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| Le résurrection : où, quand, comment ? | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mer 19 Mai 2010, 12:34 | |
| C'est le catéchisme russello-jéhoviste qui ressort. Dans les textes anciens, à ma connaissance, la résurrection n'est jamais une "chance" au sens de chance supplémentaire, nouvelle, seconde ou dernière. Elle sert à prononcer un jugement définitif sur chacun en fonction de ce qui a été retenu (cf. les livres) de sa vie passée -- son unique vie à vrai dire, car ce qui suit la résurrection (et le jugement, indissociable) n'est pas à proprement parler une histoire, pas plus que "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" à la fin d'un conte (du moins avant la mode des Blanche-Neige 2). En revanche, l'issue du jugement (le verdict) reste largement ouverte (d'où les questions récurrentes et jamais vraiment tranchées, en tout cas pas de façon consensuelle, aussi bien dans le judaïsme que dans le christianisme: qui sera sauvé, nombreux ou peu nombreux, etc.). On peut d'ailleurs observer que les paroles les plus sévères en la matière visent généralement des "ennemis intimes", les adversaires immédiats du milieu producteur du texte et les personnages qui les représentent (les "scribes et pharisiens", les "juifs", "cette génération" dans les évangiles, les hérétiques dans les Pastorales, les tièdes dans l'Apocalypse), et qu'elles se détachent (ne serait-ce que pour les nécessités du contraste) sur un fond de clémence générale en direction du lointain, dans le temps ou dans l'espace ("Sodome et Gomorrhe" vs. "cette génération", etc., "on viendra d'Orient et d'Occident mais vous serez jetés dehors", et ainsi de suite). C'est dire que les menaces de condamnation sont toujours partisanes, situées et relatives, même lorsqu'elles se donnent l'air de proclamations objectives. |
| | | Denysos
Nombre de messages : 43 Age : 72 Date d'inscription : 04/05/2010
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Jeu 20 Mai 2010, 09:20 | |
| - spermologos a écrit:
- C'est le catéchisme russello-jéhoviste qui ressort.
Dans les textes anciens, à ma connaissance, la résurrection n'est jamais une "chance" au sens de chance supplémentaire, nouvelle, seconde ou dernière. Elle sert à prononcer un jugement définitif sur chacun en fonction de ce qui a été retenu (cf. les livres) de sa vie passée -- son unique vie à vrai dire, car ce qui suit la résurrection (et le jugement, indissociable) n'est pas à proprement parler une histoire, pas plus que "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" à la fin d'un conte (du moins avant la mode des Blanche-Neige 2). En revanche, l'issue du jugement (le verdict) reste largement ouverte (d'où les questions récurrentes et jamais vraiment tranchées, en tout cas pas de façon consensuelle, aussi bien dans le judaïsme que dans le christianisme: qui sera sauvé, nombreux ou peu nombreux, etc.). On peut d'ailleurs observer que les paroles les plus sévères en la matière visent généralement des "ennemis intimes", les adversaires immédiats du milieu producteur du texte et les personnages qui les représentent (les "scribes et pharisiens", les "juifs", "cette génération" dans les évangiles, les hérétiques dans les Pastorales, les tièdes dans l'Apocalypse), et qu'elles se détachent (ne serait-ce que pour les nécessités du contraste) sur un fond de clémence générale en direction du lointain, dans le temps ou dans l'espace ("Sodome et Gomorrhe" vs. "cette génération", etc., "on viendra d'Orient et d'Occident mais vous serez jetés dehors", et ainsi de suite). C'est dire que les menaces de condamnation sont toujours partisanes, situées et relatives, même lorsqu'elles se donnent l'air de proclamations objectives. J'interviens juste parce qu'un détail me fait poser question, question qui repose sur une pure logique. Pour quelle raison, les morts seraient-ils ressuscités par Dieu si c'est pour les condamner à mort à nouveau, dans le cas où pendant leur vie, leur seule vie, ils se seraient rendus coupables de péchés graves? Est-ce compatible avec un Dieu d'amour? Si on ajoute à ce point les paroles de Paul selon lesquelles ceux qui sont morts se trouvent affranchis de leurs péchés (... Le salaire du péché , c'est la mort...), pourquoi seraient-ils ressuscités pour payer à nouveau? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Jeu 20 Mai 2010, 13:08 | |
| Bonjour Denysos Je comprends qu'une interprétation qui assigne à la résurrection une fonction de ressort narratif, un rôle utilitaire de moyen au service d'une fin distincte d'elle-même, paraisse plus "logique" à une pensée moderne de l'histoire et du progrès comme celle du XIXe siècle. Et c'est bien à ce moment-là qu'elle apparaît dans la mouvance adventiste. Il est plus difficile pour nous de comprendre le rôle que cette doctrine jouait dans son contexte d'émergence (à partir du IIe s. av. J.-C. en ce qui concerne le judaïsme). Contemporaine des premières expériences de persécution et de martyre pour motif strictement "religieux" autour de l'époque des Maccabées (cf. la première page de ce fil), elle répondait à la nécessité d'inscrire quelque part, en l'occurrence dans une "fin des temps", une "rétribution" qu'on ne pouvait plus croire immanente, qu'on ne pouvait plus lire dans l'histoire elle-même. L'idée que les justes soient récompensés et les méchants punis dans leur vie même était déjà contestée depuis longtemps (cf. Job), mais pour ceux qui ne voulaient pas renoncer pour autant à la notion même de rétribution (contrairement à Qohéleth p. ex.), il fallait à un moment ou à un autre, dans un lieu ou un autre, ramener tous les acteurs sur scène pour les juger au vu et au su de tous. Plus encore que de récompense ou de châtiment subjectifs il y allait en effet de