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 Jean le Baptiste

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MessageSujet: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeJeu 20 Aoû 2009, 12:07

Jean le Baptiste est un personnage qui m'intrigue, sa personnalité, son message, son rôle, les differents visages que lui donne les évangiles....

Quelle est l'origine des groupes de " Baptistes " ? essénienne ?

La prédication de Jean Baptiste était-elle en harmonie le message de JC ?

Jean le Baptiste était il à la charnière des deux alliances, " le plus grand des prophètes " et " le plus petit dans le Royaume " ?


Comment Jean le Baptiste se définit-il par rapport à Jésus ?
Jean-Baptiste, concurrent de Jésus ?
À deux reprises, Jean fait dire à Jean-Baptiste qu’il ne connaissait pas Jésus son cousin germain. (Jean 1 – 31 et 33)

Pourquoi certains de ses disciples ne suivent pas Jésus et restent fidèles à leur " maître spirituel ?
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeJeu 20 Aoû 2009, 13:26

J'ai toujours vu en JB, un Aaron pour le nouveau Moïse : Jésus suivant la parole : " Il adressera la parole au peuple en ton nom." (Ex 4.16)


Ceci dit, je ne peux pas répondre à toutes les questions, mais voici ce que nous donne Flavius Josephe à son égard :

" Or, il y avait des Juifs pour penser que si l'armée d'Hérode avait péri, c'était par la volonté divine et en juste vengeance de Jean surnommé le Baptiste. En effet, Hérode l'avait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et qu'il excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour être unis par le baptême; car c'est à cette condition que Dieu considérait le baptême comme agréable, s'il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu'on eût préalablement purifié l'âme par la justice. D'autres s'étaient rassemblés autour de lui, car ils étaient très exaltés en l'entendant parler. Hérode craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d'avoir à se repentir plus tard, si un mouvement avait lieu, de s'être exposé à des périls. A cause de ces soupçons d'Hérode, Jean fut envoyé à Machéronte, la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué. Les Juifs crurent que c'était pour le venger qu'une catastrophe s'était abattue sur l'armée, Dieu voulant ainsi punir Hérode." (Antiquités Judaïques)

Pour le reste, il est difficile de se faire une image compréhensible de la personne de Jean le Baptiste dans les Evangiles tant les contradictions à son sujet pullulent :

1° le ou les auteurs des Epîtres n'ont jamais entendu parler du Baptiste: le baptême y est mis en relation avec la traversée de la mer Rouge par Moïse (1 Cor 10.2).

2° Jésus ressuscite quelques morts de rencontre mais néglige de recoller la tête de son cousin. confused

3° Dans Marc, l'évangile réputé le plus ancien, les disciples se disputent en 10.35 sq pour savoir qui doit être baptisé en compagnie de Jésus (lors de la Passion!...), alors que Jésus l'est depuis le début (1.9). Or JB est déjà mort (6.14-29) et "ses disciples" l'ont mis au tombeau, et ce dernier passage est bizarrement inséré au milieu des tribulations de Jésus...

4° Dans Luc et Matthieu, JB débarque au milieu du récit pour faire demander à Jésus qui il est (Lc 7.18-22, Mt 11.2 sq), alors qu'il est censé l'avoir baptisé antérieurement sous une débauche de signes célestes (Lc 3.21-22, Mt 3.13-17). Pire : dans Luc, lorsque Jésus reçoit le baptême, JB est déjà au trou! (3.20) Luc s'est-il vraiment farci 150 versets d'introduction pour commettre un tel cuir ? Et si JB était un essénien (thèse officieuse), allergique à l'hellénisme, que vient faire le mythe de Deucalion dans ce pathos ? : Je vous dis que Dieu peut, de ces pierres, susciter des enfants à Abraham. (Lc 3.8; Mt 3.9)

Enfin, cerise sur le gâteau, les peintures des catacombes représentent toujours un Jibé adulte baptisant un Jésus d'une douzaine d'années! Et les Actes (13.25) lui donnent le temps d' "accomplir (eplhron) sa course", c'est à dire de mourrir de vieillesse... (cf 2 Tim 4.7)

Ci-dessous scène de la vie de Jésus gravée sur la reliure d'un évangéliaire du Vème siècle
Jean le Baptiste Jibe10

5° Tous les Juifs se précipitent sur une pratique que Moïse(le baptème) n'ayant jamais prêché serait regardé comme suspecte (Mc 1.5).

6° JB ne croit même pas à la pérennité de sa trouvaille et ose le dire à ses clients! (Mc 1.8 ) Il annonce un baptême par l'Esprit Saint dont le sous-évangéliste Aristion de Pella ne parle même pas en fin de volume (Mc 16.9 sq)! Mais dans Selon Jean, Jésus, qui n'a sans doute rien compris, se met à baptiser à l'eau (3.22), alors que dans les Synoptiques, il ne baptise jamais personne.

7° Dans les Actes, "Luc" dit que ce baptême "dans l'Esprit Saint" a été prêché par Jésus lors de son dernier repas (Ac 1.4-5), alors que ce même (?) Luc oublie ce détail dans son Evangile (22.14 sq).

8° Dans Selon Matthieu, Pierre et André sont d'humbles pêcheurs de rencontre recrutés par Jésus au bord du lac de Tibériade (4.18). Dans Selon Jean, la rencontre a lieu aux sources du Jourdain et ces disciples sans qualification sont promus proches de JB (1.35) affectés au bureau de l'agent 001 (1.39). Une troisième version du recrutement des apôtres traîne au milieu des Synoptiques (Mc 3.13, Mt 10.1, Lc 6.12) pour faire de Jésus un nouveau Moïse (Ex 18.18, Nb 11.16). Matthieu et Luc "corrigent" Marc en insinuant que Jésus connaissait déjà ces apôtres. Marc dit que non. Il y a pourtant quatre recrues en Mc 1.16, une autre en 2.13, mais ces disciples sont vraiment inactifs

9° Pour Matthieu, Jésus est soit plus grand que JB (3.11, 10.37-39, 24.35), soit l'inverse (11.11-15, 21.26).

On se retrouve à nouveau devant cette question, comme pour Jésus, quelle figure de Jean Baptiste devons-nous prendre pour répondre aux questions de Free ?

