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 Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu

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MessageSujet: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMar 31 Juil 2012, 11:39

Processus rédactionnel

Outre le texte hébreu massorétique (TM), le livre d’Esther nous est parvenu sous deux formes assez différentes.
Le texte de la LXX constitue probablement une traduction d’un texte hébreu proche du TM dans laquelle ont été introduites six longues additions.
Un autre texte grec, plus court que celui de la LXX et appelé « Texte Alpha » (TA), nous est connu par quelques manuscrits. Bien que le TA connaisse les additions de la LXX, il est surtout intéressant du fait qu’il présente un texte nettement plus court que celui du TM dans les parties qu’il a en commun avec ce dernier.
La thèse la plus souvent admise aujourd’hui considère que le TA originel (sans les six additions, lesquelles ont été probablement insérées très tardivement à partir de la LXX) est la traduction d’un original hébreu plus ancien que TM d’Esther (cf. Clines, Kossman), le « Proto-Esther ». Ce texte plus ancien ne comportait ni le motif du massacre des antisémites, ni le thème du caractère non révocable des lois perses.


Le Proto-Esther émane vraisemblablement d’un groupe juif installé en diaspora à la période perse ou au début de la période hellénistique. Le regard porté sur le monde perse et sur la possibilité pour des juifs de vivre en paix dans un royaume étranger est nettement moins négatif que dans le TM. L’idéologie du Proto-Esther n’est pas très éloignée de celle du roman de Joseph, un livre dont les parallèles avec Esther sont nombreux et dans lequel apparaît également l’idée que, malgré des difficultés indéniables, un juif peut prospérer à l’étranger et être appuyé par le souverain local.



http://www.protestants.org/fileadmin/user_upload/bible/pdf/violence3.pdf
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 02 Nov 2022, 16:38

Haman dans le livre d'Esther

D'ailleurs, tous les personnages de l'intrigue sont, selon les termes de C. A. Moore, «dépeints superficiellement». En particulier, Haman est moins un individu que le stéréotype de son peuple Amalek. A travers lui, c'est toute sa race qui est humiliée en Esther 6 et détruite au chapitre 7; il est «pendu à la potence qu'il avait érigée pour Mardochée» (7, 10)9! Il est constamment appelé «l'ennemi des Juifs» et ce cliché contribue évidemment à en faire une figure typée. D'une manière caractéristique, il dirige ses attaques contre les Juifs au point le plus sensible. C'est un peuple aux lois étranges, dit-il. Et puisqu'ils sont différents, ajoute-t-il avec une légèreté étonnante, mais dont l'histoire ancienne et moderne a donné des exemples innombrables, ils sont intolérables (3,Cool. Leurs lois les rend impossibles à gouverner. Certes, on Pourrait les disperser dans tout l'empire et, les ayant ainsi divisés pour mieux régner sur eux, on les occuperait à s'assimiler à des populations inconnues. La déportation de nations entières avait des précédents notoires en Mésopotamie. Mais les Juifs sont déjà dispersés dans l'empire perse; par conséquent, Haman ne voit d'autre solution que de «tous les détruire, massacrer, miner, jeunes et vieux, femmes et enfants, en un seul jour... et de piller leurs possessions» (3,13). L'accumulation des verbes de destruction en dit long sur la furie du Himmler de cette époque. Tous ces termes ont une qualité descriptive qui ne peut manquer d'évoquer dans l'esprit de nos contemporains l'image familière du sort de ceux que ne protège plus la police du roi. Ils sont privés de tous leurs droits civils et deviennent des abstractions administratives. Ils peuvent être persécutés, pillés, tués avec impunité.

https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003%3A1989%3A39%3A%3A535
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 02 Nov 2022, 21:14

Dommage que le premier lien n'aboutisse plus nulle part, mais dix ans plus tard ce n'est pas vraiment une surprise...

Le livre d'Esther est passablement embarrassant, surtout depuis la Shoah, parce qu'il donne l'impression d'un "judaïsme" qui construit tout seul son "antisémitisme", sans le concours en tout cas d'un "christianisme" qui est encore hors de perspective. C'est le lieu de tous les anachronismes et de tous les faux effets "prophétiques", d'autant plus faux que la "prophétie" paraît "juste": le fait que la "religion" (qui n'est évidemment pas le judaïsme post-pharisien que nous connaissons) y soit ostensiblement en retrait (plus que dans Daniel 1--6 -- pour rester dans les "romans de diaspora" -- où il y a quand même des interdits alimentaires, de la prière et du refus de l'idolâtrie; à cet égard on est plus près du roman de Joseph, qui se fond allègrement dans la religion comme dans la politique égyptiennes, mais en restant pacifique de part en part) contribue à en faire une affaire "ethnique" ou "raciale", ce qui apporte de l'eau au moulin de l'antisémitisme moderne là où celui-ci excède le traditionnel antijudaïsme chrétien; mais aussi aux "répliques" violentes, par exemple "sionistes", malgré le manque d'intérêt total du livre pour Jérusalem ou la "terre d'Israël".

Evidemment la situation de diaspora produit ici et là des tensions interethniques bien réelles, des intolérances, des rivalités et des persécutions sporadiques, qui ne demandent qu'à se projeter et à s'absolutiser dans l'imaginaire, sous la forme du génocide -- c'est aussi le point de départ de l'Exode et son articulation au roman de Joseph ou, en sens inverse, la logique de la "conquête" de Canaan (Deutéronome / Josué).

Il y a toutefois aussi un côté "farce" dans le livre d'Esther, que la tradition rabbinique a en partie retenu et développé (Pourim est assez proche de notre "carnaval", à la fin de l'hiver, un mois avant la Pâque) mais qui est pour nous extrêmement déroutant, parce qu'il ne correspond pas à notre sens de l'humour qui s'accommode mal de la cruauté de l'histoire. A ce "détail" près, les quiproquos et les retournements de situation seraient assez comparables à notre "théâtre de boulevard"...
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 03 Nov 2022, 11:57

Citation :
Il y a curieusement un côté "farce" dans le livre d'Esther, que la tradition rabbinique a en partie retenu (Pourim est assez proche de notre "carnaval", à la fin de l'hiver, un mois avant la Pâque) mais qui est pour nous extrêmement déroutant, parce qu'il ne correspond pas à notre sens de l'humour qui s'accommode mal de la cruauté de l'histoire. A ce "détail" près, les quiproquos et les retournements de situation seraient assez comparables à notre "théâtre de boulevard"...


Les parodies "pourimesques" - par Jacques KOHN, Jérusalem

La fête de Pourim a donné lieu, à toutes les époques, à des parodies et à des plaisanteries inspirées du verset :

"Et au douzième mois, qui est le mois d'adar, le treizième jour du mois, où la parole du roi et son édit allaient être exécutés, au jour où les ennemis des Juifs espéraient se rendre maîtres d'eux, mais la chose fut mise sens dessus-dessous (wanahafokh hou) en ce que les Juifs se rendirent maîtres, eux, de ceux qui les haïssaient" (Esther 9:1).

Indépendamment des observances et des usages liés à ce verset, parmi lesquels celui qui veut que l'on pastiche, à Pourim, dans les yeshivoth, les rabbins qui y enseignent, il s'est développé toute une littérature parodique.

Cette littérature est très ancienne, puisque l'on a trouvé dans la gueniza du Caire un texte dans lequel Haman affronte les autres tyrans malfaisants de l'histoire, chacun se vantant d'avoir été le plus efficace et le plus haineux à l'égard des Juifs ...

... Questions et Réponses

On trouve aussi des sheèloth ou-techouvoth propres à Pourim :

Question : Nous savons tous que Haman était un racha' . Or, nous apprenons dans la Haggada de Pessa'h que la façon de nous comporter envers un racha' consiste à lui "frapper les dents". Pourquoi Mardochée n'a-t-il pas frappé les dents de Haman ?

Réponse : Selon le Targoum (Esther 5:9), Mardochée et Haman entreprirent ensemble un jour un voyage au cours duquel les vivres de Haman virent à lui manquer. En échange du pain que lui donna Mardochée, Haman accepta de devenir son esclave.
Or, d'après la Torah (Exode 21:27), lorsqu'un maître frappe son esclave et lui fait tomber une dent, celui-ci devient automatiquement affranchi. Voilà pourquoi Mardochée, qui tenait à garder son esclave à son service, ne l'a pas frappé aux dents.

Question : Pourquoi le nom de Wayzatha, le dixième fils de Haman, est-il écrit avec un waw allongé (Esther 9:9) ?

