mais l'appropriation des croyances était pour moi un deuxième pas indispensable: la nuit suivant cette première réunion, nuit passée à éplucher le livre Assurez-vous de toutes choses, a fait de moi un convaincu (qui aurait sa revanche, comme dirait Guitry) de la "vérité", essentiellement par effet de cohérence; la suite, "étude biblique" et baptême en quelques mois, n'était plus qu'une suite logique, j'étais déjà mentalement sur les rails. Et même si j'ai pu tout remettre en question à peine un an plus tard, douter de tout et admettre franchement ne plus y croire, j'ai aussi pu m'y raccrocher et me remettre à croire, à faire semblant de croire au point de ne plus faire semblant, parce qu'il y avait là un fond que le doute n'avait pas atteint. Au moment de la crise j'ai dit "je ne peux pas vivre sans Dieu" -- je n'ai pas dit "Jéhovah" -- parce que le religieux touchait à quelque chose que rien d'autre, à ma connaissance, n'approchait, quelque chose d'essentiel et d'existentiel comme le "pourquoi quelque chose plutôt que rien" de Leibniz ou "le mystère qu'il y ait un monde" de Wittgenstein (dont je n'avais évidemment pas la moindre idée). Autant les questions et plus encore les réponses adressées à ce (non-)lieu par la religion en général et le jéhovisme en particulier pouvaient me paraître idiotes, autant il m'était impossible de me détourner de la question et de son (non-)lieu, et il me fallait faire avec la seule approche que j'en connaissais. C'est, bien sûr, une façon rétrospective d'expliquer la chose -- mais sous cette réserve j'y crois... Smile
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 02 Jan 2024, 13:05

Citation :
Au moment de la crise j'ai dit "je ne peux pas vivre sans Dieu" -- je n'ai pas dit "Jéhovah" -- parce que le religieux touchait à quelque chose que rien d'autre, à ma connaissance, n'approchait, quelque chose d'essentiel et d'existentiel comme le "pourquoi quelque chose plutôt que rien" de Leibniz ou "le mystère qu'il y ait un monde" de Wittgenstein (dont je n'avais évidemment pas la moindre idée). Autant les questions et plus encore les réponses adressées à ce (non-)lieu par la religion en général et le jéhovisme en particulier pouvaient me paraître idiotes, autant il m'était impossible de me détourner de la question et de son (non-)lieu. C'est, bien sûr, une façon rétrospective d'expliquer la chose -- mais sous cette réserve j'y crois... La croivance - Page 2 Icon_smile

Je ne suis pas devenu par hasard TdJ, "Dieu" et les questions existentielles m'ont préoccupées très jeunes mais je dirais que si mes voisins (qui m'ont converti) avaient été évangélistes, je le serais devenu, pour peu que leurs arguments me paraissent un minimums rationnels ... Peut-être que ce qui m'a touché et convaincu, c'est justement ce côté très rationnel et la conviction "absolue" de détenir le "vérité" et de pouvoir le prouver, qui m'ont touché ... Chaque question avait sa réponse (mais chaque réponse méritée d'être interroger).




D’autant plus que le croire relève de l’échange et du don; il est d’ailleurs souvent conçu comme un don reçu d’un tiers. Ainsi, pour Michel de Croire et croyances d’hier à aujourd’hui
Robert R. Crépeau

Certeau cité par Jacques Julien (dans ce numéro), «le cru est toujours un reçu » et possède un caractère propositionnel: « … j’entends par “croyance” non l’objet du croire (un dogme, un programme, etc.) mais l’investissement des sujets dans une proposition, l’acte de l’énoncer en la tenant pour vraie — autrement dit, une “modalité” de l’affirmation et non pas son contenu ». Cet acte d’énonciation est ainsi lié à l’idée de justification, c’est-à-dire qu’une proposition sera évaluée par rapport à d’autres propositions avec lesquelles elle devra être tissée serrée dans une sorte de «conformation méthodique », pour reprendre l’expression de Jean-Marc Ferry (1994). En ce sens, le croire est collectif et la croyance un centre de gravité à la fois collectif et individuel. Le croyant, celui ou celle qui fait acte de croire ou de faire croire, est le sujet que la foi habite, dirige, transforme, domine, déborde, assujettit, mais aussi interpelle et questionne ...

... Invitée de marque du colloque, l’anthropologue Roberte Hamayon, spécialiste de renommée mondiale du chamanisme, s’interroge sur «L’anthropologue et la dualité paradoxale du “croire” occidental». Pour les anthropologues, la notion de croyance constitue, depuis les débuts de leur discipline, un problème épistémologique, notamment en raison de sa polysémie. De plus, il n’y a pas d’équivalent du verbe croire dans les langues des sociétés non-occidentales qu’étudient les ethnologues, comme l’illustre la langue mongole analysée ici par Roberte Hamayon. Cette dernière souligne que la croyance est appliquée aussi bien à ce que l’on croit qu’au fait même de croire, à un contenu idéel qu’à l’adhésion à ce contenu; nous parlons aussi bien de « croyances » pour évoquer des conceptions religieuses que de «la croyance » comme état d’esprit, comme attitude mentale, psychique ou affective du sujet croyant. Cette polysémie a mené l’anthropologie à délaisser le concept de croyance au profit de celui de représentation, en apparence plus neutre et objectif et dénué de jugement de valeur. Le concept de représentation permet à l’anthropologie de rendre compte de façon plus adéquate de la relativité des croyances tout en évitant de faire appel à la superstition, notion qui désigne la croyance de l’autre qui se trompe, notamment en contexte colonial.

Roberte Hamayon souligne le caractère pratique et appliqué du rapport au croire et à la croyance dans les sociétés lointaines étudiées par les anthropologues à l’époque coloniale. Chez ces dernières, la validité des croyances ne se fonde apparemment pas sur un jugement de vérité, bref sur une théorie de la connaissance. Cette validité relèverait du sens pratique où le rituel occupe une place centrale. Tout se passe comme si « la pratique effective tient lieu d’attestation de croyance, sans qu’il y ait besoin de manifestation formelle d’adhésion ». Le caractère collectif et la relativité du croire sont soulignés par une référence aux ancêtres et par la mise en actes d’un système de croyances partagées. La validité des croyances se poserait essentiellement en termes symboliques, indépendamment de l’examen en termes rationnels de leur vérité ou de leur fausseté.

https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2005-v13-n1-theologi1052/012522ar.pdf
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 02 Jan 2024, 14:47

Au jeu de l'irréel du passé, je peux imaginer aussi que si j'étais tombé à 12-13 ans sur un bon théologien ou un bon philosophe au lieu des TdJ, ma vie eût été très différente et je fusse devenu un autre; mais il est douteux qu'alors j'eusse su l'apprécier... et en matière de religion ou de sectarisme ordinaire, j'eusse pu aussi tomber sur mieux ou pire qui eussent déterminé d'autres parcours.

