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| Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme | |
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Auteur | Message |
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free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 13 Juin 2018, 12:30 | |
| - Citation :
- Ce n'est sûrement pas une recette de "bonheur", ce serait plutôt une violente charge contre un tel concept en ce qu'il a d'établi, d'assuré ou de durable. Mais que vaut un "bonheur" qui ne se laisserait jamais inquiéter par ce genre de remise en question ?
Remarque très pertinente ! L'auteur de l'évangile de Matthieu (consciemment ou inconsciemment) soupçonne l'inquiétude que peut générer l'enseignement de SON Jésus, puisque au chapitre 19, les disciples demandent : " Qui peut donc être sauvé ?" Jésus apporte une réponse très théorique mais qui ne semble pas régler la question : " Pour les humains, c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible."(19, 26) |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 13 Juin 2018, 12:59 | |
| Dans tout ce passage Matthieu dépend de Marc (10,17ss), et ses déplacements sont subtils (p. ex. transfert du "bon" de la personne de Jésus au "faire", ordre explicite de "garder les commandements", introduction du concept de "perfection" -- lié dans la Didachè à l'observance de la loi, etc.). Ici la modification est à peine sensible: "Pour les humains c'est impossible, mais non pour dieu; tout est possible pour dieu". La différence est minime, elle me paraît quand même (à la limite) pensable: en supprimant la répétition on écarte (un peu) l'idée d'un Dieu qui agirait sans les hommes ou tout à fait malgré eux (ce n'est certes pas ce que dit Paul, mais c'est ce qu'on en a souvent retenu). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 13 Juin 2018, 15:08 | |
| Car Dieu, il me semble, nous a exhibés, nous, les apôtres, à la dernière place, comme des condamnés à mort : nous avons été offerts en spectacle au monde, aux anges et aux humains." 1 Cor 4, 9
"Si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espérance dans le Christ, nous sommes les plus pitoyables de tous." 1 Cor 15, 19 (Une incitation a déserter la condition humaine ?)
"D'ailleurs, tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés." 2 Tm 3, 12 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 13 Juin 2018, 15:35 | |
| Rappelons -- nous l'avons souvent fait sur ce forum -- que dans la correspondance corinthienne (c'est encore plus net dans 2 Corinthiens, 1,3ss; 4,7ss; 5,13ss etc.) ce misérabilisme ostentatoire s'inscrit dans une économie qui est celle du "mystère" même du (corps du) Christ (Eglise incluse): "les apôtres" (au sens paulinien qui n'est justement pas celui des Douze) souffrent, sont humiliés, persécutés, meurent, etc., pour que les autres vivent, soient édifiés, élevés, exaltés, glorifiés, etc. La mort en nous, la vie en vous (2 Corinthiens 4,12), cela empêche en principe de telles formules de dériver vers le statut de "vérités générales du christianisme" (qui deviendraient franchement risibles une fois que le christianisme est "installé"). |
| | | free
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 13 Juin 2018, 16:00 | |
| Assumer la souffrance ou la désirer ?
La souffrance fait inévitablement partie de toute vie, et accepter de vivre intensément ne va pas sans accepter de souffrir. On peut tâcher d'éviter la souffrance en se calfeutrant, en refusant frileusement de s'engager, mais vivre vraiment c'est aimer, aimer c'est risquer, risquer c'est oser. Toute affection comporte en même temps bonheur et provision de souffrances: celles des menues exigences du quotidien d'abord, celles aussi des malheurs fréquents à partager, celle de l'ultime séparation dans la mort.
Vivre vraiment, c'est donc d'une part être épanoui, libre intérieurement, heureux au plus intime de l'être; c'est aussi être éprouvé.
Vivre vraiment, c'est s'engager joyeusement dans l'inconnu: être disponible pour les ressources de vitalité qu'on puisera à pleines mains dans le trésor des affections et de la joie de vivre; être disponible aussi pour assumer les difficultés et prendre sur ses épaules le lot de souffrances que l'on ne peut jauger au départ: elles seront toujours de l'inattendu comme les joies éternelles.
Éliminer toute souffrance ne se peut qu'en éliminant toute vie. Il n'est évidemment pas question ici de nier que la souffrance soit un mal, mais de constater que supprimer toute souffrance n'est possible qu'au détriment de la qualité de vie et de redire que la souffrance assumée peut, humainement et pas seulement religieusement, être bénéfique. (...) Dans le contexte actuel, la prédication chrétienne évite trop souvent de parler de la croix, des exigences de l'amour divin à partager. Qu'on le veuille ou non, l'existence quotidienne est faite de souffrances qu'il ne sera jamais possible d'ignorer ou d'extirper entièrement. Qu'on le veuille ou non, aimer sera toujours s'exposer. Aimer Dieu n'est pas un chemin d'évitement de la souffrance, mais un consentement confiant aux exigences d'une vie donnée. https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1991_num_22_2_2499 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 13 Juin 2018, 16:40 | |
| Les risques d'hypocrisie du christianisme en la matière sont tellement nombreux qu'on voit mal comment il pourrait les éviter tous: il y a la tartufferie d'un discours glorifiant la souffrance alors qu'on souffre soi-même relativement peu et qu'on n'a nulle intention de souffrir davantage; la lâcheté d'un encouragement à la souffrance qui se renie lui-même dès qu'il est pris au sérieux par quelqu'un qui, de fait, la choisit; la mauvaise foi partisane qui dénie à la souffrance des autres les mérites qu'elle attribue à la sienne, réelle ou imaginaire; à l'opposé, la compassion et la solidarité de posture qui ne coûtent rien... il semblerait plus digne de ne pas en parler du tout si la souffrance elle-même ne s'exprimait, par le cri ou par le silence ostensible, avant toute modulation discursive ou réflexive. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Jeu 14 Juin 2018, 10:40 | |
| - Citation :
- Il y a une chose qui m'amuse toujours beaucoup, c'est ce que j'appellerais "l'argument bonheur".