Réponse : Lorsqu'un Juif possède dix animaux, de gros ou de menu bétail, il a l'obligation selon la halakha de les faire passer sous une perche, et le dixième sera considéré comme ma'assèr behèma ("dîme animale") et donné au kohen (Lévitique 27:32). Mais si le dixième animal réussit à s'enfuir, son propriétaire n'a pas l'obligation de le remettre au kohen.
Les kohanim de Suse considéraient les fils de Haman comme des animaux. Aussi l'un de ces kohanim est-il venu chez celui-ci et lui a intimé l'ordre, puisqu'ils étaient au nombre de dix, de lui en remettre un comme ma'assèr behèma. Haman s'est exécuté et il a fait passer tous ses dix fils sous une perche. Mais lorsque s'est présenté Wayzatha, Haman s'est accroché à lui et a essayé de le faire s'enfuir. Le kohen, de son côté, a saisi Wayzatha pour le faire passer sous la perche. C'est ainsi que le dixième fils de Haman a été écartelé, ce que symbolise le waw allongé de son nom.

http://judaisme.sdv.fr/traditio/pourim/parodie.htm
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 03 Nov 2022, 12:59

Voilà en effet qui illustre assez bien le propos...

Au-delà de Pourim et d'Esther, j'ai été frappé, les rares fois où je suis allé dans une synagogue, par une "ambiance" tout à fait différente de celle que j'attendais d'une célébration "religieuse" -- attente naturellement fondée dans mon cas sur des modèles surtout "chrétiens" (catholique, protestant, oriental), mais aussi une certaine image des "cultes" musulman, bouddhiste, hindous etc. Il y a du sérieux, parfois à la limite de la "superstition", de la solennité aussi, mais cela côtoie de façon assez surprenante le bavardage, la plaisanterie, les interpellations en tout genre, dans le même espace et dans le même temps. C'est aussi déroutant, sur un autre plan, que l'"exégèse" rabbinique qui peut associer les réflexions les plus profondes à ce qui, pour un esprit "occidental", relèverait plutôt du calembour, du jeu de mots ou de l'association d'idées purement gratuite, arbitraire ou fantaisiste.

Au fond tout cela, comme le rapport de la "lettre" et de l'"esprit" (gematria ou numérologie, spéculation sur la forme des lettres dans l'écriture traditionnelle comme à la fin d'Esther), interroge peut-être plus radicalement l'idée même que nous nous faisons de la "religion" (et par la même occasion de la "pensée", de la "logique", de la "raison", etc.).

Soit dit en passant, le verbe hpk utilisé en 9,1 (et 22) pour le retournement, bouleversement ou renversement (sens dessus-dessous), c'est aussi celui qui est notamment associé aux traditions de la destruction de Sodome et Gomorrhe (nous en avions parlé précédemment).
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 03 Nov 2022, 14:08

Pourim, bas les masques !

Un jour par an, il règne chez les juifs une ambiance assez particulière. L'étude, la concentration, le sérieux laissent place à une joie débridée, cris, rires, déguisement, alcool et vaste banquet, vacarme dans les synagogues… un vrai carnaval, en un mot les juifs font la fête…

Que célèbrent-ils avec tant de liesse? Une histoire, peut être même seulement une légende, on ne sait pas très bien, vieille de plus de 2500 ans. Bon essayons de mettre un peu d'ordre dans tout cela même si vous l'avez compris, à Pourim il s'agit de tout sauf d'ordre….

La fête a lieu vers la fin de l'hiver, le 14 Adar qui tombe selon les années vers la fin février ou les premiers jours de mars. Comme souvent dans le judaïsme, la fête se réfère à un récit biblique. Dans le cas de Pourim il s'agit d'une histoire très célèbre, celle de la reine Esther. Fait assez rare dans la Bible, dans cette histoire l'héroïne est une femme.

A l’époque où les juifs vivaient dans l’empire perse, c'est-à-dire après la destruction du premier temple, vers le VIe siècle avant l'ère chrétienne. Une jeune femme juive choisie pour sa grande beauté devient reine, épouse du roi de Perse qui règne alors de l’Inde à l’Afrique. Mais le premier ministre Haman complote et veut faire tuer tous les juifs. Mardochée, l’oncle d’Esther et ennemi personnel d’Haman l’antisémite, demande à sa nièce d’intervenir auprès du roi, pour faire annuler le
décret d’extermination. 

Grâce au courage d’Esther, Haman est confondu et finira pendu à la potence qu’il avait dressée pour Mardochée le juif. A la fin tout est bien qui finit bien et les juifs sont non seulement sauvés, mais débarrassés de tous leurs ennemis. Belle histoire me direz-vous, pleine de suspens de retournement, de pouvoir de politique et d'amour… d'ailleurs le grand Racine lui-même ne s'y est pas trompé qui en a fait l'une de ses plus célèbres tragédies. 

Autre fait exceptionnel dans un livre biblique, Dieu est absent de toute cette histoire, du moins en apparence. Son nom n'apparait nulle part dans le livre d'Esther. D'ailleurs le nom Esther en hébreu signifie "caché". Plus exactement, si Dieu est naturellement présent, il avance masqué dissimulé sous les traits du hasard.

Si les juifs sont sauvés de l'extermination c'est en effet grâce à une série de coïncidences et une succession de hasards providentiels. Le thème du hasard, du sort, est si important que c'est ce mot même qui a été donné son nom à la fête. Pour, le sort, au pluriel Pourim, les sorts, en souvenir entre autre du fait que Haman, l'antisémite, avait tiré au sort la date de l'extermination des juifs.

Ce curieux conte, digne des milles et une nuits, cherche à nous faire réfléchir au fonctionnement d'un monde livré au hasard, du fait de l’absence de Dieu. L'histoire propose bien des niveaux de lecture et d'interprétation. Le texte semble d'abord nous dire: même si Dieu semble absent du monde, il ne faut pas désespérer car le bien finit par triompher du mal. 

https://akademimg.akadem.org/Medias/Documents/Pourim_VERRBATIM.pdf
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 03 Nov 2022, 15:21

La suite aussi est intéressante, bien qu'à mon avis l'auteur cède un peu trop facilement au mirage "prophétique" dont je parlais hier: l'illusion que le "judaïsme" comme l'"antisémitisme" sont des entités et des essences trans-temporelles, voire constantes ou invariables, alors qu'évidemment ce n'est pas la même chose qui se joue entre une diaspora judéenne et ses voisins à l'époque hellénistique (contexte probable de l'écriture d'Esther, bien que l'action se situe dans l'empire perse à l'époque précédente, achéménide), un "judaïsme" dont la différence est surtout religieuse en terre chrétienne ou musulmane, et la "question juive" de l'époque moderne, politisée et sécularisée, du XIXe siècle à nos jours. Or le texte même, parce qu'il est ancien (même s'il n'a pas 2500 ans) et "juif" (véhiculé à peu près intact, à l'exception des expansions grecques qui étaient "juives" aussi, du "judaïsme" du Second Temple au judaïsme rabbinique, qabbalistique, hassidique, etc., et à tout le monde chrétien et post-chrétien par la même occasion), favorise l'illusion que "c'est toujours la même chose" (Haman = Hitler, les "juifs" d'Ecbatane comme ceux du ghetto de Varsovie, et ainsi de suite); ce qui non seulement ne va pas dans le sens de la nuance et de l'intelligence historiques (ou littéraires) mais contribue surtout à alimenter le "pire", de l'antisémitisme d'abord (qui trouve dans un livre comme Esther, mais aussi dans le Deutéronome et Josué, Esdras-Néhémie etc., de quoi conforter à la fois ses préjugés et ses arguments), et des positions "juives" les plus "agressives" ensuite (du sionisme du XIXe, plus inspiré par les Maccabées que par le canon hébreu, aux tendances les plus intransigeantes de l'Etat d'Israël actuel).


Dernière édition par Narkissos le Jeu 03 Nov 2022, 16:04, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 03 Nov 2022, 16:02

Politique, pouvoir, histoire et traditions autour du livre d’Esther

3.2. Dans le monde chrétien

3.2.1. Un livre peu populaire

Dans le monde chrétien, qui ne fête pas Pourim, le livre d’Esther ne jouit pas de la même popularité que dans le monde juif. On ne trouve aucune citation ou allusion explicite à Esther dans le Nouveau Testament et le livre n’est que très peu cité ou commenté par les Pères de l’Eglise. Seul Augustin semble s’y être arrêté brièvement. Plusieurs Pères orientaux, dont Grégoire de Naziance, Méliton de Sardes et Amphiloque d’Iconium lui refusent même le statut de livre canonique, tandis que d’autres le classent parmi les livres qui ne sont ni canoniques, ni apocryphes. Au moyen âge, le premier commentaire complet du livre est écrit par Raban Maur
au 9e siècle, selon la méthode allégorique des quatre sens de l’Ecriture. Son commentaire servira de base aux autres commentateurs médiévaux. Selon le moine de Fulda, le personnage d’Esther symboliserait l’Eglise.