Amicalement
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeJeu 20 Aoû 2009, 18:04

Il me semble aussi impossible de se faire une idée précise de "Jean le Baptiste", comme de "Jacques le Juste", à partir du Nouveau Testament: celui-ci reflète les stratégies contradictoires mises en oeuvre par le christianisme primitif pour situer son "Jésus" par rapport à ces deux figures marquantes du judaïsme palestinien dans la période qui précède la destruction du temple. De l'un on a fait tantôt un cousin, un précurseur, un disciple, ou un concurrent; de l'autre un frère, un héritier, un apôtre, ou un incroyant... La seule chose qui semble claire est que ni l'un ni l'autre n'ont jamais vraiment été "chrétiens", mais qu'ils étaient trop importants pour la composante judéo-palestinienne du christianisme primitif pour ne pas être "récupérés" ou au moins "expliqués" d'une façon ou d'une autre.
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeVen 21 Aoû 2009, 12:19

"mais qu'ils étaient trop importants pour la composante judéo-palestinienne du christianisme primitif pour ne pas être "récupérés" ou au moins "expliqués" d'une façon ou d'une autre."

Salut Didier, que pourquoi cette non récupération était-elle aussi importante ?


Rivalité polémique avec les baptistes


Si le ministère de Jean-Baptiste (JB) est un thème commun à l’évangile de Jean et aux synoptiques, il y a plusieurs différences :
• Les passages sur JB ou le baptême y sont plus nombreux que dans les synoptiques. Ces passages affirment systématiquement la supériorité de Jésus sur le Baptiste (3,23-30 ; 5,33-36 ; 10,40-42).
• Chez Jean, le ministère de JB n’est pas d’appeler à un baptême de repentance, mais de témoigner de Jésus qui vient (Jn 1,6-8 ; 15 ; 19-39).
• Pour le 4e évangile, certains des premiers disciples de Jésus avaient été des disciples de JB (1,35-37).
• Enfin, pour cet évangile, Jean-Baptiste a continué de baptiser de son côté, alors même que Jésus avait déjà commencé son ministère (3,22-24).

Autant d’indices que le judéo-christianisme johannique eut sans doute en ces origines une certaine proximité, voire une concurrence, avec les mouvements baptistes.

(évangile liberté)


Dernière édition par free le Ven 21 Aoû 2009, 13:11, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeVen 21 Aoû 2009, 12:37

Bonjour,

Sherlock a écrit:

7° Dans les Actes, "Luc" dit que ce baptême "dans l'Esprit Saint" a été prêché par Jésus lors de son dernier repas (Ac 1.4-5), alors que ce même (?) Luc oublie ce détail dans son Evangile (22.14 sq).

Amicalement

Mais ne peut-on pas se référer à Jean 14:26 ou Luc 24:49

Je pose la question car je sais bien que notre fin limier à la loupe ne manquera pas de dénicher une ou deux indices afin de me répondre.

Avec mes salutations.
Jean-Pierre
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeVen 21 Aoû 2009, 14:10

Citation :
que pourquoi cette non récupération était-elle aussi importante ?

Salut Johnny.. euh, je veux dire, free :P

Ben... si tu racontais la vie d'un personnage réel ou fictif en France sous l'occupation, ça serait difficile de ne pas le situer par rapport à la collaboration ou à la résistance. Il y a des références "incontournables" comme on dit.

Et puis, comme le suggère ton texte, la concurrence de mouvements se réclamant de Jean ET de Jacques a perduré bien au-delà du Ier siècle (cf. les mandéens qui vénèrent Jean et considérent Jésus comme un faux prophète, encore à l'époque moderne).

Jean-Pierre,

A mon avis Actes 1,4 se réfère à Luc 3,16 avec changement de locuteur (Jean -> Jésus) au passage, ce qui n'a rien d'extraordinaire.

L'artifice narratif le plus évident de l'auteur (au moins dans la rédaction finale de Luc-Actes) est d'éliminer l'annonce de l'apparition en Galilée et l'ordre donné aux disciples d'y retourner au matin de Pâques, pour lui substituer une consigne opposée: tout le monde doit rester à Jérusalem pour la Pentecôte, origine unique (et factice) de l'Eglise universelle.
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeSam 22 Aoû 2009, 13:17

Bonjour,

Sherlock a écrit:

4° Dans Luc et Matthieu, JB débarque au milieu du récit pour faire demander à Jésus qui il est (Lc 7.18-22, Mt 11.2 sq), alors qu'il est censé l'avoir baptisé antérieurement sous une débauche de signes célestes (Lc 3.21-22, Mt 3.13-17).....

Ne peut-on pas imaginer que,
- soit Jean le baptiste connaissant Jésus comme son cousin, ait été surpris dans un premier temps par "les débauches de signes célestes", et alors qu'il croupissait en prison se soit demandé si vraiment Jésus était celui dont lui avait parlé auparavant (Jean 1:25-34),

- soit les manifestations venues du ciel aient été rajoutées par la suite,

- soit qu'un disciple de Jean ait baptisé Jésus après l'arrestation de Jean. Ce qui permettrait de comprendre la question de Jean au sujet de l'identité de Jésus avec ou sans manifestations célestes.

Selon l'évangile selon Jean c'est Jean Baptiste qui baptise Jésus; peut-être l'auteur de l'évangile a-t-il volontairement omis d'indiquer que c'est un disciple de Jean le baptiste et non Jean lui même qui a accomplit ce geste. Sans doute pour donner plus de valeur à l'évènement?

Ne pourrait-on pas envisager les choses sous cet angle?

Avec mes salutations.
Jean-Pierre
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeSam 22 Aoû 2009, 13:59

Citation :
Selon l'évangile selon Jean c'est Jean Baptiste qui baptise Jésus

Selon "Jean" Jésus n'est baptisé par personne!

C'est un détail bien sûr, mais révélateur de la façon dont nous remplissons les "manques" (que NOUS créons) dans un évangile avec des éléments des autres.
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeDim 23 Aoû 2009, 20:38

Bonsoir Didier,

j'ai rempli les blancs en me référant sans m'en rendre compte Jean 1:29-34,28

mais j'avoue que je n'avais pas remarqué l'absence du récit du baptème de Jésus.

Merci et bonne soirée.
Jean-Pierre
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeLun 24 Aoû 2009, 11:46

Comment comprendre la difference de traitement que font les 4 évangiles du personnage JB ?

L'évangile de Jean semble diminuer le rôle de JB et marquer la supériorité de JC.
L'évangile de Luc parle en termes très majestueux et solennels quand il aborde le cas de JB.