Le fait est que le jéhovisme est la première religion que j'ai rencontrée en dehors du catholicisme (que je connaissais mal et que j'avais pris en grippe à force de le subir sous forme d'école religieuse, et de pensionnat depuis le divorce de mes parents). Situation qui n'était pas rare en France, surtout hors des régions protestantes; je me souviens que mon "faux frère" (fils d'un premier mariage de la seconde femme de mon père, faut suivre), le futur astrophysicien qui avait eu l'intelligence, à 16 ans, de tout abandonner au bout de quelques mois d'initiation au jéhovisme (réunions, "étude biblique") avec la seule réplique "ça se répète et ça m'ennuie" (attitude qui m'était tout à fait inaccessible de par mon rapport à la "vérité", qui avait bien le droit d'être ennuyeuse tout en étant vraie), avait dit aussi: "si je devais choisir une religion ce serait sûrement celle-là" -- preuve que son ignorance en la matière valait la mienne.

Quant à ta citation, j'ai moi-même souligné assez souvent que la "foi", dans toutes ses dimensions, affectives et cognitives, n'est nullement un "trait commun" de toutes les religions, également partagé par celles-ci: aucune "religion" ne lui a certainement donné autant d'importance que le christianisme, mais ce trait s'est largement transmis dans le "cône d'influence" de celui-ci, y compris au rationalisme, au scientisme, à l'athéisme ou à l'agnosticisme modernes qui doutent de tout sauf de l'importance d'avoir raison (le savoir ou le croire juste, en un mot l'orthodoxie)... Dans cette présentation succincte d'un colloque j'ai apprécié aussi les références à la gnose qui déplace un peu la question (contribution de P. Létourneau, évoquée p. 10s).
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 02 Jan 2024, 15:52

Citation :
Situation qui n'était pas rare en France, surtout hors des régions protestantes; je me souviens que mon "faux frère" (fils d'un premier mariage de la seconde femme de mon père, faut suivre), le futur astrophysicien qui avait eu l'intelligence, à 16 ans, de tout abandonner au bout de quelques mois d'une initiation au jéhovisme avec la seule réplique "ça se répète et ça m'ennuie" (attitude qui m'était tout à fait inaccessible de par mon rapport à la "vérité", qui avait bien le droit d'être ennuyeuse tout en restant vraie), avait dit aussi: "si je devais avoir une religion ce serait celle-là" -- preuve que son ignorance en la matière valait la mienne.

Je me souviens d'avoir dit à un autre TdJ que "même si ce n'était pas la vérité (donc j'étais conscient de cette forte possibilité), je ne changerais pas de religion" ... Je m'étais persuadé d'avoir intégré la communauté ou j'avais trouvé mon équilibre et le "bonheur" ... J'étais dans l'auto persuasion. Je pense que l'activité de prédication sert plus à convaincre le proclamateur qu'à faire des adeptes, chaque fois, que le prédicateur argumente , il se s'auto persuade de détenir la "vérité". 


Les croyances religieuses : entre raison, symbolisation et expérience
Anne-Sophie Lamine

La dimension symbolique de la croyance

L’interprétation des résultats d’enquêtes portant sur les croyances religieuses peut s’appuyer sur l’hypothèse d’une lecture symbolique de certaines croyances. Les enquêtes quantitatives sur les valeurs des Européens comportent quelques questions sur les croyances religieuses. En dépit de leur aspect (inévitablement) assez rudimentaire, elles nous apportent quelques éléments qui vont dans le sens de la pertinence de l’approche symbolique des croyances. Ainsi, Raymond Boudon, reprenant les résultats de ces enquêtes dans un ouvrage traitant plus généralement des valeurs, souligne que les certaines croyances fonctionnent mieux car elles peuvent être lues de manière symbolique : « une notion a d’autant plus de chance de se maintenir qu’elle peut plus facilement recevoir une interprétation symbolique et immanentiste et qu’elle est porteuse d’un message d’espoir ou de bonheur » (Boudon, 2002, 44). Cela fonctionne en particulier pour la croyance en Dieu, en la vie après la mort, et surtout particulièrement bien pour l’âme. On vérifie d’ailleurs que cette croyance garde un fort taux de réponse positive chez les jeunes et chez les plus instruits, même dans les pays européens où le niveau de croyances religieuses est globalement assez bas. Le fait que l’âme puisse faire l’objet d’une lecture symbolique de la transcendance permet d’expliquer cette spécificité : « on croit à l’âme parce qu’elle existe au sens où elle traduit de façon symbolique une réalité : celle de la transcendance de l’homme, au sens que Luckmann (1991) prête à cette notion, à savoir que parmi les êtres vivants, l’homme est le seul capable de se donner des fins non inscrites dans la nature » (Boudon, 2002, 44). Toujours dans cette perspective, a contrario, « le diable et l’enfer ont le double inconvénient d’être des notions trop imagées pour être facilement ramenées à des symboles » (Ibid., 42). Et pour ces deux items (enfer et diable), le taux de réponse positive est à l’inverse plus faible chez les jeunes et chez les plus instruits. Un exemple « classique » et très répandu (consensuel pour une large partie de la pensée chrétienne) du processus de métaphorisation dans la lecture de textes religieux est celui qui consiste à interpréter les jours bibliques de la création comme la métaphore de périodes prolongées (époques géologiques). En dehors de la question de la création, les récits bibliques offrent de nombreuses ressources pour ces processus de symbolisation. La figure du patriarche Abraham fait par exemple fréquemment l’objet de lectures symboliques. En s’appuyant à la fois sur les récits de sa descendance et sur le fait que cette figure soit présente dans des textes de référence pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, de nombreux acteurs religieux font de ce personnage un symbole de reconnaissance de l’altérité religieuse. Comme le formule un croyant juif : « Abraham montre comment être à l’écoute de la voie de Dieu. […] Abraham réunifie l’humanité. […] Toute l’humanité se référera à la voie éthique » (Lamine, 2004, 139), mêlant ici symbolisation et éthicisation du religieux.