Pas spécialement chez les TdJ d'ailleurs, il est à la mode pratiquement partout. Mormon, catho, évangélique, tout ce qu'on voudra, il faut avoir l'air "bien dans sa peau" (et de préférence l'être, pourquoi pas?) pour montrer qu'on a raison. Même les ex- (TdJ, etc.) n'y échappent pas: il leur faut montrer qu'ils sont plus heureux qu'avant comme si ça prouvait quelque chose. Avec, chez les tenants d'une "vérité" quelconque, la thèse limite, ab absurdo: "même si c'était faux (à Dieu ne plaise!) ça aurait valu la peine". Narkissos, Je partage ton analyse et notamment cette partie de ta réponse : "il y a la tartufferie d'un discours glorifiant la souffrance alors qu'on souffre soi-même relativement peu et qu'on n'a nulle intention de souffrir davantage". Loin de fournir une "recette" du bonheur, certains livres du NT, insistent sur l'idée que le croyant doit participer aux souffrances du Christ ("réjouissez-vous d'avoir part aux souffrances du Christ" 1 Pi 4, 13), ainsi la souffre serait inévitable, souhaitable et bénéfique, pour participer à "la révélation de sa gloire". Concernant le fait d'être "bien dans sa peau", je ne doute pas que des croyants soient épanouis, mais de ma période TdJ, je retiens un texte marquant celui de 1 Cor 9, 27 (TOB) : " Mais je traite durement mon corps et le tiens assujetti, de peur qu’après avoir proclamé le message aux autres, je ne sois moi-même éliminé." La TMN, emploie l'expression, " mais mon corps, je le bourre de coups", ce qui laisse supposer que le croyant doit lutter contre soi, contre ses désirs, ses penchants, ses passions et contre ce qu'il est ou croit être intrinsèquement. Cela nécessite de traiter durement son corps et d'être en conflit et en guerre avec soi-même. Je ne nie pas qu'une certaine disciple ne soit inutile mais ce conflit intérieur ne me semble pas être un gage d'épanouissement. Enfin et pour revenir à 1 Pi 4, je trouve que certaines parties du NT, cherchent à terroriser le croyant et même le croyant qui s'efforce de s'améliorer et de participer aux souffrances du Christ, en rappelant que " le juste n'est sauvé que difficilement" (4, 18). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Jeu 14 Juin 2018, 11:35 | |
| Je remarquerais tout d'abord que l'expression de 1 Corinthiens 9,27 est plutôt l'exception que la règle dans le langage paulinien: l'image populaire de l'ascétisme comme "combat spirituel", lutte active et même violente (contre "soi", le "corps", la "chair", le "péché", le "monde", le "diable" etc.), revient quelquefois mais beaucoup moins que le concept opposé de la souffrance passion, passive par définition en grec ( paskhô, pathos etc.) comme en latin (ce qui ne s'entend plus guère en français moderne: ce n'est que dans une langue "soutenue" que "souffrir" signifie encore "subir"; quant à la "passion", comme on l'a vu, elle a subi[!] un complet retournement de sens, au point de s'opposer diamétralement à la souffrance, au subir ou au pâtir). Dans la théologie paulinienne, du reste, le thème du "mourir" l'emporte largement sur le "souffrir", et le motif dominant de la crucifixion finit de lui enlever tout aspect actif ou volontariste: quand on le voudrait on ne pourrait pas se crucifier tout seul, on a besoin des autres pour ça. Ce n'est pas le moindre problème moral du christianisme, jusque dans son mythe central, comme l'a remarquablement bien vu Kierkegaard (p. ex. Du droit de mourir pour la vérité): il y a du "suicide" dans la mort "volontaire" du Christ ou du martyr, mais il y a la modalité d'un suicide qui instrumentalise la volonté des autres (comme dans le suicide by cops) et les rend coupables. Pour Kierkegaard l'"immoralité" de la chose était le signe d'un dépassement (relève, Aufhebung: geste hegelien de son anti-hegelisme) du stade "éthique" vers le stade "religieux", mais toujours susceptible d'interprétation inverse (d'où le "doute religieux" qui saisit le candidat au martyre: n'est-il pas au-dessous de l'éthique quand il veut ou croit être au-dessus ?). Je retrouve chez Nietzsche, une quarantaine d'années plus tard ( Fragments posthumes 1886, 5[71] 12°), quelque chose de très semblable dans la perspective radicalement opposée de la "volonté de puissance": - Citation :
- Le nihilisme comme symptôme de ce que les ratés n'ont plus de consolation: de ce qu'ils détruisent pour être détruits, de ce que, détachés de la morale, ils n'ont plus de raison de "se sacrifier" -- de ce qu'ils se placent sur le terrain du principe contraire et veulent aussi de leur côté la puissance, en obligeant les puissants à être leurs bourreaux. C'est la forme européenne du bouddhisme, le faire-négatif, une fois que toute existence a perdu son sens.
Cf. ici (article évoqué plus haut, mais sans lien) et là (sur 1 Pierre 4, justement). N.B.: 1 Pierre 4,18 cite la Septante de Proverbes 11,31, dont le texte hébreu massorétique (manifestement corrompu) ne parle ni de "salut", ni de "difficulté", mais de rétribution "immanente": si le juste est récompensé sur la terre... on a proposé de lire "dans la détresse" au lieu de "sur la terre" (permutation de lettres), ce qui pourrait expliquer en partie la Septante, mais ce n'est qu'une conjecture. Derrière tout cela, il y a encore et toujours la question de savoir si la dramatisation (théâtralisation, mythisation, élévation à la puissance supérieure ou mise en abyme, jeu de miroirs en tout cas) de la "vie" et de la "mort" individuelles, et simultanément du "bien" et du "mal", en "salut" et en "perdition" depuis plus de deux millénaires est un "bien" ou un "mal", un "remède" ou un "poison"; question idiote, bien sûr, du moins sous cette forme alternative: elle est l'un et l'autre, elle n'est pas l'un sans être l'autre... et quel que soit à son endroit notre jugement ou notre absence de jugement, elle fait partie de notre histoire, donc de "nous". |
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Jeu 14 Juin 2018, 13:03 | |
| - Citation :
- Je remarquerais tout d'abord que l'expression de 1 Corinthiens 9,27 est plutôt l'exception que la règle dans le langage paulinien:
Paradoxalement, les mouvements religieux qui revendiquent "l'argument bonheur" (les fidèles sont plus heureux qu'avant), utilisent d'une manière abusive ce texte ou d'autres similaires, qui peuvent facilement créer des conflits intérieur, le sentiment d'indignité et la culpabilité (on ne bourre pas assez son corps de coups). Par exemple, ces mouvements peuvent citer Ga 5, 24 : " Mais ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs." et en faire une mauvaise application, demandant à leurs adeptes de renoncer à leurs corps et à leur humanité, donc à ne plus être eux-mêmes, ce qui peut être une source de souffrance. En rapport avec Ga 5, 24 : " Pour Paul, on l’a dit, la chair est prisonnière de la puissance asservissante de négativité et de mort du péché. À l’inverse, le temps de l’Esprit est celui de la révélation de la foi au Christ qui libère de cette négativité mortifère. Ce qui importe ici, c’est le constat que l’opposition chair/esprit n’est pas l’opposition corps/esprit, c’est-à-dire ce qui relèverait d’une foi désincarnée et du refus de la vivre dans la concrétude du corps. C’est plus fondamentalement l’idée qu’il y a deux façons de construire son existence terrestre : selon la chair, c’est-à-dire selon la logique de la négativité du péché, ou selon l’esprit, c’est-à-dire selon la puissance de vie qui a ressuscité le Christ d’entre les morts. La « sainteté » de vie n’est donc pas une fuite hors du monde mais une manière différente d’habiter le monde, une présence corporelle au monde différente. Ce que souligne le v. 24 : ceux qui sont au Christ ont « crucifié la chair avec ses passions et ses désirs ». Non pas qu’ils se sont mortifiés, mais que l’Esprit a, par la Croix du Christ, pris le pouvoir sur le corps et l’a en quelque sorte libéré de la chair, comprise ici — à la différence du texte de 1 Co 6,12-20, comme puissance asservissante de négativité." https://journals.openedition.org/cerri/1255#tocto2n5 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Jeu 14 Juin 2018, 14:56 | |
