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| Le reniement de Pierre | |
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free
Nombre de messages : 10094 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 11:18 | |
| L'épisode du reniement de Pierre m'a toujours intrigué.
Pourquoi les évangélistes ont-ils rapporté la défaillance d'une figure importante du christianisme ?
Ont-ils eu comme optique de mettre en constraste et en opposition d'une part Judas qui livre Jésus qui regrette amèrement cette acte et qui finit par être condamné et d'autre part Pierre qui lui aussi regrette amèrement avec comme finalité la pardon ?
Pourquoi l'évangile selon Jean rapporte-t-elle cette épisode d'une manière differentes des autres évangiles, les synoptiques racontent d'une manière suivie les trois reniements de Pierre alors que Jean répartit Jean répartit les trois reniement dans le récit du procés de Jésus ? .... Qui est l"'un autre disciple" qui accompagne Pierre (18,15) et "qui était connu du grand prêtre" (18,16) ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 12:38 | |
| Sans préjudice de ce qu'il y a ou n'y a pas derrière les textes (traditions, polémiques, etc.), le fait est que c'est un motif dramatique (tragi-comique) très efficace. Si l'on s'en tient à Marc, Simon Pierre est le premier disciple nommé (1,16ss), le premier des Douze (3,16), le premier des trois intimes (5,37 etc.), le premier à confesser en Jésus le "Christ" (8,29), ce qui déclenche la première annonce de la Passion-résurrection qui le "scandalise" instantanément et lui vaut l'épithète de "Satan" (v. 31-33); l'épisode de la transfiguration (9,2ss) confirme aussitôt après cette ambivalence: il est témoin privilégié de la "christophanie" sans la comprendre. Le reniement est ensuite expressément annoncé en 14,26ss: "Tous m'abandonneront. -- Pas moi. -- Toi, tu feras encore mieux, tu me renieras trois fois. -- Dussé-je mourir avec toi, je ne te renierai pas." C'est encore à lui que s'adresse en priorité l'ordre de veiller à Gethsémani (v. 33) et c'est sa défaillance qui est pointée (v. 37). Le reniement proprement dit (v. 66ss) n'est donc pas un incident inexplicable, mais au contraire l'aboutissement d'une structure narrative très élaborée. Pierre est le cas limite (parce que le plus proche) qui illustre le côté "humainement insoutenable" du mystère du Christ. Evidemment ce motif va être modifié dans les autres évangiles, selon les perspectives de chacun et le développement du rôle de Pierre comme figure de proue de la grande Eglise. Le caractère marginal du "johannisme" se reflète dans le contraste avec "l'autre disciple" (= le "disciple bien-aimé" qui représente la tradition spécifique du "johannisme", nommé tel pour la seule raison que la tradition l'appelle Jean, alors que dans le texte il est anonyme). Le lien établi entre ce dernier et le grand prêtre est intéressant à plus d'un titre, mais ça nous entraînerait trop loin de ce sujet.
(Et puis les larmes de Pierre nous auront quand même valu ceci: https://www.youtube.com/watch?v=X_tXqQlFdcQ ) |
| | | free
Nombre de messages : 10094 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 15:16 | |
| - Citation :
- Pierre est le cas limite (parce que le plus proche) qui illustre le côté "humainement insoutenable" du mystère du Christ.