Les processus de métaphorisation des croyances ont depuis longtemps été mis en évidence par des sociologues des religions (Séguy, 1989). Leur présence est confirmée par de nombreuses études ethnographiques qui montrent la fréquence de ce mode de rapport à la croyance, en particulier pour celles qui concernent Dieu, l’âme, la vie après la mort, le paradis l’enfer, la résurrection ou le sens de l’eucharistie . L’approche schutzienne offre un appui théorique pour expliquer ce type de rapport au religieux. L’intérêt de ce type d’approche, celui de la symbolisation, pour l’analyse sociologique est aussi de sortir de l’aporie croyances non vérifiables (ou contre-factuelles) versus rationalité. En outre, l’observation de pratiques religieuses ou plus largement « spirituelles » (ou « existentielles »), montre que le processus de symbolisation fait partie du savoir ordinaire des individus dans leurs rapports aux mondes de signification. L’approche en termes de symbolisation est une alternative à l’approche de sociologie cognitive, dans laquelle le processus — en particulier pour le récit biblique de création — est interprété comme une adaptation de croyance en vue de réduire la dissonance cognitive . Notons cependant que les deux interprétations ne s’excluent pas forcément. On peut concevoir que, pour certains croyants, une approche initialement littéraliste de certains textes ait été remise en cause par l’acquisition de connaissances, et que la lecture symbolique soit apparue comme la « solution » à ce problème (et l’histoire des représentations et de la pensée religieuses atteste évidemment d’évolutions de ce type).

https://www.cairn.info/revue-l-annee-sociologique-2010-1-page-93.htm
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 02 Jan 2024, 17:36

Free a écrit:
Je me souviens d'avoir dit à un autre TdJ que "même si ce n'était pas la vérité (donc j'étais conscient de cette forte possibilité), je ne changerais pas de religion" ... Je m'étais persuadé d'avoir intégré la communauté ou j'avais trouvé mon équilibre et le "bonheur" ... J'étais dans l'auto persuasion. Je pense que l'activité de prédication sert plus à convaincre le proclamateur qu'à faire des adeptes, chaque fois, que le prédicateur argumente , il se s'auto persuade de détenir la "vérité". 

Je ne crois pas (!) que j'aurais pu dire ça, du moins dans la première période de mon engagement (ou ré-engagement) jéhoviste, quand j'étais "pionnier", avant le Béthel... J'étais trop occupé à convaincre les autres pour admettre le moindre doute sur la "vérité" de ce que je croyais (ou croivais). De ce côté-là je suis bien d'accord avec ce que tu dis de l'auto-persuasion, sauf qu'à mes yeux cela impliquait avant tout la doctrine: aucun "bonheur" ne pouvait compenser la mise en question de "la vérité", mais c'était plus une affaire d'ensemble que de détail -- je veux dire par là que j'aurais volontiers vu la Watch abandonner beaucoup d'éléments de sa "vérité", c'était d'ailleurs la direction qu'elle semblait prendre dans la deuxième moitié des années 1970 et qui me convenait tout à fait, mais ça ne remettait pas en cause mon adhésion fondamentale, qui était d'abord envers "Dieu" (ou "Jéhovah"), supposant néanmoins "vraie" l'essentiel de la croyance -- à mes yeux d'alors le "christianisme" en général plutôt que les traits "sectaires" qui en distinguaient le "jéhovisme", l'organisation ou le groupe étant a fortiori théoriquement accessoires... théoriquement car en pratique, comme je l'ai dit plus haut, c'est bien l'engagement quotidien dans des activités concrètes avec des gens réels qui me permettait d'oublier si facilement mes doutes...

Paradoxalement j'étais plus près de ta formule au moment de quitter les TdJ, parce que je ne voulais pas les quitter (encore moins "changer de religion") même lorsque je ne me faisais plus la moindre illusion sur leur doctrine. Il me semblait que puisque j'étais là je devais y rester tant qu'on ne me mettrait pas dehors, à condition de ne plus dire des choses que je ne croyais plus, et de mettre en avant celles que je croyais encore et même de plus en plus. Expérience de "foi" des plus intéressantes, du reste, que d'agir et de parler selon sa "foi" du moment sans savoir si l'on pourra encore dire et faire demain ce que l'on peut aujourd'hui (mon image de l'époque est celle du chemin de crête entre deux précipices, "hypocrisie" et "apostasie", où l'on avance littéralement pas à pas). Avec a priori à peu près autant d'avenir que celui d'un hérisson sur une autoroute, mais ça a quand même duré quelques mois dont je n'aurais pas voulu me priver et que je ne regrette pas...

Je préfère nettement l'approche de ton article à celle de Dieguez -- pendant que je l'ai sous la main, j'en profite pour remarquer que leurs bibliographies respectives, à moins de vingt ans d'intervalle, n'ont quasiment rien en commun, sinon Boudon et Engel... La distinction du "rationnel" et du "cognitif" me paraît extrêmement importante: j'ai souvent qualifié les TdJ, entre autres, d'hyper-rationalistes crédules, parce que la cohérence interne de leur système de croyances offre un abri trompeur, mais provisoirement efficace, contre toute remise en question venant de l'extérieur (y compris les faits incontournables, comme le temps qui passe).

La question du "symbole" (parabole, allégorie, métaphore, figure, poésie, etc.) m'a beaucoup préoccupé après les TdJ, lors de mon passage (plus bref, mais mouvementé quand même) dans les Eglises évangéliques et protestantes: dans quelle mesure peut-on coexister, communiquer et communier, en interprétant différemment les mêmes mots et les mêmes formules (p. ex. sur l'incarnation ou la résurrection, que certains prennent à la lettre comme des événements "réels", "historiques", et d'autres comme des "images") ? On le peut toujours à condition de se taire, mais dès qu'on essaie de s'expliquer ça devient très difficile: le "littéraliste" tendra à considérer le "symboliste" comme un mécréant, et réciproquement celui-ci tendra à regarder celui-là comme un imbécile (naïf, ignorant, primitif, borné, etc.): on repensera à la symétrie de Romains 14 (ne pas juger :: ne pas mépriser), mais de fait ce n'est pas facile à vivre et les Eglises (ou paroisses) tendent naturellement à se regrouper selon des affinités d'interprétation, y compris dans des grandes Eglises, fédérations ou unions d'Eglises dites "pluralistes": les "fondamentalistes" d'un côté, les "libéraux" de l'autre -- et du point de vue du succès populaire (prosélytisme, croissance, assistance, assiduité, financement) les premiers sont largement gagnants... Si l'on arrive à conserver un certain dialogue entre les différentes tendances au lieu de se regarder en adversaires cela permet au moins des évolutions individuelles pas trop déchirantes -- quand avec le temps, l'instruction ou la réflexion un "fondamentaliste" éprouve le besoin de "symboliser", qu'il puisse le faire sans passer pour un hérétique ou un renégat aux yeux de ses proches qui ne suivent pas le même chemin; mais en fait ça ne peut pas être sans douleur, quand même ça n'atteint pas le dramatique de la "sortie de secte".
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMer 03 Jan 2024, 14:03

La foi, un désir subjectif ?

Très souvent l'expression de la foi est vécue comme une manifestation affective, un ressenti, un besoin, une envie... Comme si la foi passait nécessairement par nos états d'âme et subissait les aléas de nos humeurs, de nos désirs ou de nos désaffections . Ramener la foi et la pratique religieuse à des dispositions sentimentales, n'est-ce pas une déviation d'un acte qui devrait être avant tout volontaire et raisonné ?