la manifestation objective d'une vérité, qui justifie les uns et condamne les autres sans ambiguïté (alors que la lecture de l'histoire, elle, restait irrémédiablement ambiguë). La formule de Malachie 3,18 exprime bien, je pense, le type de besoin et de question auquel toute eschatologie se devait de répondre: "Ainsi vous verrez de nouveau la différence entre un juste et un méchant, entre celui qui a servi Dieu et celui qui ne l'a pas servi." (Sous-entendu: aujourd'hui, dans l'histoire, on ne la voit plus.) La résurrection / jugement dernier est une réponse parmi d'autres. Un autre élément de décalage culturel, à mes yeux essentiel, se trouve dans la conception antique de l'éternité comme autre du temps. L'éternité, c'est la fin et non la suite de l'histoire. De Daniel à l'Apocalypse, la vision de l'éternité (heureuse ou malheureuse) sur laquelle débouche la résurrection-jugement est une sorte de tableau fixe, et non une nouvelle suite d'aventures (d'où ma comparaison avec la fin des contes). Les justes de Daniel sont comme des étoiles au firmament; dans le "monde nouveau" de l'Apocalypse il n'y a plus de malheur ni de malédiction, mais à proprement parler il ne se passe plus rien, que le cycle sans fin d'un pseudo-temps liturgique. Or cette conception intemporelle de l'éternité qui s'est maintenue tant bien que mal tout au long du moyen-âge a complètement disparu (en Occident du moins) avec l'époque moderne. Nous ne comprenons plus l'éternité que comme une durée sans fin, et ça change tout. Quant au rôle de la mort comme "salaire du péché" dans la rhétorique paulinienne, que la Watch à mon sens mécomprend totalement en l'isolant de son contexte, c'est un autre sujet assez complexe en soi, qui mériterait peut-être un fil à part. |
| | | Denysos
Nombre de messages : 43 Age : 72 Date d'inscription : 04/05/2010
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Ven 21 Mai 2010, 12:23 | |
| Merci Spermologos pour ces précisions. Je dois avouer que ma pensée est influencée par ce que la Wt a enseigné (sur ce point précis de la résurrection), non pas que je lui reconnaisse encore une autorité sur moi, mais l'explication me paraissait logique (même si je n'y crois plus vraiment aujourd'hui) et surtout ... je n'avais pas d'autre explication à fournir. Et je pense aussi que tout ce que la WT a enseigné n'est pas forcément faux, même s'il y en a (du faux) bien sûr. Personnellement, pour faire clair et bref sur ce sujet, je suis bien plus en opposition avec l'utilisation que la WT a fait de son enseignement en matière d'assujetissement des individus que sur l'enseignement lui-même. Ceci dit, tout ce que j'apprends ici et ailleurs m'est néanmoins utile ne serait-ce que pour mon édification personnelle. Cela m'intéresserait de développer un peu ce que tu appelles la rhétorique paulinienne. Je dois t'avouer que je suis totalement (ou presque) béotien sur le sujet. Mais ce qui m'intéresse par rapport à tout ce que j'ai pu apprendre et lire, c'est précisément le rôle de Paul. Il m'a souvent paru différent des autres. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Ven 21 Mai 2010, 14:09 | |
| Quand je parle de "Paul", je parle des épîtres présumées authentiques, principalement de celles aux Corinthiens et aux Romains qui en constituent l'essentiel. Mais même dans ce noyau on peut distinguer une nette évolution de la pensée, surtout en ce qui concerne la résurrection (sujet de ce fil).
Dans 1 Corinthiens 15, Paul défend le mot et l'idée générale de résurrection contre un "christianisme" hellénistique qui n'en a que faire (parce qu'il est pleinement satisfait par son dualisme métaphysique, voir supra). Mais ce que lui entend par "résurrection des morts" n'a pas grand-chose à voir avec la résurrection pharisienne "des justes et des injustes" (contrairement au Paul des Actes). Dans la logique profonde de son système, il n'y a aucune place pour une "résurrection de jugement" à double issue, débouchant sur la condamnation définitive de "réprouvés" (comme dirait Calvin). Il y a la résurrection du Christ (le nouvel Adam, l'Esprit) qui entraîne d'abord la résurrection de "ses" morts (et le "changement" des "vivants") mais qui doit finalement aboutir à une "spiritualisation" des corps et du monde, de telle sorte que "la mort" elle-même disparaisse et que "Dieu soit tout en tous" (formule stoïcienne). La perspective est foncièrement universaliste, mais elle reste tournée vers un avenir eschatologique.
Dans Romains, le thème de la résurrection est largement actualisé. Le chrétien, baptisé dans la mort du Christ, vit d'ores et déjà de la "vie nouvelle" de sa résurrection. L'horizon eschatologique ne disparaît pas mais il passe à l'arrière-plan. Ce qui passe sur le devant de la scène, c'est une problématique "existentielle" avant la lettre, quoique de forme juridique: sur quel terrain, dans quel domaine, sous quelle juridiction, sous quel règne, sous quel régime, sous quel maître se place-t-on? Celui de la chair, de la loi, des oeuvres, du péché et de la mort, ou bien celui de l'Esprit, de la grâce, de la foi, de la justice et de la vie? C'est dans cette perspective qu'il faut situer les arguments évoquant la mort comme "salaire (par opposition au don gratuit) du péché", ou aussi la célèbre formule (détournée par la Watchtower) du chapitre 6, comme quoi "celui qui est mort est quitte (litt. "justifié") du péché": la pointe de l'argument, comme le contexte le montre bien, c'est que celui qui a anticipé sa propre mort dans l'union à la mort du Christ se trouve ainsi juridiquement dégagé du règne du péché et qu'il relève désormais d'un autre règne (comparer 7,1-4 qui développent cette idée de la mort libératrice à partir d'une autre illustration juridique, celle de la femme dégagée de la loi de son mari par la mort de celui-ci).