| [Parenthèse et aparté: lire ce genre de chose (d'exégètes du NT qui sont tout sauf des imbéciles) me passe tout(e tentation de) regret de ne m'être pas intégré davantage dans ce "milieu"; je n'y aurais pas fait mieux, c'est la situation même de la "discipline" qui fait qu'il ne peut guère en sortir autre chose: "universitaire", certes, mais lorgnant sur un public de sacristie, aussi "éclairé" qu'on voudra. Condamné(e) donc à un métalangage apologétique, obligé(e) de justifier les textes au regard de la "raison" la plus plate et d'une psychologie ou d'une sociologie de bazar. Si la mode est à la "pensée positive" et à la "valorisation du corps", il suffit de rebaptiser "négativité" la "chair" paulinienne pour que Paul redevienne un mec fréquentable -- et ses exégètes par la même occasion. Si l'AT s'en sort mieux, comme je le suggérais précédemment, c'est parce que ses exégètes sont minoritairement juifs, encore plus rarement religieux et orthodoxes, et que le judaïsme même a un rapport infiniment plus complexe et distancié au texte "biblique" -- au moins autant, à sa manière, que celui du christianisme à son Ancien Testament; le NT n'a pas cette chance, il faut toujours au christianisme que son "Christ" et ses "apôtres" aient raison, ici et maintenant, si minable que soit la raison du lieu et du moment.]
A propos de Galates, observer la danse des sujets et des objets autour (du totem, du fétiche ?) de la "crucifixion" -- qui crucifie qu(o)i ? en 5,24 "ceux qui sont en Christ" crucifient "la chair" (cf. Romains 6,6), en 2,19 c'est "moi" qui suis crucifié avec le Christ; en 6,14 la crucifixion est réciproque, "le monde à moi" et "moi au monde"...
Admettre une dimension "sado-masochiste" (avant la lettre de Sade et de Sacher-Masoch qui pour lui avoir donné malgré eux un nom composé n'ont pas inventé la chose) du christianisme sans pour autant se poser en détracteur ni en réformateur, voilà bien ce qui paraît difficile. A part les mystiques qui l'ont vécue sans en soupçonner la "pathologie", il n'y a pas eu grand monde -- Kierkegaard, Dostoïevski peut-être -- pour la comprendre et l'assumer "comme telle". |
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Ven 15 Juin 2018, 10:06 | |
| - Citation :
- Admettre une dimension "sado-masochiste" (avant la lettre de Sade et de Sacher-Masoch qui pour lui avoir donné malgré eux un nom composé n'ont pas inventé la chose) du christianisme sans pour autant se poser en détracteur ni en réformateur, voilà bien ce qui paraît difficile. A part les mystiques qui l'ont vécue sans en soupçonner la "pathologie", il n'y a pas eu grand monde -- Kierkegaard, Dostoïevski peut-être -- pour la comprendre et l'assumer "comme telle".
La jeune Jacintha (maintenant sainte Jacintha) surpassait les autres enfants dans la recherche de sacrifices et souffrances volontaires, jusqu’à ce que Notre-Dame lui apparaisse et lui enseigne plus de modération.Un psychiatre verrait du masochisme dans un tel désir de souffrance. Mais le masochisme est l’amour de la souffrance pour soi même, alors que la souffrance recherchée par les saints est motivée par l’amour, par le désir de s’unir au Christ dans sa souffrance rédemptrice qui apporte les grâces de la conversion aux pécheurs et de la persévérance aux faibles.Saint Paul voyait non seulement sa prédication mais également ses souffrances comme une contribution essentielle à la construction du Corps Mystique du Christ : "je me réjouis dans les souffrances pour votre salut et complète dans ma chair ce qui manque aux souffrance du Christ pour le salut de son Corps qui est l’Eglise" (col 1 ;24).Sainte Faustine nous relate cette révélation stupéfiante qui lui fut faite par Jésus : "si les anges étaient capables de jalousie, ils nous envieraient pour deux choses : l’une est recevoir la Sainte Communion, l’autre la possibilité de souffrir." La bienheureuse Dina Belanger disait également que si les anges pouvaient désirer quelque chose, ce serait de souffrir.La seule explication de cette jalousie des anges, c’est le pouvoir insurpassable de l’amour, qui conduit les anges comme les humains à vouloir partager les souffrances de ceux qu’ils aiment. Jésus lui-même en offre le parfait exemple. Il soupire : "j’ai un baptême à recevoir et il me tarde que cela s’accomplisse" (Lc 12 ;50). Jésus anticipe, et il est même impatient de subir ce baptême du sang pour le salut de l’humanité.https://www.france-catholique.fr/Le-catholicisme-et-la-souffrance.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Ven 15 Juin 2018, 11:15 | |
| Dans La pesanteur et la grâce, que nous avons déjà deux fois cité plus haut, Simone Weil dit aussi (chap. 16, p. 83) que sans l'incarnation l'homme serait supérieur à Dieu, par la souffrance précisément. On aurait pu croire (naïvement) qu'avec Nietzsche et Freud (entre autres) la croyance naïve aux déclarations et aux dénégations d' intention deviendrait vite impossible, et pas seulement chez les psychanalystes ou les philosophes. Force est de constater qu'il n'en est rien: ce n'est pas seulement dans des enclaves intellectuelles comme celles d'un catholicisme traditionaliste que l'ignorance de "l'inconscient" (pléonasme) subsiste, mais quasiment partout: politique, droit, justice, économie, tout cela continue de fonctionner comme si "l'inconscient" n'existait pas, comme si les "intentions" de tout le monde étaient simples, claires et univoques, susceptibles seulement d'être cachées ou révélées. De plus en plus de gens sont sans doute "conscients" de l'illusion, mais elle n'en est pas moins opérante parce que nécessaire, parce que sans elle tout le "système" paraît voué à s'effondrer: quelle politique, quel droit, quelle justice, quelle économie si l'on devait partir du principe que personne ne sait vraiment ce qu'il veut -- si assuré que paraisse ce principe ? Tout ce qu'on fait c'est écarter du jeu les "fous" ou les "irresponsables" qui ne veulent ou ne peuvent pas jouer selon les règles, c.-à-d. faire comme s'ils savaient ce qu'ils veulent.Qu'une "volonté de souffrir" soit indissociable d'une "volonté de (se) faire souffrir", autrement dit d'une cruauté (retournée contre "soi") elle-même indissociable de la "pitié" ou de la "compassion" (comme volonté de souffrir-avec), Nietzsche l'a montré bien avant Freud -- qui ne découvre que sur le tard qu'un "principe de plaisir" ne va pas sans une "pulsion de mort" ( Au-delà du principe de plaisir). Pas de "masochisme" sans "sadisme", et réciproquement (la réciproque est à peine plus subtile: on ne fait pas souffrir sans se faire souffrir). L'opposition du martyre chrétien au martyre islamique, à l'héroïsme en général, au suicide ou au "masochisme" n'est certes pas nulle -- toutes les différences comptent, y compris de déclarations et de dénégations d'"intention" comme "phénomènes" -- mais très superficielle. (Ce n'est même pas une objection si le jeu est justement un jeu de surface[s].) (Sur Galates et la crucifixion, voir aussi ici -- le premier post du moins, car la suite dévie vers un autre sujet.) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Ven 15 Juin 2018, 16:17 | |
| Manque-t-il quelque chose à la passion du Christ selon Col 1, 24 ?
"Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et je supplée à ce qui manque aux détresses du Christ dans ma chair pour son corps, qui est l'Eglise." Col 1, 24 (NBS)
"Je trouve maintenant ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et ce qu’il me reste personnellement à souffrir dans les épreuves du Christ, je l’achève en faveur de son corps qui est l’Eglise"(TOB) |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Ven 15 Juin 2018, 19:30 | |
| Dans le différend catholico-protestant qui a occupé le christianisme occidental pendant cinq siècles -- de moins en moins sur la fin, faute de combattants -- ce texte constituait naturellement une arme de choix pour le camp catholique, qui pouvait par ailleurs paraître un peu démuni du côté "biblique". Il trouvait là de quoi raccrocher non seulement sa théologie des "mérites", mais surtout une théologie "sacramentelle" au sens fort (plutôt contre Zwingli, Calvin et d'autres que contre Luther, d'ailleurs). Chose amusante, des deux bibles que tu cites la "protestante" (NBS), qui traduit assez exactement le texte, paraît plus "catholique" que l'"œcuménique" (TOB) -- effet de politesse diplomatique, j'imagine: les exégètes-traducteurs catholiques auraient concédé autant que possible à une interprétation "protestante" d'un texte plutôt "catholique", même passablement embarrassée (d'autant plus volontiers peut-être !), en escomptant un renvoi d'ascenseur dont ils auraient estimé avoir encore plus souvent besoin.
Il faudrait, mais c'est difficile, se dégager de tout ce débat anachronique pour entendre ce qui est vraiment dit là, rien de plus et rien de moins. C'est un résumé et une traduction christo-ecclésiologique de cette "économie de l'apostolat" que nous avons remarquée dans la correspondance corinthienne, surtout dans 2 Corinthiens: les "apôtres" souffrent pour les autres, ils "meurent" pour que ceux-ci "vivent", etc.; or cette "imitation du Christ" ne constitue pas un autre "mystère", supplémentaire, mais bien le prolongement du même, seul et unique mystère christique, le "Christ" n'étant pas compris sans mais avec son "corps", qui est indifféremment le corps de "Jésus crucifié" et "l'Eglise" -- et à l'horizon le kosmos tout entier, comme le suggèrent fortement les hymnes précédent(e)s. C'est le Christ qui souffre en l'apôtre et dans tous les martyrs, il n'a donc pas fini de souffrir. On pense à Pascal: Jésus en agonie jusqu'à la fin du monde; à quoi on pourrait ajouter, d'une autre formule paulinienne (entre autres): et depuis ou d'avant la fondation (ou le lancer) du monde. Bref, même si la "Passion du Christ" est conçue comme un "événement historique", c'est uniquement comme "événement transhistorique", éternel et ainsi coextensif à toute l'histoire, qu'elle constitue un "mystère" salvateur. Et tant qu'on est dans l'histoire il y "manquera" toujours quelque chose en effet, précisément ce qui, en matière de "souffrance", est encore en train de s'y jouer. Ce qui est toujours en un sens bien pire qu'une crucifixion stricto sensu qui ne peut en être que le signe, et en un autre sens équivalent. Cela, à vrai dire, n'est ni "catholique" ni "protestant" ni "orthodoxe", mais c'est bien ainsi que le (post-)paulinisme comprend son "mystère" à ce stade (et dans cette branche) de son développement. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Sam 21 Jan 2023, 18:08 | |
| Une réflexion, d'ailleurs peu originale, m'a fait relire ce fil, avec grand intérêt.
Si l'on entend bien la "passion" au sens du "passif" -- tout ce qui est subi, pâti, "souffert" au moins comme éprouvé ou ressenti, plutôt qu'agi, créé ou produit par l'initiative d'une volonté et d'une action actives -- alors la "joie" ou la "jouissance", en tant qu'émotions ou affects, relèvent aussi de la "passion", comme une (autre) souffrance, qui arrive ou non au soi-disant "sujet" comme de l'extérieur, quand même cela viendrait de ce qu'il appelle "son corps"; on peut sans doute l'accueillir à bras ouverts ou lui résister, lui laisser plus ou moins de place, de temps, d'écho ou de résonance, la manifester, l'exprimer et la communiquer ou la dissimuler, mais non la créer ex nihilo ni la fabriquer tout seul. Cette affinité fondamentale peut éclairer les paradoxes qui ont été évoqués ici et ailleurs, d'une joie dans la souffrance et inversement: jouir ou se réjouir d'une souffrance, mais aussi souffrir (d')une joie, dans la réflexion d'un sujet ou la relation de plusieurs, de la cruauté à la compassion ou du masochisme au sadisme, il n'est peut-être pas si étonnant que ce soit non seulement possible, mais inévitable; c'est l'objet même de toute "esthétique" (sens, sensations et sentiments en tout genre, pas forcément beaux ni bons ni agréables), dont le contraire ne serait pas la laideur, mais l'anesthésie... Il m'est arrivé jadis d'écrire "jouissouffrance".
