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 Ce que je retiens : de Marc

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MessageSujet: Re: Ce que je retiens : de Marc   Ce que je retiens : de Marc - Page 3 Icon_minitimeMer 04 Sep 2024, 11:34

"En sortant de la synagogue, ils se rendirent, avec Jacques et Jean, chez Simon et André. La belle-mère de Simon était alitée, elle avait de la fièvre ; aussitôt on lui parle d'elle. Il s'approcha et la fit lever en lui saisissant la main ; la fièvre la quitta, et elle se mit à les servir.  Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades et les démoniaques. Toute la ville était rassemblée devant la porte. Il guérit beaucoup de malades qui souffraient de divers maux et chassa beaucoup de démons ; il ne laissait pas les démons parler, parce qu'ils le connaissaient" (Mc 1,29-34).


Le thème de la maison dans l'évangile de Marc
Frédéric Manns

La guérison de la belle-mère de Pierre

C'est en Mc 1,29 que la maison de Pierre et d'André à Capharnaüm est mentionnée pour la première fois. Le contexte immédiat fait état de l'enseignement de Jésus et de la guérison d'un démoniaque dans la synagogue de Capharnaüm un jour de sabbat. Auparavant la vocation des quatre premiers disciples était évoquée de façon très schématique. A la guérison dans la maison de la belle-mère de Pierre est opposée celle de nombreux malades après le coucher du soleil, c'est- à-dire après la fin du sabbat. Tandis que la guérison de la belle-mère a lieu dans la maison, celle des autres malades est localisée devant la porte de la maison. Le contexte de la guérison est celui de la journée de Capharnaüm (41). En Mc 1,39 une conclusion récapitulative sous forme de sommaire résume la prédication de Jésus en Galilée et son programme missionnaire. Le contexte de la guérison est celui de la journée de Capharnaüm (41). En Mc 1,39 une conclusion récapitulative
sous forme de sommaire résume la prédication de Jésus en Galilée et son programme missionnaire.

La structure du passage est caractérisée par une alternance de scènes particulières et de notations générales :

1,21-27 : Dans la synagogue de Capharnaüm Jésus enseigne et guérit.
1,28 : Sa renommée se répand dans toute la Galilée.
1,29-31 : Dans la maison de Pierre.
1,32-34 : Toute la ville se rassemble près de la porte.
1,35-38 : Jésus quitte Capharnaüm.
1,39 : Jésus prêche dans toute la Galilée.

Le cadre temporel ne se limite pas à la journée modèle du sabbat de Capharnaüm ; il s'élargit à la Galilée entière au premier jour d'une semaine nouvelle.

Lorsqu'on considère la structure du premier chapitre de Marc, on est frappé par sa construction symétrique :

1,21-27 : Jésus dans la Synagogue de Capharnaüm .
1,28 : Sa renommée se répand dans toute la Galilée.
1,29-31 : Dans la maison de Pierre avec quatre disciples.
1,32-34 : La ville entière est devant la porte.
1,35-38 : Départ de Jésus. Recherche des quatre disciples.
1,39 : Jésus vient dans toute la Galilée.
1,40-45 : Jésus purifie le lépreux.

Dans le récit de la guérison de la belle-mère de Pierre Marc reprend un thème traditionnel (42). Il y ajoute la suture « et aussitôt » (43) et la finale concernant le secret messianique. Curieusement Marc ne respecte pas le schéma des récits de miracles qui mettent en évidence l'exigence de foi demandée par Jésus et la réaction des assistants. Le miracle est dominé par l'expression : « il la mit debout » qui interprète le geste en se donnant la signification théologique : ce dernier annonce la résurrection baptismale symbolisée par le geste de Jésus.

Une autre expression prend dans ce contexte une connotation nouvelle : « elle les servait ». La vocation de celui qui a été ressuscité par le Seigneur est de servir. La diaconie est dans la communauté une fonction importante.

Si ce contexte catéchétique ressort du vocabulaire choisi par Mc, il est vraisemblable que le terme « la maison d'André et de Pierre » désigne plus qu'un lieu topographique : il se charge d'un sens nouveau et devient le lieu de la guérison opérée par Jésus en présence des quatre premiers disciples.

