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 La violence et la Bible

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Narkissos

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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 27 Aoû 2015, 18:29

free a écrit:
Les auteurs de la Bible n'ont éprouvé aucun scrupule a multiplier les images d'un Dieu violent, de mêler cette violence divine à la violence des hommes, de nous presenter un Dieu qui  s’implique dans l’histoire, des humains.
Je dirais plutôt certains "auteurs". Car des "scrupules" à cet égard, il s'en exprime aussi, beaucoup, dès l'AT. Non seulement dans des textes spécifiques comme Jonas (où le refus divin de la violence constitue la "morale" même de la conclusion), mais plus discrètement, au fil de nombreux récits "violents" -- rien que dans la Genèse, la repentance de Dieu après le déluge, la protestation d'Abraham contre la destruction de Sodome et Gomorrhe, la colère de Jacob après le massacre de Sichem, la non-vengeance de Joseph... Quant à la justification de la guerre ou de la violence divine par "l'oppression" du peuple, elle se trouve aussi "objectivement" dans les textes, notamment de l'Exode ou des Juges, elle n'y est pas toujours projetée (read into) par le lecteur. Du reste, les mêmes "faits" peuvent être jugés différemment d'une rédaction à l'autre: dans Samuel-Rois les guerres de David sont exaltées sans réserve, dans les Chroniques le "sang versé" deviendra une raison de lui refuser la construction du temple (1 Chroniques 22,8 ) -- alors que par ailleurs les Chroniques donnent à David un rôle beaucoup plus important dans les préparatifs et l'organisation du temple.

Dans le NT non plus les choses ne sont pas simples: même si l'on met à part la "violence" tous azimuts de l'Apocalypse, la "non-violence" humaine et pratique prescrite par le Sermon sur la montagne s'appuie toujours sur une eschatologie violente et même cruelle (jugement dernier, géhenne); l'eschatologie du corpus paulinien oscille entre cette perspective (p. ex. 1 Thessaloniciens 2,14ss; 2 Thessaloniciens 1,5ss) et celle d'une miséricorde universelle (Romains 11,30ss); seul le johannisme évacue à peu près toute idée de châtiment divin, mais ça ne l'empêche pas, en pratique, d'être extrêmement agressif à sa manière (contre "les Juifs", "le monde" ou "les antichrists").

En passant: le récit de la mort de Samson peut être lu comme le paradigme de l'attentat suicide; et de ce point de vue il n'est pas sans analogie avec une des premières lectures de la mort du Christ, qui se fait crucifier par les "princes de ce monde" pour mieux les défaire (cf. 1 Corinthiens 2,6ss).

Citation :
Parfois le Dieu de l'AT manifeste une violence cynique, notamment lorsqu'il donne sa sagesse à un Salomon qui pour protegre son trône  liquide ses adversaires potentiels qui risquaient de fragiliser son pouvoir (1 R 2–3)
En fait, les règlements de compte de Salomon lui sont ordonnés par son père (2,5ss), avant la demande et le don de la sagesse (chapitre 3). Mais tout cet épisode ne sera apparemment pas du goût des Chroniques, qui l'escamotent.
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le chapelier toqué

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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 27 Aoû 2015, 19:25

Narkisos a écrit:
Cette phrase me laisse perplexe. Je ne vois pas du tout (mais je serais ravi de me tromper) le XXIe siècle occidental en quête de "spiritualité". En manque peut-être, qui se traduirait précisément, dans une partie de sa jeunesse (et pas seulement d'origine musulmane, vu les "conversions"), par des choix religieux et politiques violemment anti-occidentaux. Mais ce que l'Occident leur oppose jusqu'à présent me paraît assez peu "spirituel".

La laïcité ne pourrait-elle pas jouer le rôle de spiritualité? Cette attitude qui devait permettre d'accepter toutes les religions et les personnes s'y adonnant, ainsi que celles n'ayant pas de pratiques religieuses ni même de confessions auxquelles elles se rattachent, à pris une tournure bien différente depuis la fin du 20e siècle. Nous sommes en face d'une forme de religion qui ne dit pas son nom et dont certains se font son clergé. Pour moi la transformation de l'attitude laïciste, éprise de tolérance, cache une recherche de spiritualité qui ne dit pas son nom.

Alors que nous évoquons sur ce fil la violence et la Bible, nous constatons que la laïcité développe une certaine violence qui n'est heureusement que verbale.

J'aurais pu écrire la portion qui a suscité ta remarque comme suit:

Ce qui est intéressant, pour autant que l'on puisse utiliser ce terme, dans l'aventure de cet état proclamé sans avoir été reconnu par qui que ce soit, tient dans le zèle déployé par ces hommes religieux, c'est la présentation qu'ils nous font de Dieu, de leur Dieu serait-on tenté de dire, en ce début du 21eme siècle si peu porté sur la spiritualité mais cherchant avec force à  vivre religiosité avec de la peine et sans trop y croire.
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 28 Aoû 2015, 18:04

Sur le rapport entre "laïcité" et "spiritualité", voir ici.
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 01 Sep 2015, 16:33

Un certain nombre de croyants trouvent difficile d'expliquer pourquoi on passe d'un Dieu guerrier dans l'AT (en autre), à un Dieu qui ne mène plus de guerre dans le NT.

Voici la réponse qu'apporte la WT :


Citation :
Le peuple vit sous l’oppression. Comme leurs ancêtres, les Juifs du Ier siècle prient sans aucun doute à maintes reprises pour que Dieu les secoure — cette fois-ci contre le joug tyrannique de l’Empire romain.
(...)
Que s’est-il passé ? Pourquoi Dieu n’a-t-il pas combattu pour les Juifs comme autrefois ? Ou pourquoi ne les a-t-il pas autorisés à faire la guerre pour se libérer de l’oppression ? Le point de vue de Dieu sur la guerre avait-il changé ? Non. Par contre, un changement radical s’était produit concernant les Juifs. Ils avaient refusé de reconnaître le Fils de Dieu, Jésus, comme
le Messie (Actes 2:36). Et, par conséquent, en tant que nation, ils avaient perdu leur relation spéciale avec Dieu (Matthieu 23:37, 38).

Comme Jésus l’avait prédit, les bénédictions liées à la faveur divine avaient été transférées de la nation d’Israël à une nouvelle nation, une nation spirituelle, que la Bible appellera plus tard « l’Israël de Dieu » (
Galates 6:16 ; Matthieu 21:43).