Merci Spermologos pour ton commentaire, pourrais-tu expliquer la reflexion ci-dessus SVP ? Je trouve que Luc nous livre une version plus dramatique que l'on imagine sans peine, en precisant "le Seigneur, se retournant, fixa son regard sur Pierre" (Lc 22,61) alors que Marc nous dit (14,72) "Et Pierre se ressouvint de la parole que Jésus lui avait dite". L'évangile de Jean est le seul à preciser que "Un des serviteurs du grand prêtre, un parent de celui à qui Pierre avait tranché l'oreille, dit : " Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui ? " (18,26) ... c'est une precision qui prête à sourire et qui donne l'impression que le narrateur est un témoin oculaire de la scène. Comment doit-on interpreter le fait que l'évangile de Jean ne precise pas les regrets de Pierre, "De nouveau Pierre nia, et aussitôt un coq chanta." alors que Mt indique que "il pleura amèrement", Marc "il éclata en sanglots" et Luc ", il pleura amèrement" ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 15:53 | |
| Je crois que c'est assez clair dans le texte (à tel point que j'hésite à "expliquer" de peur de banaliser). Mais, en deux mots, c'est le paradoxe du "Messie souffrant", la coïncidence du meilleur et du pire, de la plus haute espérance et du plus grand malheur, qui est "insoutenable". Et le visage de Pierre, toujours au premier rang des disciples, sert de miroir à l'auteur pour refléter la perplexité et l'incompréhension qui s'en dégage -- un mélange d'enthousiasme et de désarroi, assorti d'une impossibilité de "tenir", de "rester là", éveillé, fidèle jusqu'au bout, pour le "simple homme" qu'est Pierre lui-même, en-deçà de la "résurrection" qui est l'horizon ultime de l'évangile (de Marc, toujours) et qui ne reste, chez Marc, qu'un mot (et une question, cf. 9,9).
Luc, en effet, en rajoute (comme souvent) dans le pathos.
Noter (bien que ce soit un autre sujet) que seul "Jean" accuse Pierre de l'oreille tranchée (et seul "Luc" songe à la recoller...). P.S. Cela va de pair avec le point que tu as évoqué entre-temps, à savoir que pour "Jean", qui se réclame d'une tradition distincte de celle de la "grande Eglise", le portrait de Pierre est constamment opposé à celui du "disciple bien-aimé". |
| | | free
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 16:05 | |
| Merci Spermologos. - Citation :
- Noter (bien que ce soit un autre sujet) que seul "Jean" accuse Pierre de l'oreille tranchée (et seul "Luc" songe à la recoller...).
Bien que ce soit un autre sujet, pourrais-tu SVP satisfaire notre curiosité ? Comment doit-on interpreter le fait que l'évangile de Jean ne precise pas les regrets de Pierre, "De nouveau Pierre nia, et aussitôt un coq chanta." alors que Mt indique que "il pleura amèrement", Marc "il éclata en sanglots" et Luc ", il pleura amèrement" ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 16:23 | |
| - Citation :
- Bien que ce soit un autre sujet, pourrais-tu SVP satisfaire notre curiosité ?
Sur l'histoire de l'oreille, je n'ai rien de plus à dire. - Citation :
- Comment doit-on interpreter le fait que l'évangile de Jean ne precise pas les regrets de Pierre, "De nouveau Pierre nia, et aussitôt un coq chanta." alors que Mt indique que "il pleura amèrement", Marc "il éclata en sanglots" et Luc ", il pleura amèrement" ?
Voir le P.S. dans mon post précédent. Sur l'originalité du traitement de la figure de Pierre dans le quatrième évangile, voir aussi: 1,40ss: Simon passe après André. 13,6ss: Simon Pierre ne comprend décidément rien à rien. 13,23ss: Simon Pierre doit passer par le disciple bien-aimé pour comprendre ce que Jésus veut dire. 20,4ss: l'autre disciple arrive le premier au tombeau, laisse entrer Pierre, qui ne comprend rien, alors que lui "voit et croit". 21,7: c'est l'autre disciple qui révèle à Pierre que l'inconnu du bord du lac est le Seigneur. 21,15ss: la triple question "Pierre, m'aimes-tu?" en écho des trois reniements, confirme Pierre (de façon assez humiliante tout de même) dans sa fonction "pastorale", à condition de ne pas se mêler du devenir de "l'autre disciple" (i.e. du "johannisme"). (Qu'est-ce ça peut te faire? Toi, suis-moi.) Moralité: si Pierre passe volontiers dans la tradition chrétienne pour un "brave homme, mais pas bien futé", il le doit en grande partie à l'ironie du quatrième évangile. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 17:53 | |
| Les récits du reniement de Pierre suscitent chez le lecteur une certaine admiration, lorsque Jésus a été arrêté, Pierre a été l'unique disciple à le suivre (c'est ce que je faisais remarquer à l'auditoire dans mes discours à l'époque ou j'étais TdJ) et une certaine émotion, le texte s'achève sur l'image de Pierre en larmes. Je suis toujours demandé pourquoi les regrets de Judas n'avaient aucune résonnance sur les lecteurs ?