A propos des guérisons qui ont lieu après le coucher du soleil, Marc est le seul à préciser que les malades et la ville entière étaient rassemblés devant la porte (44). Faut-il donner à ce détail une signification théologique ou y voir un souvenir personnel de Pierre qui correspondait à la situation des lieux (45) ? Avant de répondre à cette question, il faut rappeler que la porte de la maison est à nouveau mentionnée en Me 2,2 : « Beaucoup se rassemblèrent de sorte que l'emplacement
devant la porte (46) ne pouvait plus les contenir ». La foule avait envahi la maison et l'emplacement devant la porte. Pour parler du rassemblement devant la porte en 1,31, Marc emploie le même verbe qu'en 13, 27 lorsqu'il est question du rassemblement eschatologique. L'activité de Jésus anticipe donc en un certain sens le rassemblement de toute l'Eglise. Le thème de la porte, défini comme l'endroit de rassemblement de toute la ville, pourrait avoir une signification ecclésiale. Elle
est le seuil de la maison de Pierre, qui symbolise l'Eglise. Le rassemblement devant la porte préfigure le rassemblement eschatologique des élus des quatre coins de l'horizon.

Il est probable que Marc rapporte la catéchèse de Pierre dans laquelle les thèmes de la maison et de la porte avaient une connotation spéciale (47). De fait, les fouilles archéologiques ont permis d'identifier devant la maison, en direction du Cardo maximus, un espace d'une superficie de cinq cents mètres carrés, ainsi que le seuil d'entrée de la maison (48).

Cette découverte, si elle met en évidence les données historiques, n'interdit pas une lecture symbolique du texte. Le passage de la Synagogue à la maison de Pierre aurait ainsi une portée symbolique.

https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1992_num_66_1_3186
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MessageSujet: Re: Ce que je retiens : de Marc   Ce que je retiens : de Marc - Page 3 Icon_minitimeMer 04 Sep 2024, 14:41

Nous avons vu, j'en suis sûr, cet article de Manns (1992) il n'y a pas très longtemps, mais je ne sais plus dans quel fil de discussion... Pour rappel, ce que la tradition chrétienne (tardive) a identifié comme "maison de Pierre" à Capharnaüm, et sur quoi travaillait docilement, au XXe siècle, une certaine archéologie (probablement financée en grande partie par des fonds religieux), aurait pu être la maison de n'importe qui (on n'a pas retrouvé le nom sur la sonnette), ce qui rend parfaitement arbitraires tous les rapprochements de l'histoire, de la géographie, de la topologie ou de l'architecture et des textes, y compris celui de Marc. S'il y a une caractéristique de Marc en matière de "maison(s)", c'est qu'il attribue par moments une "maison" à "Jésus" autant qu'à "Pierre", que ce soit ou non la même (chose indécise dans le récit, sans parler d'aucune "réalité") -- contrairement à l'idéal d'itinérance ou de nomadisme absolus, qui nous viendrait plutôt de Matthieu (le Fils de l'homme n'a pas où reposer la tête)... Voir aussi supra 6.8.2024 l'article d'I. Parlier, de la même année mais à mon sens plus perspicace.
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MessageSujet: Re: Ce que je retiens : de Marc   Ce que je retiens : de Marc - Page 3 Icon_minitimeMer 04 Sep 2024, 16:34

Chapitre I. L'Évangile de Marc (Article non-disponible gratuitement mais dont l'introduction me parait intéressante).
Par Régis Burnet

Si l’on en croit la tradition, l’Évangile de Marc entra de plain-pied dans le processus de conservation de la mémoire qui gagna le christianisme au temps de la mort des apôtres. Selon Papias d’Hiérapolis (vers le IIe siècle), Marc aurait été le secrétaire de Pierre et peut-être le Jean-Marc qui accompagnait Paul et Barnabé dans leur voyage missionnaire ; il avait mis par écrit ses souvenirs de l’enseignement de son maître pour l’édification des nouveaux chrétiens. L’apprenant, Pierre aurait approuvé le projet. Vraie ou fausse, cette tradition traduit bien le projet mémorial de l’évangile et cadre relativement bien avec ce que l’on peut tirer de l’analyse du texte. Une première version aurait été écrite entre 64 et 69 et une seconde vers 75. La première version utilisait peut-être un ensemble de textes “ prémarciens ”, dont un récit de la Passion et un recueil de miracles. En outre, il s’agit d’un écrit à destination d’une communauté étrangère au judaïsme palestinien comme pouvait l’être celle de Rome : il explique les usages juifs (7, 3-4 ; 14, 12 ; 15, 42) et traduit les expressions araméennes (3, 17 ; 5, 4 ; 7, 11-34 ; 9, 43 ; 10, 46 ; 14, 36 ; 15, 22-34). Texte populaire, écrit dans un grec rugueux et parfois approximatif, fortement marqué par l’oralité, il rend bien la couleur locale et manifeste un goût certain pour la narration. Ses premiers mots : “ Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu ” indiquent son propos : il s’agit de l’évangile, et de l’évangile du Fils de Dieu…