Puisqu’ils étaient désormais le « peuple de Dieu », Dieu a-t-il combattu pour eux afin de les libérer du joug romain ? Ou les a-t-il autorisés à faire la guerre contre leurs oppresseurs ? Non. Pour quelle raison ? Comme l’a montré l’article précédent, Dieu seul détermine quand une guerre qu’il a ordonnée doit avoir lieu. Or, Dieu n’a pas combattu pour les chrétiens du Ier siècle, ni ne les a autorisés à prendre part à des conflits armés. Il est donc clair que le Ier siècle n’était pas l’époque choisie par Dieu pour combattre la méchanceté et l’oppression.

http://www.jw.org/fr/publications/revues/wp20151101/la-guerre-et-les-premiers-chretiens/
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 02 Sep 2015, 14:34

Si la réponse à cette question est forcément ambiguë, c'est que, contrairement au judaïsme et à l'islam, le christianisme primitif s'est structuré presque entièrement dans un contexte historique d'"irresponsabilité" politique. Ce qui lui a sans doute permis de développer une certaine "fraîcheur évangélique" qui fait tout son charme,, très loin de la Realpolitik justement, mais d'autre part l'a très mal préparé à affronter les réalités politiques. D'où des réactions qui vont dans tous les sens à mesure qu'il s'intègre à la société romaine, du relatif sectarisme d'un Tertullien au christianisme de la cour impériale du IVe siècle.

Non seulement il a grandi à l'ombre de l'empire romain et d'abord loin des centres géographiques et surtout sociaux de pouvoir qui seuls pouvaient être le théâtre d'activités proprement "politiques"; il n'avait pas, au départ, à assumer la charge d'un "peuple" dans son intégralité, ni sous la forme d'une diaspora ethnique ni même à l'échelle d'une ville. Ne formant lui-même qu'une communauté d'élection et une sous-culture, disposant d'un dehors à la charge de l'ordre impérial et de ses délégations, il lui suffisait d'assurer sa discipline interne et d'ignorer ce qui se passait à l'extérieur.

Il n'a donc pas grand-chose en commun, dans un premier temps, ni avec la relecture "théocratique" de l'histoire des royaumes d'Israël et de Juda, ni avec la "collaboration" et le communautarisme caractéristiques des romans de diaspora qui célèbrent l'ascension au pouvoir d'un juif dans un empire païen (Joseph, Esther, Daniel).

La "politique des premiers chrétiens" se borne à des attitudes différentes à l'égard de l'ordre impérial lui-même, qui colorent l'apolitisme affiché tantôt de collaboration plus ou moins obséquieuse (Luc-Actes, Romains), tantôt d'hostilité virulente (Apocalypse). Même l'épisode synoptique du denier de César peut se lire différemment en fonction de l'attitude générale de l'oeuvre: du rejet méprisant du monde comme ordre radicalement illégitime à la reconnaissance d'un partage de compétences légitimes, par exemple.

Parce qu'il n'avait pas dans ses fondations de projet politique propre, le christianisme a été facilement récupéré par toute sorte de régimes; et pour la même raison il s'y est plutôt bien acclimaté, sans jamais être lié en profondeur à l'un plus qu'à l'autre.
Autrement dit, il ne me paraît pas avoir en soi une "vertu" politique déterminante, ni dans le sens d'un quelconque changement, ni dans le sens du statu quo (mise à part l'inertie inhérente à l'institution, mais elle existe aussi dans les institutions "laïques").
Dans toutes les crises politiques il y a eu des chrétiens dans chaque camp, qui tous se voulaient fidèles à leur foi; et quand le rapport de force bascule les Eglises ne tardent pas à suivre. Ça fait bien longtemps que presque plus personne ne juge incompatibles le christianisme et la république ou les droits de l'homme...

https://etrechretien.1fr1.net/t372-le-christianisme-et-la-politique
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 02 Sep 2015, 14:34

free a écrit:
Un certain nombre de croyants trouvent difficile d'expliquer pourquoi on passe d'un Dieu guerrier dans l'AT (en autre), à un Dieu qui ne mène plus de guerre dans le NT.

Comme je le disais plus haut (post du 27/8 ), cette opposition mériterait d'être fortement nuancée de part et d'autre: il y a (déjà) des "scrupules" à l'égard de la guerre et de la violence, même divine, dans l'A.T; il y a (encore) beaucoup de "violence divine" dans le N.T. Et même sur la guerre proprement dite (sans parler de son abondant recyclage "métaphorique" ou "symbolique", de "l'épée" évangélique au "combat de la foi" avec sa "panoplie" ou son "armure") les choses ne sont pas si simples. Chaque fois que l'on assimile un fait de guerre historique à un "châtiment divin", comme pour la ruine de Jérusalem et de son temple, on sous-entend bel et bien que "Dieu" utilise la guerre, au sens le plus concret du terme. L'interprétation de l'"apocalyptique" en général et de l'Apocalypse de Jean en particulier est complexe, en raison notamment de la multiplicité des "sources" possibles; mais parmi celles-ci il y en a assurément qui escomptaient une guerre réelle, humaine, des "justes" contre les "païens" et les "infidèles" (ainsi la guerre des "fils de la lumière" contre les "fils des ténèbres" dans plusieurs textes de Qoumrân). Il est difficile de savoir ce que les auteurs avaient exactement en tête quand ils évoquaient des "armées" divines (les "saints" ne sont pas toujours des "anges"), mais en tout état de cause le scénario de l'Apocalypse implique à plusieurs endroits des combats humains (les rois de l'Orient, probablement à identifier aux Parthes; les dix rois appelés à saccager "Babylone" = Rome, etc.).
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 04 Sep 2015, 14:44

Les chrétiens ne constituaient pas une nation, ils ne possèdaient pas un territoire, donc ils n'ont pas eu une armée et ils vivaient sous la domination romaine, la question de la guerre ne s'était jamais posé.

Le terme "paix" dans le NT, n'a pas le sens de pacfisme (contre la guerre). Il est question de la paix apportée par Jésus : "Mais il lui dit : Ma fille, ta foi t'a sauvée ; va en paix" (Lc 8,48); "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix" (Jn 14,27); "Car c'est lui qui est notre paix, lui qui a fait que les deux soient un, en détruisant le mur de séparation, l'hostilité. Il a, dans sa chair" (Eph 2,14).