28 Je vous l'assure, parmi tous les hommes qui sont nés d'une femme, il n'y en a pas de plus grand que Jean. Et pourtant, le plus petit dans le *royaume de Dieu est plus grand que lui.
Luc 7

76 Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut,
car, devant le Seigneur, tu marcheras en précurseur pour préparer sa route
Luc 1

L'évangile de Jean nous revèle que Jean-Baptiste a continué de baptiser de son côté, alors même que Jésus avait déjà commencé son ministère (3,22-24).
Un groupe baptiste existe apparemment en parallèle du groupe des disciples de Jésus.
Le livre des actes semble faire allusion à ces groupes,

2 Avez-vous reçu le Saint-Esprit quand vous êtes devenus croyants?
Ils lui répondirent:
Nous n'avons même pas entendu dire qu'il y ait un Saint-Esprit.
3 Quel baptême avez-vous donc reçu? poursuivit Paul.
Celui de Jean-Baptiste, lui répondirent-ils.
Actes 19

24
Un Juif nommé Apollos, originaire d'Alexandrie, était arrivé à Ephèse.(...) 25 Il avait été instruit de la Voie du Seigneur et parlait avec enthousiasme de Jésus. L'enseignement qu'il apportait sur lui était d'une grande exactitude. Mais il ne connaissait que le baptême de Jean.
Actes 18

L'évangile de Marc condence le récit concernant JB en 10 vesets, il omet le ministère de JB et ses relations avec JC.

J'ai fait des recherches qui montre qu'au 2eme siecles il y avait des disciples de JB qui affirmait que JB est plus grand que JC.
(commentaire d'Ephrem sur le diatessaron de Tatien.)

Si le mouvement de JB était en concurrence avec les disciples de JC pourquoi un traitement si differents entre les évangiles ???
JB était-il un personnage incontournable, au point, que chaque rédacteur des évangiles a jugé bon de recycler son histoire en fonction de sa vision de JC ?
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeLun 24 Aoû 2009, 16:22

J'ai parlé plus haut de stratégies contradictoires pour "expliquer" les personnages incontournables. Je n'entendais pas seulement par là celles des "auteurs" des quatre évangiles, comme si ceux-ci avaient écrit leur texte sans contrainte, exprimant librement leurs idées selon un certain idéal de l'auteur moderne. Dans ce cas on aurait au maximum quatre points de vue, en fait on en a beaucoup plus. Des interprétations divergentes existaient en amont des évangiles que nous connaissons (même Marc, et a fortiori les suivants), et chaque auteur a dû composer avec elles; il y a donc souvent contradiction non seulement ENTRE les évangiles canoniques mais aussi à L'INTÉRIEUR de chacun d'eux (et ce d'autant plus que "l'auteur" ne percevait déjà plus les enjeux originels des traditions qu'il utilisait).
On peut illustrer la fixation de ce genre de textes par le gel d'un fleuve: ça ne se produit pas en un instant de manière à produire une surface lisse et uniforme, mais il y a d'abord des blocs (des "traditions") qui prennent, tout en continuant de se déplacer et de s'entrechoquer dans un ensemble encore mouvant, puis qui s'agrègent peu à peu les uns aux autres avant de s'arrêter tout à fait sur un instantané chaotique.
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeLun 24 Aoû 2009, 17:19

Bonjour Didier et merci pour tes explications (notamment l'image très explicite concernant le gel du fleuve).
La construction de la figure JB n'a pas était un long fleuve tranquille...
Concernant Matthieu 3,10 peux t-on imaginer que l'explication de la non réalisation de la prophetie soit que "l'auteur" ne percevait déjà plus les enjeux originels des traditions qu'il utilisait".


Jean-Baptiste Matthieu 3,10
: "celui qui vient derrière moi (…) vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu (…) ; quant aux bales, il les consumera dans le feu qui ne s’éteint pas"
Il reprend le prophétie de Malachie 3,19 :
"ils seront de la paille, tous les arrogants et malfaisants ; le Jour qui arrive les embrasera – dit le Seigneur Sabaot – au point qu'il ne leur laissera ni racine ni rameau",
C'est là, une vision fondamentalement eschatologique…En quoi la vie et les actes de Jésus ont-ils correspondu à cette description ?


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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeLun 24 Aoû 2009, 19:06

Le "messianisme" (notion très vague qui peut recouvrir beaucoup de conceptions différentes) a quand même, au départ, toujours quelque chose à voir avec l'"eschatologie" (notion très vague, etc., mais qui comporte forcément une part de jugement/châtiment même si elle ne s'y limite pas).
Les éléments eschatologiques des évangiles synoptiques (notamment le discours du mont des Oliviers, Marc 13//Matthieu 24//Luc 21) sont indissociablement liés à la destruction du temple (événement passé au moins pour Matthieu et Luc, qui prêtent le discours que tu cites à JB). De ce point de vue le jugement par le feu est une "prophétie" en partie accomplie pour les évangélistes. En partie seulement, car leur eschatologie comprend aussi (et surtout) la venue du Fils de l'homme et le jugement dernier, dont le verdict négatif débouche sur la géhenne, "le feu qui ne s'éteint pas"; toutes choses qui ne se sont pas accomplies mais qui doivent suivre ("immédiatement" pour Matthieu, après une longue période indéterminée -- les temps des nations -- pour Luc) la destruction du temple et la (ou les) chute(s) de Jérusalem. Les deux choses (destruction du temple / jugement dernier) restent liées logiquement même si elles ne le sont plus chronologiquement.
Pour revenir au triangle Jean-Jésus-Jacques, il n'est pas sans intérêt que la tradition chrétienne (Origène, puis Eusèbe), citant approximativement Josèphe, attribue à celui-ci un lien de cause à effet entre l'exécution de Jacques et la destruction de Jérusalem -- lien qu'elle corrige naturellement en affirmant que la "vraie cause" est la crucifixion de Jésus. L'exécution de Jean est aussi suivie d'un châtiment (défaite d'Hérode Antipas) chez Josèphe. Toujours chez ce dernier on trouve (AJ XI) le meurtre d'un Ièsous (Jésus) par un Ioannès (Jean) qui entraîne une profanation du temple à l'époque perse... Autant d'éléments parmi beaucoup d'autres qui peuvent aider à comprendre le lien entre le "Jésus" évangélique et un châtiment dont la destruction du temple par le feu est en quelques sorte le premier acte.
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeMar 25 Aoû 2009, 11:19

Merci Didier,

1) Penses-tu que l’attitude de Jean-Baptiste avec Hérode est largement calquée sur le récit 1 Rois 18-19 ?
Il semble que les auteurs des évangiles aient voulu faire coïncider la controverse entre Achab et le prophète Élie (« le fléau d’Israël c’est toi et ta famille parce que vous avez abandonné les commandements de Dieu ») avec celle qui oppose Hérode et JB ( où la femme d’Achab, Jézabel, joue le rôle d’Hérodiade).
On le sait, bien des gens se demandaient si Jean-Baptiste n’était pas Élie réincarné, ce que Jésus dit explicitement en Luc 11,14-15 : « Lui, si vous voulez m’en croire, il est cet Élie qui doit revenir "



2) Autre question, JC a-t-il été pendant certain temps un disciple de JB ?
Autrement comment expliquer que Jésus se soit soumis au baptême de Jean, d'autant plus s'il avait eu lieu en vue du pardon des péchés ?(Mc 1/4)

3) « Es-tu Celui qui devait venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt. 11/3).
Penses-tu que l'explication suivante soit plaisible ?