L'initiative d'un autre

Derrière ces réflexions se cache un vrai désir d'authenticité, de vérité avec soi-même, de fidélité. D'un côté, "je n'ai plus envie", de l'autre "je veux être fidèle". Mais on oublie que les "choses de la foi" ne dépendent pas d'abord de moi, de ce que je ressens ou de ce que je veux. Elles sont là, expression d'une initiative qui vient d'un autre, d'un Dieu qui désire entrer en Alliance avec moi. Prenons l'exemple d'une Mère Teresa dont nous savons aujourd'hui qu'elle vivait la foi dans une certaine nuit des sentiments et de la raison Pourquoi la déclarer sainte alors ? Pas seulement parce qu'elle a été fidèle malgré tout à une "pratique religieuse", mais parce que nous savons qu'elle a aimé les plus démunis des blessés de la vie, parce qu'elle a cherché à aimer comme Jésus a aimé. C'est cette piste de la foi qui se traduit en amour qu'il nous faut emprunter.

Être aimé

La vie spirituelle commence vraiment, me semble-t-il, avec l'"envie" d'aimer et d'être aimé Sans cette expérience humaine, que l'on peut dire "basique", je crois que la foi chrétienne ne peut surgir. L'amour est premier. Il sera aussi, comme l'affirme Paul dans sa lettre aux Corinthiens, dernier, car "il ne disparaît jamais". L'amour est le plus grand. Et même, "quand j'aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien".

Passer de la connaissance à la reconnaissance

"Dieu est amour" : C'est ce que Jean affirme, quelques versets plus loin dans son épître. Autrement dit le disciple de Jésus est quelqu'un qui reconnaît et proclame que son « Dieu est amour » et en fait sa pratique. Oui, notre Dieu a pour nom, pour définition, pour contenu, l'amour. Le croyant est celui qui est ainsi passé de la "connaissance" (expérience) à la "reconnaissance" (foi). Lui qui a connu, qui connaît l'amour, reconnaît par la foi que tout amour, en lui ou dans les autres, vient de Dieu. Il l'affirme. Il veut en vivre. Il veut le proclamer par ses paroles et plus encore par sa vie.

https://www.la-croix.com/Definitions/Lexique/Foi/La-foi-un-desir-subjectif
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMer 03 Jan 2024, 14:43

Du pape à la théologienne de service de "La Croix", ce n'est pas une sinécure que d'assurer le service après-vente d'une religion bi-millénaire, en essayant de la justifier à tout prix selon les derniers critères moraux ou psychologiques d'un monde qui ne s'y intéresse même plus assez pour la critiquer... On aboutit à une feel-good theology qui ne se distingue plus d'une apologétique ni, par conséquent, de la banalité au regard de laquelle elle juge bon, utile ou nécessaire de se justifier.

Reste en effet que la "foi", chrétienne en l'occurrence, ne se réduit pas à une croyance, à un "contenu" (quasi ou pseudo-)cognitif, vraisemblable ou non, mais cela nous l'avons déjà beaucoup dit ici et ailleurs...

En ce qui concerne cependant cet aspect cognitif ou doctrinal (croyance-croivance), le principal problème de la "tradition" (façon catholique ou orthodoxe) c'est qu'elle ajoute toujours et ne retranche jamais: elle intègre, superpose, stratifie, sédimente, articule, construit, ordonne, hiérarchise, résume, récapitule, jusqu'à la monstruosité auto-paralysante. On ne va plus se battre contre Galilée ou Darwin, mais on est prêt à rejouer le même combat d'arrière-garde contre toute nouveauté et tout "progrès", qu'il soit scientifique, philosophique, politique ou moral. Certes le "progrès" aurait tout lieu d'être mis en question, mais la question provenant d'une telle tradition, conservatrice par principe et jusqu'à la caricature, est la moins crédible de toutes.


Dernière édition par Narkissos le Mer 03 Jan 2024, 15:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMer 03 Jan 2024, 15:26

Que gagne l'homme à perdre ses illusions ?

Cette question en appelle une autre: pouvons-nous vivre sans illusions ?

Du latin illudere(se jouer de - se moquer de) en philosophie on définit l'illusion comme une croyance ou une opinion fausse abusant l'esprit par son caractère séduisant et fondée sur la réalisation d'un désir qui en constitue le mot clef.

Kant dans l'anthropologie du point de vue pragmatique, parle du leurre qui subsiste même quand on sait que l'objet supposé n'existe pas.

Nietzsche d'ajouter: la vie a besoin d'illusions, des non vérités tenues pour vraies

Déjà par le passé, Platon proposait que l'âme humaine s'arrache à la caverne des illusions, et Pascal de parler de maîtresse de la fausseté.

Marx et Freud insisterons lourdement sur l'illusion religieuse.

Une définition pertinente celle d'Althusser "Seule une conception illusoire de l'humanité a pu imaginer une humanité sans illusions"

Notons que l'illusion est positive car si l'erreur est privation de connaissances, l'illusion par contre est porteuse de croyances, d'imagination, et de subjectivité, et ComteSponville va même jusqu'à parler de subjectivité désirante.

Dangereuses les illusions? Oui si elles conduisant au délire ou nous amènent à soumettre le monde à nos fantasmes, dès lors elle peuvent devenir régressives ou infantilisantes.

Tout au contraire, elles permettent parfois une critique de la réalité et même nous rendre l'espoir mais à quel prix?

Une question capitale: la conscience de soi est-elle une illusion de soi?

Peut-on s'en passer sans rupture de l'équilibre psychologique?

L'illusion en fin de compte a-t-elle la fonction d'envelopper le moi d'un voile qui le protège de l'angoisse existentielle?

La problématique est complexe.

Nous nous satisferons de la définition suivante: L'illusion propre au désir est la satisfaction imaginaire du désir qui refuse d'être réfuté.

http://philosophie-sagesse-pezenas.over-blog.com/2014/07/que-gagne-l-homme-a-perdre-ses-illusions.html


J'ai ressenti la perte de mes croyances/illusions comme un vertige qui m'a désorienté et en même temps, un soulagement et libération ...
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMer 03 Jan 2024, 15:59

Je crois bien comprendre, d'expérience, ce que tu entends par "vertige", "soulagement" et "libération", mais il se trouve que sur le coup je l'ai précisément vécu, expérimenté, lu et interprété comme libération et révélation de la foi, qui m'apparaissait étonnamment détachée de tout "objet" (croyance, croivance; croire [en/à] quelque chose qui s'exprime en une proposition, fût-ce la description, le récit ou l'identification d'une "chose", d'une "personne" ou d'un "événement"). Il fallait de la "foi" pour lâcher les "croyances", et à ma grande surprise cette foi-là je l'avais, je la trouvais, je l'inventais, et pour la première fois il me semblait comprendre ce que c'était de "croire"; non que je n'eusse plus du tout de "croyance(s)", mais celles qui me restaient je n'était plus ni pressé ni anxieux de les perdre.
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeJeu 04 Jan 2024, 15:31

Citation :
La question de la "bonne foi" des membres du CC a été évoquée dans le fil de la discussion, la séquence commence vers 4'45". Il y a eu pas mal de digressions, selon mes mauvaises habitudes, et l'animatrice du podcast a fait pas mal de coupes/montages pour essayer de rendre la séquence plus digeste. On avait évoqué le fait que le "croire" regroupe sous un même verbe beaucoup de choses différentes, et que ça peut facilement tourner plus au "jeu de rôle" qu'à une conviction intime et profonde à propos du réel.