Ce qui est marquant dans le récit de Marc (pour rejoindre ton analyse) c'est que Pierre nie connaître Jésus au moment ou Jésus révèle son identité messianique (14,61 " le Grand Prêtre l'interrogeait, et il lui dit : " Tu es le Christ, le Fils du Béni ? " - " Je le suis, dit Jésus ..."), un fossé irrémédiable semble séparer Pierre de Jésus. Pierre étant incapable de suivre l'exhortation de Jésus "qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix" (8,34).
Les relations seront renouées en Mc 16,7 "Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. "
Pourtant en Mc 8,29 Pierre avait été le seul à dire "Mais pour vous, leur demandait-il, qui suis-je ? " Pierre lui répond : " Tu es le Christ. " et juste au moment fatidique, face à la proximité de la mort de Jésus, Pierre nie connaitre celui qu'il avait identifié.
La leçon que nous livre ce récit, le dessein de Dieu se réalise en prenant acte de l'infidélité du disciple. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Mer 10 Aoû 2011, 18:29 | |
| N.B.: Judas ne "regrette" que chez Matthieu. Cela dit la symétrie (qui est à la fois similitude et opposition) reste fascinante. Dans les listes synoptiques des Douze (Mc 3//), Pierre est toujours le premier et Judas le dernier, désigné dès le début comme traître. Dans les synoptiques Pierre est appelé "Satan", dans le quatrième évangile Judas est appelé "diable" (+ "Satan entra en lui"). Dans le quatrième évangile toujours, Judas est aussi nommé (fils) "de Simon"... |
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Jeu 11 Aoû 2011, 18:29 | |
| En Jean 13,36 , Jésus dit à Pierre : "Où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; mais tu me suivras plus tard.".
Que signifie le fait que Jésus dit : "tu me suivars plus tard" ?
Cela annonce-t-il la mort prochaine de Pierre ? .... sa ressurection ?
En Jean 13,21 Jésus dit : "En vérité, en vérité, je vous le dis, l'un de vous me livrera. ", ensuite le récit precise en parlant de Judas "Quand il fut sorti, Jésus dit : " Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui." (13,31).
Doit-on interpreter le fait que Judas livre Jésus comme un moyen de glorifier le fils de l'homme ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Jeu 11 Aoû 2011, 22:03 | |
| L'explication, qui veut remplacer "cexadi" par "cexaveudire" (je suis en train de lire du Queneau), me paraît déjà un exercice (de style plutôt pauvre, quoique savant) assez futile en général; mais plus encore dans le cas du quatrième évangile qui présente un jeu d'expressions et de thèmes tellement riche et complexe que je préfère infiniment essayer de les montrer que de les "expliquer". La "glorification", comme l'"élévation" qui dans le "fonds commun" du christianisme appartiennent, ainsi que la "résurrection", au vocabulaire de l'après-Passion, sont ici rapportées à la Passion elle-même (12,23ss; 17,1ss; 21,19, sur le martyre de Pierre; pour ce qui est de l'élévation, 3,14ss; 8,28; 12,32ss). En 13,36 on retrouve un entrelacs de thèmes "johanniques" où l'on peut observer le même "télescopage" (expressions évoquant l'après-mort, ou l'au-delà, rapportées au présent et à l'ici-bas, Passion ou martyre compris): comparer v. 33; 7,34ss; 8,21ss; 14,3ss; 16,5.10; 21,18s. Donc, plutôt que d'"expliquer", je préfère laisser jouer tout cela et voir ce que ça fait (ça dépendra bien sûr de l'auditeur et du moment).