L'explication la plus simple et psychologiquement la plus vraisemblable est que le prophète du désert, tout pénétré de l’idée d’un Messie apocalyptique, après avoir un moment entrevu que Jésus était « celui qui devait venir », a été surpris de l’humilité persistante de ce ministère qu’il attendait glorieux, et d’autant plus que le Christ ne paraissait en rien se soucier de sa propre captivité. Il s’est alors laissé reprendre par ses anciennes conceptions et gagner par un scepticisme amer.
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeMar 25 Aoû 2009, 14:30

Bonjour free,
1) L'identification d'Elie à JB n'est ni systématique ni exclusive: elle peut être explicitement niée (Jn); la figure d'Elie peut être exploitée indépendamment de celle de JB (transfiguration, Passion); et dans le matériau pré-évangélique Elie est aussi un modèle d'interprétation de Jésus (une des réponses connues à la question "qui dites-vous que je suis").
Donc, peut-être, mais il faut aussi faire la part des réminiscences historiques (Josèphe, AJ XVIII, même en tenant compte de possibles ajouts chrétiens) et peut-être d'autres influences littéraires (la scène de Salomé ne vient ni de Josèphe ni des traditions relatives à Elie à ma connaissance, mais il faudrait creuser davantage peut-être).
2) Pour ceux qui croient pouvoir reconstruire un Jésus historique (ce n'est pas mon cas), c'est une possibilité comme une autre...
D'un point de vue littéraire et idéologique, Jésus baptisé par JB est une bonne façon d'interpréter ce dernier comme précurseur pour Marc; elle ne pose pas problème car l'homme Jésus n'a pas besoin d'être différent des autres: c'est l'Esprit qui fait la différence. Par contre elle va poser problème aux suivants (d'où le dialogue alambiqué sur la justice dans Matthieu, la séparation du baptême de Jésus du baptême du peuple par JB dans Luc, et le non-baptême dans Jean).
3) C'est grosso modo le scénario que Matthieu et Luc suggèrent (JB plus ou moins "scandalisé" par un "messie" -- "celui qui vient", titre d'Elie d'après Malachie soit dit en passant! -- qui ne correspond pas à son attente. Mais là encore on est dans le texte et pas forcément dans l'histoire (ce qui limite les explications psychologiques).
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeMer 26 Aoû 2009, 17:23

Le récit des naissances de JB et JC dans l'évangile de Luc semble marquer la volonté de l'évangeliste de montrer la supériorité de JC.

1) La naissance de JB est annoncé dans le temple mais il n'y reviendra pas dans les récits évangéliques; alors que JC va venir 2 fois dans la maison de "son père" à l'époque de son enfance et une autre fois à la fin de sa vie.

2) JB sera grand devant le seigneur (Luc1,15); JC sera grand de façon absolue (Luc1,32) en tant que messie et fils du très haut.
32 "Il sera grand. Il sera appelé «Fils du Très-Haut», et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son ancêtre."

3) La conception de JB fut miraculeuse mais il n'est pas né d'une vierge

4) A l'inverse de JB la naissance est annoncée et célébrée par un messager divin et une troupe celeste.

5) Zacharie prononce une prophetie dans sa maison pour marquer la naissance de JB, alors que l'hommage de reconnaissance pour la naissance de JC se déroule dans le temple.

Luc 2,

27 Poussé par l'Esprit, il vint au *Temple. Quand les parents de Jésus apportèrent le petit enfant pour accomplir les rites qu'ordonnait la Loi,
28 Siméon le prit dans ses bras et loua Dieu en disant:
32 il est la lumière pour éclairer les nations[e],
il sera la gloire d'*Israël ton peuple

36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne
38 Elle arriva, elle aussi, au même moment; elle louait Dieu et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient que Dieu délivre *Jérusalem
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeVen 28 Aoû 2009, 16:43

Autres éléments :

La proposition d'Hérode à Salomé :

"Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, jusqu'à la moitié du Royaume" (Marc 6,23)

est la reprise de celle du roi Assuérus à Esther, laquelle, devenue reine après la répudation de Vasthi (tiens, là aussi une répudation comme pour Hérode et sa femme!), plaît tant au roi que celui-ci lui dit à la fin d'un banquet (tiens, là aussi un banquet !) :

Quelle est ta demande ? Cela te sera accordé ! Quelle est ta requête ? Jusqu'à la moitié du royaume, ce sera fait (5,6)

Assuérus avait fait trois promesses à Esther (5,3 & 6 et 7, 2). Dans le grec de Matthieu 14,9, alors qu'il n'y a euqu'un seul serment, il est question "des serments" d'Hérode à la fille d'Hérodiade, un pluriel inadapté mais révélateur ! Quelques traducteurs le gardent, plusieurs le remplacent par un singulier (pour éliminer toute trace d'emprunt ? Suspect ). Ajoutons que Salomé portant la tête du Baptiste ressemble beaucoup à Judith portant la tête d'Holopherne (Judith 13,8-10), roi qu'elle avait séduit par sa beauté (tiens, là aussi une tête coupée à la suite d'un banquet !). De plus, le motif des reproches du Baptiste à Hérode semble inspiré des reproches du prophète Nathan à David qui avait, lui aussi, fait sienne la femme d'un autre ; et la vengeance d'Hérodiade contre le Baptiste, pris pour un "nouvel Elie", fait penser à celle que voulait exercer Jézabel contre l'ancien Elie (2 Samuel 12,9-10 ; 1 Rois 19,1-3)
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeJeu 21 Oct 2021, 12:59

LA FIGURE D ELIE DANS LA PERSPECTIVE LUCANIENNE


(c)
Dans la ligne de Conzelmann, on peut soutenir aussi que Le 3 présente un portrait particulier du Baptiste. La parole de Dieu s'adresse à Jean comme à un prophète de l'ancienne alliance (3/2). Le 3,15 doit être considéré comme un commentaire rédactionnel. L'essentiel est de montrer que Jean-Baptiste n'est pas le Messie (cf. Ac 13/25) mais qu'il lui est bien inférieur. Jean-Baptiste ne parle pas de celui qui vient après lui (Lc 3/1 6 cp. Mc 1/7 ; Mt 3/11) 14 , son baptême d'eau n'est qu'une évocation du baptême d'esprit et de feu de Jésus (Lc 3/16; Ac 1/5; 11/16; 13/23 ; 18/25 ; 19/ss.). Luc va même jusqu'à supprimer la personne de Jean-Baptiste dans le récit du baptême de Jésus (3/21-22 ; cp. Mt 3/l4ss.).