Bref, ce sont des textes à relire pour en suivre le raisonnement, quelquefois difficile, mais extrêmement intéressant (à mes yeux du moins); ce que les citations de versets hors contexte ne nous ont pas du tout préparés à faire, au contraire. |
| | | Denysos
Nombre de messages : 43 Age : 72 Date d'inscription : 04/05/2010
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Ven 21 Mai 2010, 14:25 | |
| Merci Spermologos Voici au moins une explication qui me plaît et à laquelle je n'avais pas pensé, si j'ai bien compris... La résurection dont parle Paul aux Romains est donc une résurrection spirituelle (?) qui donne accès à la vie nouvelle (nés de l'esprit). Elle débute déjà au moment de leur enveloppe charnelle ( dès l'instant où ils acceptent le Christ/baptisés en Christ Jésus) sous un régime nouveau mais dont la finalité est encore à venir. Chez la WT, cette explication ne concerne-t-elle pas les oints ou y vois-tu des différences? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Ven 21 Mai 2010, 14:32 | |
| Tout à fait: la doctrine des "deux espérances" plaquée par la Watchtower sur l'interprétation du Nouveau Testament empêche de fait l'immense majorité des TdJ de se placer dans la position des destinataires des textes, et leur donne donc très peu de chances de les comprendre même s'ils les lisent. |
| | | Denysos
Nombre de messages : 43 Age : 72 Date d'inscription : 04/05/2010
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Ven 21 Mai 2010, 14:35 | |
| En fait donc, il n'y a qu'une seule espérance... Je pense que le sujet a déjà dû être débattu, mais quelle explication donnes-tu à la théorie de la grande foule? Que représente-t-elle selon toi? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Ven 21 Mai 2010, 15:42 | |
| La WT a constitué sa doctrine d'un bric-à-brac de versets qui n'avaient aucun rapport les uns avec les autres dans leurs contextes originels (cf. aussi les "autres brebis" du quatrième évangile qui désignent de manière transparente les "élus" non juifs, cf. 11,51s; 12,20-32). Il faut comparer la vision de la "grande foule" en Apocalypse 7 (on en a déjà un peu parlé plus haut dans ce fil) à l'annonce de 6,9-11, qu'elle réalise: les martyrs (ou plus généralement les fidèles victorieux) sont vêtus d'une robe blanche, accueillis et consolés dans le temple céleste (cf. 19,1ss) au sortir de leur épreuve (la "grande tribulation"), en attendant que soit complété le nombre de leurs frères (cf. 7,3ss; 14,1ss), avant d'avoir part tous ensemble à la "première résurrection" (20,4ss, qui rappelle à nouveau 6,9-11). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Jeu 10 Nov 2011, 15:17 | |
| Spermologos nous avait fait remarqué : - Citation :
- D'abord, la résurrection est une doctrine perse qui se fraie progressivement un chemin dans le judaïsme post-exilique -- d'abord simple métaphore (Ezéchiel 37; Isaïe 26), elle devient une croyance à part entière dans certains cercles juifs (pharisiens, et certainement esséniens) à partir de Daniel 12 (IIe s. av. J.-C.).
Au cours de mes lectures j'ai découvert un verset interessant : "C'est Yahvé qui fait mourir et vivre, qui fait descendre au shéol et en remonter." 1 Samule 2,6 L'auteur de ce texte pensait-il à la ressurection en précisant "qui en fait remonter" ? |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Jeu 10 Nov 2011, 17:27 | |
| Cf. Ps 30.4 ou ou la prière d'Ezechias en Es 38.
Je ne crois pas que le sens premier de ce verset fasse référence à la résurrection, pour des raisons déjà largement évoquées ici, et surtout si on considère le contexte général où cette phrase est écrite.
Il y est question d'événements, de "miracles", au présent, des choses où l'on peut voir Dieu à l’œuvre dans "notre" monde, dans le cours de l'histoire: des riches humiliés, des pauvres qui réussissent, des faibles qui forcissent et des puissants réduits à la pauvreté, celui qui semblait condamné par la maladie retrouver sa vigueur, etc., bref des "retournements de situation" attribués à Dieu, mais qui concernent bien la "vie normale", pas un très lointain futur dans un "monde nouveau". |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mar 22 Sep 2020, 15:40 | |
| "Nous savons, en effet, que si notre demeure terrestre, qui n'est qu'une tente, est détruite, nous avons dans les cieux une construction qui est l'ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n'a pas été fabriquée par des mains humaines. Aussi nous soupirons dans cette condition ; nous souhaitons vivement revêtir notre domicile céleste par-dessus l'autre, s'il est vrai qu'une fois vêtus nous ne serons pas trouvés nus. Car, tandis que nous sommes dans cette tente, nous soupirons, accablés, parce que nous voulons, non pas nous dévêtir, mais nous revêtir, pour que le mortel soit englouti par la vie" ( 2 Cor 5,1-3).Le texte se développe ensuite en deux cycles successifs : celui du gémissement (5, 2-4) et celui de l’assurance (5, 6-. Chacune de ces constructions concentriques est formée de deux phrases parallèles séparées par un élément étranger qui assure en fait leur cohérence et leur progression. Entre les deux cycles, le v. 5 les articule autour de l’oeuvre de Dieu qui donne les arrhes de l’Esprit. Le premier cycle est celui du gémissement. En ce moment (5, 2), c’est-à-dire dans la tente, la demeure terreste (le corps périssable), nous gémissons. Ce gémissement n’est point sans rappeler celui de Rm 8, 23 où ceux qui ont reçu les prémices de l’Esprit gémissent avec la création entière, dans l’attente de l’adoption filiale et de la rédemption de leur corps. Comme en Rm 8, 23, l’attente est ici celle de l’événement final, correspondant à la transformation lors de la Parousie dont parle 1 Co 15, 52 : c’est sur-vêtir (revêtir par-dessus l’autre) l’habitation céleste. La superposition de l’image du vêtement à celle de la maison montre bien qu’il s’agit du corps. Revêtir le corps céleste par-dessus le terrestre, c’est la tranformation, abstraction faite de la mort. Le v. 4 précise et dramatise ce désir : nous gémissons, accablés, parce que nous ne voulons pas nous dévêtir, mais revêtir par-dessus — afin que le mortel (et non la mort) soit englouti dans la vie. L’accablement est donc, strictement, angoisse : vouloir d’esquiver le dépouillement de la mort, et d’accéder sans rupture à la vie. Le langage s’apparente à celui de 1 Co 15 (le mortel revêt l’immortalité, la mort est engloutie dans la victoire), mais la nouveauté est ici dans l’idée de revêtir par-dessus, et de se dévêtir. Paul est accablé par la nudité de la mort, qui est la destruction, l’absence de corps. Le v. 3 est au centre de cette structure : si du moins nous sommes trouvés vêtus, et non pas nus11 — comme le grain semé de 1 Co 15, 37, corps anéanti pour faire place à celui de la plante nouvelle. https://books.openedition.org/pusl/5894?lang=fr |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Jeu 01 Avr 2021, 12:48 | |
| "Ensuite nous les vivants qui survivons, nous serons, ensemble avec eux, emportés dans des nuages à la rencontre du Seigneur dans les airs ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur" (1 Th 4,17 - TMN)
"Ensuite, nous, les vivants qui restons, nous serons enlevés ensemble avec eux, dans les nuées, à la rencontre du Seigneur, dans les airs ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur" (1 Th 4,17 - NBS).