Le NT souligne l'importance de la paix avec Dieu ou entre les croyants : "Etant donc justifiés en vertu de la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ" ( Rm 5,1); "Dieu vous a appelés à vivre en paix" (1 Cor 7,15).
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 04 Sep 2015, 17:14

Même ce sens très "large" (pour ne pas dire "lâche") de la "paix" ne fait pas l'unanimité dans le NT, puisqu'on trouve encore en travers de son chemin le fameux logion de Matthieu 10,34 // Luc 12,51: si le contexte suggère fortement que "l'épée" est à prendre au sens "figuré" (la "division"), il en va de même pour la "paix" qui s'y oppose -- ce n'est pas simplement le contraire de la "guerre" au sens "propre". C'est bien aussi comme "idéal vague" que la "paix" est ici mise en question, ou prise à partie.

Pour en revenir à la guerre "proprement dite" (même quand elle est salement faite), et donc à la fonction militaire (romaine ou dépendante de Rome), il faut bien reconnaître que le NT ne lui oppose aucune objection; cf. le traitement plutôt positif des "centurions" et autres officiers dans les Evangiles et les Actes -- la conversion de Corneille ne suppose absolument pas son abandon de la carrière militaire; voir aussi les recommandations de Jean-Baptiste aux soldats selon Luc 3,14. L'objection formulée plus tard par certains Pères de l'Eglise (surtout Tertullien, Origène et Hippolyte) contre le service militaire porte au moins autant sur l'"idolâtrie" que celui-ci impliquerait que sur la "violence" en tant que telle -- et du coup elle tombera d'elle-même avec la christianisation de l'empire.
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 11 Sep 2015, 17:42

L 'ancien testament (certains auteurs) cultive le mythe d'un monde sans guerre :



"Dans la suite des temps, la montagne de la maison du SEIGNEURsera établie au sommet des montagnes ; elle s'élèvera au-dessus des collines, et les peuples y afflueront.
Une multitude de nations s'y rendra ; ils diront : Venez, montons à la montagne du SEIGNEUR, à la maison du Dieu de Jacob ! Il nous enseignera ses voies, et nous suivrons ses sentiers.Car de Sion sortira la loi, de Jérusalem la parole du SEIGNEUR.
Il sera juge entre une multitude de peuples, il sera l'arbitre de nations fortes, même lointaines.De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne lèvera plus l'épée contre une autre, et on n'apprendra plus la guerre." Mi 4,1 ss


"Dans la suite des temps, la montagne de la maison du SEIGNEURsera établie au sommet des montagnes ; elle s'élèvera au-dessus des collines, et toutes les nations y afflueront.
Une multitude de peuples s'y rendra ; ils diront :  Venez, montons à la montagne du SEIGNEUR,
à la maison du Dieu de Jacob ! Il nous enseignera ses voies, et nous suivrons ses sentiers.
Car de Sion sortira la loi, de Jérusalem la parole du SEIGNEUR.
Il sera juge entre les nations, il sera l'arbitre d'une multitude de peuples.
De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne lèvera plus l'épée contre une autre, et on n'apprendra plus la guerre." Is 2, 2 ss


Une parenthèse, en Mi 4,5, il est précisé : "Tandis que tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu, nous marchons, nous, au nom du SEIGNEUR (YHWH), pour toujours, à jamais"
Cela vient contredire les versets 1-2 ou ses mêmes peuples sont sensés se rendre à la montagne de Yhwh pour y apprendre sa Loi. Un développement tardif ?
Le v 4, précise "c'est la bouche du SEIGNEUR (YHWH) des Armées qui parle", ce titre militaire et menaçant semble être décalé avec le contexte pacifique.
Dans les v 1 à 3, il est question d'une paix universelle et les v 4-5 décrivent une paix locale, "tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu".
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 11 Sep 2015, 18:52

C'est bien difficile de savoir dans ces collages de textes ce qui est plus ou moins "tardif" !
Mais je ne vois pas de vraie "contradiction" entre Michée 4,5 et ce qui précède; plutôt une sorte de répons(e) liturgique du peuple, au présent, à l'oracle qui peint un tableau futur (on trouve quelque chose d'analogue en Isaïe 2,5).
Pas non plus avec le titre de Yahvé Çabaot ("des Armées"), qu'on l'entende au sens d'armées "terrestres" ou "célestes". En tout état de cause c'est par la guerre qu'on fait (= qu'on impose) la paix, qu'on soit dieu (cf. Psaume 49,9ss) ou homme (cf. la séquence David-Salomon, celui-ci n'étant "le Pacifique" que parce que celui-là a mené la guerre jusqu'à la victoire complète).
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 23 Sep 2015, 15:03

Citation :
En tout état de cause c'est par la guerre qu'on fait (= qu'on impose) la paix, qu'on soit dieu (cf. Psaume 49,9ss) ou homme (cf. la séquence David-Salomon, celui-ci n'étant "le Pacifique" que parce que celui-là a mené la guerre jusqu'à la victoire complète).

On retrouve cette idée dans le texte suivant :

"Je retrancherai d'Ephraïm les chars  et de Jérusalem les chevaux ; les arcs de guerre seront retranchés.
Il parlera pour la paix des nations, et sa domination s'étendra d'une mer à l'autre, depuis le Fleuve
jusqu'aux extrémités de la terre." Zac 9,10


Citation :
L'interprétation de l'"apocalyptique" en général et de l'Apocalypse de Jean en particulier est complexe, en raison notamment de la multiplicité des "sources" possibles; mais parmi celles-ci il y en a assurément qui escomptaient une guerre réelle, humaine, des "justes" contre les "païens" et les "infidèles" (ainsi la guerre des "fils de la lumière" contre les "fils des ténèbres" dans plusieurs textes de Qoumrân). Il est difficile de savoir ce que les auteurs avaient exactement en tête quand ils évoquaient des "armées" divines (les "saints" ne sont pas toujours des "anges"), mais en tout état de cause le scénario de l'Apocalypse implique à plusieurs endroits des combats humains (les rois de l'Orient, probablement à identifier aux Parthes; les dix rois appelés à saccager "Babylone" = Rome, etc.).

L'Apocalypse propose des images très violentes :

"L'ange jeta sa faucille sur la terre. Il vendangea la vigne de la terre et jeta la vendange dans la grande cuve de la fureur de Dieu. La cuve fut foulée hors de la ville ; du sang sortit de la cuve, jusqu'aux mors des chevaux, sur une étendue de mille six cents stades" (14,19-20)
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 23 Sep 2015, 23:49

Dans Zacharie 9,9s la paix est expressément attribuée à un roi décrit sur le modèle de Salomon (même l'âne de celui-là copie la mule de celui-ci, cf. 1 Rois 1,38). Mais là encore c'est une violence divine qui rend cette paix possible (lire ce qui précède).