(2)
La caractéristique principale de l'activité rédactionnelle de Luc à propos du Baptiste consiste dans l'omission des relations possibles entre Jean-Baptiste et Elie. Luc tend délibérément à éviter toute identification du précurseur de Jésus au grand prophète de l'Ancien Testament. Après le récit de la Transfiguration les disciples interrogent Jésus sur «le rétablissement de toutes choses» (Mc 9/11-13). Or cette fonction de rétablissement assignée à Elie (Mal 3/1, 23 ; cf. Mc l/2ss.) est implicitement appliquée au Baptiste chez Marc (9/13) , et explicitement chez Matthieu (17/10-13) ; cependant le récit lucanien de la Transfiguration omet cette référence à Jean-Baptiste (9/28ss.). Rares sont les solutions satisfaisantes qui permettent de comprendre cette omission. Il nous semble qu'il faut l'expliquer par la cohérence du traitement lucanien des sources sur le Bap tiste. L'identification de Jean-Baptiste à Elie (Mt 11/14 cp. Lc 16/16)


Luc fait aussi silence sur la notice de Mc 1/6 (par. Mt 3/4) à propos du vêtement et de la nourriture du Baptiste. On admet généralement que Mc 1/6 — dans le texte non-occidental — évoque le vêtement d'Elie (2R 1/Cool et sa nourriture (1R 17/4, 6) 20. Luc traite peut-être cette tradi tion en Lc 7 /25, 33, mais sans référence explicite à Elie. Parmi toutes les explications proposées pour ce silence de Mc 1/6 chez Luc, la plus plausible est sans doute celle de Grässer : Luc supprime ce qui peut passer pour un signe de la fin des temps, car Jean-Baptiste ne prépare pas la venue imminente du Royaume . Une fois encore, nous pensons que cette omission illustre la cohérence du portrait lucanien du Baptiste.


https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1973_num_53_2_4151
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeJeu 21 Oct 2021, 14:16

Etude déjà ancienne mais d'excellente qualité (je connaissais surtout J.D. Dubois pour ses travaux ultérieurs sur les textes "gnostiques" et/ou "apocryphes"): elle complète fort utilement ce fil (qui lui-même ne date pas d'hier), notamment sur les différences entre les évangiles (ici du point de vue de Luc + Actes) quant aux rapports entre les figures d'Elie, de Jean(-Baptiste) et de Jésus. Si l'on résume et schématise, peut-être à l'excès, la relation Elie-Jean, implicite chez Marc, tend en effet à s'expliciter dans le sens d'une identification chez Matthieu, mais au contraire à s'effacer dans Luc-Actes au profit de la relation Elie-Jésus -- j'hésiterais toutefois pour ma part, dans la veine de Conzelmann, à y mêler le prologue de la "double nativité" Jean-Jésus, Luc 1--2, qui forme une unité littéraire clairement distincte, même si tout a bien dû finir par s'harmoniser dans la lecture de l'ensemble Luc-Actes (mais encore différemment selon les "éditions", "occidentale", "alexandrine", etc.; vaste problème).

Cela nous éloigne cependant (non que je veuille y revenir) de toute considération "historique" sur "Jean (le) Baptiste": non seulement parce que "Luc" écarte Jean de la typologie d'Elie, mais surtout parce que tout ce qu'"il" en dit dépend, jusque dans la divergence et l'opposition, d'autres textes "chrétiens" (Marc, Matthieu ou "Q" au moins). La même remarque vaudrait d'ailleurs, mutatis mutandis, pour la tradition "mandéenne" évoquée plus haut (21.8.2009): son rapport à "Jean-Baptiste", même s'il n'est pas totalement artificiel, est profondément marqué par les traditions chrétiennes et musulmanes sur "Jean-Baptiste" (= Yahya).
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeJeu 30 Mar 2023, 10:24

Jésus parle de Jean-Baptiste

"Les disciples de Jean repartent. Jésus se met à parler de Jean aux foules qui sont là. Il leur dit : « Qu'est-ce que vous êtes allés regarder dans le désert ? Un roseau secoué par le vent ? Non ! Alors, qu'est-ce que vous êtes allés voir ? Un homme habillé de vêtements élégants ? Mais ceux qui ont de beaux vêtements habitent dans les palais des rois. Qu'est-ce que vous êtes allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et même plus qu'un prophète ! En effet, Jean est celui que les Livres Saints annoncent quand Dieu dit : “Moi, je vais envoyer mon messager devant toi. Il préparera le chemin pour toi.”  »
Jésus ajoute : « Je vous le dis, c'est la vérité : il n'y a jamais eu un homme plus important que Jean-Baptiste. Pourtant, celui qui est le plus petit dans le Royaume des cieux est plus important que lui. 12Depuis le temps où Jean baptisait jusqu'à maintenant, on attaque le Royaume des cieux avec violence, et les gens violents cherchent à le prendre. Jusqu'à Jean, la loi et tous les prophètes ont annoncé ce qui allait arriver. Et si vous voulez me croire, Jean, c'est Élie qui devait revenir ! Celui qui a des oreilles, qu'il écoute !" (Mt 11, 7-15)

A. La nouveauté du Royaume (Mt 11, 12s/Lc 16, 16)

Le chapitre 11 de l’évangile de Matthieu est composé d’un ensemble de paroles de Jésus qui se retrouvent presque toutes dans l’évangile de Luc et qui appartiennent donc vraisemblablement à la source que les deux évangélistes ont utilisée. On y lit une parole de Jésus qui va orienter notre recherche, Mt, 11, 12s/Lc 16, 16s.

12a) Le logion, chez Matthieu, se rencontre dans le contexte du chapitre 11 où des envoyés de Jean prisonnier ont interrogé Jésus : « Es-tu celui qui vient ou faut-il en attendre un autre ? ». La question est particulièrement importante : toute l’activité de Jésus qui a été décrite jusque là conduit à s’interroger concernant la place et la signification de Jésus dans la réalisation de l’histoire du salut.

13Jésus a répondu en renvoyant à son action que chacun doit considérer et comprendre en la comparant avec les oracles des prophètes : tout son discours est fait de formules empruntées à Isaïe (Is 29, 18b ; 35, 56 ; 61, 1s), à l’exception de la dernière affirmation : « et heureux celui pour lequel je ne serai pas un objet de scandale » (11, 2-6).