Pour le dire autrement, on pourrait parler d'une corde ou d'un jeu de cordes (sensibles) qui peut produire toute sorte de sons, pourvu qu'on l'ait d'abord touché(e) (comme on disait autrefois, et comme on dit encore dans d'autres langues latines, tocar(e), pour le jeu des instruments à cordes); et de là se propager de l'un(e) à l'autre, par ce qu'on appelle justement "sympathie". Au fond de la joie la plus pure il resterait, dans ce sens-là du moins, une souffrance originaire et décisive -- ce que dit aussi la polysémie de l'"affection", du positif au négatif, du pathétique à la pathologie. On ne s'ouvre pas à la joie sans s'ouvrir aussi à la souffrance.
Je pense, au hasard, au Narcisse et Goldmund ou au Siddhartha de Hesse, où la coïncidence esthétique du plaisir et de la douleur -- mêmes expressions du visage -- est souvent notée; à "ce mal qui nous fait du bien", chez Ferré; à La Sirène du Mississipi, de Truffaut, "c'est une joie et c'est une souffrance". Comme si tout l'art du monde ne s'était jamais occupé d'autre chose.
On pourrait du reste trouver beaucoup d'exemples bibliques de cette transmutation ou modulation infinie des "passions" (émotions, sentiments, etc.) passant les unes dans les autres: c'est la tristesse (le chagrin, la peine, le malheur, les larmes, le deuil et ainsi de suite) qui se change en joie (allégresse, cris de joie) -- et inversement, bien sûr... Cf. p. ex. Jérémie 31,13; Amos 8,10; Psaume 30,11; Job 30,31 (illustration musicale); Lamentations 5,15; Esther 9,22; Jean 16,20; Jacques 4,9.
Il y aurait aussi de quoi réfléchir sur la psychologie populaire qui tend à évacuer d'un même geste le "négatif", le "passif" ou le "réactif" (bien que ce ne soit pas la même chose) -- comme si l'"individu" pouvait être son propre commencement absolu (et sa fin par la même occasion), comme s'il ne s'agissait pas d'abord de recevoir, le meilleur et le pire, pour être, devenir, faire, donner ou rendre quoi que ce soit. En termes pauliniens (1 Corinthiens 4,7): qu'as-tu que tu n'aies reçu ? |
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Lun 23 Jan 2023, 15:28 | |
| Etty Hillesum ou la joie dans la souffrance…
Que faire de la souffrance ? FS : Abordons maintenant la souffrance à laquelle elle est confrontée. Comment y fait-elle face ?
MHPL : Son secret est de trouver un sens à cette souffrance qui n’en a pas. Il est dans sa relation avec Dieu et avec les autres, relation qui lui fait comprendre que le sens de la vie est dans l’amour, que la souffrance ce sont les hommes qui se l’infligent entre eux. Le nazisme n’est pas une invention de Dieu. C’est la faiblesse des démocraties, l’idéologie allemande et l’antisémitisme latent, tout un ensemble de facteurs qui ont permis au nazisme d’arriver au pouvoir.
FS : « Il faut tout accepter », écrit-elle. Cela risque d’être mal compris !
MHPL : Oui, cela risque d’être mal compris. Mais elle explique assez bien cela : l’acceptation n’est pas une résignation, c’est un acte.
FS : Ce n’est pas non plus de la révolte ?
MHPL : Non. Elle dit qu’il y eut un temps pour la révolte mais qu’au stade où ils sont c’est trop tard. Il fallait se révolter avant. A présent il ne faut qu’attendre que les alliés aient gagné la guerre.
FS : N’est-ce pas de la résignation ?
MHPL : Ce n’est pas une résignation, c’est une acceptation comparable à celle de cet homme qui, présent sur le quai au moment où, comme chaque mardi, les convois partent de Westerborck, en a tellement assez qu’il déclare : « Je n’ai pas le choix, je vais être exterminé, qu’au moins j’ai le choix du jour. Je choisis aujourd’hui et je pars ! » C’est, toute proportion gardée, un peu de ce niveau-là, mais au plan spirituel. Elle accepte ce qui lui arrive et l’aime parce que c’est sa vie, une vie dans laquelle la souffrance reste une circonstance, rien de plus qu’une circonstance. Dans la vie, quoi qu’on fasse, on souffre un jour. On souffre parce qu’on aime des gens qui connaissent des malheurs. Certes, en 1942, Etty est confrontée à une souffrance maximale. On ne vit pas tous de telles horreurs, même si, hélas, depuis, il y a eu d’autres génocides et de nombreux massacres dans le monde. Mais le génocide nazi a ceci de spécial qu’il vise non seulement un peuple, mais aussi ce que représente ce peuple et le message qu’il véhicule.
Parce qu’habitée d’une belle dose d’amour et de prière, Etty, à force de l’accepter, de l’inclure comme partie de sa vie, finit par considérer sa souffrance comme quantité négligeable. Elle vit ce que j’appelle l’insouciance évangélique, la joie des béatitudes. Les béatitudes disent : vous pleurez mais en réalité, au-dedans de vous, vous êtes heureux parce que vous avez compris que la vie est autre. Exemple : dans le camp de Westerborck elle écrit – je cite de mémoire : « Je suis rentrée dans la baraque et elles m’ont toutes demandé : « Mais pourquoi as-tu l’air si rayonnante et heureuse ? ». Je n’ai pas pu leur dire que ma joie venait d’un arc-en-ciel. Elles m’auraient prise pour une folle. Alors j’ai parlé de rumeurs de débarquement en Italie ou de je ne sais quoi. » Etty leur a donné une raison qu’elles pouvaient saisir. De la joie dans la souffrance c’est trop difficile, voire impossible à comprendre. Pouvoir se dire : je vais être exterminée, je vis dans des conditions épouvantables et j’arrive à me réjouir d’un arc-en-ciel ! Ça, c’est la joie des béatitudes. La joie du pauvre.
FS : Ne fuit-elle pas la réalité ?
MHPL : Jamais. Elle est en plein dedans ! Elle aide les gens. Dans une de ses lettres de Westerborck, elle raconte qu’une dame l’a beaucoup remerciée. Pourtant elle avait l’impression de n’avoir rien fait. Mais elle était là, elle offrait sa présence. Une de ses amies de jeunesse, interviewée à son propos dans une maison de retraite, le dit : « C’était ça son charisme, elle était incroyablement présente aux gens et ils recevaient son rayonnement… »
FS : Elle vivait l’instant présent.
