Voici un des articles parus dans le journal LE TEMPS, samedi 3 avril 2010
Sous le titre: un pasteur qui croit un Dieu qui n'existe pas.
Besoin de sens
Patricia Briel
C’est un fait: les chrétiens qui acceptent intégralement le corps doctrinal et dogmatique des Eglises, sont devenus une minorité
L’Eglise protestante des Pays-Bas a pris récemment une décision historique: elle a autorisé un pasteur ouvertement athée, mais qui prétend «croire en un Dieu qui n’existe pas», à poursuivre son ministère. Cette audace révèle un triple tournant dans l’évolution des mentalités.
D’abord, elle prend acte que le mot Dieu revêt aujourd’hui presque autant de significations qu’il y a d’individus. Les sociologues des religions ont remarqué depuis longtemps que la sécularisation des sociétés occidentales avait produit une individualisation de la foi. C’est un fait: les chrétiens qui acceptent intégralement le corps doctrinal et dogmatique des Eglises sont devenus une minorité. Chacun dessine pour lui-même les contours de sa foi.
Ensuite, cette décision est aussi le constat public d’une perte de pouvoir de l’institution sur les chrétiens. Le fossé s’élargit toujours davantage entre la base et le sommet. Ce phénomène est sans doute davantage visible dans l’Eglise catholique. Le scandale de pédophilie qui la touche montre que la confiance dans l’institution romaine s’effrite. Des catholiques croyants et pratiquants ne veulent plus être assimilés au Vatican.
Enfin, la décision de l’Eglise néerlandaise reflète une volonté de se mettre à l’écoute du pouls spirituel de la modernité. Car l’église de Klaas Hendrikse, le pasteur athée de Middelbourg, est pleine. Une exception dans un paysage caractérisé par la désertion du culte ou de la messe. L’homme moderne a peut-être perdu la foi de ses ancêtres, mais il a soif de spiritualité. Il y a quelques années, le philosophe français André Comte-Sponville a démontré avec brio dans un essai qu’une spiritualité athée était possible. Klaas Hendrikse la met en pratique, et ouvre une voie nouvelle au sein de son Eglise.
Cette dernière a compris que, pour survivre, elle devait s’adapter, et accueillir toutes les questions des contemporains, même les plus dérangeantes. Sous les cendres du Dieu théiste, la flamme de la quête de sens n’a jamais cessé de couver. Les Eglises sont-elles encore capables de l’attiser?