https://shs.cairn.info/le-nouveau-testament--9782130541288-page-41?lang=fr
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MessageSujet: Re: Ce que je retiens : de Marc   Ce que je retiens : de Marc - Page 3 Icon_minitimeMer 04 Sep 2024, 16:51

Tout ça (ce déploiement de "protection des droits", bien moins d'auteur que d'énième "éditeur" virtuel, s'agissant de "Cairn") pour un opuscule de vulgarisation de la collection "Que sais-je ?" (P.U.F., Presses universitaires de France), censé mettre à la portée de tous un condensé du savoir universitaire, public et en grande partie payé par les contribuables... Ce genre d'ouvrage est d'ailleurs en général d'un intérêt limité, parce qu'il relève en principe d'une écriture "encyclopédique" à visée consensuelle, qui faute de consensus se contente de juxtaposer les thèses concurrentes -- mais il y a des exceptions, j'ai le souvenir d'excellents "Que sais-je" avec des auteurs originaux et des sujets précis ("Le Nouveau Testament" paraît bien trop vaste).

Qui dit "selon Papias" dit "selon Eusèbe", deux siècles plus tard. Du côté linguistique, les transcriptions et les traductions approximatives de l'araméen en grec peuvent aussi viser plus ou moins consciemment un effet d'exotisme, de mystère ou de magie, façon abracadabra -- c'est en tout cas l'effet qu'elles produisent vraisemblablement sur un lecteur hellénophone, comme sur un francophone... Pour rappel, les christianismes de toutes tendances parlent longtemps grec et non latin jusqu'en Occident, à Rome (l'épître aux Romains est écrite en grec) ou même à Lyon (Polycarpe, Irénée, etc., et de moins "orthodoxes", tous issus d'Asie Mineure et parlant grec): c'est l'affaire de "minorités ethniques" et de communautés migratoires; la "christianisation" des "Romains de souche", si l'on ose dire, et de "l'empire" même, corollaire d'un brassage général des populations, est un phénomène de temps long, bien plus linguistique, culturel et social que simplement géographique ou ethnique, ou même religieux.

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Sans rapport à ce qui précède, sinon la "précédence" (précession, préséance ?) même, il faudrait peut-être insister sur le verbe "précéder", pro-agô, qui est aussi bien un "conduire" (agô) de(puis) l'avant, en se tenant (au-)devant, et renvoie expressément en Galilée, au commencement du récit donc, en 14,28 et 16,7 rappelant le précédent -- bien que tout retour effectif s'arrête, dans le récit, au verset suivant. Il apparaît déjà en 6,45 (Jésus envoie les disciples devant, avant, en avant de lui sur l'autre rive); 10,32 (Jésus devant dans la marche vers Jérusalem et vers la Passion); 11,9 (entrée à Jérusalem, Jésus précédé et suivi). Le tout en rapport avec les "suites" impossibles dont nous avons abondamment parlé ici. En définitive, au tombeau vide, il n'y a plus rien ni personne que les femmes qui ont suivi de loin et le mystérieux "jeune homme" qui a contourné la Passion: ni "Jésus", ni "dieu", ni "père", ni "fils", ni "esprit", ni "foi", ni "prière", tous les noms qu'on avait pu prendre pour des "mots-clés" au fil du récit se dérobent, se résorbent et se retournent vers un commencement qui est encore "devant".