MHPL : Oui, mais pas à la manière d’un enfant sans cervelle. Je dirais plutôt qu’elle vivait l’intensité de la rencontre.
FS : On a dit qu’elle parlait à Dieu. La prière a-t-elle de l’importance dans son quotidien ?
MHPL : Oui, elle a des prières très personnelles et qui sont superbes. La fin de son journal devient une espèce de dialogue permanent avec Dieu. FS : Vous écrivez que ce ne sont pas des prières de demandes…
MHPL : Ce ne sont pas des prières de demandes basiques, style : Seigneur aide-moi à réaliser ci, à faire ça. Elle ne prie pas pour obtenir des choses. Elle demande de l’aide, de la force, elle demande la paix. Et elle l’obtient. Elle demande la force d’aimer sa vie, de pouvoir continuer à résister. Un jour, en transit à Amsterdam pour je ne sais quoi, elle est tentée de faire une tractation avec Dieu (si je fais ci, donne-moi ça). Elle a envie de retourner à Westerborck mais conclut sa discussion avec Dieu – là encore je paraphrase – par : « Mais je sais que ce genre de marché ne t’intéresse pas, n’est pas ce qu’il faut faire. Je prendrai donc ce qui viendra ! »
https://www.temoins.com/etty-hillesum-ou-la-joie-dans-la-souffrance/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Lun 23 Jan 2023, 16:43 | |
| Bel entretien.
On pourrait dire que dans ce continuum affectif qu'est "la vie" même, la "connaissance (distinction) du bon et du mauvais" (en l'occurrence joie et souffrance, et leurs synonymes respectifs et partiels) nous induit constamment en erreur (humaine s'il en est), que ce soit en nous faisant privilégier un pôle au dépens de l'autre (moins souffrir pour plus jouir, c'est l'idée a priori la plus naturelle) ou, par un calcul plus subtil et retors, en les corrélant: moins jouir pour moins souffrir, c'est au fond la stratégie commune du stoïcisme et de l'épicurisme en dépit de leur opposition théorique, mais elle appelle aussi l'antithèse "masochiste" (fût-ce avant la lettre), souffrir plus pour jouir plus, et toutes ses complications spéculaires et relationnelles (jouir de la souffrance d'autrui, de sa propre souffrance, de la compassion à la souffrance d'autrui, etc.). N'y répondrait qu'un "non-jugement" (évangélique par exemple) qui s'abstiendrait même de nommer et de qualifier les affects (comme bons ou mauvais) sans pour autant chercher à leur échapper. Et encore cela pourrait n'être qu'une ruse de "la mort" ou de "l'anesthésie", elle-même incommensurable à "la vie" (cf. Thalès: ni l'une ni l'autre n'est préférable, il n'y a pas de comparaison possible), mais inséparable comme l'autre côté de la même page. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mar 24 Jan 2023, 11:56 | |
| - Citation :
- On pourrait du reste trouver beaucoup d'exemples bibliques de cette transmutation ou modulation infinie des "passions" (émotions, sentiments, etc.) passant les unes dans les autres: c'est la tristesse (le chagrin, la peine, le malheur, les larmes, le deuil et ainsi de suite) qui se change en joie (allégresse, cris de joie) -- et inversement, bien sûr... Cf. p. ex. Jérémie 31,13; Amos 8,10; Psaume 30,11; Job 30,31 (illustration musicale); Lamentations 5,15; Esther 9,22; Jean 16,20; Jacques 4,9.
"Alors la jeune fille se réjouira dans la danse, jeunes gens et vieillards se réjouiront ensemble ; je changerai leur deuil en gaieté et je les consolerai ; je les réjouirai après leurs tourments" (Jé 31,13). VIVANT JUSQU’À LA MORTUne gaieté essentielle C’est pourquoi l’on ne saurait séparer la gaieté du deuil : « Seuls les endeuillés seront consolés », écrit Ricœur dans les notes pour le plan de son manuscrit que l’on trouvera ci-dessous. C’est là peut-être un de ses lieux de proximité avec Derrida : la mélancolie n’est pas chose dont il faille à tout prix être délivré, car elle fait partie de notre condition, de telle sorte que notre réel, pour être vivant, doit aussi comporter l’absence de ce qui n’est plus mais qui a été. La réalité ne se laisse absorber ni par une mort qui serait plus réelle que toute vie, ni par l’illusion que la vie seule est réelle et que toute mort peut s’y dissoudre. Mais le deuil que nous devons faire de nos chers absents se retourne dans l’anticipation du deuil que nos proches auront à faire de nous quand nous aurons disparu (La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, p. 468). Ce premier retournement prépare le second, qui est proprement essentiel, et qu’il appelle le « report de notre désir de vivre » sur les autres – je vais y venir.Le modèle de ce retournement se situe cependant déjà dans le renvoi plus originaire encore de la mort vers la naissance, renvoi auquel Ricœur procède dès les années cinquante dans sa philosophie de la volonté, et qu’il ne cesse de répéter tout au long de La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli. Le deuil de la représentation marque l’impossible expérience de sa propre mort comme de sa propre naissance – qui ne sont «pas encore» ou «toujours déjà», et qui tiennent l’existence pour un étirement où la naissance a une irréversible priorité. Comme il le rappelle avec Hannah Arendt: «Les hommes ne sont pas nés pour mourir mais pour inventer » (La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, p. 636).Il y a donc un lien intime entre le deuil et la gaieté, entre la lamentation et la louange. De la même manière que le deuil oscille entre le refus et le consentement, la gaieté oscille entre la lutte ou l’appétit de vivre et la grâce de l’insouciance. Au-delà du point de vue explicatif, puis du point de vue praxique, on pourrait trouver une analogie profonde entre la pure plainte qui dit la souffrance au terme du petit essai Le Mal et l’hymne qui dit la gratitude à la fin de Parcours de la reconnaissance1. Dans les deux cas, et c’est essentiel pour comprendre le refus par Ricœur de toute idée d’un Jugement dernier2, il s’agit de sortir de toute pensée d’une rétribution, d’une récompense ou d’une punition ; on a affaire à la grâce, c’est-à-dire à l’absurde à l’état pur, du malheur comme du bonheur – même si ce « moment bouddhiste » est sans doute encore d’un style assez protestant, ou lié à la lecture de Job.Quoi qu’il en soit, nous voici à proximité de l’essentiel, de cette expérience de la pure bonté d’exister, comme si la proximité de la mort fracturait les limitations confessionnelles, décloisonnait les langues dans lesquelles ont pris nos expériences les plus profondes. Les ressources de la vie dépassent ici les soucis individuels et nous ouvrent par la compassion à ce désir d’être que sont les autres êtres. Dans le même temps cependant, celui qui meurt est toujours seul à mourir, même quand il ne meurt pas seul mais accompagné jusqu’au bout par la proximité fraternelle de ceux qui sont alors vraiment ses proches. https://excerpts.numilog.com/books/9782020925983.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mar 24 Jan 2023, 13:00 | |
| Dommage que ça s'arrête brutalement (chez moi) à la page 20: j'aime toujours beaucoup les commentaires d'Olivier Abel sur Paul Ricoeur.