A propos de l'Apocalypse, je pensais aussi aux textes qui associent, non seulement les "anges", mais les "élus" à la victoire sanglante d'un Christ qui, pour être "agneau" (ou plutôt "bélier", comme ceux de 1 Hénoch, 89--90 et du Testament de Joseph, 19,8 ), n'en est pas moins guerrier. Comparer notamment 2,26s avec 19,14s.
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 24 Sep 2015, 11:39

L'analyse de la violence dans le livre de la Genèse à travers le comportement de Dieu est très interessante.
En Gen 6, on constate que Dieu répond à la violence de ses créatures par la violence (le déluge).

Ensuite, Dieu reconnait que la méthode violente qu'il avait choisi n'était pas adapté, puisqu'en en Gen 8,21 , il concède :

"Je ne maudirai plus la terre à cause des humains, parce que le cœur des humains est disposé au mal depuis leur jeunesse ; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l'ai fait"

Ainsi Dieu reconnait qu'il avait apporté un mauvais diagnostic concernant la violence humaine, il pensait qu'une réponse violente pouvait régler la situation, mais il constate l'echec de la solution proposée, "le cœur des humains est disposé au mal depuis leur jeunesse". Dieu accepte le tendance des hommes à la violence et reconnait que la violence ne peut pas changer cette situation.


Dernière édition par free le Jeu 24 Sep 2015, 13:12, édité 1 fois
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tournesol




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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 24 Sep 2015, 13:02

La bible affirme, à plusieurs reprises l'immutabilité de Dieu : "Tout bienfait et tout don parfait viennent d'en haut; ils descendent du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement ni l'ombre d'une variation. (Jacques 1:17).

D'autre part, si l'on se réfère à ce que rapporte Esaïe 55 - 8 : "Mes pensées ne sont pas vos pensées. Aussi haut qu'est le ciel par dessus la terre, mes pensées sont au-dessus de vos pensées". 

Il me semble que ces paroles nous invitent (tout au moins les croyants ou les agnostiques croyants, pour reprendre la formule que j'aime bien d'Eric Emmanuel Schmitt), à faire preuve de prudence lorsque nous entreprenons de scruter la psychologie divine ...

Ne peut on pas penser, en effet, que du point de vue de Dieu, les relations qu'il entretien avec les hommes ne changent pas, mais que du point de vue humain la relation change tout simplement parce que les hommes eux-même changent ?

A mon sens, il ne s'agit pas là d'un constat d'échec de la part de Dieu, mais de l'expression de sa miséricorde et de son amour pour le genre humain, son plan divin pour sa création ne varie pas, d'une nécessité il passe ensuite à une alliance avec cette "nouvelle humanité".
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VANVDA




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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 24 Sep 2015, 13:58

La Bible affirme aussi, à plusieurs reprise, des regrets de la part de Dieu quant à ce qu'Il a lui-même fait.
En Gen 6.5-7 –probablement un des plus célèbres de ces passage–, c'est certes au vu de ce que fait l'Homme que Dieu a ce regret... Mais le fait est que la MÊME raison est justement invoquée par le MÊME Dieu, en Gen 8.21, pour ne PLUS JAMAIS agir comme il a agit. Very Happy
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free




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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 24 Sep 2015, 14:04

Citation :
A mon sens, il ne s'agit pas là d'un constat d'échec de la part de Dieu, mais de l'expression de sa miséricorde et de son amour pour le genre humain, son plan divin pour sa création ne varie pas, d'une nécessité il passe ensuite à une alliance avec cette "nouvelle humanité".

Tournesol,

Sur ce forum, j'ai appris l'importance de lire un texte pour ce qu'il veut dire et non à travers le prisme de nos convictions. Le texte est explicite :

Je ne maudirai plus la terre à cause des humains, parce que le cœur des humains est disposé au mal depuis leur jeunesse ; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l'ai fait"


Dieu constate que la violence est une composante de l’homme et que son intervention violente n'y change rien et c'est pour cela qu'il s'engage : je ne frapperai plus tout ce qui est vivant.

Dieu est confrontée à une réalité, l'homme n'est pas "parfait" et il a une tendance à la violence. Le déluge n'a pas constitué une solution pour résouder cette tendance.


Dernière édition par free le Jeu 24 Sep 2015, 15:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 24 Sep 2015, 14:24

Citation :

Sur ce forum, j'ai appris l'importance de lire un texte pour ce qu'il veut dire et non à travers le prisme de nos convictions.

Je dois filer, mais j'ajoute en coup de vent : rien que ça mériterait non pas un fil, mais un forum entier ! Very Happy
(Pour ne pas rester sibyllin, j'explicite : tout le monde pense qu'il lit le texte pour ce qu'il veut vraiment dire, et c'est fatalement depuis un point de vue particulier, fait de convictions, qu'on comprend/juge ce qu'il veut dire)

Sinon :
Citation :
Ainsi Dieu reconnait qu'il avait apporté un mauvais diagnostic concernant la violence humaine

Je dirais plutôt pour ma part que le diagnostic n'a justement PAS changé (la pensée de Dieu sur l'homme n'a pas changé, l'homme n'a pas changé), mais que c'est le traitement qu'il préconise" qui se trouve carrément inversé.
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeJeu 24 Sep 2015, 17:11

Citation :
Je dois filer, mais j'ajoute en coup de vent : rien que ça mériterait non pas un fil, mais un forum entier ! La violence et la Bible - Page 2 Icon_biggrin
(Pour ne pas rester sibyllin, j'explicite : tout le monde pense qu'il lit le texte pour ce qu'il veut vraiment dire, et c'est fatalement depuis un point de vue particulier, fait de convictions, qu'on comprend/juge ce qu'il veut dire)

Je précise ma pensée, vouloir analyser Gen 8,21 à travers des textes comme Jacques 1:17 et   Esaïe 55 - 8, ne semble pas être la meilleure méthode. Lire le texte et son contexte est le moyen le plus sûr de comprendre ce verset.
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 25 Sep 2015, 00:10

tournesol a écrit:
Il me semble que ces paroles nous invitent (tout au moins les croyants ou les agnostiques croyants, pour reprendre la formule que j'aime bien d'Eric Emmanuel Schmitt), à faire preuve de prudence lorsque nous entreprenons de scruter la psychologie divine ...