14En d’autres termes, l’événement eschatologique ou messianique est enclenché mais il a une dimension imprévue et difficilement acceptable.

15Viennent ensuite des logia qui appartiennent tous à la source commune et qui situent Jean-Baptiste par rapport à Jésus (11, 7-19). Il doit être clair que celui que le peuple est allé voir au désert, n’était pas un riche ou un puissant ; il n’était pas non plus un roseau agité par le vent, un homme sans doute qui, comme on dirait aujourd’hui, est toujours « dans le vent », ou qui tourne à tout vent, comme dirait saint Paul : il y avait en lui la fermeté du prophète qui parle contre vents et marées. C’est lui que Isaïe décrivait. Le logion suivant affirme solennellement (Amen, je vous le dis), « parmi les enfants des femmes, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste : et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui ».

La véritable grandeur, celle qui vaut aux yeux de Dieu, la véritable grandeur est liée à la place que l’on occupe par rapport au Royaume messianique. Jean fut le plus grand dans le monde de l’attente et cette parole le place audacieusement au-delà de Moïse et de tous les prophètes ; il fut le plus grand parce qu’il fut l’annonciateur immédiat du Messie ; il fut Elie qui doit venir.

17Il n’en est pas moins vrai qu’il est resté à distance : sa question même montre qu’il n’y est pas entré ; la seconde partie du logion affirme la grandeur incomparable de ceux qui vivent la réalité du Royaume : le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui. Le mot mikroteros (le plus petit) ne désigne pas seulement Jésus mais aussi tous ceux qui, en devenant ses disciples, vivent, et vivent dès maintenant, l’événement eschatologique : la phrase n’est pas formulée au futur mais au présent.

18C’est la conscience de cette nouveauté et de cette différence, qui éclaire la parole suivante, celle qui nous intéresse particulièrement. La première époque s’est achevée avec Jean : ce fut le temps des prophéties et des promesses. Très curieusement, le v. 13 cite la Loi après les prophètes et la considère elle-même comme une prophétie, une annonce de ce qui doit venir : « Car tous les prophètes et la Loi jusqu’à Jean ont prophétisé ». Mais depuis lors, le Royaume est là et la parole de Jésus déclare qu’il souffre violence et que des violents le ravissent. La parole compte, on le sait, parmi les plus obscures et on lui a trouvé bien des interprétations.

19Les deux autres emplois dans Matthieu du verbe harpazein nous orientent dans le sens de l’opposition violente que les Pharisiens (et peut-être aussi les forces démoniaques) opposent à Jésus : dans l’explication de la parabole du semeur, on dit que dès que la parole est semée, survient le Mauvais qui ravit ce qui a été semé au cœur de l’homme » (Mt 13, 19). En d’autres termes, dès maintenant, le Royaume est à l’œuvre et les disciples de Jésus en vivent l’expérience : mais il est aussi l’objet de l’opposition et de la violence qui cherchent à le détruire.

20De toute façon, il importe ici d’observer la conscience de la réalité éminente du Royaume dont Jésus assure l’avènement, et l’interprétation qui, à partir de là, est donnée de la Loi : elle appartient au temps de la prophétie et de la préparation ; son temps est passé mais sa visée s’accomplit.

https://books.openedition.org/pusl/8426?lang=fr
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeJeu 30 Mar 2023, 12:37

Deux remarques préalables:

- La traduction que tu cites pour Matthieu 11 (français courant, ou une de ses nombreuses imitations ?) est pour le moins libre et inventive: dans la phrase que tu soulignes, "annoncer ce qui allait arriver" traduit de façon très contestable le verbe prophèteuô -- alors que la "prophétie" n'est pas essentiellement ni principalement une prédiction de l'avenir, mais la profération de toute sorte de parole ou de message, prédictif ou pas, au nom d'une divinité (les tenants de l'"équivalence dynamique" sont d'ordinaire les premiers à rappeler ce genre de chose, mais ici ils n'en sont pas moins tombés dans le panneau en voulant éviter le verbe "prophétiser" et en le remplaçant précisément par son interprétation "courante" qui est aussi la plus douteuse). De plus elle ne respecte ni la séquence insolite des sujets (les prophètes et la loi, dans cet ordre) ni l'ambiguïté de la fonction de Jean (désigné comme terme de la "prophétie", ce qui correspond à la place de l'Elie qui vient -- et non pas qui "revient" ! -- tout à la fin, mais aussi, possiblement, participant lui-même à la "prophétie" comme troisième sujet sous-entendu du verbe, Jean prophétisant comme les prophètes et la loi, même s'il est et fait "plus" que ça).

- J'ai les plus grandes réserves sur l'étude de Giblet, quant à son "objet" (le Jésus historique derrière les textes), à sa méthode (historico-critique, mais tributaire d'une vision phariséo-rabbinique du judaïsme du Ier siècle qui échappe à toute critique) et à ses présupposés exégétiques (source "Q" derrière Matthieu et Luc), mais comme je m'en suis déjà souvent expliqué et que l'ouvrage commence à dater (1983) je n'y insisterai pas davantage.

A part ça, je suis assez d'accord avec l'interprétation ci-dessus: Jean est le plus grand dans le temps et l'histoire (de l'attente, si l'on veut) parce qu'il en marque l'extrême limite; en revanche j'insisterais davantage sur la différence entre Matthieu et Luc, car le premier prend plus au sérieux l'eschatologie, quitte à l'opposer à tout "réalisme": maintenant c'est le royaume ou règne des cieux, ce n'est plus un temps ni une histoire comme avant, ce qui motive l'interprétation radicale ou "parfaite" de la Loi; pour le second, au contraire, surtout si on le prend dans l'ensemble Luc-Actes, ce sont des périodes ou des "économies" (dispensations, dispositions, régimes) différentes qui se succèdent, celle de la loi juive et celle de l'Eglise chrétienne, dans une continuité temporelle et historique de même nature et de représentation linéaire, la "fin" et le "règne-royaume" étant d'emblée repoussés sine die. Quant aux "violents" (dont nous avons sûrement déjà parlé ailleurs, mais où ?)  l'interprétation de Giblet est plausible au niveau de l'évangile tel que nous le lisons, mais l'histoire du logion est sans doute plus complexe, dans la mesure où "Matthieu" rassemble des traditions "judéo-chrétiennes" diverses parmi lesquelles il y en a probablement eu d'assez "violentes" (cf. aussi l'épée).
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeVen 31 Mar 2023, 15:23

Ce que Jean le Baptiseur dit de lui-même

"Voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : Toi, qui es-tu ? Il le reconnut, il ne le nia pas, il reconnut : Moi, je ne suis pas le Christ. Ils lui demandèrent : Alors quoi ? Toi, es-tu Elie ? Il dit : Je ne le suis pas. — Est-ce toi qui es le Prophète ? Il répondit : Non. Ils lui dirent alors : Qui es-tu ? — que nous puissions donner une réponse à ceux qui nous ont envoyés ! Que dis-tu de toi-même ? Il dit : Moi, je suis celui qui crie dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Esaïe. Ceux qui avaient été envoyés de chez les pharisiens lui demandèrent : Pourquoi donc baptises-tu, si, toi, tu n'es ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ? Jean leur répondit : Moi, je baptise dans l'eau ; au milieu de vous, il en est un que vous ne connaissez pas et qui vient derrière moi ; moi, je ne suis pas digne de délier la lanière de sa sandale" (Jean 1,19-27).