Comment expliquer ce manque de popularité d’Esther ? Si l’absence de la fête de Pourim dans la tradition chrétienne en constitue la raison principale, ce n’est sans doute pas la seule. En effet, le récit peut être perçu comme excessivement nationaliste, surtout si on ne le lit pas sur un fond carnavalesque. En dehors du contexte festif de Pourim, les récits de massacres du chapitre 9,s’ils peuvent réconforter une communauté juive confrontée à l’anti-sémitisme, ne sont guère rassurants pour des chrétiens originaires des « nations ». Ainsi l’affirme Luther dans un propos sur les Maccabées : « Ce livre et celui d’Esther, je les déteste tant que je voudrais qu’ils fussent disparus. Ils judaïsent trop, et renferment trop d’inconvenances païennes ».

La lecture d’Esther fut d’autant plus difficile qu’on l’a longtemps considéré comme un livre historique, rapportant des événements s’étant vraiment produits dans l’histoire. Paradoxalement, la remise en question de l’historicité du livre ne l’a pas rendu plus populaire, puisque, non seulement l’accusation de nationalisme demeure, mais s’y ajoute le soupçon de proposer une vision mensongère de l’histoire pour conforter le nationalisme juif et servir de justification à la fête des Pourim.

L’absence de mention explicite de Dieu, du moins dans la forme TM, ajoute encore à la difficulté. Les appréciations négatives des commentateurs, à la suite de Luther, ne manquent pas et, au milieu du 20e  siècle, W. Anderson juge bon de publier un article dans le but de montrer que l’introduction d’Esther dans le canon chrétien n’est pas le fruit d’un accident et que la lecture de ce livre, malgré les apparences, n’est pas tout à fait dépourvue de sens.

https://www.academia.edu/40278369/Politique_pouvoir_histoire_et_traditions_autour_du_livre_dEsther
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 03 Nov 2022, 17:25

Merci de cette nouvelle étude très riche, qui remplace peut-être avantageusement, en ce qui concerne le micmac textuel du livre d'Esther, le lien perdu au début de ce fil. Je ne suis pas convaincu par la proposition de lecture "néo-morale" de la fin, mais ça ne surprendra personne. J'avais pourtant exprimé, il y a longtemps, dans l'introduction générale de la NBS, l'idée similaire que pour comprendre les textes "bibliques" il ne fallait pas se sentir obligé d'être "d'accord" avec eux, comme tendent à y contraindre les notions de "livre sacré", de "canon", d'"inspiration" ou de "Parole de Dieu" -- et que ça ne signifiait pas non plus qu'on doive "avoir raison contre eux" ou "leur donner tort", mais plutôt une sorte de "suspension (epokhè) du jugement" sans quoi il n'y a pas de (vraie) lecture; il n'y en a d'ailleurs pas non plus sans le désir paradoxal d'être surpris, autrement dit l'attente de ce à quoi on ne s'attend pas, autant de conditions impossibles à remplir, et pourtant on lit...

Dans le cas d'Esther toute "intention originelle" paraît hors de portée, puisque même la disparition du religieux, du sacré ou du divin (dont on serait tenté aujourd'hui de faire un "thème" porteur, fût-il négatif ou "kénotique") n'est pas forcément première -- et pas dernière non plus, vu les "ajouts" de la Septante...

Mais s'il y a d'emblée de la farce, comme dans le carnaval ou la "fête des fous", elle me semble avoir une dimension éminemment politique, ou théo-politique: le roi comme le dieu (ou le dieu comme le roi) se meut dans le domaine archi-sérieux de la loi écrite ou du décret irrévocable, et en même temps toutes ses décisions sont le fruit de l'ivresse (banquet = mishteh signifie boire plus que manger, comme le sum-posion de Platon, cf. "potion, potable", etc.), des circonstances et du hasard (pour, pourim). Ce qui, d'un point de vue "religieux", reviendrait à dire que l'"objet", le "correspondant" ou le "corollaire" de la "foi" est quelque chose de beaucoup plus aléatoire qu'un dieu conçu comme un roi ou un empereur sérieux, avec une "volonté", une "intention" et une "raison" supposées raisonnées, constantes et fiables; et que c'est avec ça qu'il faut jouer, en permanence.

A cet égard aussi la "religion populaire" renvoie en-deçà de la rationalité grecque ou perse, vers le fond d'arbitraire du Nouvel an babylonien (Mardochée-Mardouk, Esther-Ishtar), qui représente en quelque sorte l'aléatoire pur (même si le mot et la notion de "hasard", d'après l'arabe, ne sont pas encore inventés) -- Borges s'en est souvenu avec la loterie de Babel.
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeVen 04 Nov 2022, 14:03

"Une analyse narrative comparée d'Esther TM et LXX : regard sur deux récits d'une même histoire" - Vialle, Catherine

Triomphe final de Mardochée

"Le roi Xerxès frappa d'un impôt le pays et les îles de la mer. Tout le récit de sa puissance et de sa vaillance, ainsi que le détail de l'élévation de Mardochée par le roi, tout cela est écrit dans le livre des chroniques des rois de Médie et de Perse. Car le Juif Mardochée occupait le second rang après le roi Xerxès ; c'était le grand homme des Juifs, qui avait la faveur de la multitude de ses frères ; il cherchait le bien de son peuple et parlait pour la paix de tous les siens" (10,1-3).

1.13. Un “happy end” ? (10,1-3)

Les trois derniers versets du livre d’Esther clôturent le récit par une sorte de sommaire qui reprend le style des notices concluant les différents règnes des rois d’Israël et de Juda dans les livres des Rois et des Chroniques. Curieusement, à première vue, ces versets n’ont pas grand-chose à voir avec le récit qui précède et qui, par conséquent, semble se terminer « en queue de poisson » ...

Curieusement, une question du même type se pose à propos du premier chapitre d’Esther, qui, lui aussi, ne semble pas avoir beaucoup de liens avec le corps du livre.
Pourtant, une analyse a montré que ce premier chapitre occupe une place fondamentale dans le récit, en raison des clés de lecture qu’il fournit. En serait-il de même en ce qui concerne le chapitre 10 ? Ce constat d’une sorte d’inclusion dans le « hors sujet » pousse en tout cas à risquer une lecture plus approfondie. Quelques éléments attirent alors l’attention du lecteur.

Pour commencer, il n’est plus question d’Esther, alors que celle-ci occupe une place prépondérante dans le récit. Le roi et Mordocaï étant évoqués, le lecteur
s’attendrait à voir la reine mentionnée également. Il n’en est rien, et si le premier chapitre s’achevait sur le renvoi de la reine Vashti, la finale du récit reste muette sur l’avenir de la reine Esther.

Il est curieux que le narrateur évoque une corvée (sm) établie par le roi à cet endroit du récit (10,1), entre le récit de l’institution des Pourim et l’évocation finale des hauts faits de Mordocaï. A première vue, cette information est inutile et ne semble pas avoir de lien avec ce qui précède. Pourtant, alors comme aujourd’hui, une corvée n’est pas quelque chose de très positif pour la population. Ainsi, ce sont les habitants d’un pays vaincus qui sont soumis à la corvée217 ; et lorsque le Pharaon de l’Exode place sur les fils d’Israël des « chefs de corvée » (μysm yrv), c’est pour les opprimer (Ex 1,11). Pr 12,24 énonce : « la main de ceux qui courent commandera mais tricherie sera pour la corvée » ; ce qui ne donne pas non plus une image positive de la corvée, sort attribué ici au tricheur.

Faut-il voir ici un bémol mis à un récit qui semble bien se terminer ? Quoi qu’il en soit, 10,1 suscite la curiosité du lecteur. Peut-être faut-il comprendre cette information comme un élément d’une critique indirecte adressée à la politique d’Assuérus, et donc de Mordocaï, son second ? Par ailleurs, le verset 3, qui montre Mordocaï préoccupé du seul sort des juifs, pourrait aller dans ce sens : « Car Mordocaï le juif était un second pour le roi Assuérus et était grand pour les juifs et plaisant pour la multitude de ses frères, cherchant le bien pour son peuple et parlant de paix pour toute sa descendance ». Le mot « juif » répété deux fois – une fois pour qualifier Mordocaï et une fois pour le peuple – ainsi que l’emploi insistant des possessifs dans la prose du narrateur (« ses frères » ; « son peuple » ; « sa descendance ») insistent sur cette dimension de la politique de Mordocaï.