J'ai failli ouvrir un nouveau fil sur la question (méthodologique, si on veut) du "traitement" des "contradictions bibliques". J'y ai renoncé car c'est un sujet dont on a déjà énormément parlé dans ce forum, à propos de nombreux textes, même si on ne lui a pas jusqu'ici consacré de fil spécifique (à moins que j'aie oublié).

Mais tout de même, et bien que ça ne soit pas vraiment le sujet de ce fil-ci, cette idée de "prudence" me trotte dans la tête.

Si tu avais suggéré, comme le font souvent les "fondamentalistes" et autres apologistes, qu'il est plus "prudent" en général d'essayer d'"harmoniser" les contradictions "apparentes" (ce qualificatif a au moins le mérite de montrer qu'elles sont visibles, ces contradictions, que tout le monde les perçoit bien comme telles avant d'essayer -- ou non -- de les "résoudre" comme des "problèmes"), plutôt que de les considérer comme des contradictions réelles, autrement dit de les laisser se contredire, je t'aurais peut-être répondu que ça ne paraît plus prudent qu'à partir d'un préjugé, "fondamentaliste" précisément, dont les présuppositions sont à leur tour plus complexes qu'on ne l'imagine habituellement. Car penser que la Bible ne doit pas se contredire, ça ne résulte pas "simplement" du fait qu'on croie (le cas échéant) que "c'est la Parole de Dieu". Ça suppose aussi (prémisse tacite mais cruciale) qu'on croie savoir par ailleurs, indépendamment de la Bible donc, ce que devrait être un texte qui serait "la Parole de Dieu" (en l'espèce: un texte qui ne se contredirait pas). Mais comment (diable) le saurait-on ? Et si ça lui plaisait, à "Dieu", de se contredire, du moins quand il parle le langage des hommes ? Après tout, l'"incompréhensibilité de Dieu", "mes pensées ne sont pas vos pensées", ça marcherait tout aussi bien dans ce sens-là, pour justifier une "pensée divine" qui paraîtrait absurde ou incohérente à une "pensée humaine".

D'un autre point de vue, disons exégétique ou de "saine lecture", essayer de réconcilier deux textes qui "paraissent" contradictoires, ça ne me semble pas "prudent" du tout. D'autant que ça revient presque toujours à "sacrifier" un texte à l'autre (sera-t-on jamais sûr d'avoir sacrifié le "bon" ?). quand ce n'est pas à les sacrifier tous les deux au profit d'une "explication" ou d'une "synthèse" qui, même si elle est géniale, aura toutefois le défaut de ne pas être "biblique".

Mais ce n'est pas exactement ce que tu dis. Quand tu recommandes de "faire preuve de prudence lorsque nous entreprenons de scruter la psychologie divine...", je ne peux qu'être d'accord avec toi. Sauf que, lorsque je vois que dans un texte biblique il est dit que "Dieu" (ou "Yahvé") se repent = change d'avis, et que dans un autre il est dit le contraire, à savoir qu'il (à supposer qu'on parle bien du même) ne se repent pas = ne change pas d'avis, je n'ai pas du tout l'impression de "scruter la psychologie divine". Je me borne à constater un "fait textuel", que n'importe quel lecteur, croyant ou non, fondamentaliste ou pas, peut constater aussi bien que moi. Quelle que soit l'idée que personnellement je me fais, ou que je renonce à me faire, de "Dieu", elle ne devrait (méthodologiquement) jouer là aucun rôle (elle en joue forcément un, comme le montre VANVDA, mais ça n'en fait pas une méthode d'exégèse légitime); et cette idée même, je trouverais pour ma part infiniment plus "prudent" qu'elle soit "informée" de (ou exposée à) l'ensemble des textes, tels qu'ils sont, contradictions comprises, sans "harmonisation" ou "synthèse" préalable.
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 25 Sep 2015, 17:00

Citation :
Mais ce n'est pas exactement ce que tu dis. Quand tu recommandes de "faire preuve de prudence lorsque nous entreprenons de scruter la psychologie divine...", je ne peux qu'être d'accord avec toi. Sauf que, lorsque je vois que dans un texte biblique il est dit que "Dieu" (ou "Yahvé") se repent = change d'avis, et que dans un autre il est dit le contraire, à savoir qu'il (à supposer qu'on parle bien du même) ne se repent pas = ne change pas d'avis, je n'ai pas du tout l'impression de "scruter la psychologie divine". Je me borne à constater un "fait textuel", que n'importe quel lecteur, croyant ou non, fondamentaliste ou pas, peut constater aussi bien que moi.

Voir : https://etrechretien.1fr1.net/t889-les-regrets-de-dieu


La Genèse nous présente aussi Dieu comme instigateur de la violence. Au chapitre 4, on retrouve Abel et Caïn qui offrent des offrandes sans que Dieu ne leur réclame quoi que se soit. Le texte ne précise pas pourquoi, ces hommes offrent ces offrandes. Le texte nous indique :

"mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn ni sur son offrande. Caïn fut très fâché, et il se renfrogna"


Le texte biblique reste silencieux sur ce qui a motivé le choix partial de Dieu. Il n'y pas de raison logique à la préférence divine. Caîn n'accepte pas cette inégalité, engendrée par Dieu, ce qui provoque un acte violent de sa part.
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeVen 25 Sep 2015, 17:43

Autre détail souvent relevé dans l'enchaînement des récits de la Genèse, Yahvé utilise l'épée (3,24) avant que l'homme, plus précisément la lignée de Caïn ("produit-avec-Yahvé" selon 4,1), n'"invente" la métallurgie (4,22). Dans l'étiologie "alternative" des textes hénochiens (1 Hénoch, Jubilés), ce sont les "fils de(s) dieu(x)" (cf. Genèse 6,1ss) qui procurent aux hommes les techniques attribuées dans la Genèse à la lignée de Caïn (on est alors encore plus près du mythe prométhéen). Cf. p. ex. 1 Hénoch 8,1ss: "Aza(z)el apprit aux hommes à fabriquer des épées, des armes, des boucliers, des cuirasses, choses enseignées par les anges..." (suivent, dans l'ordre des "inventions" funestes, la joaillerie et les cosmétiques féminins, et la "sorcellerie" où se mêlent botanique, médecine et astrologie).