Ce qui se dit (le plus naturellement) en français "changer", dans "changer X en X' ou en Y" ou "se changer en qqch", pour exprimer un "(faire) devenir" (d'une chose une autre chose), comme dans la magie, l'alchimie ou les échanges commerciaux, spécialement les conversions monétaires (changer une devise en une autre, p. ex. des euros en dollars), s'exprime dans beaucoup de langues par l'image de tour (rotation, révolution, renversement, inversion, conversion encore): to turn into, tornar(se) en, etc. (c'est aussi le cas en allemand si wandeln est une variante de wenden). L'hébreu n'échappe pas à la règle qui utilise en Jérémie 31,13 le verbe hpk qui évoque un renversement vertical (sens dessus-dessous, cul par-dessus tête, etc.; nous en avons déjà parlé à propos de Sodome et Gomorrhe), et le grec suit (LXX 38,13) avec le verbe strephô (d'où strophè, strophe, catastrophe, anastrophe, qui fournira aussi le vocabulaire de la "conversion", epistrephô etc.). Je trouve que cette image de retournement (qui implique l'apparition, la mise au jour de ce qui était latent ou caché, et inversement, plutôt qu'un changement de "nature" ou d'"objet", une chose pour ou contre une autre) nous manque cruellement en français... |
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mar 24 Jan 2023, 14:17 | |
| De la douleur au plaisir
Limites de notre mode de vie individualiste
La médecine est à l’image de la société, elle individualise, fait peu de cas du lien social et de l’angoisse interpersonnelle, pourtant partagée aussi par les soignants. La douleur devient alors insupportable et le plaisir une nécessité, comme un bien de consommation banal. Les limites de l’approche biomédicale classique interrogent donc notre rapport à la douleur dans notre société «post-mortelle»2 où la promesse d’éradiquer toute douleur nous déshumanise.
Comme l’évoque la philosophie bouddhiste, l’origine de la douleur se trouve dans la soif de plaisir, d’existence et de permanence. Trop souvent, l’illusion de contrôle, la soif de perfection de notre société occidentale moderne, cachent un isolement social de plus en plus grand. Il est alors perturbant de réaliser que c’est souvent dans la douleur que les gens se rapprochent, se montrent de l’affection et du soutien, bien plus que dans l’expérience du plaisir qui est essentiellement égoïste et nécessite une certaine différenciation de soi.
De la nature de la douleur et du plaisir
Dans l’histoire de l’humanité, la douleur a toujours été une donnée fondatrice. Les individus se sont regroupés pour se défendre contre le danger. La douleur est synonyme de lien. C’est par elle que l’on s’initie. Des rites guerriers à la défloration ou l’accouchement, c’est par la souffrance que l’on devient un homme ou une femme. La douleur, plus immédiatement compréhensible, est sans doute plus fondamentale encore que le plaisir, plus difficile à appréhender. La douleur est une somatisation, elle est toujours une souffrance, c’est-à-dire non seulement une sensation physique mais aussi une perception, en lien avec un vécu singulier et personnel.
La douleur et le plaisir sont en effet relatifs. C’est-à-dire que ce qui est douleur pour l’un peut très bien être le plaisir de l’autre. Ce sont des phénomènes affectifs. Sur le plan neurobiologique, douleur et plaisir sont intimement liés. Ils s’inscrivent d’ailleurs solidement dans notre mémoire via le système de la récompense afin de nous faire faire des choix rapides et adaptés à leurs «principes».
Ils se produisent de manière automatique. C’est en grande partie grâce aux notions de plaisir et de douleur que nous appréhendons le monde. Cette proximité neurobiologique du plaisir et de la douleur peut expliquer en partie l’érotisation de cette dernière dans le masochisme érogène. La douleur se confond alors avec le plaisir et devient un moyen d’obtenir ou de sauvegarder le lien affectif. La soumission devient alors une manière d’établir un lien de dépendance affective. Surtout si le degré de différenciation ne permet pas d’envisager d’entrer en relation de manière plus adulte.
De même, le masochisme moral répond à un besoin d’autopunition, répétition de la relation parentale dysfonctionnelle et non résolue, parfois érotisée. La conduite d’échec est là encore un moyen d’attirer l’attention et l’amour de l’autre, par exemple du thérapeute, qui risque par contre d’être sadisé lorsque l’échec de la thérapie amène à l’impuissance.
https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2014/revue-medicale-suisse-415/de-la-douleur-au-plaisir
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mar 24 Jan 2023, 15:28 | |
| Excellente surprise que ce discours médical, clinique, qui aboutit, par de tout autres chemins, dans les mêmes parages...
Une chose qui m'a frappé lors de mes rares contacts avec les hôpitaux français, c'est la pratique (visiblement protocolaire) de demander au patient (autre membre de la famille de paskhô, pathos, pati, passio, etc.) de quantifier sa douleur, en la notant ou la numérotant de 1 à 10... C'est un peu agaçant quand ça se répète plusieurs fois par jour, mais dans un sens le mouvement d'appréciation et d'objectivation de la douleur, la difficulté même qu'on éprouve à la "mesurer", tout cela permet au "sujet" de s'en détacher (conscience remède de la conscience poison, comme toujours du Bouddha à Schopenhauer); de la variation du nombre à celle du signe (négatif ou positif) il n'y aurait qu'un pas, du moins pour un esprit mathématique (mais cet esprit-là est-il le sujet qui souffre ou qui jouit ? autre question, ou la même sous un autre angle)...