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| | | free
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Jeu 14 Nov 2024, 16:59 | |
| L’homme de Pierre : la trajectoire immergée de l’apôtre dans l’Évangile de Matthieu Par Céline Rohmer Pages 225 à 244
Voici l’homme
L’abandon de Pierre est raconté comme une mise à nu progressive. D’abord une simple servante le reconnaît (26,69-70), Pierre nie et l’affirme une première fois : ouk oîda tí légeis (26,70). Ensuite l’accusation se fait devant un plus grand nombre (26,71-72), Pierre nie avec serment (radicalité de la négation, voir 5,33-37). Enfin pour la troisième fois, Pierre ajoute les imprécations et le répète : ouk oîda tòn ánthrôpon (26,72.74). La réponse surprend par son imprécision : qui est l’homme que Pierre ne connaît pas ? Matthieu est manifestement intervenu ici en modifiant la formule héritée de Marc. Il élimine le pronom démonstratif, de sorte que le Pierre matthéen affirme ne pas connaître « l’homme » et non pas « cet homme » (voir Mc 14,71). Pierre ne renie pas tant le Christ que l’humanité qui se découvre à lui. Et comme à Césarée, il refuse la Passion. Sa suivance lui offre d’expérimenter malgré lui ce que signifie « se renier soi-même » (aparnêsásthô heautòn 16,24). Voilà comment Pierre renie le Christ trois fois (trìs aparnêsê me 26,75 [41]), en reniant sa propre humanité. Pierre a été mené jusqu’au paradoxe de la suivance : « En effet, qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera » (16,25). Son reniement raconte une rupture radicale, une perte, une mort (voir 10,22-33). Pierre meurt à l’homme qu’il s’était imaginé être ou vouloir être, et pleure amèrement (éklausen pikrôs, 26,75). Certains ont vu dans cette amertume à l’emploi unique, la manifestation d’un repentir ou d’un regret [42]. Mené face à son humanité, sans plus rien pour la cacher à ses yeux, Pierre la voit désormais en face-à-face. Et les représentations mensongères de son existence coulent de ses yeux, l’homme se vide de ses illusions. Ces larmes ne seront l’objet d’aucune reprise. Pierre s’efface en s’immergeant définitivement dans les profondeurs du récit matthéen. Contrairement aux trois autres Évangiles, Matthieu ne le nommera pas parmi les témoins de la résurrection. Mais en taisant son nom, il le fait entendre autrement. Dans le temps post-pascal, « Pierre » ne peut désigner qu’un homme revenu à la vie. Il était mort et le voilà apôtre, car ils seront bien onze à l’envoi final. Pierre a donc assumé la vérité de son humanité. Le texte passe sous silence le retour à la vie de cet homme blessé mais l’assure guéri. Le berger est venu chercher sa brebis égarée, la pierre a été repêchée. Devant le Ressuscité, les premières pierres suivantes ont pris la place de Pierre devenu bon dernier. Ainsi, à ce rendez-vous sur la montagne, nous doutons à sa suite [43]. Le verbe distázô est si rare dans le Nouveau Testament qu’il n’apparaît qu’une seule autre fois : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (14,31). La trajectoire initiée par la pierre a donc ouvert la voie que d’autres pierres vivantes ont empruntée. Sans complément pour le préciser, on ignore l’objet du doute. Douter est le propre des pierres qui se découvrent semblablement humaines.