Par ailleurs, 10,1 peut être facilement mis en rapport avec 2,18 : « Et le roi fit un grand banquet pour tous ses princes et ses serviteurs, le banquet d’Esther, et il fit un congé/une exemption d’impôt pour les provinces et il donna des présents d’une main de roi ». Le rapprochement se justifie si l’on traduit hjnh par « exemption d’impôt » ou « amnistie », en suivant la LXX. Mais l’effet de contraste joue aussi si l’on traduit hjnh par « congé ». Si le rapprochement est pertinent, on peut y voir un effet d’opposition entre l’avènement d’Esther qui entraîne un repos ou une exemption fiscale, donc une libération que ce soit du travail ou des taxes, et l’arrivée de Mordocaï au pouvoir qui, lui, amène la corvée qui consiste à la fois en une taxe et un surcroît de travail. Si elle est exacte, cette hypothèse expliquerait le pourquoi du verset 10,1 qui constituerait ainsi une critique à peine voilée de la politique de Mordocaï.

Le récit s’achève donc en demi-teinte : après que les juifs ont été sauvés du massacre ourdi par Haman et qu’ils en ont profité pour se débarrasser de leurs ennemis dans un bain de sang, le peuple est soumis à la corvée, mais Mordocaï est grand et veille au bien de son peuple. En somme, seuls les juifs jouissent quelque peu du gouvernement de Mordocaï. Quant aux peuples du pays, pour ceux qui ont échappé au massacre, ils n’en retirent que l’amertume de la corvée
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeVen 04 Nov 2022, 15:45

Lien de téléchargement (p. 120ss) -- à utiliser pendant qu'il fonctionne...

Par ailleurs, une autre mouture du texte cité dans le post initial semble partiellement lisible ici, p. 655ss (J.D. Macchi).

La situation du "grand vizir", détenteur (fût-il imaginaire) du pouvoir réel dans un royaume ou un empire historique, est naturellement un topos du "roman de diaspora" (Joseph / Pharaon, Haman-Mardochée / Assuérus = Xerxès ou Artaxerxès, Daniel / Nabuchodonosor, Balthasar et Darius). Mais la logique narrative et utilitaire, économique ou politique, de ce genre d'intrigue devient de plus en plus obscure: Joseph sauvait les siens en sauvant aussi les Egyptiens, et d'abord les prêtres, Mardochée ne sauve que son peuple, Daniel ne sauvera personne, même pas ses trois acolytes qui sont sauvés sans lui.... C'est dire que s'il y a toujours le même fantasme "communautaire", du "juif" (hébreu, judéen, etc.) qui "réussit" dans un monde "païen", ces déterminations sont de plus en plus "religieuses" et de moins en moins "politiques".
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeLun 07 Nov 2022, 16:15

Et l’histoire d’Esther dans tout ça…

Le livre d’Esther débute en relatant les célébrations à la gloire du roi Xerxès. Après avoir exhibé la richesse de sa gloire royale et la splendeur de sa magnificence durant cent 80 jours (Est 1,4), le roi donna un banquet en son honneur à Suze-la-Citadelle où il voulut y exhiber la beauté de sa femme, la reine Vasti. Ce qu’elle refusa (Est 1,5-12). Le geste fut entendu, selon le texte, non seulement comme une insulte faite au roi, mais à tout le peuple. Le titre de reine lui fut retiré, car elle donnait le mauvais exemple en désobéissant à son mari. Il fallait donc trouver une reine, aussi belle ou plus belle que Vasti, mais cette fois-ci on peut s’imaginer qu’elle devra être obéissante et soumise.

La jeune juive Esther, sera l’élue et deviendra reine de l’empire des Perses. « Esther n’avait révélé ni son peuple ni sa parenté, car Mardochée lui avait interdit de le faire. » (Est 2,10). Esther est une jeune orpheline d’origine juive, descendante de déportés, qui a été prise en charge par son cousin Mardochée.

À cette époque-là, alors que Mardochée était assis à la porte royale, deux eunuques royaux, Bigtân et Tèresh, de la garde du seuil, furent exaspérés et cherchèrent à porter la main sur le roi Xerxès. Mais l’affaire fut connue de Mardochée qui informa Esther, la reine ; Esther la dit au roi au nom de Mardochée. L’affaire fut instruite et se trouva avérée… Les deux furent pendus à un gibet. Et cela fut enregistré dans le livre des Annales en présence du roi. (Est 2,21-23)

Comme nous sommes à même de le constater, ici l’Ancien Testament ne nous présente en rien une réfugiée souffrante et qui, grâce à sa foi, lutte pour sa langue et ses traditions. Les traditions de son peuple d’origine ne sont pas manifestes chez elle. La langue de ses ancêtres, elle l’a vraisemblablement perdue. Et que dire de son Dieu, le livre n’en fait pas mention. Il faut allez lire la version grecque du livre (qu’on compte parmi les écrits deutérocanoniques de l’Ancien Testament) pour trouver des mentions de Dieu notamment en Esther grec C,1-10 (la prière de Mardochée) et en C,12-30 (la prière d’Esther). Il est tout de même étrange que les prières à Dieu appartiennent au corpus deutérocanonique et non au corpus canonique.

Suite au démantèlement du complot contre Xerxès, l’un de ses ministres, Hamman, fut élevé au-dessus de tous les autres. Tous les serviteurs du roi présents à la porte royale s’agenouillaient et se prosternaient devant lui. Tous? Enfin presque, à l’exception de Mardochée (Est 3,2) qui refusait de céder à cette pratique puisqu’il était juif. Ce qui mit Hamman en colère et ce dernier fit en sorte que Xerxès décréta un édit « pour exterminer, tuer et anéantir tous les Juifs, jeunes et vieux, enfants et femmes, en un seul jour, le treize du douzième mois, c’est-à-dire le mois d’Adar, et pour piller leurs biens » (Est 3,13). 

C’est là où Esther, qui ne semblait pas jusque-là préoccupée par sa judaïcité, se révèle et intervient au risque de sa vie, auprès de Xerxès. Elle avait beau être la reine, si elle demandait une rencontre avec le roi et qu’il la lui refusait, cela l’aurait amenée à être condamnée à mort. Son intervention que je vous laisse découvrir par la lecture du livre d’Esther, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, fut salutaire pour Mardochée et pour tous les juifs des 127 provinces de l’empire.

Le roi, ne pouvant pas revenir sur ses décrets, en promulgua un autre qui dit :

Le roi octroie aux Juifs qui sont dans chaque ville de s’unir, de se tenir sur le qui-vive, d’exterminer, de tuer et d’anéantir toute bande armée, d’un peuple ou d’une province, qui les opprimerait, enfants et femmes, et de piller leurs biens, en un seul jour, dans toutes les provinces du roi Xerxès, le treize du douzième mois, c’est-à-dire Adar. Copie de l’écrit sera promulguée comme décret dans toute province et communiquée à tous les peuples, pour qu’au jour dit les Juifs soient prêts à se venger de leurs ennemis. (Est 8,11-13)

Ce jour où l’extermination n’a pas eu lieu et où les juifs ont combattu et défait leurs ennemis, sera reconnu dans le calendrier des fêtes juives comme le jour de Mardochée, le jour du Pourim.

Il y a plusieurs façons d’affirmer son identité

On aurait peut-être aimé voir un geste patriotique depuis la rébellion ou de la résistance de la part d’Esther. Cela s’est exprimé autrement. Celle qui était devenue reine et qui avait, selon certains points de vue, trahie son peuple et ses origines, celle qui ne parlait plus la langue de ses ancêtres, qui s’était retrouvée au sommet de l’empire perse, qui s’est confortablement installée dans ses mœurs, sa culture et ses lois aura quand même eu toute une influence sur l’avenir du peuple juif. Et que dire de la fête célébrée à sa suite et ce que celle-ci peut représenter pour les Juifs du XXe siècle après l’holocauste?