Crise de conscience. (Raymond FRANZ)

La question était : que dois-je faire maintenant ? Mes années au Collège Central, les choses que j’avais entendues dire, aussi bien pendant les sessions qu’en dehors, l’état d’esprit fondamental que j’y voyais manifesté, m’ont petit à petit rendu conscient, qu’en ce qui concerne l’organisation, ‘l’outre à vin avait vieilli’, avait perdu toute la flexibilité qu’elle avait pu avoir, et qu’elle renforçait sa résistance à toute correction scripturale aussi bien dans ses croyances doctrinales que dans sa façon de traiter ceux qui s’adressaient à elle pour obtenir des directives. Je croyais et je crois encore qu’il y avait de nombreux hommes bons au sein du Collège Central. Lors d’une conversation téléphonique, un ancien Témoin m’a dit, “nous étions des disciples de disciples”. Un autre a dit, “nous étions des victimes de victimes”. Je pense que ces deux déclarations sont exactes. Charles Taze Russell a suivi les idées de certains hommes de son temps, a souffert des représailles à cause des mythes qu’ils propageaient comme étant “la vérité révélée.” Chaque partie successive de la direction de l’organisation a continué dans cette voie, ajoutant parfois des mythes supplémentaires pour appuyer le mythe originel ou l’élaborer. Plutôt que de la rancune, je ne ressens que de la compassion pour ces hommes que je connais, car moi aussi j’ai été une telle “victime de victimes”, un “disciple de disciples”. (Page 323).

C’est le concept de “l’organisation” qui en est la cause. Ce concept crée la croyance que, en fin de compte, quoi que dise l’organisation, c’est comme si Dieu lui même parlait. Un incident qui survint au cours de la réunion des anciens d’une assemblée de Circonscription d’une partie de l’Alabama est un parfait exemple de l’état d’esprit que les déclarations de la Société, y compris cette lettre, produisaient. Le Surveillant de District, Bart Thompson, brandit une publication de la Société qui avait une couverture verte. Il déclara alors à l’assemblée des anciens, “Si la Société me dit que ce livre est noir et non pas vert, je dirais, ‘Tiens, j’aurais juré qu’il était vert, mais si la Société dit qu’il est noir, alors il est noir!’”. D’autres utilisèrent des illustrations du même genre.

Certes, de nombreux Témoins plus réfléchis sont perturbés par des expressions aussi flagrantes d’une foi aveugle. Pourtant la plupart acceptent de s’y soumettre, et même d’entreprendre une “action judiciaire” à l’encontre de toute personne qui exprimerait des doutes sur les interprétations de la Société. Pourquoi ?

J’essaie dans mon esprit et dans mon cœur de comprendre ce que ressentent ces personnes, y compris ceux qui sont au Collège Central. En partant de ma propre expérience parmi eux, je crois qu’ils sont, en effet, prisonniers d’un concept. Le concept ou l’image mentale qu’ils se font de “l’organisation” semble avoir une personnalité propre, tant et si bien que le concept les domine, les fait avancer ou les retient, en modelant leur pensée, leurs attitudes, leurs jugements. Je ne crois pas que la plupart d’entre eux camperaient sur la position qui est la leur maintenant s’ils pensaient seulement en termes de Dieu, Christ, La Bible, et les intérêts—non d’une organisation—mais de leurs frères chrétiens, leurs compagnons humains. L’insertion de ce concept de “l’organisation”, cependant, altère radicalement leur réflexion et leur point de vue, devient en fait la force dominante, celle qui contrôle.

Je crois que lorsque les hommes du Collège Central pensent et font référence à “l’organisation”, ils pensent au concept plutôt qu’à la réalité. Ils pensent que “l’organisation” est quelque chose de plus grand et plus éminent qu’eux, se référant à son aspect numérique, à l’ampleur de son contrôle, à quelque chose d’international, de mondial. Ils ne se rendent pas compte—apparemment—que cet aspect touche davantage au domaine de l’organisation plutôt qu’à ce qu’elle est en réalité. Quand, cependant, ils exhortent à “la loyauté envers l’organisation”, ils doivent savoir, ils devraient certainement savoir, qu’ils ne parlent pas de ce domaine—qui concerne des milliers de congrégations et leurs membres que l’organisation dirige. Ils parlent de loyauté envers la source de la direction, la source des enseignements, la source de l’autorité. Que les membres du Collège Central le sachent ou qu’ils préfèrent ne pas y penser, il n’en reste pas moins que pour ces aspects cruciaux, eux, et eux seulement, sont “l’organisation”. Quelle que soit tout autre autorité en place—celle des Comités de Filiales, celle des Surveillants de District et de Circonscription, celle des Collèges d’Anciens des Congrégations — cette autorité est totalement dépendante de ce petit groupe d’homme, sujette à révision, changement ou suppression en fonction de leur décision, unilatéralement, aucune question n’étant autorisée. (Page 406/407)
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeJeu 04 Jan 2024, 15:57

Mutatis mutandis, ce que les TdJ disent de "l'organisation" ("la Société" autrefois, "le Collège central" aujourd'hui), c'est ce que le pape, les évêques ou les fidèles catholiques de base disent de "l'Eglise", ou ce qu'un politicien français dit de "la République": quelque chose qui les dépasse en principe (une transcendance dans son sens le plus "vertical"), même s'ils se trouvent être au sommet et aux commandes. Cela convient évidemment mieux à une direction "collégiale", où le "corps" collectif (Body = Collège) ne se confond pas avec ses membres individuels, les précède et leur survit, mais cela fonctionnait également ainsi dans une monarchie absolue, comme l'a montré la fameuse théorie du "double corps du roi" de Kantorowicz (revisitée notamment par Derrida dans La bête et le souverain). D'une façon ou d'une autre, tout détenteur de pouvoir est obligé de se scinder de la sorte, entre ce qu'il "est" personnellement et ce qu'il "représente" officiellement (je repense à Jouvet jouant l'évêque Bedford dans Drôle de drame, qui exige imperturbablement qu'on respecte l'habit qu'il porte alors qu'il est tour à tour en robe de chambre et en kilt écossais)...