La ponctuation de la TMN et son articulation du texte me semble modifier sensiblement le sens du texte. Cette façon de traduire peut laisser entendre que les "vivants" iront rejoindre les ressuscités déjà au ciel, en effet les "vivants" seront emportés ensemble pour être avec "eux" (les ressuscités). Est-il logique de séparer le verbe de l'expression que le suit ? Comment apprécier également la séparation bizarre entre le "seront" et le 'emportés" par l'expression "ensemble avec eux" ? L'expression "ensemble avec eux" est indissociable du verbe "être emporté". Peut-on remplacer le "avec" par "auprès" ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Jeu 01 Avr 2021, 14:18 | |
| J'ai du mal à percevoir la nuance que tu vois entre les deux traductions: dans ce cas précis l'ordre des mots et la ponctuation ne me semblent pas changer grand-chose au sens, qui (même dans la TMN) ne correspond absolument pas au scénario de la Watch: ce qu'il en ressort, peu importe la traduction, c'est que les morts ressuscitent sur terre et qu'"ensuite" eux et les survivants font le voyage ensemble, si je puis dire -- ce serait une précision supplémentaire par rapport à 1 Corinthiens 15 ET à 2 Corinthiens 5, qui comportent une "transformation" mais aucun "voyage", puisque la "terre" et le "ciel" y sont d'emblée associés, respectivement, à l'avant-mort et à l'après-résurrection/changement; en tout cas ici les deux "avec", dans les deux traductions, rendent bien la même préposition grecque, sun + datif (sun autois / sun kuriô, "avec eux / avec [le] Seigneur" -- tiens, pourquoi pas "Jéhovah" dans la TMN ?).
Tout dépend, bien entendu, du rapport chrono-logique qu'on imagine entre les textes "pauliniens": on tient habituellement 1 Thessaloniciens pour première (c'est ce que présuppose Sevrin, sans l'argumenter, dans le chapitre du livre cité dans ton post précédent, que je découvre avec beaucoup de retard parce qu'il est arrivé à un moment où mes connexions étaient rares), et dans ce cas c'est 1 Corinthiens 15 qui simplifierait le schéma, en abandonnant entre autres choses l'idée du voyage (des morts ressuscités et des vivants) de la terre au ciel, en passant du "mouvement" (ascension) au "changement" (de nature), nécessaire aussi bien pour les morts ressuscités avec un "corps spirituel" que pour les vivants "changés". Mais à mon sens on pourrait tout autant supposer la relation contraire, où 1 Thessaloniciens modifierait l'eschatologie de 1 Corinthiens 15, du "changement" de nature au "mouvement" spatial de la terre au ciel, réintroduisant du même coup une attente eschatologique temporelle et imminente que 2 Thessaloniciens viendrait à nouveau "calmer". Et tout est encore beaucoup plus compliqué si l'on tient compte du fait que, dans le détail, la rédaction de l'ensemble du "corpus paulinien" reste extrêmement mobile jusqu'au milieu du IIe siècle au moins, notamment autour du conflit "marcionite": dans cette perspective l'ordre initial des épîtres perd en partie de son importance. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mar 06 Avr 2021, 10:45 | |
| https://wol.jw.org/fr/wol/pc/r30/lp-f/1200270052/26/0 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mar 06 Avr 2021, 11:13 | |
| Je vois dans cet article un certain "relookage" de la présentation du scénario de la "grande tribulation" tel que je l'ai connu, mais je ne suis pas sûr qu'il y ait de véritable modification du "contenu" (dans le détail, je ne m'en souviens pas assez bien pour le savoir): par exemple, la Watch n'appliquait-elle pas auparavant le "changement des vivants" de 1 Corinthiens 15 (par opposition à la "résurrection des morts") à ses "oints" depuis 1918 ou 19 (auquel cas il n'y avait certes pas escamotage de cadavre), et non à ceux de la "grande tribulation" ? Je note que dans ce paragraphe au moins elle ne parle plus de "mort" pour ces derniers "oints", et que l'idée de transformation simultanée (tous en même temps), dont je ne me souviens pas non plus, se rapproche au moins formellement de 1 Corinthiens 15 ET de 1 Thesssaloniciens 4... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mar 06 Avr 2021, 12:11 | |
| - Narkissos a écrit:
- Je vois dans cet article un certain "relookage" de la présentation du scénario de la "grande tribulation" tel que je l'ai connu, mais je ne suis pas sûr qu'il y ait de véritable modification du "contenu" (dans le détail, je ne m'en souviens pas assez bien pour le savoir): par exemple, la Watch n'appliquait-elle pas auparavant le "changement des vivants" de 1 Corinthiens 15 (par opposition à la "résurrection des morts") à ses "oints" depuis 1918 ou 19 (auquel cas il n'y avait certes pas escamotage de cadavre), et non à ceux de la "grande tribulation" ? Je note que dans ce paragraphe au moins elle ne parle plus de "mort" pour ces derniers "oints", et que l'idée de transformation simultanée (tous en même temps), dont je ne me souviens pas non plus, se rapproche au moins formellement de 1 Corinthiens 15 ET de 1 Thesssaloniciens 4...