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Remarque plus générale: nous avons beaucoup insisté sur l'importance et la difficulté d'une lecture de Marc comme "premier" évangile, à lire en tant que tel sans les autres, ni avec ni contre; un aspect supplémentaire de cette difficulté apparaît si l'on pense qu'il s'agirait de le lire ainsi dans sa totalité: on remarque aisément les différences entre les évangiles -- avec une synopse par exemple -- mais on remarque moins les passages qui offrent peu de différences avec un, deux ou les trois autres. Or il faudrait découvrir un "premier évangile" comme si c'était aussi le premier qu'on lisait: celui qui, sans préjudice de "traditions" antérieures, aurait effectivement tout inventé, le genre, la forme, le style, mais aussi l'histoire elle-même, la trame narrative avec tous ses personnages, ses situations et ses anecdotes; et s'étonner autant des traits et des motifs qui par comparaison nous apparaissent "communs" que de ceux qui nous apparaissent "singuliers". Quitte à restreindre en principe cette lecture à un "proto-Marc", en déduisant du texte canonique ce qui y a été introduit sous influence des autres (ce que la critique textuelle moderne a déjà fait en bonne partie depuis plusieurs siècles sur des bases matérielles, de comparaison des manuscrits; mais il y en a vraisemblablement d'autres qu'une critique littéraire ne peut repérer que de façon plus conjecturale). On pense habituellement, quand on lit Matthieu, Luc ou Jean, à "rendre" à Marc ce qui en vient, directement ou indirectement; il est plus difficile de penser, quand on lit Marc, que tout (ou presque) est là "original".
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MessageSujet: Re: Ce que je retiens : de Marc   Ce que je retiens : de Marc - Page 3 Icon_minitimeMer 18 Sep 2024, 12:50

Analyse littéraire et exégèse biblique
Camille Focant

L'annonce de la destruction du sanctuaire et d'une reconstruction en trois jours (Marc 14,58)

C'est une des caractéristiques du second évangile qu'aucune mention du temple n'y soit faite avant le chapitre 11 (sur les 16 qu'il comporte). Auparavant, les lieux architecturaux où Jésus évolue sont soit des maisons, soit des synagogues, et les premières l'emportent progressivement comme lieu d'activité de Jésus. C'est assez frappant dans un milieu culturel et religieux aussi centré sur le temple de Jérusalem comme lieu de la présence de Dieu que l'est la société palestinienne du premier siècle. Ce phénomène a une conséquence directe. Chez Marc, à la différence des autres évangiles synoptiques (Matthieu et Luc), le temple n'est pas mis en valeur; il n'est mentionné que dans un contexte polémique : acte de contestation du temple par Jésus, controverses avec ses adversaires dans le temple, allusion à la destruction de celui-ci ou du sanctuaire, questionnement enfin sur la liberté que ses adversaires ont laissée à Jésus d'enseigner dans le temple avant de venir l'arrêter.

Cet aspect polémique se manifeste dès la première mention du (...) : les conditions matérielles de mise en œuvre du culte du temple sont violemment contestées. Quelle que soit la portée historique des gestes de Jésus, leur sens au plan du récit marcien est éclairé par le contexte dans lequel l'action de ce personnage dans le temple (Mc 11,15-19) est enchâssée. Elle est intercalée entre la parole de condamnation du figuier (Mc 11,12-14) et le constat de son dessèchement (Me 11,20-25). Le châtiment étonnant du figuier sans fruit fait penser à la vigne du Seigneur, la maison d'Israël, qui malgré les soins dont elle est entourée ne produit pas de beaux raisins, mais du verjus. Elle est dès lors vouée à être piétinée et détruite (Is 5,1-7 ; voir aussi Jr 12,13 ; Mi 7,1-2). Le figuier, lui, est desséché jusqu'aux racines. Par ce geste prophétique, Jésus symbolise sans doute le constat de l'échec de la mission d'Israël comme peuple élu et la confirmation de la perte de son rôle. De même, le temple a échoué à être une maison de prière, ce qui était sa mission selon Is 56,7 et il s'est transformé en une caverne de bandits, un lieu où ceux-ci sont chez eux pour rapiner (Jr 7,11). Le temple perd du coup son rôle de «maison de prière pour toutes les nations » (Mc 11,17). Le rapprochement avec le figuier suggère que, devenu inutile, à cause de son infidélité à sa mission30, le temple est voué à disparaître31. Dès que les grands prêtres et les scribes sont tenus au courant de cet enseignement de Jésus, ils s'enquièrent aussitôt des moyens de le faire périr (11,18). Dans sa teneur actuelle, le récit fait entrevoir un combat à mort, dont l'enjeu est la disparition du système du temple, d'une part, et celle de Jésus qui a eu le tort d'en proférer la menace, d'autre part.