Quant aux "croyances" ou "croivances", il me semble quand même que les choses ont beaucoup changé: j'aurais très mal réagi, dans les années 1970 -- et je pense que ç'aurait aussi été le cas de la plupart des TdJ qui m'étaient les plus proches, également "convertis" de fraîche date -- à un discours comme celui de B. Thompson que cite R. Franz: pour nous "l'organisation" était au service de "la vérité", d'une "vérité" dont nous nous estimions convaincus après vérification (assurez-vous de toutes choses, les Béréens etc.) et que nous passions beaucoup de temps à "démontrer" (le jeu de la preuve)... C'était probablement déjà moins le cas en Amérique, où il y avait beaucoup plus de TdJ de la énième génération, et ça l'est assurément moins aujourd'hui partout, où les TdJ restants sont prêts à accepter et à répéter n'importe quoi sans même essayer de le comprendre et sans avoir besoin de savoir l'expliquer.
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeVen 05 Jan 2024, 15:09

L’une des choses les plus troublantes peut-être pour moi, était de savoir que l’organisation encourageait les frères à garder une confiance
inébranlable dans cette interprétation, et qu’il y avait à la tête de l’organisation, des hommes qui eux-mêmes avaient révélé qu’ils n’avaient pas entière confiance dans les prédictions basées sur la date de 1914.

Pour donner un exemple notable, lors de la session du 19 février 1975, au cours de laquelle le Collège Central écouta un enregistrement d’un discours de Fred Franz à propos de 1975, une discussion suivit concernant l’incertitude des prophéties chronologiques. Nathan Knorr, Président à l’époque, dit ceci :

Je sais certaines choses—Je sais que Jéhovah est Dieu, que Jésus-Christ est son Fils, qu’il a donné sa vie en rançon pour nous, qu’il y a une résurrection. Il y a d’autres choses dont je ne suis pas aussi sûr. 1914—Je ne sais pas. Il y a longtemps que nous parlons de 1914. Nous avons peut-être raison, et j’espère que c’est le cas.

Pendant cette session, la discussion portait principalement sur la date de 1975, il était donc surprenant que la date beaucoup plus fondamentale de 1914 soit citée dans ce contexte. La remarque a déjà été faite: les paroles du Président n’ont pas été prononcées au cours d’une conversation privée, mais devant le Collège Central réuni en session.

Avant la discussion majeure concernant 1914 (durant la réunion plénière du 14 novembre 1979), le Comité de Rédaction du Collège, au cours d’ une réunion de comité, avait discuté de l’opportunité de continuer à mettre l’accent sur 1914.5 Pendant la discussion du comité, il fut suggéré que nous pourrions, au moins, nous abstenir “d’imposer” cette date. Je me souviens que Karl Klein nous rappela qu’il était parfois d’usage tout simplement de ne plus mentionner un certain enseignement pendant quelques temps, de ce fait si on faisait un changement, cela ne ferait pas une aussi forte impression.

Fait remarquable, le Comité de Rédaction vota à l’unanimité de suivre ce conseil dans les publications au sujet de 1914. Toutefois, cette position a été de courte durée, puisque la réunion plénière du Collège Central du 14 novembre 1979 avait bien fait comprendre que la majorité préférait continuer de mettre l’accent sur cette date. 

(...)

Malgré toute cette évidence démontrant que l’opinion était partagée quant à la légitimité des affirmations concernant 1914 et la “génération de 1914”, l’organisation “prophète” continua de publier des déclarations hardies, positives et énergiques sur ce sujet, comme s’il s’agissait d’ un fait biblique établi. Et tous les Témoins de Jéhovah étaient encouragés à placer toute leur confiance dans ce message et à le transmettre à d’autres dans le monde entier.

Une chose est certaine, je trouvais personnellement incroyable le raisonnement employé au sein du Collège Central. Je trouvais tragique qu’une prophétie chronologique puisse être annoncée au monde comme un fait solide auquel les gens pouvaient et devaient se fier en toute confiance, sur lequel ils devaient fonder leurs espoirs et leurs projets d’avenir, alors que ceux qui la publiaient, savaient que dans leur collège collectif, il n’y avait pas l’unanimité ou une conviction ferme et véritable quant à la véracité de cet enseignement.

(Crise de conscience page 306/307 et 312).


La question des croyances est en lien avec l'héritage religieux que laissent les prédécesseurs/responsables, cela devient d'autant plus épineux, lorsqu'une "croyance" qui a été intégré à la tradition (ancienne) d'une religieux constitue la clé de voûte de l'édifice doctrinal, comme c'est le cas de 1914 pour la Watch ...  Nathan Knorr a eu (au moins) la lucidité d'établir une hiérarchie dans ses croyances, celles qui sont (selon lui) clairement établies par la Bible (du moins en fonction de sa compréhension  des textes) et celles qui relèves de la pure spéculation (comme 1914) ... Il a l'honnêteté de reconnaitre : "1914—Je ne sais pas", ce qui n'a pas empêché cette croyance de rester une doctrine de base de la Watch et Nathan Knorr de continuer à prononcer des discours en faveur de cette date.
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeVen 05 Jan 2024, 15:46

Je ne peux pas (re-)lire ça sans repenser à ma propre exclusion pour "apostasie", fin mai 1986 (pardon pour le radotage, que je n'essaierai même plus de retracer)... J'avais été averti quelques semaines plus tôt, si besoin était, par La Tour de Garde du 1er avril (!), de la liste des questions (à répondre par oui ou par non) qui me seraient posées, où 1914 figurait en bonne place. A mes yeux, ce point précis était à peu près indifférent, beaucoup moins grave en tout cas que la théorie des "deux espérances": je n'avais, je n'aurais jamais parlé (publiquement) "contre" 1914. Mais une fois interrogé j'ai répondu à peu près comme Knorr, sans le savoir car je n'ai lu R. Franz que quelques mois plus tard, après l'exclusion définitive. Quelque chose comme "je ne peux plus dire que j'y crois, mais je ne prétends pas savoir que c'est faux..." En somme le même énoncé, en fonction de l'énonciateur et du contexte, permettait à l'un de se maintenir à la tête de "l'organisation" dont il excluait instantanément les autres, indignes d'être seulement salués...