Le mot “enlèvement” ne figure pas dans la Bible. Mais ceux qui croient en cette théorie citent pour preuve les paroles de l’apôtre Paul contenues en 1 Thessaloniciens 4:17 ... ... Avant de recevoir leur récompense céleste, les membres fidèles de l’Israël spirituel devraient subir le même sort. En effet, comme Jésus a dû mourir sur un poteau de supplice avant de ressusciter pour la vie céleste, les chrétiens qui ont la même espérance doivent mourir avant de recevoir leur récompense (1 Corinthiens 15:35, 36). Cela a été vrai pour les membres de l’Israël spirituel vivant au I er siècle, et c’est également vrai pour ceux qui vivent de nos jours. Après avoir fait mention de “la présence du Seigneur”, Paul a attiré l’attention sur l’époque où les fidèles Israélites spirituels qui étaient morts recevraient leur récompense céleste. Il a écrit: “Le Seigneur lui-même, avec un appel de commandement, avec une voix d’archange et avec la trompette de Dieu, descendra du ciel, et ceux qui sont morts en union avec Christ ressusciteront d’abord.” (1Th 4 Verset 16). Par conséquent, il était logique de penser que la résurrection céleste commencerait dès le début de la présence de Jésus en tant que Roi, les Israélites spirituels déjà morts intègres étant les premiers à en bénéficier (1 Corinthiens 15:23). Et effectivement, ils œuvrent aujourd’hui dans le ciel auprès de Jésus. Mais qu’en est-il des chrétiens oints, relativement peu nombreux, qui vivent encore sur la terre? Attendent-ils l’enlèvement ? ... Chaque membre du reste de l’Israël spirituel qui meurt fidèle pendant la présence du Christ reçoit instantanément sa récompense céleste. “En un clin d’œil”, il est ressuscité créature spirituelle et ‘emporté’ à la rencontre de Jésus pour régner avec lui dans le Royaume des cieux. Mais qu’en est-il de tous les autres adorateurs de Jéhovah? Alors qu’approche la fin du système méchant, seront-ils également emportés au ciel ? https://wol.jw.org/fr/wol/pc/r30/lp-f/1200274774/0/0 https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/20 ... 0:0-10:716 Notes NBS : 1 Thessaloniciens 4:17 enlevés : même verbe grec Gn 5.24 (LXX) ; Ac 8.39+ ; 2 Co 12.2,4.
"Quand ils furent remontés de l'eau, l'Esprit du Seigneur enleva Philippe. L'eunuque ne le vit plus : il poursuivait son chemin, tout joyeux" (Ac 8.39+).
"Je connais un homme dans le Christ... voici quatorze ans — était-ce dans son corps ? je ne sais pas ; était-ce hors de son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait — un tel homme fut enlevé jusqu'au troisième ciel. Et je sais qu'un tel homme — était-ce dans son corps ou sans son corps ? je ne sais pas, Dieu le sait — fut enlevé au paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est pas permis à un homme d'énoncer. Je serai fier d'un tel homme, mais de moi-même je ne serai pas fier — sinon de mes faiblesses" (2 Co 12.2,4). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mar 06 Avr 2021, 12:30 | |
| Le second lien serait plutôt celui-ci.
Comme tout cela est antérieur (1993, 2008), nous ne sommes pas vraiment plus avancés sur l'hypothèse d'un nouveau distinguo, entre la "résurrection instantanée" censée se produire actuellement pour les "oints" (depuis 1914, 18, 19 ?), à mesure des morts individuelles et sans "disparition de cadavre", et ce qui est (désormais ?) censé arriver pendant la "grande tribulation": changement collectif et simultané (avec ou sans "mort" ?) ET disparition des corps...
Bien entendu, le problème majeur de la théorie de la disparition des corps concerne la lecture des évangiles, puisqu'elle fait de toutes les "apparitions" des "illusions", et de tout leur effet "probant" une tromperie (divine)... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mar 06 Avr 2021, 12:41 | |
| - Citation :
- Bien entendu, le problème majeur de la théorie de la disparition des corps concerne la lecture des évangiles, puisqu'elle fait de toutes les "apparitions" des "illusions", et de tout leur effet "probant" une tromperie (divine)...
A quoi fais-tu allusion ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Mar 06 Avr 2021, 13:52 | |
| A mon sens c'est évident, mais je reconnais que c'est tellement gros qu'on peut ne pas le voir: si "Jésus" n'est pas ressuscité dans ou avec son corps, chaque fois qu'*il* *se* fait reconnaître précisément dans un corps ou une apparence de corps qui n'est pas le *sien* mais qui en serait une copie conforme, en insistant le cas échéant sur son identité corporelle par les marques de la crucifixion (les mains, les pieds, le côté dans Jean), qui indiquent bien qu'il s'agit du MÊME corps, ou plus généralement sur sa corporéité "réelle" (p. ex. en mangeant ostensiblement, chez Luc, pour prouver qu'il n'est pas un "esprit" !), c'est un illusionniste qui trompe son monde -- en faisant croire que c'est bien son corps quand ce ne serait pas le cas...