L'évangile de Jean dépossède le Baptiste de tous les titres que (peut-être) ses disciples lui conféraient : Il ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète. L'auteur de cette partie de l'évangile de Jean réduit Jean-Baptiste au rôle de simple témoin de Jésus-Christ. Au reproche que lui font alors les Pharisiens, à savoir de baptiser sans mandat, Jean-Baptiste réplique que son baptême (qui n'est qu'un baptême d'eau), s'explique et se justifie par la présence sécrète d'un homme éminent à qui rend  témoignage puisqu'il le présente comme  comme l'Agneau de Dieu et comme celui qui baptisera dans l'Esprit. Il y a une volonté de vider le baptême d'eau de son sens, la suppression du péché est opéré par l'agneau de Dieu :

 "Le lendemain, il voit Jésus venir à lui et dit : Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. C'est à son sujet que, moi, j'ai dit : Derrière moi vient un homme qui est passé devant moi, car, avant moi, il était ; moi-même, je ne le connaissais pas ; mais si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il se manifeste à Israël. Jean rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ; moi-même, je ne le connaissais pas ; c'est celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau qui m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit saint. Moi-même, j'ai vu et j'ai témoigné que c'est lui le Fils de Dieu" (1,29-34).


Il est remarquable de noter que selon ce texte Jean-Baptiste n'a pas connu Jésus d'avance et ne l'a identifié qu'au moment où l'Esprit est descendu sur lui. 
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeVen 31 Mar 2023, 16:44

Il me semble que tu t'inspires en partie de cet article (Trocmé, 1980), dont l'analyse ou la "critique" me paraît, une fois de plus, un peu trop "historique" et pas assez "littéraire" (mais c'est une affaire d'époque, donc historique aussi à sa façon).

La polémique "anti-baptiste" ne fait guère de doute, mais elle n'a pas forcément le rôle fondateur et décisif que lui prêtaient Baldensperger et sa suite, comme si tout le "johannisme" devait en découler historiquement, de manière contingente sinon tout à fait déterminée ni tout à fait fortuite. Il me semblerait plus intéressant de rapprocher l'interrogatoire de Jean par les prêtres et les lévites, ou plus loin par ses propres disciples, du dialogue synoptique entre Jésus et les disciples, qui convoque semblablement Jean, Elie et le Christ (entre autres) autour d'une question d'"identité" paradoxale (qui est Jean, qui est Jésus, sachant que la question appelle pour réponse un autre nom propre que celui de son sujet, excluant la tautologie "Jean est Jean" ou "Jésus est Jésus"; cf. Marc 8,27ss//; cf. 6,14ss; 9,4s.9ss; 15,35s//). L'interrogation synoptique sur l'"identité" de Jésus se retourne dans le quatrième évangile vers "Jean" et appelle de sa part des réponses exclusivement négatives, tandis que la confession positive de Pierre sur Jésus trouve un écho en Jean 6,66ss.

Je ne doute pas un instant qu'il y ait eu des "baptistes" de toute sorte dans la nébuleuse judéo-chrétienne qui a fini par se rassembler autour de la Synagogue pharisienne d'une part et de la grande Eglise chrétienne d'autre part, ni que la référence à "Jean" fût parmi ceux-là importante et durable (cf. les Mandéens qui ont tant inspiré Bultmann) -- l'association du nom de "Jean" au quatrième évangile en résulte peut-être indirectement (pour rappel, le texte est anonyme, son "Jean" correspond au "Baptiste" ou "Baptisant" des Synoptiques -- quand ce n'est pas le père de Simon-Céphas-Pierre, 1,42 etc. -- mais il évite de l'appeler ainsi). Le rapport du Prologue à toute cette problématique inter-johannique, si l'on peut dire, est cependant fort douteux, parce que l'hymne semble avoir été ajouté(e) très tardivement (faisant inclusion, dans sa forme définitive, avec le chap. 20, "mon Seigneur et mon Dieu", mais sans écho distinct auparavant) et que les morceaux relatifs à Jean y sont ostensiblement interpolés (comme un commentaire en prose dans une poésie, bien que ces deux "catégories" ne soient pas exactement adéquates). Il est toutefois remarquable qu'une référence (à mes yeux improbable) à "Jean" plutôt qu'à "Jésus" ne changerait strictement rien au sens de l'hymne au logos proprement dit. La référence éventuelle, historique ou mythique, du nom propre compte très peu dans l'économie d'une religion, de sa théologie comme de sa liturgie -- de même que les prières passent facilement d'une divinité à une autre, sans autre changement que celui des noms propres, cf. l'histoire des Psaumes où l'on a pu dire à un "Dieu" chrétien, protestant, etc., ce qu'on avait dit préalablement à un Yahvé très différent, voire à un Baal ou à un Aton; ainsi l'hymne au logos resterait foncièrement le même qu'on le rapporte à Jean, à Jésus ou à n'importe qui, il n'est d'ailleurs rattaché à "Jésus-Christ" que très indirectement dans le texte tel que nous le lisons.
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeMar 04 Avr 2023, 13:19

Citation :
Il me semble que tu t'inspires en partie de cet article (Trocmé, 1980), dont l'analyse ou la "critique" me paraît, une fois de plus, un peu trop "historique" et pas assez "littéraire" (mais c'est une affaire d'époque, donc historique aussi à sa façon).

Effectivement.

L’identité et la fonction de Jean le témoin (Jn 1, 6)

La notion de « témoin », à l’aube du christianisme, est fondamentale. Elle est exprimée en grec par le mot μαρτύς et ses dérivés μαρτύριον et μαρτυρέω, qui donnent en français les mots « martyr » et « martyre ». Aux deux extrémités de la vie de Jésus, les mystères qui entourent sa naissance et sa résurrection sont fondés sur des témoignages. Et ce que nous savons de son ministère l’est également.