Le constat de la stérilité définitive du figuier débouche par ailleurs sur un enseignement de Jésus à ses compagnons de route, que le récit désigne sous le nom de disciples. Ce bref discours est consacré à la prière étroitement unie au pardon fraternel (Mc 11,22-25). Tout se passe comme si Jésus les pré¬ parait à remplir le rôle de maison de prière que le temple n'accomplit plus. Pour obtenir de Dieu la remise de leurs fautes, ils sont invités à mettre leur confiance dans la prière et le pardon mutuel entre humains, et non dans le système sacrificiel du temple auquel était attribuée une vertu pardon et de réconciliation avec Dieu.

Alors qu'il est encore utilisé aux chapitres 11 — 13 dans le cadre de l'enseignement de Jésus au temple ou sur le Mont des Oliviers, le mot lepdv ne sera plus utilisé dans le cadre de la Passion (chap. 14 et 15). Là, il sera toujours question du veto's que, pour éviter en français la confusion avec lepoV, je traduis systématiquement par «sanctuaire ». Alors que le îepoV désigne un édifice matériel et apparaît le plus souvent dans des parties narratives et non discursives, le vaoç, lui, intervient surtout dans des phrases en discours direct (Mc 14,58 ; 15,29) ; il semble s'agir d'un symbole qui joue «sur un registre exclusivement herméneutique »32.

Ce symbole fait sa première apparition dans une phrase attribuée à Jésus : «Je détruirai ce sanctuaire fait de main d'homme et en trois jours j'en bâtirai un autre non fait de main d'homme » (14,58). Mais ceux qui prétendent l'avoir entendu parler ainsi sont présentés comme de faux témoins par le nar¬ rateur. Par deux fois, il répète qu'ils témoignaient faussement, Mc 14,56.57) et que leur témoignage était discordant (Mc 14,56.59). L'évangéliste suggère-t-il que son personnage principal n'a rien dit de tel ou seulement que sa parole a été déformée ?

Par rapport à la seule parole antérieure de Jésus à ce sujet — l'annonce que les pierres des constructions (humaines) du temple seront détruites (Mc 13,1-2) — une première déformation est d'accuser Jésus de s'être attribué à lui-même la future destruction33. Une deuxième déformation possible est de centrer la destruction non plus sur le temple en général, mais sur le sanctuaire présenté comme inadéquat parce que fait de main d'homme. Et une troisième est d'y ajouter l'annonce de la construction d'un nouveau sanctuaire adéquat parce que non fait de main d'homme.

Le narrateur évangélique fait preuve d'une certaine ironie narrative en mettant dans la bouche de ces faux témoins une annonce qui leur paraît absurde alors qu'elle se révélera vraie au plan symbolique34. Au niveau matériel, le délai de trois jours pour bâtir un nouveau sanctuaire serait ridiculement court. Mais au plan narratif, il fait inévitablement penser aux annonces de la passion et aux trois jours après lesquels Jésus ressuscitera (Mc 8,31 ; 9,31 ; 10,34). Dans un tel contexte, l'allusion est transparente : le sanctuaire non fait de main d'homme, c'est-à-dire œuvre de Dieu, ce sera le Ressuscité35. Après avoir été rejeté par les bâtisseurs de l'ancien temple, Jésus deviendra, par sa résurrection, la pierre d'angle d'un nouveau sanctuaire (Mc 12,10-11), maison de prière pour toutes les nations (Mc 11,17) pouvant rassembler ceux qui ont été dispersés (Mc 14,27).

Les propos tenus par les passants qui hochent la tête et se moquent du crucifié en 15,29 reprennent en résumé l'accusation de Mc 14,58. Au plan narratif, cette reprise permet d'insister sur le thème de la destruction du sanctuaire et d'une reconstruction en trois jours. L'ironie réside en ce que les moqueurs ne se doutent pas que la mort de Jésus en croix va réaliser l'abolition de l'ancien ordre religieux symbolisé par le sanctuaire en même temps que le rejet de celui qui deviendra la pierre d'angle36. L'usage du participe présent («qui bâtis») et le remplacement de ôid Tpiôv rj|iepûv par e'v TpiCTiv T]|iepai9 suggèrent d'ailleurs que la construction nouvelle est déjà entamée par la crucifixion.

https://www.persee.fr/doc/barb_0001-4133_2014_num_25_1_24088
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MessageSujet: Re: Ce que je retiens : de Marc   Ce que je retiens : de Marc - Page 3 Icon_minitimeMer 18 Sep 2024, 14:12

Excellente analyse, qu'on pourra d'ailleurs lire avec profit jusqu'à la fin pour apprécier les jeux internes à Marc (entre destruction du temple et déchirure du voile, mais aussi entre temple, sanctuaire, synagogue, maison et tombeau).