Depuis l’apocalypse offerte qui l’a révélé à lui-même, Pierre a cheminé à force de renoncements et de désillusions. Silencieusement reconfigurée, la pierre brute a été évidée de ses certitudes et l’homme est apparu en vérité. Promesse avait été faite au disciple de devenir « pêcheur d’hommes » (halieîs anthrôpôn en 4,19). Il fallait dès lors qu’il soit mené jusqu’à cette humanité, qu’il la reconnaisse et la traverse pour partir à la rencontre d’autres pierres humaines. L’événement qui a fait naître la figure post-pascale de Pierre est la reconnaissance amère de son humanité [44]. Sa misère et sa faiblesse, dès lors qu’il leur a fait face, peuvent laisser place à une mission post-pascale, reçue d’un autre et offrant une nouvelle dynamique d’être. Ne devient pêcheur d’hommes que celui qui a été lui-même sauvé un jour depuis les profondeurs de son humanité. L’identification entre la pierre et l’homme ne va pas sans conséquence pour l’Église en construction et l’événement qui la fonde. Le mystère décisif de la Passion et de la résurrection – point culminant de toute la trajectoire – met au jour l’humanité de la pierre participant à la construction. Matthieu n’offre pas de scène de fondation de l’Église, il ne raconte que le cheminement par contrainte, reprise et prolongation des pierres qui la constituent [45]. Il n’y a Église que dans la mise à nu de pierres rendues ainsi vivantes, l’homme de Pierre en appelant nécessairement un autre, un fils libre, un frère.
https://shs.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2018-2-page-225?lang=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12452 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le reniement de Pierre Jeu 14 Nov 2024, 18:04 | |
| Commentaire assez étonnant par son caractère baroque, luxuriant, foisonnant et maximaliste, plus proche de la méditation ou du sermon que de l'exégèse: je résisterais à certaines suggestions qui me paraissent abusives, par exemple la surinterprétation dans Matthieu des egô eimi ordinaires, "c'est moi", à partir des emplois absolus et ostensiblement insolites du quatrième évangile; ou celle de la métonymie du nom propre "Pierre" et du nom commun "pierre" ( Petros, petra), dont on ne sait plus s'il se réfère au roc naturel et éventuellement fondateur, à une pierre de taille (d'angle, de fondation ou clef-de-voûte) dans un édifice ou à n'importe quel caillou qu'on prend, qu'on tient ou qu'on jette, qu'on fend, qui roule ou qui coule... mais ça n'empêche pas de le suivre et d'y trouver des choses fort intéressantes. Notamment, sur le thème du "reniement" où nous sommes revenus depuis ce fil-ci, la correspondance (antithétique, mais symétrique) entre renier "Jésus" et (se) renier "soi-même" (son "âme", etc.) -- mais le concept d'"humanité" (nature, essence, espèce), tentant pour une théologie moderne parce qu'il réunirait paradoxalement les deux (si renier Jésus, c'est renier son "humanité", et c'est mal, alors se renier soi-même, qui serait bien, serait-ce renier son humanité ?) me paraît étranger à la question, du moins en ce qui concerne Matthieu. L'usage d' anthrôpos etc. (homme, humain) est beaucoup trop courant, en bonne et en mauvaise part quand il n'est pas indifférent, pour qu'on en tire des déductions théo-anthropologiques. Par exemple, pour en rester au "reniement" ( arneomai, ap-arneomai, etc.), c'est justement "devant les hommes" qu'on renierait Jésus (Matthieu 10,33; "hommes" qui, bien qu'opposés au "Père", ou aux "anges" selon Luc 12,8s, ont aussi le sens banal des "gens"; pour rappel, en Marc 8,38 il s'agissait de " honte" et non de "reniement") si on ne se renie pas soi-même (Matthieu 16,34), et c'est bien ce qui arrive dans le cas de "Pierre" (26,34s.70ss) -- du reste l'essentiel de ce jeu verbal était déjà chez Marc (8,34; 14,30s.68ss). |
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| Sujet: Re: Le reniement de Pierre | |
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