Yhwh le Dieu d'un peuple élu ?

<BLOCKQUOTE>Yhwh est souvent representé comme un Dieu national qui régnait sur son territoire et s’occupait de son peuple, Israël.

La Bible hébraïque laise appraitre une ouverture de la part de ce Dieu. Un texte magnifique d’Esaïe parle ainsi de l’Assyrie et de l’Égypte qui sont les ennemis traditionnels d’Israël :

Il y aura une route d'Égypte en Assyrie :
Les Assyriens iront en Égypte, et les Égyptiens en Assyrie,
Et les Égyptiens avec les Assyriens serviront l'Éternel.
Israël sera, lui troisième,
Uni à l'Égypte et à l'Assyrie,
Et ces pays seront l'objet d'une bénédiction.
L'éternel des armées les bénira, en disant :
Bénis soient l'Égypte, mon peuple,
L'Assyrie, œuvre de mes mains,
Et Israël, mon héritage ! (Esaïe 19.23)

L'AT souligne souvent que Yhwh entretient une relation toute particulière avec Israël, mais ce Dieu peut révéler une certains ouverture à travers la plume d'un certains nombre de rédacteur de l'AT.</BLOCKQUOTE>

Merci Free de nous rapporter cette citation ainsi que le texte s'y référant. Peux-tu nous indiquer l'origine de ta découverte, s.t.p?

Citation :

Merci Free de nous rapporter cette citation ainsi que le texte s'y référant. Peux-tu nous indiquer l'origine de ta découverte, s.t.p?

Dans le cadre d'une Interview de Thomas Römer, j'ai découvert ce texte surprenant que cite Thomas Rômer à la question : "Une question est celle du peuple élu. Est-ce un mythe ?"


http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc211.htm

L’actualité de l’élection traitée selon deux perspectives différentes en « écriture dialogale »

L’élection pour Israël est posée comme un mandat, sous contrat. Un des passages fondateurs de la Tora indique bien que devenir un « royaume de prêtres », constitue un « sacerdoce » ! Ce peuple est certes précieux pour Dieu tel un « trésor » (segoula), mais dans la mesure où il garde l’alliance :

Vous avez vu ce que J’ai fait à l’Égypte ; vous, Je vous ai portés sur l’aile des aigles, Je vous ai rapprochés de Moi. Désormais, si vous écoutez Ma voix, si vous gardez Mon alliance, vous serez Mon trésor entre tous les peuples, car toute la terre est à Moi, et vous serez alors pour Moi un royaume de prêtres et une nation sainte. (Exode 19, 4-6)

Même s’il est promis au peuple d’Israël que le lien que Dieu établit avec lui est irrévocable, la conditionnalité exprimée ici n’en est pas moins consubstantielle à l’alliance. C’est pourquoi, je prendrais quelque distance avec le terme de « gratuité » que tu utilises pour évoquer le choix divin. Il y a bien un « mystère », car on ignore pourquoi le dévolu divin se jette sur tel individu ou tel peuple, pour lui confier une mission. Mais c’est tout sauf une sinécure. Cette « prédilection » qui est aussi une « prédestination », loin d’être une grâce, comporte un haut degré d’exigence. L’élection oblige. Et on paye cher de ne pas se montrer suffisamment à la hauteur. En effet, l’implication immédiate de cette élection est que Dieu exige sans cesse du peuple juif de rendre compte de sa conduite et de sa fidélité à l’alliance contractée avec les ancêtres, comme le dit explicitement le prophète Amos : « Écoutez cette parole que l’Éternel prononce sur vous, fils d’Israël, sur la famille entière que J’ai fait monter du pays d’Égypte, disant : Je vous ai connus, vous seuls, de toutes les familles de la terre ; c’est pourquoi Je prendrai en compte toutes vos iniquités » (Amos 3, 1-2)

L’élection implique une destinée à caractère initiatique, jalonnée d’épreuves, voire de tourments, tant que le peuple juif ne se hisse pas pleinement au sommet de sa vocation, qu’il ne s’ajuste pas. Il suffit de lire la litanie des malédictions en Lévitique 26 ou en Deutéronome 28 pour mesurer, avec effroi, l’envers de la médaille. Le verset de Isaïe 48, 10 est particulièrement significatif : « Je t’ai éprouvé, non comme (la fonte) de l’argent ; Je t’ai choisi (behartikha) par le creuset de l’adversité». Il y a certes, fort heureusement des bénédictions rattachées à cette vocation, mais comme finalement il s’agit d’un programme, d’un projet eschatologique, l’élu est plus candidat à l’élection que lauréat. Ou alors, comme le disait Tristan Bernard, en 1942, avec un trait d’humour noir : « J’appartiens à ce peuple qu’on a souvent appelé élu. Élu ? Enfin, disons en ballottage… »

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2015-3-page-369.htm

Je crois que nous avions déjà vu ce dialogue, mais on ne perd rien à le relire car il est d'une qualité assez exceptionnelle, sur un sujet aussi rebattu et pourtant toujours aussi "brûlant", du moins pour certains (juifs, chrétiens, post-chrétiens, musulmans)...

Puisque ton extrait cite Amos (3,1s), on peut rappeler que l'affirmation de l'"élection" unique, ou exclusive, y est contredite aussi de la façon la plus radicale, en 9,7. Entre les deux énoncés (et dans le même "livre", quand même il s'agirait une autre "rédaction"), Yahvé passerait de la place ("normale") du dieu particulier d'un peuple particulier à celle d'un d/Dieu universel; mais l'"élection" ne ferait pas "scandale" pour autant comme dans son sens classique (élection d'un peuple particulier par le Dieu universel), puisqu'elle vaudrait pour tous les peuples, chacun à sa place, et avec le même enjeu de bénédictions et de malédictions potentielles dans tous les cas. Même problème, mutatis mutandis, pour les différentes lectures et interprétations de Deutéronome 32,8s, selon qu'on identifie le "Très-Haut" (`elyôn) à Yahvé ou qu'on les distingue, et qu'"Israël" devient par conséquent le peuple élu d'un dieu particulier (comme tous les autres) OU du dieu suprême -- ce qui lui accorderait un certain privilège, sans toutefois remettre en question le rapport de chaque peuple à son dieu (subalterne).