Le problème de la socialisation de la (jouis)souffrance est plus épineux (souffrir ou jouir les uns des autres, avec, contre ou pour les autres), mais elle l'était déjà dans le christianisme, dès lors qu'on passe de cette "économie" du corps christique, dont on parlait plus haut à propos du paulinisme, de la correspondance corinthienne aux deutéro-pauliniennes (Colossiens), à une conception tout à fait individuelle du Christ d'une part, du salut et de la perdition d'autre part; les martyrs et les saints y suppléent dans une certaine mesure, par l'idée de l'intercession, des "mérites" transmissibles et tous leurs excès, et la réaction protestante l'aggrave au contraire dans un pur individualisme, qui prépare celui de la modernité rationnelle et technoscientifique. Cioran, grand amateur d'hagiographie, avait quelque part formulé ça dans une maxime dont je ne me souviens que très approximativement, qui combinait souffrance et conscience: je sais que je souffre pour ceux qui souffrent et ne le savent pas... |
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| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 25 Jan 2023, 12:50 | |
| "Soumettez-vous donc à Dieu ; opposez-vous au diable, et il vous fuira. Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous. Purifiez vos mains, pécheurs, et nettoyez votre cœur, âmes partagées ! Reconnaissez votre misère, menez deuil, pleurez ! Que votre rire se change en deuil et votre joie en tristesse ! Abaissez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera" (Jac 4,7-10).
Pour avoir une "âmes unifiée" et connaitre l'élévation, la croyant doit procéder à un "retournement", que votre rire se change en deuil et votre joie en tristesse. Apparemment le texte semble constater un "retournement" qui semble indépendant de la volonté du croyant et qu'il à l'air de plutôt subir et qui découle du fait de reconnaitre sa misère.
Verset 9 Ces exhortations, qui renferment tout le secret de la conversion (Luc 18.13) et de la vie chrétienne s’inspirent des discours de Jésus (comparer Matthieu 5.3 ; Matthieu 5.4 ; Luc 6.21 et suivants).
https://www.levangile.com/amp-bible-annotee-Jacques-4#note-verset-9
Petite digression :
2. LE RIRE DANS LA BIBLE
a) Remarques préliminaires
Pour avoir une brève vue d’ensemble, je me réfère entre autre à l’ouvrage du théologien strasbourgeois René Voeltzel, Le rire du Seigneur. Le rire n’est pas souvent évoqué dans la Bible, ce n’est justement pas un thème biblique central. Le verbe grec (...) n’apparaît que trois fois dans le Nouveau Testament : tout d’abord, dans les deux paroles de Jésus du sermon sur la montagne selon Luc : « Heureux, vous qui pleurez maintenant : vous rirez » et « Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez. » (Luc 6,21.25) ; et ensuite dans une exhortation de la lettre de Jacques (4,9). Les verbes hébraïques (...) (avec tsadeh) et q axf& (avec sin) – et les substantifs correspondants apparaissent environ 65 fois. Il est remarquable que ces deux verbes semblent souligner fortement l’aspect corporel du rire, car leur formes au Piel signifient « jouer », « danser », « plaisanter », ce dernier aussi dans le sens érotique.
https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_2003_num_83_4_1050 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 25 Jan 2023, 15:21 | |
| - En Jacques 4,9 on a meta-strephô, toujours avec l'image sous-jacente du tour, retournement, renversement, inversion, conversion: que votre rire se tourne en ( turn [in]to, torne-se en) deuil, etc.; - L'âme partagée c'est di-psukhos (v. 8, déjà 1,8 ), âme ( psukhè, psyché) double, dont nous avons déjà souvent parlé ici et ailleurs. - Dans la deuxième citation, les "verbes hébraïques" sautés à la copie sont (en translittération) çhq, et shq, quasi homonymes et synonymes dans leur usage "biblique" (pour "rire", jouer, s'amuser, se moquer, etc.): c'est sur le premier qu'est construit le nom d'Isaac ( yiçhaq) avec tous ses jeux de sens dans la Genèse, énumérés et analysés un peu plus loin dans l'article (p. 478ss). - Le verbe grec pour "rire" est gelaô dans Luc et Jacques, mais on trouve aussi dans le NT son dérivé kata-gelaô avec un sens plus nettement péjoratif, "se moquer de", en Marc 5,40 // Matthieu 9,24 // Luc 8,53. A défaut d'être drôle (défaut d'ailleurs commun à presque tous les textes sérieux qui prennent le rire pour "thème", philosophique ou théologique), cet article est très instructif (il rejoindrait aussi, au début, notre discussion récente sur la peur). J'ajouterais que sur toutes ses "frontières" le rire est passeur ou contrebandier, il transgresse et fait passer en douce d'un côté à l'autre (de l'"esprit" au "corps", de la peine à la joie, de soi à l'autre, de la vie à la mort, et inversement et ainsi de suite) -- et plus fondamentalement que rien de tout cela n'est pensable, ni chez les dieux ni chez les hommes, sans le "temps" qui rend possible le changement, le mouvement, le retournement, condition absolue de toute émotion, de toute passion, de toute sensation comme de toute chose -- ce qui problématise infiniment le rapport de toute notion à l'"eschatologie" comme à l'"éternité": là où il n'y aurait pas ou plus de "temps", il n'y aurait strictement rien de concevable. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 25 Jan 2023, 17:03 | |
| Quelle est la place de la joie dans ce moment solennel ?
C’est un moment particulier. Ce discours est le testament de Jésus, son héritage. Il annonce aux disciples qu’ils vont être confrontés à la tristesse et que leurs adversaires se frotteront les mains. Mais il leur dit aussi et surtout que cette tristesse n’aura pas le dernier mot. « Vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie. » (Jn 16,20). Il compare le temps qui s’ouvre à un accouchement : « La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée. Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout heureuse qu’un être humain soit venu au monde » (Jn 16,21). Ce qu’il veut dire aux disciples, c’est que la vie a le dernier mot. Jésus ne leur dévoile rien de moins que le projet de Dieu : que chacun vive et soit dans une joie pleine, entière, durable. « Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera » (Jn 16,22).
https://croire.la-croix.com/Definitions/Bible/Saint-Jean-lEvangile-joie-2020-10-15-1701119759#:~:text=%C2%AB%20Vous%20allez%20pleurer%20et%20vous,(Jn%2016%2C20). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le Bonheur, la Souffrance et le Christianisme Mer 25 Jan 2023, 17:26 | |
| A vrai dire, la proposition que tu soulignes -- "la vie a le dernier mot" -- me révulse (et me révulserait tout autant si au lieu de "la vie" le sujet c'était la joie, le bonheur, l'amour, ou même le malheur, la souffrance, la mort): c'est un peu lié à ce que je viens de dire à propos du "temps" et de l'eschatologie (dont le "happy ending" n'est qu'une variante séculière) qui l'abolit. Il me semble plutôt qu'il n'y a jamais de "dernier mot" ou que le "dernier mot", s'il y en avait, n'aurait aucune importance.
Pour rester dans l'Evangile selon Jean, je préfère la formule du Prologue: la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie (et son renversement joycien, darkness shining in brightness which brightness could not comprehend): personne ici n'a le dernier mot, mais il y a ceci et cela, il y a ceci parce qu'il y a aussi cela. |
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