En repensant à ça me sont revenues des expressions stéréotypées, du genre: les membres du Cc n'auraient pas mis leur main au feu ou leur tête à couper de (pour, sur) telle ou telle croyance (croivance) -- et pourtant si: c'est bien pour des choses qu'on ne croit pas vraiment mais qu'on prétend croire au nom d'une cohérence supérieure (institutionnelle, fonctionnelle, représentative, imaginaire, idéale, fût-elle réduite à la cohérence d'un personnage qu'on a fini par croire à force de le jouer) qu'on est éventuellement prêt à mettre sa main au feu ou sa tête à couper, jusqu'au martyre le plus littéral... et ça ne prouverait rien (il faut bien du point de vue "cognitif" donner raison à Nietzsche contre Pascal, le sang des martyrs est la pire des preuves), sinon que la "croivance" (à laquelle on ne croit pas "vraiment") s'avérerait paradoxalement plus forte que la "croyance" (ordinaire, vraisemblable et généralement tacite); en ce sens ça "témoigne" bien (martus, martureô, shahid ou shahed, le "martyr" est toujours "témoin", vrai et faux à la fois) de quelque chose -- mais de quoi ?

-- Peut-être toujours au fond de la même chose, de l'indépendance principielle (à la lettre auto-nomie, mais on peut dire aussi liberté) de la "foi" à l'égard des "croyances", auxquelles elle n'est pas assujettie même si elle n'en est jamais tout à fait dépourvue. La volonté "dogmatique" de fixer la "foi", de l'arrimer solidement à une institution et/ou à un corps de doctrine, volonté commune à tous les catéchismes et à toutes les inquisitions qui s'exerce par une sorte de terrorisme intellectuel et moral, en prenant en otage, comme on dit, une foi qui foncièrement ne lui appartient pas (si vous ne croyez pas ceci et comme ceci, vous ne croyez pas vraiment, vous ne croyez pas du tout, votre foi n'est ou ne vaut rien; on peut se rappeler a contrario la formule de 2 Corinthiens 1,24, même si ce n'est qu'une dénégation qui camoufle mal, déjà, des tendances inquisitrices), cette volonté trahit elle-même une profonde incertitude, de sorte que la foi du catéchète et de l'inquisiteur apparaît moins liée à ses croyances qu'il ne le croit ou ne feint de le croire; symétriquement, l'attitude du critique qui s'efforce d'interdire ou de démonter telle ou telle croyance-croivance au nom d'une orthodoxie théologique, rationnelle ou scientifique n'en est pas loin non plus...

A titre personnel, mais c'est assez banal, j'ai l'impression de n'avoir guère été entendu, en bonne ou en mauvaise part, que du côté négatif: critique, déconstruction, démontage, destruction des "croyances", jéhovistes, fondamentalistes, biblicistes; ce que j'ai essayé de dire ou d'attester au sujet de la "foi" telle que je l'entendais, et qui -- je crois ! -- me tenait plus à coeur, cela est resté à peu près inaudible. Quand je dis que c'est banal dans ce genre de situation, je pense, par exemple, à Raymond Franz dont on a surtout retenu et utilisé la critique de la doctrine et de l'organisation jéhovistes, non la "foi" à laquelle il tenait et qu'il s'est pourtant efforcé d'exposer (moi-même je ne pouvais guère le suivre sur ce terrain "positif", faute d'un minimum de croyances communes). Si on remonte plus loin on peut penser aux Réformateurs, dont la critique du catholicisme a plus marqué l'histoire que leur "foi" propre, ou à "Jésus" et à "Paul", caractérisés au moins dans un premier temps par la rupture avec un certain judaïsme... Bien sûr avec le temps les choses changent pour les "fondateurs", dont les successeurs retiennent ou reconstruisent une certaine positivité, à nouveau institutionnelle, dogmatique et inquisitrice. Ce malentendu fondamental est sans doute inévitable, il ne l'est d'ailleurs pas moins quand il s'accompagne d'une plus grande dose d'ambiguïté ou d'hypocrisie "pastorales" comme prix de l'"édifiant"...
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 09 Jan 2024, 12:58

Citation :
A titre personnel, mais c'est assez banal, j'ai l'impression de n'avoir guère été entendu, en bonne ou en mauvaise part, que du côté négatif: critique, déconstruction, démontage, destruction des "croyances", jéhovistes, fondamentalistes, biblicistes; ce que j'ai essayé de dire ou d'attester au sujet de la "foi" telle que je l'entendais, et qui -- je crois ! -- me tenait plus à cœur, cela est resté à peu près inaudible. Quand je dis que c'est banal dans ce genre de situation, je pense, par exemple, à Raymond Franz dont on a surtout retenu et utilisé la critique de la doctrine et de l'organisation jéhovistes, non la "foi" à laquelle il tenait et qu'il s'est pourtant efforcé d'exposer (moi-même je ne pouvais guère le suivre sur ce terrain "positif", faute d'un minimum de croyances communes). Si on remonte plus loin on peut penser aux Réformateurs, dont la critique du catholicisme a plus marqué l'histoire que leur "foi" propre, ou à "Jésus" et à "Paul", caractérisés au moins dans un premier temps par la rupture avec un certain judaïsme... Bien sûr avec le temps les choses changent pour les "fondateurs", dont les successeurs retiennent ou reconstruisent une certaine positivité, à nouveau institutionnelle, dogmatique et inquisitrice. Ce malentendu fondamental est sans doute inévitable, il ne l'est d'ailleurs pas moins quand il s'accompagne d'une plus grande dose d'ambiguïté ou d'hypocrisie "pastorales" comme prix de l'"édifiant"...

La seule question que les responsables de la congrégation m'ont posé fût la suivante : "Reconnais-tu l'autorité de l'organisation dans ta vie ?" ... Etonnamment à aucun moment, il fût pris la peine et le temps d'évaluer le niveau de MA foi en Dieu, en Christ et dans la Bible, ces données ne faisaient pas parties de leurs préoccupations, pire, j'ai constaté que le fait d'exprimer Sa conception de SA foi est la preuve ultime de son apostasie ... 


Fictionalisme théologique versus pragmatisme religieux : Vaihinger ou James ?
Christophe Bouriau

1. Le fond commun au pragmatisme religieux et au fictionalisme théologique : F-A Lange

10Ainsi, tout en faisant sienne la position empiriste des matérialistes, tout en concédant que toute hypothèse théorique doit être contrôlée par l’expérience, Lange combat le caractère prosaïque et intransigeant du matérialisme, qui omet la chose suivante : si les religions ont toujours existé, c’est parce qu’elles répondent à un besoin spirituel fondamental de l’espèce humaine, qu’on ne saurait mépriser sauf à mépriser l’humanité elle-même. Ce besoin est un besoin d’idéal :

Une chose est certaine, c’est que l’homme a besoin de compléter la réalité par un monde idéal qu’il crée lui-même, et qu’à ces créations concourent les plus hautes et les plus nobles fonctions de son intelligence. [Lange 2004, p. 823]

11La religion, c’est l’intelligence et l’imagination mises au service d’un idéal d’harmonie et d’amour. Les valeurs chrétiennes, selon Lange, ne peuvent qu’être bénéfiques à l’humanité tout entière : fraternité, entraide, respect des personnes. La morale chrétienne s’accorde parfaitement selon lui au matérialisme politique, qui vise à réduire les inégalités sociales : « La morale fondée sur le principe de l’amour naturel du prochain s’harmonise très bien […] avec le matérialisme physique. » [Lange 2004, p. 774]

12Pour Lange la religion chrétienne ne vaut pas comme un ensemble de croyances susceptibles d’être justifiées épistémiquement. Elle vaut uniquement pour ses effets pratiques, pour son opportunité, Zweckmässigkeit. Faut-il dès lors renoncer à parler de « vérité » à propos de nos croyances religieuses, au profit du seul terme d’« opportunité » ?