En fait, pour lire tant soit peu "naturellement" ou "naïvement" les récits évangéliques du tombeau vide et des apparitions, les TdJ sont obligés d'"oublier" ou de suspendre provisoirement leur croyance à la "résurrection spirituelle"... ce que la plupart font sans doute sans difficulté. Mais les plus "cohérents", qui n'ont pas cette facilité, sont plutôt amenés à se dire à peu près ceci, sur ce point comme sur tant d'autres: SI les textes bibliques veulent vraiment dire ce que nous leur faisons dire, ils sont sacrément mal foutus... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Lun 12 Avr 2021, 12:17 | |
| 18 La résurrection céleste a commencé peu après le début de la présence de Christ. Les oints qui seront encore sur terre pendant la grande tribulation seront « emportés dans des nuages ». Ils ne « s’endormiront » pas dans la mort en ce sens qu’ils ne resteront pas morts longtemps. Ils « seron[t] changés, en un instant, en un clin d’œil, durant la dernière trompette » (1 Cor. 15:51, 52 ; Mat. 24:31). https://wol.jw.org/fcs/wol/d/r405/lp-ls ... tant&p=par
L'expression : "Ils ne s’endormiront pas dans la mort" ne présente aucune difficulté de compréhension, elle claire et explicite, certains croyants ne feront pas l'expérience de la mort, or pour la Watch cela signifie : "qu’ils ne resteront pas morts longtemps". Un vrai travestissement du texte qui ne dit à aucun moment que les "vivants" feraient ponctuellement une expérience éclair de la mort. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Lun 12 Avr 2021, 13:05 | |
| Lien corrigé.
N.B.: "dans la mort" est une explicitation, quasiment nécessaire dans les langues modernes, mais qui n'a pas d'équivalent formel dans le texte: le grec dit simplement "dormir" ou "s'endormir" (koimaô, d'où "coma" et "cimetière"), par un euphémisme extrêmement banal (qui n'a rien de spécifiquement juif ou chrétien). Rien que dans 1 Corinthiens, cf. 7,39; 11,30; 15,6.18.20 -- il n'y a en effet aucune raison de lui donner un sens différent au v. 51.
J'ai quand même l'impression que dans ses dernières publications la Watch tend à créer un nouveau distinguo entre le cas des "oints" qui sont déjà censés ressusciter instantanément à mesure qu'ils meurent depuis 1914 (18, 19 ?) et ceux de la "grande tribulation" dont la résurrection serait collective et simultanée, avec "désintégration" miraculeuse du corps physique, à tel point qu'on pourrait se demander si ceux-là doivent encore "mourir" (par quoi on se rapprocherait du scénario de 1 Corinthiens 15 ou de celui de 1 Thessaloniciens 4, pourtant rapportés aussi à la première [sous-]catégorie). Mais ce n'est pas encore très clair et ça sera sans doute clarifié plus tard -- dans un sens ou dans un autre, peu importe. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Lun 21 Aoû 2023, 10:14 | |
| La mort et la foi dans les lettres de Saint Paul
Ce qui suit n’est point la description de cette vivification en termes de résurrection, mais l’exposé de son fondement : la fin de l’histoire, pour être triomphe de Dieu et glorification du Christ, doit être destruction de la mort. Le texte parait obscur et a parfois égaré les commentateurs. Faut-il supposer ici une vision millénariste, qui intercalerait, avant la fin de temps, un règne du Christ avec ses élus ? En fait, la seule succession marquée est celle qui fait se succéder les prémices — c’est à dire la résurrection du Christ — et la vivification de ceux qui sont à lui lors de la parousie ; on voit bien — à cause précisément de la succession homologue de ces deux termes — que la vivification de ceux qui sont au Christ implique la résurrection. Ce qui vient après est « la fin », c’est-à-dire précisément la résultante de tout le processus, à savoir la plénitude du règne de Dieu par l’œuvre du Christ. Du v. 24 au v. 28, la structure est concentrique. Le v. 24 annonce la conclusion du v. 28 : « Puis la fin, lorsque le Christ remettra la Royauté au Dieu et Père » n’est autre que le moment où « le Fils lui-même se soumettra à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit totalement en tout » (v. 28). Ce terme suppose la soumission et la destruction des puissances ennemies : « lorsqu’il aura détruit toute principauté, tout pouvoir, tout puissance » (v. 24) ; « lorsqu’il lui aura soumis toute chose » (v. 28). Il y a cependant ici une asymétrie : d’une part la destruction des puissances, d’autre part la soumission de tout (catégorie plus vaste que celle des puissances). Entre ces deux versets, les v. 25-27 forment eux aussi un cycle : deux citations bibliques s’y répondent : « jusqu’à ce qu’il mette ses ennemis sous ses pieds » (v. 25) fait suite à la destruction des puissances et la fonde ; « il a tout soumis, sous ses pieds » (v. 27) précède et introduit la soumission universelle au Christ roi ; à nouveau la soumission dont parle le v. 27 ne s’identifie pas à la victoire destructrice du v. 25, et le « tout » n’y est pas un tout ennemi. Entre ces deux citations, le pivot qui permet le passage de la destruction victorieuse des puissances hostiles au règne harmonieux sur l’univers : le dernier ennemi détruit, c’est la mort (v. 26). Au terme de l’histoire, la plénitude de Dieu en un univers réconcilié, suppose le règne glorieux du Christ, lequel à son tour implique la destruction de toute puissance mauvaise, c’est-à-dire, à l’extrême, de la mort. Sans victoire sur la mort, Dieu ne saurait être entièrement en tous, et subsisterait la faille introduite dans la création par Adam. Hors de cette victoire finale, la résurrection du Christ n’est qu’un leurre. On saisit dès lors pourquoi la résurrection des morts se situe au terme de l’histoire : elle constitue la vérification ultime de ce qui est donné dans la résurrection du Christ, et suppose la victoire complète sur l’ultime ennemi ; même déployée en deux temps, la victoire est une, ou elle n’est pas.