Beaucoup de gens sont « accusés » par les compatriotes de leur pays d’origine de renier leurs racines ; en même temps, il est légitime de se poser la question : Qu’est-ce que leur volonté d’avancer pour des intérêts individuels dans leur société d’accueil a pu produire chez les ressortissants du même pays d’origine? Il faut un premier immigrant qui devient député pour briser la glace et ainsi voir une communauté d’origine spécifique s’approprier la société d’accueil. Ils sont inspirants, et plus encore, ils peuvent sensibiliser de manière crédible les gens de leur société d’accueil à la réalité de leurs compatriotes.

http://www.interbible.org/interBible/carrefour/migration/2021/migration_20211220.html
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeLun 07 Nov 2022, 16:39

A prendre à la lettre les indications du livre, il y aurait plus d'un siècle entre l'exil de Jéconias-Joïakîn (2,6; le passage correspondant n'est pas dans le texte A du grec mais on retrouve sensiblement la même indication dans l'addition A2-3, LXX et A) et l'action du récit, sous le règne de Xerxès (ou Assuérus, TM) ou d'Artaxerxès (LXX). C'est dire, pour rester dans la perspective d'"application" ou d'"actualisation" de cet article, qu'il ne s'agirait plus d'"immigration" mais de diaspora, autrement dit de "descendants d'immigrés" et de "communautés" établis depuis longtemps dans le pays ou l'empire de référence, qui a d'ailleurs changé entre-temps (de Babylone à la Perse) -- outre que le texte suggère pour l'ensemble de l'action un Mardochée archi-centenaire qui aurait connu la déportation, à moins qu'on ne rapporte la relative du v. 6 aux ancêtres du v. 5, florilège de noms connus, surtout "benjaminites" de la "maison de Saül" (Qish père de Saül, Shiméi 2 Samuel 16; 19; 1 Rois 2; Jaïr serait plutôt de Transjordanie, Manassé-Galaad, Juges 10 + Nombres 32,41; Deutéronome 3,14; Josué 13,30 etc.). Pour rappel (le sujet est traité dans plusieurs des études citées ci-dessus), l'antagonisme Saül-Agag (donc Benjamin-Amaleq, d'après 1 Samuel) est un modèle plausible pour le texte massorétique d'Esther, non pour les textes grecs (LXX ou A) où Haman est qualifié de bougaios ("orgueilleux" ? mais ce peut être aussi un gentilice inventé, "Bouguéen, Bouguite", etc.) et de Macédonien (ce qui renvoie aux "guerres médiques" entre Perses et Grecs).

La question du rapport entre destin individuel (ou familial) et collectif (ethnique, communautaire) est intéressante, mais elle ne se limite pas aux migrations: on pense encore à Joseph ou aux (autres) Patriarches depuis Abra(ha)m, à Moïse dans le début de l'Exode articulé au roman de Joseph, mais aussi aux Juges, à David, ouaux Prophètes qui n'ont pas tous besoin d'être exilés pour faire résonner leur sort particulier avec celui de leur peuple...
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 09 Nov 2022, 11:40

La problématique du pouvoir dans Esther hébreu (tm) et Esther grec (lxx)

2.1  Un pouvoir royal contesté et contestable (Est 1,1–22)

Le pouvoir royal est tout particulièrement mis en scène dans le premier chapitre qui constitue le prologue du livre. Ce petit récit, qui relate les fêtes somptueuses organisées par le roi Assuérus et qui se termine par le renvoi de la reine Vashti, semble, à première vue, n’avoir que peu de liens avec ce qui suit, notamment parce qu’Esther, Mardochée et les juifs n’y sont  pas  évoqués.  Cependant,  le  narrateur  y  dessine  le  monde  dans  lequel devront évoluer les protagonistes juifs. Le fait que le récit tout entier commence par évoquer le roi et sa cour, donc le pouvoir royal, tout en montrant que ce pouvoir est rapidement mis en question, constitue un indice, pour le lecteur, de l’importance de la question du pouvoir.

Le récit commence par un étalage de la richesse et de la puissance du roi Assuérus qui organise un banquet de cent quatre-vingts jours pour les grands du Royaume, suivi d’un banquet de sept jours pour tous les habitants de la ville de Suse (1,1–9). Pourtant, très vite, le septième jour du banquet, son autorité se voit mise en cause publiquement, par sa propre épouse, la reine Vashti, qui refuse de paraître devant le peuple et les princes, malgré la demande que lui fait le souverain, très probablement pris de boisson8 (1,10–12). Le contraste est alors saisissant: ce roi, si riche et si puissant ne parvient pas à se faire obéir de sa propre femme.

Le  roi  ne  voit  pas  d’autre  solution  que  de  convoquer  son  conseil, composé des sages et des sept premiers princes du Royaume, et ce qui aurait pu en rester au stade d’un conflit conjugal devient une affaire d’Etat qui  aboutit  à  la  promulgation  d’un  décret  multilingue  pour  que  tout homme soit maître chez lui. Le roi et son entourage n’en sortent pas grandis et le pouvoir royal apparaît comme faible et ridicule.

Mais si ce décret est promulgué, il n’est pas le fruit d’une initiative du roi, mais d’une proposition d’un des conseillers royaux, le prince Memûkan. Au cœur de son argumentation, approuvée par le roi et les princes, se trouve la peur des hommes d’être méprisés par leurs femmes – ce qui sous-entend que le roi a été méprisé par la sienne. Cette peur s’enracine dans la conviction que ce sont bien les hommes qui doivent gouverner les foyers, mais que ce pouvoir est, lui-aussi, bien fragile puisque le moindre incident dans le couple royal peut le mettre en question et qu’il ne faut pas moins d’un décret pour en assurer la stabilité. Ainsi, ce n’est pas seulement le pouvoir royal que la reine Vashti a mis en cause, mais le pouvoir de tous les époux dans leur foyer.

Au total, bien que le roi soit le premier personnage à être introduit dans le récit et qu’il soit, en apparence, le plus puissant, c’est suite à l’initiative  d’une  autre,  la  reine  Vashti,  que  l’intrigue  se  noue  vraiment,  et c’est  suite  à  la  proposition  d’un  autre,  Memukân,  qu’elle  se  dénoue. Le  roi  apparaît  ainsi  comme  un  personnage  passif  et  malléable,  ce  qui contraste  fortement  avec  la  puissance  politique  et  financière  qui  est  la sienne. Ces traits de caractère s’avèrent constants et déterminants dans la suite du récit et la plupart des événements qui suivent s’expliquent en grande  partie  par  la  personnalité  du  monarque  qui  se  laisse  manipuler tour à tour par différents membres de son entourage. Si le roi Assuérus est officiellement détenteur du pouvoir, c’est celui qui parvient à gagner l’oreille du roi qui détient en réalité l’autorité.

De  ce  fait,  ce  premier  chapitre,  qui  constitue  l’ouverture  du  livre d’Esther, relate rien de moins qu’une véritable crise touchant à la fois le pouvoir royal et le pouvoir des hommes dans leur ménage. Dans les deux cas, le lecteur peut constater d’entrée que le pouvoir officiel s’avère bien fragile  et  que  les  apparences  sont  trompeuses:  celui  (ou  celle!)  qui  détient le pouvoir n’est pas nécessairement celui qu’on croit. C’est ce que confirme une étude du motif du banquet.

https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/zaw-2012-0040/html
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 09 Nov 2022, 14:46

On peut aussi accéder par ici à cet article de Catherine Vialle (dont nous avons déjà vu plusieurs textes ci-dessus), si l'on n'y arrive pas sur le site de l'éditeur.

L'humour de l'introduction (dans le TM) est sans doute en effet celui qui fonctionne le mieux pour une lecture moderne: dérision très efficace du pouvoir politique, administratif et domestique, de la pesanteur des lois, des règlements et des protocoles, sans cruauté à ce stade; même le féminisme s'y retrouve sans difficulté -- d'autant qu'Esther n'est pas opposée à Vashti comme à un contre-modèle, elle aussi va devoir transgresser des règles. Et dans la mesure où le roi dont la tout-puissance bascule dans l'impuissance s'identifie plus ou moins au dieu (surtout dans le TM encore, où le dieu est passé sous silence), la satire politique se fait théologique: on devine un dieu certes bien intentionné, mais paralysé dans un pouvoir trop grand, emberlificoté dans ses propres règles et les effets inattendus de ses décisions successives, auquel il faudrait plutôt venir en aide en jouant, en rusant, voire en trichant à son insu dans un monde dont le détail aléatoire, et pourtant décisif, lui échappe. Dans la prise de distance à la divinité monothéiste, c'est encore une autre posture que celles de Job ou de Qohéleth, mais non moins intéressante, même si c'est sur le ton de la farce (et de la farce cruelle, contrairement à Jonas p. ex. qui présenterait d'autres analogies, mais quasiment symétriques puisque Yahvé lui-même renonce au châtiment, direct ou indirect, décidant de se contredire là où un empereur ne le pourrait pas).
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 09 Nov 2022, 16:04

De Daniel à Esther

Trois éléments essentiels – le refus de l’assimilation, le renforcement de la pratique et l’acceptation de l’autorité des sages – sont particulièrement développés dans le livre de Daniel et dans celui d’Esther (la megilat), tellement décisifs dans la mémoire juive.