13Non. Avant James, Lange admet qu’on puisse parler de vérité au sujet des croyances religieuses, même si l’on renonce à les justifier théoriquement. Il distingue dans ce contexte deux acceptions du terme de « vérité » : les vérités scientifiques sont des propositions vérifiables et universalisables, tandis que les vérités religieuses valent au plan individuel ou communautaire seulement. On ne saurait réserver la valeur de vérité à la science. Seulement, les croyances religieuses requièrent selon lui « un autre critère de vérité » que les propositions de nature scientifique. Peut être déclarée vraie, selon Lange, l’idée religieuse éprouvée comme intense au plan émotionnel, et stimulante pour l’action :

S’il est des âmes si profondément plongées dans ces émotions [religieuses] que, pour elles, la vulgaire réalité des choses s’efface, comment pourront-elles qualifier la vivacité, la continuité, l’influence des sentiments qu’éprouve leur esprit, sinon par le terme de ‘vérité’ ? [Lange 2004, p. 778, je souligne]

14Lange ne soutient évidemment pas que l’émotion prouve la vérité de la croyance religieuse, c’est-à-dire l’existence de son objet. Il dit seulement que l’individu convaincu par sa croyance, porté par elle à des sentiments stimulants, est tout à fait fondé à présenter publiquement sa croyance comme vraie. C’est une attitude parfaitement cohérente que de déclarer vraies les croyances qui guident notre action ou s’expriment à travers elle.

15Seule la vérité scientifique, selon Lange, satisfait non seulement aux conditions formelles de la vérité (cohérence logique), mais encore au critère de la vérification empirique. C’est pourquoi elle peut légitimement prétendre à l’universel. La vérité religieuse en revanche renvoie à une expérience intime non universalisable, et ne peut prétendre à l’universel. Cette conception langienne de la vérité religieuse comme distincte de la vérité scientifique et ne relevant pas des mêmes critères est un fil conducteur fécond pour décrire les différences essentielles entre Vaihinger et James en philosophie de la religion.

https://journals.openedition.org/theoremes/1901
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MessageSujet: Re: La croivance   La croivance - Page 2 Icon_minitimeMar 09 Jan 2024, 15:18

Dans ta première citation, j'avais plutôt à l'esprit, en ce qui me concerne, l'après-jéhovisme: quoi que j'aie dit ou écrit, jusque sur ce forum, c'est surtout le côté "négatif", "critique" (etc.) des croyances, jéhovistes, évangéliques, chrétiennes, ou même humanistes, morales ou politiques, qui a été entendu, compris, retenu, aussi bien de ceux à qui cela plaisait que de ceux à qui cela déplaisait... L'entente, le partage, la communion du "positif" (ce que j'appelle la "foi", libre des croyances au sens où elle n'y est pas assujettie même si elle n'en est pas exempte) a été beaucoup plus rare, à vrai dire exceptionnel(le) -- ça ne me réjouit pas mais c'est ainsi, j'en suis certainement responsable mais c'est un phénomène qui me dépasse largement. Bien sûr cela s'applique aussi aux TdJ et spécialement aux "officiels", par exemple les "anciens" chargés d'un "comité judiciaire" ou "de discipline religieuse": l'obsession du "danger" à écarter d'urgence avec toutes les métaphores hostiles, guerrières, prédatrices ou pathologiques qui l'accompagnent (ennemi, traître, espion, loup en peau de mouton, maladie, infection, contagion, gangrène, cancer) ne leur laisse guère le loisir de s'interroger sur les sentiments du suspect, à supposer qu'ils aient eux-mêmes la moindre expérience ou intuition de tels sentiments.

La deuxième citation (Bouriau, 2018) nous ramène plus près du problème "cognitif" évoqué au début de ce fil (et dans celui-ci qui reste assez parallèle), avec le mérite "diachronique" de montrer que le débat contemporain illustré par le livre de Dieguez a une longue histoire, au moins depuis Kant, champion du "comme si" (als ob, locution souvent relevée et commentée par Derrida entre autres), en passant notamment par le tournant des XIXe et XXe siècles (Vaihinger / James).

Je vois quand même entre les deux précités un certain rapport, qui me rappelle une fameuse comparaison de l'évangile selon Thomas (logion 102): les pharisiens comme un chien couché sur la mangeoire des boeufs: ils ne mangent ni ne laissent (le bétail) manger. Je traduis et trahis en appliquant: quand des gens qui n'ont ni expérience, ni besoin ni désir "religieux" parlent de "religion", il ne savent évidemment pas de quoi ils parlent -- inconvénient mineur s'ils en parlent en philosophes, en psychologues, en sociologues ou en piliers de bistrot, majeur quand ils sont prêtres, pasteurs, évêques ou théologiens, ce qui est beaucoup plus fréquent qu'on ne croit... Inversement, il y a certainement des "religieux" ("mystiques", "spirituels", mais l'ambiguïté de ces termes me semble encore pire) au sens où je l'entends parmi les athées et ceux qui ne sont affiliés à aucune "religion" homologuée...

Ni "Dieu" ni l'"Être" ni le "Néant" ni l'"Esprit" (ou tout autre nom qu'on ait donné à l'"objet" d'une foi ou d'une pratique religieuse) n'est un "objet objectif", ni une "chose réelle" (de res = chose), ni une cause d'effet effectif (Wirklichkeit), un étant ou un existant comme un autre -- le serait-il qu'il perdrait aussitôt tout intérêt "religieux". Les penseurs (vraiment) religieux l'ont toujours pressenti, sinon compris, et même s'ils l'ont exprimé de mille façons, volontairement ou non, ce n'est pas pour autant qu'ils ont réussi à se faire comprendre. La "vérité" en la matière n'est pas forcément un vain mot, mais il lui faut ruser pour se dire et encore n'est-elle jamais sûre d'être entendue -- à supposer que la vérité parle, et même qu'elle ne fasse que ça, comme disait Lacan: Moi, la vérité, je parle...
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