19Les deux temps de cette victoire sont christologiques : le premier, la résurrection du Christ, contient le germe du second, qui est son avènement et, indissociablement, la vivification des siens. La perspective de Paul n’est pas celle du destin individuel brisé par la mort : il envisage l’histoire même de l’univers, fracturé par le péché et la mort, ramené à l’harmonie divine par le Christ. Si Paul ne parle que de la vivification de ceux qui sont au Christ, la portée universelle du texte étend virtuellement cette catégorie à tous les hommes. L’urgence d’annoncer l’évangile aux nations trouve d’ailleurs là sa raison.
Observons enfin que la seule immortalité de l’âme ne saurait s’intégrer de façon satisfaisante dans une telle représentation de l’histoire : si la perspective est d’une soumission à Dieu de toute sa création, il ne suffit point que l’esprit soit rescapé d’une matière plus ou moins ignoble. L’accent mis sur la résurrection corporelle ne dérive pas seulement des antiques représentations anthropologiques d’Israël, dont le judaïsme hellénistique contemporain peut d’ailleurs parfois s’écarter : elle est théologique, liée à la conception du Dieu créateur et de l’unité de son œuvre.
21Paul revient ensuite à une argumentation plus concrète, qui s’appuie sur l’énigmatique baptême pour les morts pratiqué à Corinthe, et sur l’expérience de la confrontation continue à la mort dans sa vie d’apôtre, ce qui lui permet de conclure ce premier versant du chapitre par une considération éthique (v. 34).
https://books.openedition.org/pusl/5894?lang=fr
En 1 Corinthiens 15, si j'ai bien compris le texte, la résurrection (ou "la vivification") précède "la fin" mais la notion de "fin" dans ce texte n'a pas un sens eschatologique : la plénitude du règne de Dieu par l’œuvre du Christ. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Lun 21 Aoû 2023, 11:43 | |
| Sur cet article, voir aussi supra 22.9.2020. Comme je l'ai dit un peu plus bas (1.4.2021), je ne suis pas convaincu par la chronologie (traditionnelle) qui place 1 Thessaloniciens avant 1 Corinthiens -- sans compter, à l'intérieur même de cette dernière "épître", le problème tout aussi épineux du rapport du chapitre 15 au reste. Mais l'analyse de 1 Corinthiens 15 que tu cites aujourd'hui me semble tout à fait utile, surtout par rapport à une lecture "scénaristique" qui tend à voir ou à chercher dans la progression du texte une séquence chronologique d'événements. Il est clair en effet que les v. 24 et 28 décrivent la même "fin", et que ce qui s'intercale entre les deux (v. 25-27; je ne parlerais pas de "structure concentrique") est une parenthèse, un commentaire explicatif et justificatif -- il suffit de suivre l'articulation logique des prépositions: gar = "car" ou "en effet", introduisant une citation du Psaume 110 (top 1 des citations de l'AT dans le NT), rapportée ici au sujet dont on parle, la résurrection des morts: parmi les "ennemis" du psaume il y a la mort (thanatos, masculin en grec, comme Tod en allemand), et c'est la disparition de la mort comme "dernier (eskhatos) ennemi", donc (?) la résurrection des morts, qui détermine la "fin" (rhétorique fragile, mais la rhétorique est aussi un art de l'escamotage et autres tours de passe-passe). La boucle est bouclée (en passant aussi par le Psaume 8, à la faveur du "sous ses pieds" commun aux deux psaumes, l'un sur le roi-prêtre à la manière de Melchisédeq, l'autre sur l'homme/fils de l'homme; suivi d'un commentaire alambiqué, tout soumis sauf celui qui soumet, ce qui ramène à "Dieu" en-deçà et au-delà du "Christ-roi"; on aurait pu faire plus simple, mais c'est comme ça).
La "fin" (telos, masculin aussi) est bien l'aboutissement et l'accomplissement, le terme et l'achèvement d'un "processus" déjà commencé mais pas encore terminé -- on peut penser à la "perfection" (teleios etc.), mais le mot de "plénitude" est un peu trompeur parce que ça renvoie plutôt à plèroô, plèrôma -- les deux familles de termes se confondent souvent dans les traductions françaises sous l'espèce ambiguë de l'accomplissement. Toutefois l'idée de "plénitude" n'est pas loin de celle de "totalité" qui est ici omniprésente (pas, panta: toute autorité, toute puissance, toutes choses, tout, tout en tout/s). Par contre je pense qu'il ne faut pas forcer l'"asymétrie" dont parle Sevrin: kat'argeô ne signifie pas nécessairement "détruire" les "autorités" (etc.) mais les mettre hors d'usage, les destituer de leur rôle ou de leur fonction -- ce n'est donc pas si loin de "soumettre" (hupotassô etc.).
En tout cas ça reste "eschatologique", mais l'eschatologie ne se borne pas à la fin chronologique, heureuse, malheureuse, indifférente ou insignifiante, de n'importe quoi, ou au dernier de n'importe quelle série; c'est aussi, le plus souvent, une "téléologie", non seulement la fin mais la "finalité" ou le "but" du processus, vers quoi il tend depuis son origine. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le résurrection : où, quand, comment ? Sam 20 Avr 2024, 22:30 | |
| "Je vais vous dire un mystère : nous ne nous endormirons pas tous ; mais tous, nous serons changés, en un instant, en un clin d'œil, à la dernière trompette. Car elle sonnera, et les morts se réveilleront impérissables, et nous, nous serons changés. Il faut en effet que le périssable revête l'impérissable, et que le mortel revête l'immortalité" (1 Co 15,51-53 - NBS).