Au premier chapitre de Daniel, il est question de la nourriture du palais que les princes judéens refusèrent de manger car elle n’était pas conforme aux lois alimentaires juives (la kashrut). Selon les commentaires traditionnels, ce refus de consommer les mets fournis par le roi babylonien dépassait les règles fondamentales de la kashrut telles que celles concernant l’abattage rituel. Le Talmud affirme que Daniel est à l’origine de l’interdiction de manger certains aliments préparés par des idolâtres pour empêcher l’assimilation. De même l’institution de la prière, si fondamentale dans la vie en diaspora, trouve-t-elle son origine dans les prières auxquelles, malgré les interdits royaux, Daniel ne veut pas déroger.

Le refus de l’assimilation et le renforcement de la pratique apparaissent dans la megilat d’Esther, mais de manière moins évidente. Si Haman fustige les Juifs auprès d’Assuérus pour leur différence avec les autres peuples, la question n’est pas évoquée par les intéressés eux-mêmes et seuls les midrashim font le lien entre les événements relatés dans la megilat et l’observance des commandements. Ainsi, au sujet du festin où le roi convia l’ensemble de la population de Suse, le midrash nous dit que c’est à la suite de la participation des Juifs à ce banquet, non conforme aux lois de la kashrut, que fut scellé dans le Ciel le décret d’extermination qu’allait fomenter Haman peu après. À propos de l’épisode où Mardochée refuse de se prosterner devant Haman, le midrash donne comme une raison avancée par l’oncle d’Esther le fait qu’une image de statue était cousue sur les vêtements du ministre. Enfin, la question du mariage « mixte » d’Esther avec le roi n’est évoquée que par le Talmud. Le texte insiste d’ailleurs sur la question de l’adultère – Esther étant mariée – plus que sur le fait qu’il puisse s’agir d’un mariage mixte.

Si l’on compare les deux livres, celui de Daniel et celui d’Esther, il est clair que le rôle de Daniel, au début de l’exil, paraît plus déterminant pour renforcer le refus de l’assimilation. Mardochée et Esther, dont l’action se situe plus tardivement, à une époque où le judaïsme était finalement bien établi, eurent surtout pour mission de sauver le peuple juif du projet de Haman, même si les agadot relient naturellement la mission politique et la mission spirituelle de Mardochée. En outre, ce dernier avait aussi pour objectif de rassembler les Juifs sous l’autorité des Sages. L’histoire de Pourim inaugure en effet la période des ’hakhamim (les Sages), qui verra le peuple se soumettre directement à leur influence, alors que Daniel appartient encore à celle des prophètes, dont l’influence était rarement ressentie par l’ensemble du « peuple ». La référence à cette autorité des sages est explicite dans le livre d’Esther : « Les Juifs reconnurent et acceptèrent […] l’obligation immuable de fêter ces deux jours. »

Ainsi put se conserver intacte l’attente du retour, qui devint possible avec l’avènement de Cyrus, en 539 : son célèbre édit, rapporté au début du livre d’Ezra, permit aux Juifs de regagner la terre d’Israël. D’après le texte, cinquante mille Juifs entreprirent de retourner sur la terre de leurs ancêtres, ce qui laisse les historiens penser que la majorité resta installée à Babylone.

https://journals.openedition.org/labyrinthe/2853#tocfrom1n2
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 09 Nov 2022, 17:01

Bien entendu, les textes rabbiniques (Talmud, midrash, etc.) marquent un point de vue (post-)pharisien sur les textes "bibliques", qu'ils reçoivent comme "canoniques" précisément de ce point de vue. Dans le judaïsme du Second Temple, celui qui a produit les textes "bibliques" à défaut de les canoniser, les points de vue étaient beaucoup plus variés, non seulement sur des "questions de principe" comme "particularisme ou universalisme", mais sur ce qui constituait, le cas échéant, l'"essence" d'un "judaïsme". A ce titre la première partie (le "roman") de Daniel peut paraître annoncer le pharisaïsme (règles d'alimentation, de prière, etc., en diaspora), mais c'est beaucoup moins évident de Joseph (dont le ministère bénéficie autant aux Egyptiens, y compris aux prêtres auxquels il s'associe sans réserve, qu'à sa famille-nation) et d'Esther (même si le bénéfice est surtout communautaire, il est peu "religieux", du moins dans le TM, et il débouche sur l'idée d'un empire globalement paisible et prospère, pour l'intérêt général). Réciproquement, on peut se demander si le particularisme ethnique, culturel, etc., est au service d'une conception vraiment différente de la religion et de la divinité ou si ce n'est pas plutôt le contraire, l'originalité religieuse et théologique qui s'invente au fur et à mesure pour justifier tant bien que mal un souci de distinction ou une crainte de l'"assimilation"... la "causalité" n'est sûrement pas à sens unique.

Dans Esther en tout cas il n'y a aucune réticence à l'égard de la culture et de la politique perses, par rapport auxquelles l'intrigue reste archi-"provinciale" et périphérique, du moins dans la version massorétique: le Judéen ou le Benjaminite contre l'Agaguite ou l'Amalécite, tout cela paraît bien loin de Suse ou d'Ecbatane qui en sont pourtant le décor. Si les achéménides ont pu se montrer très souples et tolérants dans la gestion des provinces, ce qui a rendu l'administration perse plus durable que d'autres, ils n'auraient guère abandonné la conduite de l'empire ou de la métropole à des non-Perses (ce qui serait le cas autant d'Haman que de Mardochée, même en grec où il est macédonien).

Dans mon post précédent (sur la satire du pouvoir politique comme critique théologique), je n'ai pas assez souligné que la caricature de l'administration perse fonctionne comme une formidable critique du principe même de la loi, écrite et présumée irrévocable autant qu'indélébile, qui oblige à une inflation législative constante: si on ne peut pas abroger les lois, on se condamne à multiplier les lois contradictoires, c'est toute l'intrigue d'Esther, et cette critique porte aussi, fatalement, sur la Torah du Second Temple et sur ses développements continus qui aboutiront entre autres, mais de façon historiquement déterminante, au pharisaïsme. Une fois qu'on a écrit, fixé, canonisé ou sacralisé "la loi", il faut ruser avec "la loi": c'est toute l'histoire du judaïsme, du Second Temple au rabbinisme. L'hébreu tardif d'Esther évite le mot torah en le remplaçant notamment par dath (1,8.13.15.19; 2,8.12; 3,8.14s; 4,3.8.11.16; 8,13s.17; 9,1.13s), emprunt au perse qui se retrouve surtout dans les sections araméennes d'Esdras-Néhémie et de Daniel, mais la Torah juive, la fixation de sa lettre et l'ouverture infinie de son interprétation, n'en sont pas moins atteintes. -- Par coïncidence, je lisais hier dans l'introduction au Politique, par L. Brisson et J.F. Pradeau (Flammarion, 2003), que chez Platon aussi les "lois" ne sont qu'un pis-aller, par rapport à la monarchie ou à l'aristocratie idéales, vivantes et intelligentes (autrement dit "philosophes") qui sauraient pour ainsi dire "en temps réel" quoi ordonner, et donc quand, comment et pourquoi se contredire si besoin est... certes, la loi pallie l'absence d'un bon souverain ou limite les nuisances d'un mauvais, mais elle entrave aussi l'action d'un bon souverain le cas échéant -- c'est bien sûr également l'argument de tous les tyrans et les démagogues, débarrassez-moi de cette loi qui m'empêche de vous faire tout le bien que je voudrais et pourrais.