L'art de la guerre, en tout cas, est bien divin avant d'être humain: cf. aussi les cosmogénèses mésopotamiennes et levantines, où la "création" résulte du combat armé d'un dieu guerrier contre les forces du chaos (Mardouk contre Tiamat, Baal contre Yam, etc.); il en subsiste quelques vestiges bibliques (mais pas dans la Genèse): le combat similaire de Yahvé contre Léviathan ou Rahab garde beaucoup de son caractère mythique (cosmogénétique), même quand il est "historicisé" par référence à l'Egypte et à l'Exode (cf. Isaïe 27,1 qui correspond presque mot pour mot au Cycle de Baal d'Ougarit; 51,9s; Psaume 74,13s; 89,10s; Job 26,12s).
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 26 Aoû 2020, 09:59

« Contrains-les d’entrer ! » (Luc 14,23). Un cas de sainte violence ?


La parabole des invités au repas, telle que Luc la rapporte (14,16-24), a longtemps été lue comme une légitimation de la violence. Luc la dote en effet d’une injonction singulière qui consisterait à contraindre les gens à entrer dans la maison du seigneur (14,23). En pleine controverse avec les Donatistes, saint Augustin a taillé à ce verset une funeste destinée en faisant de l’impératif « contrains-les d’entrer » (compelle intrare) une autorisation à user de la force contre les schismatiques. Prise au piège de cette lecture déformante, la parabole lucanienne n’en finit pas depuis de se débattre avec l’idée d’une guerre juste, ordonnée par Dieu. https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2019-1-page-109.html

« Contrains-les d’entrer » : d’Augustin à Pierre Bayle, pour le pire et pour le meilleur (Luc 14:15-24)

Dans cette interprétation du « contrains-les d’entrer » de Jésus, Pierre Bayle s’oppose directement à Saint-Augustin qui, au début du Ve siècle, lit cette parole comme appelant à user de la force pour contraindre les hérétique à rejoindre l’unité de croyances de l’église officielle. Augustin remarque que son « premier sentiment était de ne contraindre personne à l’unité du christianisme, mais d’agir par la parole, de combattre par la discussion, de vaincre par la raison » (lettre 93:5-19) mais que ses collègues lui ont montré que la crainte des lois impériales (et la crainte du jugement de Dieu) se montraient bien plus efficace pour amener les gens dans la véritable église, et qu’ils nous remercieraient plus tard. https://jecherchedieu.ch/temoignages/predication/contrains-les-d-entrer-augustin-bayle-parabole-luc-14/
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMer 26 Aoû 2020, 11:02

Je dirais que si cette fameuse formule se distingue -- relativement -- dans le NT, ce n'est pas tant par la violence qui est bien plus évidente et violente ailleurs (des évangiles à l'Apocalypse) que par son intention apparemment positive: il ne s'agirait pas, pour une fois, de châtier des "méchants", des "infidèles" ou des "incroyants", y compris d'un châtiment éternel, mais d'agir "pour leur bien", fût-ce "contre leur gré" (soit dit en passant il ne me semble guère, dans le contexte sanisécuritaire actuel, que ce principe et ce procédé soient passés de mode, bien au contraire). A cet égard elle se rapprocherait plutôt de toute la problématique de la "discipline ecclésiastique" (emblématiquement 1 Corinthiens 5: livrer untel à Satan pour la destruction de la chair, afin que l'esprit soit sauvé) -- à ceci près qu'ici elle s'appliquerait non à ceux qui sont "dedans", mais à ceux qui n'y sont pas encore. Sous réserve, bien entendu, que la parabole ne soit plus comprise comme une parabole mais comme une allégorie du royaume plus ou moins confondu avec l'Eglise. Un tel sens, s'il n'est probablement pas "premier" (mais la version lucanienne de la parabole ne l'est pas non plus), paraît cependant inévitable dans le contexte général de Luc-Actes, et du NT en général. Sans doute les auteurs du NT n'envisageaient-ils pas que "l'Eglise" pût un jour disposer, directement ou indirectement, de moyens séculiers de "contrainte" sur ses dissidents ou plus largement sur les réfractaires, mais une fois ces moyens disponibles, comment ne les aurait-elle pas utilisés, même sans un tel (pré-)texte à l'appui, et d'autant plus avec lui ?
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 03 Sep 2024, 12:12

À propos du prétendu « Dieu des armées » de « l'Ancien Testament »
Par Raphaël Draï

Le conflit israélo-palestinien est l’un des plus complexes et des plus tragiques de l’histoire politique contemporaine. Deux nationalismes s’affrontent dans une lutte qui très souvent semble bien être devenue une mimétique lutte à mort. Si la paix entre ces deux nationalismes a parfois semblé à portée de main, elle s’est finalement échouée sur l’une des composantes les moins maîtrisables de ce conflit : sa composante religieuse, avec son appareil de croyances, notamment à propos du partage de Jérusalem qui ne saurait se réduire à un « simple partage territorial ». Cette dimension confessionnelle est encore aggravée par les « interprétations » qui en sont données sur le mode propagandiste, au risque d’une infection polémique généralisée. Ainsi l’attitude de l’État d’Israël vis-à-vis du peuple palestinien ne ferait que reproduire le comportement des armées de Josué au xiie siècle avant l’ère chrétienne contre la population autochtone de Canaan. Autrement dit l’État « juif » surarmé poursuivrait à l’encontre de cette population désarmée une guerre génocidaire. Ainsi, le conflit actuel entre Israéliens et Palestiniens ne se limiterait pas à ses données politiques contemporaines. Les sionistes d’aujourd’hui ne feraient que placer leurs pas dans ceux des conquérantes armées juives de l’Antiquité, tandis que les Palestiniens prorogeraient les souffrances imméritées de leurs ancêtres philistins. Cette imputation criminogène ne se limite d’ailleurs pas à ces références historiographiques, ou prétendues telles. Elle se prolonge dans une autre mise en cause, de caractère plus directement théologique. Le Dieu d’Israël serait un Dieu militaire, ne connaissant que les arguments de la force et n’hésitant pas à faire massacrer les populations humaines qui se révéleraient par trop rétives à ses commandements. Pourtant, comme une telle représentation du Dieu d’Israël reste assez peu compatible avec telle ou telle autre de ses injonctions portant notamment sur l’amour du prochain et de l’étranger (Lev, 19, 18), le stéréotype doit s’arc-bouter sur une formule récurrente de la Bible correspondant à l’un des noms de ce Dieu erratique : « Adonaï (Hachem) Tsevaot », le plus souvent traduit par « Le Dieu des armées ». Cette traduction soulève maintes difficultés quand à son exactitude et quant à sa pertinence. Est-il sûr que Hachem Tsevaot désigne véritablement un Dieu militaire, une sorte de Dieu Mars hébraïque ne connaissant que la force de l’épée et se délectant du sang humain abondamment versé ? Mais alors comment justifier le divin commandement d’amour précité ? Il semble alors que cette traduction soit quelque peu fautive et que son usage appelle quelques précautions puisqu’elle engendre déjà deux constructions culturelles et théologiques pour le moins préjudiciables à l’idée de paix et empêchant la réalisation de cette idée.