"Je vais vous faire connaître un mystère. Nous ne mourrons pas tous, mais tous, nous serons transformés, en un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale. Car la trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés. Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, et que cet être mortel revête l’immortalité" (1 Co 15,51-53 - TOB).
Narkissos, pourrais-tu STP nous indiquer quel terme traduit le mot changés/transformés et son sens sous la plume de Paul ... Merci. Pouvons-nous y voir une notion de métamorphose ?
Entre résurrection et croix : nommer l’événement selon Paul (1 Corinthiens 15) Guilhen Antier
III - La métaphore ou comment dire l’indicible
Après avoir fait l’expérience subjective de la résurrection, Paul s’est mis à prêcher (1 Co 15,10-11). De la même manière, tout sujet de la résurrection est appelé à en témoigner. Mais puisque la résurrection échappe au langage, le sujet qui veut en témoigner se trouve dans une situation paradoxale dans la mesure où il s’agit de déclarer l’ indéclarable. Comment faire exister dans le langage ce qui est hétérogène au langage ? Comment donner un lieu à ce qui ne surgit jamais que hors-lieu ? En fait, cette question est exactement celle que se pose la communauté à laquelle Paul s’adresse : «Comment les morts sont-ils ressuscités ? Avec quel corps viennent-ils ? » (1 Co 15,35). Il s’agit très exactement de savoir comment une vérité qui n’est pas du monde peut prendre corps dans le monde et donc dans ce qui structure le monde, c’est-à-dire le langage. Ce qu’il faut remarquer, c’est que Paul traite cette question du corps des ressuscités en utilisant le registre métaphorique (1 Co 15,36-38 : la graine à laquelle Dieu donne un corps comme il veut ; v. 39-41 : la Création traversée par une irréductible Altérité). Il utilise également le registre des oppositions signifiantes (1 Co 15,42-49 : corruptible/incorruptible, méprisable/glorieux, naturel/spirituel, etc., sans qu’aucun point d’appui tangible permette de passer immédiatement, automatiquement, de l’un à l’autre). Il aboutit à cette déclaration : «Ce qui est semé corps psychique est ressuscité corps spirituel » (1 Co 15,44). Sans entrer dans une étude détaillée de ces expressions, notons que parler de la résurrection en étant réduit à utiliser des métaphores et des oppositions signifiantes montre qu’on ne peut pas dire la résurrection, on ne peut que parler autour : on fait circuler des signifiants qui n’entreront jamais en coïncidence avec la chose signifiée. Il faut donc, comme Paul, traiter la question du corps dans sa corrélation avec le registre métaphorique. Commençons par dire que le corps chez Paul ne relève pas des catégories du dualisme platonicien : il n’est pas opposable à une âme, il n’est pas une région parmi d’autres du sujet. Bien plutôt, le corps est métaphore du sujet : il est ce qui représente le sujet dans son intégralité et qui le représente comme perte14. En effet, la métaphore entretient avec le processus subjectif un rapport de perte par le jeu complexe des articulations signifiantes. Indiquons brièvement trois caractéristiques de la métaphore.
Tout d’abord, la métaphore destitue le registre du signe au profit de celui du signifiant. Ce qui distingue le signe du signifiant, c’est que le signe est lié à la présence tandis que le signifiant est lié à l’absence. Le signe appartient à la catégorie du savoir, il est ce qui fixe les identités en les interprétant par référence à une norme. Ainsi, si le signe est du côté du code, le signifiant, en revanche, appartient à la catégorie de la nomination : en nommant, il désigne une absence. La métaphore est donc à entendre non pas comme processus d’interprétation ou transmission de quelque chose à quelqu’un, mais comme processus de nomination, c’est-à-dire attestation pour quelqu’un de la venue d’un Autre qui ne se donne jamais que comme absent. D’autre part, la métaphore s’organise autour d’une discontinuité, d’une faille, d’un écart entre les signifiants. La métaphore est à entendre comme disposition aléatoire des signifiants autour d’un point de vide. Comme le dit Roland Subion, «l’étincelle créatrice de la métaphore ne peut jaillir que de la substitution d’un signifiant à un autre signifiant » 15, en sachant que cette substitution est livrée au pur aléatoire, au pur incalculable, à la pure différence d’un événement de rencontre16. Et ce lieu de l’écart, cette pure différence, cette errance que rien ne peut fixer, c’est précisément le lieu du sujet. La métaphore est ce qui, ultimement, représente le sujet comme écart entre deux signifiants à la combinaison aléatoire. C’est dire aussi que la métaphore représente le sujet non pas comme un plus un, mais bien comme un moins un, c’est-à-dire comme sous¬ traction, comme perte. Autrement dit : l’identité ultime du sujet est indiscernable, elle échappe radicalement, y compris à lui-même. Elle est bien cette graine nue, à laquelle Dieu donne un corps comme il veut (1 Co 15,37-38). Enfin, la métaphore, du fait même de la pure différence qui la structure, constitue la forme la plus aboutie de la déclaration en tant que trace d’un événement indéclarable. C’est-à-dire que Paul, par le jeu métaphorique d’une langue livrée à l’événement de la résurrection, atteste qu’il est possible de dire ce qu’on ne peut dire, car, comme le dit Alain Badiou, il est de l’essence même du dire d’être un «mal dire17 ». Ce qu’il faut maintenir est que le ratage inhérent à toute déclaration subjective d’un événement n’y fait pas fonction d’obstacle, mais de condition.
Nommer ce qui ne peut l’être dans le soutien patient de l’échec des mots est la seule façon d’attester que la trajectoire subjective est traversée par une irréductible division. C’est la seule façon d’attester que de l’Autre puisse advenir et subsister dans le lieu du Même, sans garantie, c’est-à-dire par pure grâce.
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