Justement, l’évangile selon Jean introduit dans son prologue (1, 1-18) la notion de témoin, qui s’applique à un personnage dont le nom est Jean :

Il advint un homme envoyé par Dieu, son nom était Jean. Il vint pour le témoignage, afin de témoigner de la lumière, afin que tous croient par lui. Il n’était pas la lumière, mais afin de témoigner de la lumière (Jn 1, 6-Cool.

Qui est ce « Jean » ? À première vue, il s’agit du Baptiste : les quatre évangiles s’accordent à faire de Jean le Baptiste le précurseur de Jésus dans son ministère. Jean prêche au cours des années 20, exerce sans doute une influence déterminante sur Jésus ; et, dans les synoptiques, quand Jean est arrêté, Jésus commence par prêcher à sa place Il y a donc une pente naturelle à considérer que « Jean » désigne, en Jn 1, 6, le précurseur de Jésus, Jean le Baptiste.

Pourtant, cette explication n’est pas suffisante : dans ce passage, le temps de Jean et celui de Jésus ne se confondent pas, une distance existe entre les deux, marquée par l’intervalle qui sépare les v. 6-8, concernant Jean, et le v. 14 où « la parole devint chair », autrement dit le temps de l’incarnation du verbe divin en Jésus, le temps où « Dieu » devient « fils ». Et cet écart nous amène à chercher une identification avec une autre figure que celle du Baptiste, plus éloignée de Jésus dans le temps. On est ainsi embarqué dans une enquête sur le genre littéraire des évangiles : comment fonctionne le sens, dans ces livres lentement parvenus à leur rédaction finale et rapidement devenus la référence fondamentale des chrétiens ?

Jean le témoin (Jn 1, 6)

Ainsi, le nom de Jean, employé pour désigner le témoin de la lumière en Jn 1, 6, renvoie à deux personnages superposés : Jean le Baptiste, d’une part, qui précède immédiatement Jésus dans son ministère ; et Onias, d’autre part, dernier grand-prêtre légitime du temple de Jérusalem, qui précède Jésus dans cette fonction d’élu de Dieu, avec une période intermédiaire de deux siècles au cours de laquelle les grands-prêtres sont autoproclamés, puis choisis par une autorité humaine. Cette superposition est rendue possible par l’usage d’une écriture à deux niveaux de sens, qui vient de la culture judéo-hellénistique, qui l’emprunte elle-même à la culture grecque d’Alexandrie, où le double sens sert avant tout à la relecture d’Homère.

Mais on ne peut ignorer, si près du commencement de l’évangile, que le nom de ce témoin est le même que celui de l’évangéliste, lequel repose lui-même sur une double identification ; d’après Papias, il existe, en effet, à Éphèse deux personnages qui portent le nom de Jean : d’une part, l’apôtre, qui connaît un exil sur l’île de Patmos sous Domitien (81-96) ; d’autre part, son disciple, Jean le presbytre, dont Papias a été l’auditeur et qui semble prendre les rênes de la communauté d’Éphèse pendant l’absence de l’apôtre :

Papias compte deux fois le nom de Jean : il range le premier avec Pierre, Jacques, Matthieu et les autres apôtres et indique clairement l’évangéliste ; l’autre Jean, il le place avec d’autres en dehors des apôtres : il le fait précéder d’Aristion et le désigne clairement comme un presbytre […]. Il est vraisemblable que c’est le second Jean, si l’on ne veut pas que ce soit le premier, qui a contemplé la révélation transmise sous le nom de Jean […]. Papias dit [encore] avoir été l’auditeur d’Aristion et de Jean le presbytre : dans ses écrits, il rapporte leurs traditions […]. Il transmet [notamment] des récits des paroles du Seigneur dus à Aristion et des traditions de Jean le presbytre

Or, l’un et l’autre sont à leur tour les « témoins » de Jésus, par leur participation à la rédaction de l’évangile de Jean. Autrement dit, un troisième niveau de sens apparaît, plus indirect que celui des deux personnages superposés, mais tout aussi important, s’agissant du lien entre ce nom de Jean et le témoignage sur Jésus. Et ces deux nouvelles figures apparaissent sous plusieurs noms, dans Jean, mais aussi dans d’autres écrits du Nouveau Testament.

https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2017-1-page-31.htm
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MessageSujet: Re: Jean le Baptiste   Jean le Baptiste Icon_minitimeMar 04 Avr 2023, 14:33

Rien qu'en survolant cet extrait, avant même de cliquer sur le lien, je savais qui était l'auteur: C.B. Amphoux, grand spécialiste de critique textuelle du NT, égaré à mon sens bien loin de son domaine d'expertise (analyse et classification des manuscrits, versions, citations et autres "témoins" anciens des textes) dans l'exégèse et surtout dans la reconstitution historique -- j'avais entendu avec stupéfaction une mouture antérieure de sa thèse, déjà quasiment identique et toujours parfaitement isolée, lors d'un colloque Théolib il y a près de vingt ans; il avait d'ailleurs tout aussi peu goûté ma contribution, sur les remises en question récentes du "Jésus historique", que moi la sienne... Smile

Comme on l'a montré bien des fois ailleurs (p. ex. ici, à partir de juin 2016), le "témoignage" dans les textes "johanniques" (quatrième évangile et épîtres dites "de Jean") n'a pas grand-chose d'historique au sens "historien" du terme, parce que la "vérité" dont il "témoigne" n'est jamais "passée": elle abolit ses médiations, humaines, mémorielles, personnelles ou collectives, verbales, scripturaires ou documentaires, rituelles ou sacramentelles, à mesure qu'elle les génère; ses récepteurs ne sont pas des croyants ni des "connaissants" (ou "gnostiques") de "seconde main", chacun a un rapport im-médiat à l'origine absolue, les derniers voient, entendent, goûtent et touchent ce qui était au commencement (cf. 1 Jean 1,1ss) au même titre que les premiers, même le Christ ou l'Esprit ne sont pas "médiateurs" autonomes; toute extériorité, sinon toute différence ou toute altérité, se résorbe dans l'un; cela s'appelle aussi "plérôme"...

On peut cependant bien dire que "Jean" joue dans la première partie de l'évangile un rôle analogue, et presque symétrique, de celui du "disciple bien-aimé" (voire du "paraclet") dans la seconde: témoin précurseur, témoin successeur -- encore que le "disciple bien-aimé" soit plus directement construit sur la figure de Lazare, que Jésus "aimait" aussi, à la fin de la première partie (chap. 11--12).
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