Le service de Dieu et sa sanctification

Pourquoi proposer de traduire à présent tsava par instance et non par armée ? D’abord parce que cette dernière traduction serait absurde. En cette phase du processus de la Création, l’Humain (Haadam) est doté pour viatique d’une bénédiction dont jusqu’à présent il n’a pas mésusé (Gn, 1, 28). Et surtout parce que le mot instance comporte bien les trois significations inhérentes à la racine TsV : a) le fait de « tenir » durablement et de manière intrinsèque ; b) les degrés matériel et rationnel de cette assise composant avec d’autres éléments, auxquels il s’emboîte, une organisation ; c) la dimension juridique de cette organisation, permettant des régulations instantanées et, en cas de difficulté, l’usage de procédures d’appel. Autrement dit tsava se rapporte à l’organisation cohérente du cosmos, au sens biblique, dans lequel les lois physiques sont simultanément des lois morales, si l’on définit la morale par son obligation matricielle : le respect effectif des êtres créés à la semblance et selon la volonté divines. C’est pourquoi, par ailleurs, les Pirkei Avot, les Chapitres des Pères – ou des Principes, enjoindront : « Que ta volonté soit comme Sa volonté » (PA, II, 4), c’est-à-dire droite, juste et bénévolente ; en tant que telle porteuse de vie.

Limitations de la violence par le droit

D’abord, il importe de ne pas confondre abusivement dans le récit biblique ce qui y est décrit, factuellement, et ce qui y est prescrit, normativement. Toute narration n’est pas de soi immédiatement normative. Or cette règle de bon sens n’est pas toujours observée ; s’imposerait-elle par ailleurs dans tout autre récit historique. Par exemple, relater la nuit sanglante de la Saint-Barthélemy dans les manuels d’Histoire de France est destiné à enseigner l’horreur de l’intolérance religieuse et non pas à l’inculquer. Si les récits de violence ont été insérés et maintenus dans le texte biblique c’est bien pour enseigner, entre autres, à quel point l’amour du prochain est en réalité difficultueux, et parfois pas même inimaginable, mais aussi à quel point il est sans alternative, sauf à élargir et à perpétuer l’empire de la mort. C’est pourquoi, normativement, en sainteté pratique – la sainteté étant confrontée à ce qui la contredit et à ce qui la dénie – : le fait de donner la mort – la Thora au lieu de surenchérir, et même de fol-enchérir sur l’amour du prochain, enjoint de borner d’urgence cette violence homicide, de limiter et de gouverner les actions de guerre autant que faire se peut, y compris dans les guerres qualifiées de défensives (Dt ; 20, 10). Par conséquent si la Thora admet l’existence d’un droit à la guerre (jus ad bellum) elle l’encadre, si l’on peut dire, et elle le régule immédiatement par un droit de la guerre (jus in bello). Dans l’univers hébraïque la guerre n’est pas une valeur hypostasiée, pour ne pas dire idolâtrée. Cette éminence est conférée à la seule poursuite de la paix dès lors qu’elle met en œuvre le choix suréminent de la vie (Dt, 30). Mais comment la paix et la vie se préservent-elles ? Par le respect de la Loi et de la Parole qui s’attachent à Dieu intervenant précisément comme Hachem Tsevaot.

****

Israël a été libéré non pour prendre le pouvoir en Égypte mais pour entrer en charge de la terre dénaturée de Canaan après son étape déterminante au Sinaï où il reçut et accepta avec le Décalogue l’interdit de tuer. Est-on un peuple guerrier lorsque l’on s’attache à une loi de cette nature, laquelle fait obligation corrélative de ne pas se laisser tuer non plus ? Et le Dieu qui promulgue une telle loi, peut-on le faire passer pour un Mars revêtu des pelisses de Saturne sans mauvaise foi et cécité intellectuelle, rendant inutile quelque discussion que ce soit ? Comme Abraham, comme Isaac et Jacob, sur la route le menant à Canaan, et nulle part ailleurs, les Bnei Israël rencontreront, certes, deux sortes de protagonistes. Ceux qui comme Yetro voudront comprendre le sens de son obligation pour essayer d’y participer, et ceux qui se mettront en travers de sa route, et qui, sans vouloir l’exterminer comme Amalek, lui barreront le passage. Mais même dans ce cas quelle est l’attitude des Bnei Israël ? Le livre des Nombres présente à cet égard quelques situations exemplaires.

L’on mettra à part ce qui concerne l’engeance d’Amalek. Vis-à-vis d’elle, le principe posé est intangible : rien ne doit en subsister. Toute négociation imprudemment engagée avec elle se paie par la vie de l’imprudent. S’imaginer que Amalek pourrait revenir à de meilleurs sentiments, pourrait accepter le principe d’humaine coexistence sous la caution d’un Dieu de vie et de justice serait simplement suicidaire, d’autant que la volonté de destruction du peuple d’Israël y est transmise de génération en génération comme une effroyable raison d’être. D’où la réprobation de Moïse contre les officiers du peuple lorsque ceux-ci envoyés combattre l’entité amalécite pensent pouvoir s’accommoder de demi-mesures. Une pareille attitude passerait à juste titre pour « barbare » d’une part si l’on n’avait pas eu connaissance du propre comportement des Amalécites après la sortie d’Égypte et d’autre part si cette attitude-là était généralisée à l’ensemble des peuples susceptibles d’entrer en conflit avec les Bnei Israël. Cela eût exigé que ce peuple n’ait aucune culture de paix, aucune pratique de la règle de droit international, bref qu’il ne fût pas un descendant d’ Abraham. Le livre de la Genèse relate en effet comment celui-ci se démarqua de la mentalité guerrière par la limitation des différends où il pouvait se trouver engagé et par la préférence pour une négociation aboutissant à un traité équitable (Gn. 21, 30). Outre cette tradition, la préférence pour la paix se déduit des règles mêmes du droit de la guerre dont les Bnei Israël acceptent de faire leur loi, et notamment deux d’entre elles : la proposition préalable de règlement pacifique des différends, ensuite, si la guerre est déclarée, la limitation de sa destructivité aux forces régulièrement combattantes et à leur logistique sans qu’aucune atteinte soit portée à ce que l’on nommerait aujourd’hui l’écosystème. Références purement théoriques ou abstraites ? Revenons au récit de caractère historique.