---

Le livre d'Esther illustre aussi remarquablement le thème de la "grâce", dont nous parlions encore récemment ici (8.11.2022), entre esthétique et affectivité, "charme" et "séduction" y compris sexuels, et la "faveur" accordée hors loi ou contre la loi, voire retournant la loi même contre la loi...
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 16 Nov 2022, 14:32

Écrire l’histoire judéenne aux périodes perse et grecque : un défi identitaire

Si de tels parallèles sont utiles pour mieux appréhender l’historiographie judéenne tardive, reste à se demander quelle connaissance les habitants d’une province obscure et éloignée pouvaient avoir de cette historiographie. Il est indéniable surtout qu’un grand nombre de récits judéens tardifs ont pris pour cadre narratif la fin de Babylone et l’avènement de l’empire perse, à commencer par les récits légendaires qui constituent la première partie du livre de Daniel (Dn 1 à 6), et des livres entiers comme Judith, Esther et Tobie. Comparés cependant aux récits des historiens grecs contemporains – grands géographes et voyageurs comme Hécatée de Milet et Hérodote, qui manifestent une connaissance souvent directe de cet empire, les livres de Daniel, Judith et Esther posent de sérieux problèmes quant à une connaissance des réalités qu’ils décrivent : à côté de traits qui sonnent justes se trouvent d’invraisemblables anachronismes. En voici quelques exemples. Si le livre de Daniel contient des détails authentiques sur les derniers jours de Babylone, il n’en confond pas moins le roi Nabuchodonosor avec Nabonide et crée de toute pièce un « Darius le Mède », vainqueur de Babylone ! De semblable manière, le livre d’Esther décrit avec un certain réalisme le cérémonial complexe de la cour perse, avec ses banquets fastueux, son harem que gardent sept eunuques, son administration procédurière, et ses annales. Pour autant, il ne craint pas certaines distorsions dans la chronologie ; ainsi, selon Est 2, 5-6, Mardochée est déporté à Babylone en 597, mais il ne sera nommé vizir du roi perse qu’à la douzième année de son règne, soit 473 – c’est-à-dire cent vingt-quatre années plus tard ! Ce qui revient à faire de sa cousine Esther (2, 7) sa cadette d’une centaine d’années, et du roi perse Ahašwerôš le successeur du roi babylonien Nabuchodonosor … Un peu comme si on établissait un lien direct entre Louis XV et Léon Gambetta ! Que dire enfin de l’introduction du livre de Judith : « C’était la douzième année du règne de Nabuchodonosor, qui régna sur les Assyriens à Ninive, la grande ville, aux jours d’Arphaxad, qui régna sur les Mèdes à Ecbatane » (1, 1) ? C’est un peu comme si nous écrivions : « C’était la douzième année du gouvernement du général De Gaulle, qui gouverna sur les Turcs à Istanbul, la grande ville, aux jours d’Obama, qui gouverna sur les Aztèques à Mexico ». Il n’y a là que tissu d’anachronismes, jouant sur l’exotisme d’un temps depuis longtemps oublié. Et nous verrons bientôt que la mémoire des faits fait autant défaut en Chroniques qu’en Esdras-Néhémie.

Comment expliquer de tels écarts entre données historiques et mise en écriture ? Sans doute par l’écart important entre la mise en écriture (fin IIIe - début IIe siècle av. J.-C.) et le cadre posé pour les événements mis en scène (sensément les VIe - Ve siècles av. J.-C.) dans le cas d’Esther et de Daniel. Dès lors, la connaissance reste médiane, largement tributaire de sources en partie romanesques. Cela joue également pour le livre des Chroniques qui réécrit l’époque royale dans le contexte éloigné des débuts de l’époque grecque en fonction d’objectifs précis, une histoire du temple et des lévites chantres. Mais est-ce bien le cas pour ceux d’Esdras et Néhémie où seul un siècle au plus sépare l’événement de sa mise en écriture ? La réponse est plus complexe ici, et témoigne moins peut-être d’un oubli de l’histoire que du souci identitaire qui commande ces livres, construire la communauté judéenne selon des règles de stricte séparation.

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2015-1-page-69.htm


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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeMer 16 Nov 2022, 15:18

Sur cet article d'Abadie, cf. ici 7.3.2022; et sur les incohérences chronologiques d'Esther, supra 7.11.2022.

Pour être tout à fait rigoureux dans la "critique", il faudrait préciser que les deux objections relatives à la chronologie interne d'Esther sont plutôt alternatives qu'additionnables: SI l'on se réfère à la chronologie "réelle", ou tenue pour telle par l'historiographie moderne, il y aurait effectivement plus d'un siècle entre la déportation de Mardochée (selon la lecture la plus naturelle de 2,6ss) et l'action du livre, sous Xerxès ou Artaxerxès (LXX) -- mais si l'on tient Xerxès pour le successeur immédiat ou proche de Nabuchodonosor, dans la chronologie imaginaire du livre (tout comme Daniel fait de son Darius-le-Mède, visiblement inspiré de Darius Ier, le successeur immédiat de son Belshazzar-Balthazar), alors le décalage de plus d'un siècle n'existe tout simplement pas, et il en est sans doute ainsi dans la tête de l'auteur et des lecteurs-auditeurs...

D'une manière ou d'une autre on est évidemment dans une "histoire imaginaire", ce qui n'empêche pas qu'elle ait été très tôt et durablement prise "au sérieux", dans un sens "historique" -- cela me rappelle que j'ai moi-même visité un "mausolée d'Esther et Mardochée" à Hamedan = Ecbatane, dans l'ouest de l'Iran, toujours entretenu dans les années 1990 par ce qui restait de la communauté juive locale, qui avait été beaucoup plus importante auparavant, et encore toléré à l'époque par la République islamique...

Si éloignée que soit la rédaction du livre d'Esther de son cadre narratif, reste que l'administration perse, dans sa réalité impressionnante par son étendue et sa durée, même par comparaison aux empires hellénistiques qui l'ont remplacée après la conquête-éclair et la mort d'Alexandre, comme dans sa caricature facile (on peut penser à ce que l'administration impériale austro-hongroise a inspiré à Kafka), a suffisamment marqué l'imagination pour fournir un cadre idéal à une farce de la loi (écrite, indélébile, irrévocable) et de la grâce dans tous les sens du terme (gracioso signifie aussi "drôle" en espagnol), qui est également un jeu différé de l'écriture avec elle-même (ainsi quand la lecture des annales, donc d'une écriture antérieure, à la faveur d'une nuit d'insomnie, renverse le sort de Mardochée tel qu'il était fixé par un décret récent).
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeVen 18 Nov 2022, 16:26

Le droit impérial selon le livre d'Esther
Jean-Daniel Macchi

L’éviction de la reine Vashti (Esther 1 :13-22)

Le premier acte législatif décrit en Esther concerne l’éviction de la reine Vashti. Ce passage est particulièrement significatif dans la mesure où c’est celui qui indique, de la manière la plus détaillée, les procédures législatives supposées se dérouler dans l’empire. L’éviction de Vashti s’y déroule en trois étapes : le roi interroge ses conseillers (1 :13-15) avant que l’un d’entre eux ne prononce un discours et propose une mesure législative (1 :16-20) qui sera acceptée par le roi et appliquée (1 :21-22).

En dépit de la colère que provoque l’humiliation publique que constitue, pour le roi, le refus de la reine de se rendre à son invitation au banquet, la sanction de Vashti n’est pas immédiatement prononcée. Pour expliquer cette procédure, le texte précise que le roi doit consulter un collège de spécialistes du droit avant de prendre une décision : Est. 1 :13b « car il en était ainsi, une affaire du roi était traitée devant tous ceux qui s’y connaissent en édit et en jugement ».

On pourrait penser que la consultation d’un collège de juristes aurait pu être perçue par les milieux producteurs du livre comme l’expression d’une forme de sagesse législative visant à éviter qu’une réaction royale intempestive ne conduise à une décision aux conséquences funestes. Or, il n’en est rien et la suite du passage montre, au contraire, que cette procédure débouche sur une décision à la fois absurde et ridicule.

L’argumentation développée dans le discours formulé par Memoukan aux versets 16-20 défend l’idée que le refus de Vashti d’obéir au roi risquerait de faire école et de provoquer une révolte générale des femmes de l’empire à l’égard de leurs époux. La solution proposée consiste alors à proclamer un édit annonçant l’éviction de la reine Vashti, dans l’espoir que : Est 1 :20b « toutes les femmes donneront de la valeur à leurs maris du grand jusqu’au petit ».

Même si à première vue, le discours de Memoukan peut sembler cohérent, une série d’indices trahit une certaine ironie et témoigne du regard négatif que posent les auteurs de l’œuvre sur la procédure juridique engagée. Tout d’abord, on peut noter que la procédure se déroule à l’issue d’un banquet dont le caractère particulièrement aviné est lourdement souligné par le récit qui, aux versets 7 à 8, indique qu’on pouvait y boire sans limite. Ceux qui, selon le verset 13b, sont sensés s’y connaître en édits et en jugements sortent en fait d’un banquet aviné de 7 jours. Or, déjà dans l’Antiquité, on savait que l’usage immodéré du vin n’était pas sans danger et pouvait conduire à des discours irréalistes et disproportionnés ainsi qu’à des décisions peu adéquates. De fait, c’est le cas ici. Il a depuis longtemps été observé que l’argumentation de Memoukan tend à exagérer largement le risque encouru par l’empire lorsqu’il affirme que « l’affaire de la reine sortira vers toutes les femmes pour les faire mépriser leurs maris » (Est 1,17a). Un tel raisonnement est manifestement biaisé puisqu’il repose sur le postulat irréaliste selon lequel l’attitude humiliante d’une femme dans une situation particulière – la reine au terme d’un banquet aviné – pourrait se généraliser à toutes les femmes si elle venait à être connue. Or, cela présupposerait que toutes les femmes de l’immense empire en seraient informées et qu’elles formeraient un groupe suffisamment homogène pour que la révolte d’une seule d’entre elles les conduise toutes à bouleverser leurs relations matrimoniales et familiales. Dès lors, ce motif de la crainte d’une rébellion féminine paraît clairement burlesque. En outre, la solution prônée est à la mesure d’une menace plus imaginaire que réelle puisqu’il y est simplement question de sauver l’honneur masculin en faisant publicité, par édit, du remplacement de la reine par une autre sensée être meilleure qu’elle. Quoi qu’il en soit, on comprend que le but principal de l’édit proposé par Memoukan est de contrôler un groupe social, en l’occurrence celui des femmes, jugé menaçant pour des raisons pour le moins exagérées.