A propos de jeux intra- ou inter-textuels, je serais d'ailleurs tenté de replier l'introduction générale de Focant à l'analyse littéraire sur sa conclusion, à vrai dire sur toutes ses conclusions -- l'évangile selon Marc se concluant précisément sans conclusion, ou avec une conclusion insatisfaisante qui entraîne une prolifération de conclusions possibles, dont plusieurs ont effectivement été écrites (et conservées) après coup. Si en dernière analyse toute lecture est à la mesure de son lecteur, il n'y a plus d'"autorité", de "droit", ni de "loi" qui tienne (ce qui rejoint ce que j'appelle l'anomisme ou l'anarchisme marcien, corollaire de la puissance divine de la "foi" de n'importe qui): aucun lecteur, si compétent soit-il, ne saurait imposer sa lecture à aucun autre. Chacun comprend ce qu'il comprend, ce qu'il veut et peut comprendre à un moment donné (cf. dans le texte même les paraboles et l'incompréhension ostensible des disciples, d'autres personnages ou groupes, sympathisants, indifférents ou hostiles, de "Jésus" lui-même): une lecture peut sans doute s'enrichir considérablement d'autres lectures, par le commentaire et le dialogue, ainsi que de ses propres lectures précédentes, mais ça ne change rien à l'autonomie principielle de la lecture et de l'interprétation. Et bien sûr ça vaut aussi pour les auteurs, rédacteurs, et les (premiers) "destinataires", comme pour toutes les générations suivantes à travers les traductions et les différents contextes de lecture. Et pour tous les éléments du texte: ainsi le "temple", la signification du "temple", ne saurait être ramené(e) à une interprétation générale, présumée commune à tout le "judaïsme". Non seulement le "judaïsme du Second Temple" comporte toutes sortes de vues divergentes et contradictoires sur le temple, mais chaque auteur, rédacteur, lecteur, auditeur, s'en faisait sans doute une idée différente, dont je peux me faire une idée en comparant les textes disponibles, mais qui ne l'emportera jamais sur l'idée que je m'en fais moi-même en lisant et relisant les textes, différemment à chaque fois.

On voit là, à mon sens, tout ce que les études littéraires ont perdu, en croyant gagner, à se vouloir ou se prétendre "scientifiques", fût-ce sous le qualificatif doublement avantageux des "sciences humaines".

Accessoirement, ce n'est pas le XIXe siècle qui a enterré l'exégèse "allégorique", comme le suggère Focant, mais déjà la fin du moyen-âge occidental, scolastique (cf. Thomas d'Aquin, l'allégorie ne prouve rien, elle n'est pas rationnellement contraignante; même si elle reste loisible, par respect pour sa longue tradition, elle sort, de fait, du champ du débat théologique, philosophique, exégétique), la Renaissance et les Réformes... Notre "modernité" nous vient de loin.

Mais on comprend bien que Marc (ou le proto-Marc) ait fasciné les narratologues: toute la trame narrative des évangiles serait sienne, sans préjudice des contraintes qu'il a pu subir de traditions antérieures et dont nous ne savons strictement rien -- en matière de contraintes narratives, celles du premier paulinisme sont minimales: le Christ doit être crucifié et ressuscité, c'est à peu près tout. Les autres "synoptiques" n'ont fait qu'y retrancher et y ajouter, retrancher relativement peu et ajouter beaucoup pour Matthieu, déplacer aussi dans Luc; même Jean qui s'en écarte le plus conserve au moins le point de départ, Jean(-Baptiste, donc Paul ne disait rien), et d'arrivée, la Passion et la résurrection, bien que ces deux extrémités n'aient qu'un intérêt limité pour ses propres développements.
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