Guerre et fraternité refusée

Sur le chemin qui doit le mener en terre de Canaan, les Bnei Israël sont attaqués par le roi de Arad, une principauté cananéenne. Celui-ci prétend en outre par cette attaque préemptive, déclenchée sans nul préalable diplomatique et qui se voulait exemplaire pour les autres peuplades de la contrée, faire des prisonniers à des fins qui lui sont propres. Dans ce cas la réaction des Bnei Israël est immédiate mais non pas impulsive puisqu’elle se place d’emblée sous la réserve de l’autorisation divine : « et Israël fit un vœu à l’Éternel disant : « Si tu donnes complètement ce peuple en ma main, je vouerai ses villes (ârehem) à l’interdit (h’erem) ». L’Éternel écouta la voix d’Israël et lui livra le Cananéen et il voua à l’interdit ses villes (ârehem) et il proclame nom du lieu : Interdiction (H’orma) » (Nb. 21, 1 et sq). Quels enseignements peut-on tirer de cette première guerre ? En premier lieu, comme on l’a dit, son caractère réfléchi. Les Bnei Israël ne se précipitent pas aux armes. Ils sollicitent l’autorisation divine qu’ils obtiennent. Le coup, si l’on ose dire, n’était-il pas joué d’avance ? Certainement pas si l’on se réfère aux nombreux cas contraires de refus divin et des conséquences catastrophiques qui s’ensuivent lorsqu’il y est passé outre. Ensuite l’on relèvera que le vœu d’interdit des Bnei Israël ne porte pas sur les populations à proprement parler mais sur les villes de Canaan, considérées comme avant-postes ou bases de repli d’incessantes attaques. Enfin l’on soulignera qu’une fois obtenue, la victoire est maîtrisée : Dieu ayant livré « le Cananéen » aux mains des Bnei Israël, ceux-ci frappent d’interdit, c’est-à-dire rendent inopérantes, les villes et les villes seulement, comme le texte normalement lu et interprété l’énonce clairement.

https://shs.cairn.info/revue-pardes-2004-1-page-23?lang=fr

Malgré un aspect très savant et érudit, je me demande si l'auteur fait preuve d'une réelle objectivité  Shocked
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MessageSujet: Re: La violence et la Bible   La violence et la Bible - Page 2 Icon_minitimeMar 03 Sep 2024, 13:41

Ce genre de texte, relu vingt ans plus tard (2004-2024), illustrerait bien comment un mode de pensée spécifique, disons rabbinique en l'occurrence, peut conduire ou dériver du "meilleur" au "pire" (d'un autre point de vue que le sien, naturellement)...

D'abord et longtemps méprisé par la théologie et la philosophie chrétiennes et post-chrétiennes, médiévales et modernes, académiques ou scientifiques, ce mode de pensée en est venu à fasciner une modernité occidentale tardive, post-modernité si l'on veut, pour les mêmes raisons qui l'avaient fait mépriser: jeu de textes, de mots, de racines, de phonèmes, de lettres, de chiffres, il semblait échapper aux contraintes et aux ornières simultanées ou successives de la logique, de la raison et de la science qui avaient tracé le destin et l'impasse d'un certain Occident, ce qui ne pouvait pas manquer d'intéresser et d'inspirer tout une série de philosophes plus ou moins proches du judaïsme (Buber, Rosenzweig, Scholem, Levinas, Derrida entre autres). Bien sûr la séquence politique du sionisme, du nazisme, de la Shoah, de la création de l'Etat d'Israël et de ses suites ne pouvait manquer non plus d'embarquer cette pensée judaïsante, comme le judaïsme religieux, dans de tout autres problématiques que celles du moyen-âge et de la "première" modernité (où il s'agissait, pour un judaïsme en terre chrétienne, musulmane ou laïque, d'entretenir et de cultiver sa différence minoritaire sans le moindre recours à la "violence"). Du coup la "logique rabbinique", si l'on peut dire, se retrouve embrigadée à contresens de sa tradition au service d'un nationalisme moderne essentiellement occidental, ou bien retournée contre lui par une idéologie politique contraire mais tout aussi anachronique, en-dehors en tout cas des conditions historiques et culturelles de sa construction bimillénaire ou presque. Rien ni personne n'échappe à la différance, à la dérive continuelle des mots et des idées d'un contexte à l'autre...

Selon une analyse sémantique "scientifique" à l'occidentale, qui n'irait pas chercher midi à quatorze heures, il n'y aurait aucun doute que çb'wt/çevaot correspond aussi strictement que le peut une traduction à notre mot "armées" ou à ses (quasi-)synonymes, "troupes, forces", etc., jusque dans les marques du genre (féminin) et du nombre (pluriel), susceptibles comme lui d'emplois métaphoriques ou métonymiques (une armée de sauterelles, de manifestants, etc.) qui sont aussi dérivés du "militaire" (nombre, ordre, puissance, etc.), quoique ceux-ci dans des directions différentes, cosmiques, astrologiques, théologiques au sens polythéiste du terme, angéliques, notamment avec "l'armée des cieux", des astres, des étoiles et des planètes qui sont aussi des dieux, puis des anges, princes, veilleurs, etc. Qu'il y en ait dès les récits de la "création" de la Genèse ne change rien à l'affaire: comme on l'a déjà remarqué plus haut il y a aussi une "épée" en Eden, "avant" qu'on invente la métallurgie, les armes et les instruments de musique dans la lignée de Caïn, à la fois bannie et protégée par Yahvé et son "signe".

Lesdites "armées" ne sont pourtant pas l'expression biblique la plus flagrante de la "violence", de sorte que les traduire autrement ne changerait pas grand-chose au débat sur le thème de ce fil -- à moins qu'il ne s'agisse que de poudre aux yeux pour occulter l'objet d'un tel débat.

Mais elles ont quand même posé un problème, probablement moins linguistique que théologique, philosophique et moral, aux traducteurs de la Septante, qui ont traduit çb', au singulier ou au pluriel, de toute sorte de façons: en Genèse 2,1 kosmos (monde, ordre, arrangement), en Exode 6,26 etc. dunamis, "puissance", dans la titulature de Yahvé parfois simplement transcrit en grec Sabaoth comme un nom propre, ou "traduit" pantokratôr, "tout-puissant", recoupant alors une des "traductions" de Shaddaï, etc...
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