De surcroît, la façon dont la proposition de Memoukan est formulée dans le texte massorétique du livre d’Esther ironise sur les motivations de ce conseiller. Selon le verset 14, Memoukan fait partie du groupe des sept « dirigeants de Perse et de Médie » (figure im6). Or, au verset 18, la conclusion de sa présentation de la menace que fait peser l’attitude de Vashti montre bien que ce qui est d’abord redouté, c’est que le jour même les « dirigeantes de Perse et de Médie » (figure im7), c’est-à-dire les épouses des « dirigeants », fassent état de l’attitude de la reine et se mettent à mépriser leurs époux. Memoukan, par sa proposition d’une solution prétendument globale à la question des femmes, cherche donc plus à protéger son honneur et ses propres intérêts, que ceux de l’empire et du roi.

Finalement, les conséquences mêmes de l’édit d’éviction de Vashti, décrites par la suite du récit, témoignent du fait que l’acte législatif qui se déroule au sein de l’empire lors du rejet de Vashti n’a pas lieu d’être pris au sérieux. Au chapitre 2, dans un épisode rendu nécessaire par le décret irrévocable prononcé en 1 :19, on apprend que le roi, désormais privé d’épouse, ne fait rien moins que s’approprier toutes les belles jeunes vierges du royaume (2 :3) pour choisir une nouvelle reine à la suite d’un concours de beauté aussi colossal que délirant.

En dépit de l’apparence très formelle et sérieuse de la procédure législative royale perse et des importants moyens qu’elle oblige à déployer, le texte massorétique d’Esther ironise sur le fait qu’elle ne garantit pas des résultats à la hauteur. Le roi ne fait qu’approuver une proposition d’un conseiller ivre qui cherche à se prémunir d’une atteinte fantasmée à son honneur. Le roi constitue essentiellement l’instance de validation d’un édit inspiré par un tiers qui, de plus, cherche à protéger ses propres intérêts.

https://www.cairn.info/revue-transversalites-2015-1-page-83.htm
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeVen 18 Nov 2022, 17:42

C'est très bien vu.

J'ajouterais seulement que l'intention d'une "farce perse" (jeu de mots anachronique et multilingue, puisque "perse" se dit "fars, farsi", etc.) dans le judaïsme de l'époque hellénistique est ambiguë: elle peut, certes, viser les royaumes lagide (Egypte) et/ou séleucide (Syrie) comme reproduisant les travers attribués à l'empire perse, de façon d'autant plus ridicule qu'ils n'en ont plus la grandeur. Mais elle peut aussi bien caricaturer le repli des factions anti-hellénistiques de Judée sur une "loi" (torah = dath) qui est un pur produit de l'administration perse (Esdras prêtre et haut-fonctionnaire d'Artaxerxès -- Ier ou II, autre question épineuse, cf. Esdras 7) et qui en partage tous les défauts (irrévocable et contradictoire), ce qui peut paraître encore plus grotesque à ceux qui un minimum de sympathie pour la culture grecque, en Judée comme dans la diaspora. Le fait que, contrairement à Daniel, le livre d'Esther (tout au moins selon le TM) ne comporte aucune marque de particularisme religieux "juif" (sinon dans le point de vue outré de l'adversaire, Haman), devrait inciter à prendre en considération cet aspect de la question, qui expliquerait aussi les réticences ultérieures du pharisaïsme à l'égard du livre: ce n'est pas seulement qu'il n'évoque ni "dieu", ni "prière", ni "piété", c'est que le salut de l'ethnos dans une société multicultu(r)elle n'y passe pas du tout par une différenciation religieuse, rituelle, confessionnelle, etc., mais plutôt par son aptitude à jouer incognito le jeu général.
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 26 Jan 2023, 15:17

Citation :
On pourrait du reste trouver beaucoup d'exemples bibliques de cette transmutation ou modulation infinie des "passions" (émotions, sentiments, etc.) passant les unes dans les autres: c'est la tristesse (le chagrin, la peine, le malheur, les larmes, le deuil et ainsi de suite) qui se change en joie (allégresse, cris de joie) -- et inversement, bien sûr... Cf. p. ex. Jérémie 31,13; Amos 8,10; Psaume 30,11; Job 30,31 (illustration musicale); Lamentations 5,15; Esther 9,22; Jean 16,20; Jacques 4,9.

https://etrechretien.1fr1.net/t834p50-le-bonheur-la-souffrance-et-le-christianisme


Si le petit rouleau du Livre d’Esther présente bien des ressemblances et rapprochements avec le grand rouleau, celui de la Thora, même si l’iconographie est interdite dans le judaïsme, le fait que le texte soit calligraphié sur un parchemin autonome et que le nom de Dieu se caractérise par son non-présence, cette absence va permettre l’autorisation par les autorités rabbiniques de l’illustration. Ces écarts marquent le concept du « venahafo’h hou » (9, 1), « ce fut le contraire », littéralement « la chose fut mise sens dessus-dessous » donc le renversement. Le retournement de situation « des pleurs en joie », du jeûne en festin, « et du deuil en jour de fête » modifie la tonalité du texte, la victoire sur l’ennemi, sa pendaison sur le gibet qu’il avait lui-même préparé pour Mardochée, donnent lieu à une ambiance unique de haute frivolité. Tout Pourim va s’activer à mettre en relief ce retournement, dans une mise en scène carnavalesque et la tonalité est initiée par les rabbins. Le déguisement va être encouragé tandis que toutes les formes de facéties, de plaisanteries, d’humour, de pastiches, de parodies, d’autodérision, de burlesque sont privilégiées. Cette exubérance pourrait être rapprochée de Mardi-Gras, d’autant plus que la proximité calendaire, vers février, le permet, pourtant ce serait une erreur d’unir ces deux fêtes carnavalesques. Le carnaval chrétien puise ses sources dans les Saturnales et n’a pas toujours été apprécié par l’Église qui craignait des débordements, la gaieté y est permise parce qu’elle précède l’austérité, la privation du lugubre mercredi des Cendres et de la période du Carême. Dans le judaïsme, c’est l’inverse la fête fait suite au jeûne et vient en reconnaissance du miracle divin.


https://media.collegedesbernardins.fr/content/pdf/Recherche/5/recherche-2012-2013/2014_02_13_CR_Mystique.pdf
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MessageSujet: Re: Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu   Le Livre d'Esther - Violence des hommes - Absence de Dieu Icon_minitimeJeu 26 Jan 2023, 16:26

C'est en effet le même verbe hpk, dont on parlait dans l'autre fil (24.1.2023, notamment associé à la tradition de Sodome et Gomorrhe), pour le renversement ou retournement, en Esther 9,1 et 22 (au niphal dans les deux cas): d'abord de la situation ou du cours des événements en général, puis spécifiquement du deuil en joie (etc.).

Cet article me semble intéressant sur tout ce que j'ignore (notamment la réception juive et chrétienne du livre d'Esther au moyen-âge), mais il est probablement inégal (compte rendu d'un travail collectif): ainsi le "concile de Jamnia / Yavné" auquel il se réfère assez naïvement passe plutôt aujourd'hui (depuis le dernier quart du XXe siècle au moins) pour une sorte de résumé légendaire de la refondation phariséo-rabbinique du judaïsme, récapitulant en un événement collectif et solennel (concile) un processus long et diversifié qui s'étend en réalité sur des décennies et implique plusieurs foyers géographiques de la diaspora juive. Pour ma part, je doute notamment que la "carnavalisation" de Pourim soit tout à fait indépendante des pratiques similaires du christianisme "installé" (ou de la "chrétienté") et de leurs précédents gréco-romains, et plus encore qu'elle soit le moins du monde impliquée dans le livre "biblique" d'Esther (toutes éditions et versions confondues). L'histoire se prête à la farce, l'histoire de sa réception juive le confirme, mais rien dans le texte n'impose vraiment une interprétation burlesque (contrairement à Jonas p. ex.): là aussi il y a eu "retournement"...
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