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| Etre quelque chose (chrétien par exemple) | |
| | Auteur | Message |
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cabri
Nombre de messages : 81 Age : 85 Date d'inscription : 27/05/2012
| Sujet: Etre quelque chose (chrétien par exemple) Mar 24 Fév 2015, 23:01 | |
| Cela a-t-il un sens ? Aujourdh'ui tout le monde (ou presque ) se dit ceci ou cela de Berliner à Charlie. Si on n'est ni chrétien, ni croyant ni athée existe-t-on ? Faut-il appartenir à quelqu'un ou quelque chose pous être ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Etre quelque chose (chrétien par exemple) Mer 25 Fév 2015, 00:25 | |
| Ich bin Brüno, pensé-je aussitôt, ayant vu il n'y a pas très longtemps le toujours délirant film éponyme de Sacha Baron Cohen... Effectivement, même dans le cas d'un nom dit "propre", où l'attribut serait d'"identité", l'être-copule, celui de "S est p", "Sujet est prédicat", colle ou accouple toujours mal. Alors pour le reste... [Pour une référence cinématographique plus classique: "Vous ne me connaissez pas, et vous me demandez qui je suis. C'est invraisemblable !" Lacenaire (Marcel Herrand) à Montray (Louis Salou) dans l'escalier de ce dernier, in Les enfants du paradis, Carné-Prévert, 1945.] |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: Etre quelque chose (chrétien par exemple) Jeu 26 Fév 2015, 09:59 | |
| L’être-copule en dit sans doute à la fois toujours trop et jamais assez, pèche par tous les vides qu’il ne remplit pas et tous ceux qu’il surcharge, ça s'impose à moi comme une évidence.
Mais il ne m'en semble pas moins nécessaire, absolument nécessaire, inévitable, incontournable (... à moins de se croire à la place de Dieu).
"Être", pour nous, c’est fatalement être quelque chose. Dans cette phrase que je viens d’écrire, j’ai d’ailleurs failli écrire : « pour un être humain », avant de choisir plutôt d’écrire : « pour nous », c’est dire à quel point on y échappe pas ! Nous sommes des êtres humains, et pas des êtres-tout-court ("être" est même transformé en nom commun, tellement c’est acquis), et y renoncer c’est ne plus se distinguer des autres êtres vivants (et encore que ce ne serait pas encore suffisant : même là, on est quelque chose). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Etre quelque chose (chrétien par exemple) Jeu 26 Fév 2015, 14:16 | |
| Croire à (l')"être"(-quelque-chose ou -quelqu'un), c'est comme croire au "langage" et à sa "signification" (le "comme" n'étant pas ici de simple comparaison, à supposer qu'il le soit jamais, qu'il y ait jamais de "simple comparaison"; que ce ne soit pas toujours la même chose qu'on replie sur elle-même quand on s'imagine comparer une chose à une autre). C'est en effet une question de "foi", ou de "je(u)" (encore, encore), qui ne "prend" jamais tout à fait, dont "je" ne suis jamais complètement dupe mais par quoi "je" me laisse tout de même "prendre", captiver, arrimer, arraisonner, assujettir, sans quoi "je" ne "suis" rien, et surtout pas un "sujet", "je" ne "suis" pas du tout. Hors cette foi la folie, littéralement, le hors-je(u): les non-dupes errent (disait Lacan).
Et si l'on n'échappe ni à la sujétion à l'être-copule ni à l'emprise des prédicats qu'il nous colle, autant, peut-être, en admettre beaucoup qu'un seul. La coïncidence graphique et phonétique en français des verbes "être" et "suivre" à la première personne (je suis) rappelle au moins qu'être (quelque chose ou quelqu'un) c'est toujours s'inscrire dans une continuité multiple et complexe, qui rapporte tout "être" à de l'autre et à plus d'un autre.
Une chose que j'ai remarquée au cours de mon périple dans le christianisme, c'est que ceux qui se disaient "chrétiens-tout-court" (pas "catholiques", ni "protestants", ni "évangéliques", ni "baptistes" p. ex.; qui se voulaient en-dehors ou au-dessus des "dénominations" ou des "chapelles", ce qui pouvait passer a priori pour un signe d'"ouverture d'esprit") se montraient souvent encore plus dogmatiques et intransigeants que les autres, qui assumaient modestement ou même arboraient fièrement leurs (petites) "étiquettes". Parce qu'ils ignoraient ou feignaient d'ignorer la complexité de l'histoire d'où proviennent précisément les "étiquettes", cela leur permettait (ou leur donnait l'illusion) d'échapper à la relativité de leur "appartenance" ou de leur "héritage", en court-circuitant pour ainsi dire les médiations secondes de leur "christianisme". Mais ce n'est peut-être rien, question illusion ou aveuglement, à côté du quidam qui se fait fort d'"être lui-même" sans soupçonner un instant le fatras d'idées hétéroclites qui le constitue -- ce que j'appelle l'"idiotie" au sens étymologique, où se rejoignent le sens du "propre" et du "particulier" (idios) et celui du "profane" (l'idiotès étant, notamment du point de vue des "mystères", le "non-initié"). |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Etre quelque chose (chrétien par exemple) Sam 28 Fév 2015, 19:59 | |
| Combien parmi les plus de 3 millions de personnes présent à Paris le dimanche 11 janvier sous l'étiquette "Je suis Charlie" étaient vraiment "Je suis Charlie"?
Combien de catholiques, protestants etc... sont vraiment des chrétiens?
Il y a toujours un effet de masse, de foule. Et pour rebondir sur ce que déclare Narkissos à propos des verbes être et suivre, combien ont suivi Charlie Hebdo ou du moins son esprit ou se sont identifiés à son esprit? Si l'on s'en tient aux chiffres ils étaient peu nombreux, puisque l'hebdomadaire avant le terrible mercredi 7 janvier se vendait péniblement à moins de 100.000 exemplaires.
Il est vrai que parfois l'identification à un mouvement, une pensée peut donner l'impression d'un manque de décision ou d'idées personnels de la part de celui/celle qui la revendique. Notre époque s'intéressant plus aux personnes capables d'émettre une opinion personnelle. Mais Narkissos l'a bien démontré: pratiquement personne ne peut se présenter comme un émetteur et dispensateur d'idée absolument nouvelle, sans que l'on puisse trouver sous un cheminement d'idée des pensées soit recyclées, soit empruntées à quelqu'un du passé.
De plus en plus nous observons des personnes jeunes et moins jeunes s'échinant à vivre, à penser de façon isolée, mais se réunissant, comme lors de ce dimanche 7 janvier à Paris, en une communauté bien marquée. Comme si le phénomène d'isolement faisait peur.
Notre société se veut de plus en plus laïque avec des différences plus ou moins notables. En France cette laïcité ressemble à s'y méprendre à une religion tant elle devient intransigeante et émet des avis qui peuvent passer pour des doctrines; alors qu'en Suisse, par exemple, cette notion est laissée à la responsabilité de chaque canton, tout en étant traitée sur le plan fédéral (niveau du pays) de façon neutre.
Bien sur les dérives des partis d'extrême droite sèment le trouble et l'on est surpris, plus ou moins, de constater que des catholiques s'identifient avec ces derniers.
Ce qui m'apparait dans cette tranquillité toute relative, c'est la possibilité de voir ressurgir pour le moindre prétexte des affirmations des uns et des autres quant à leur engagement religieux. Chassez le naturel et il revient au galop.
Lorsque des personnes se disent catholiques, protestantes qu'ont-elles vraiment en tête? Parlent-elles seulement de leur parcours lorsqu'elles fréquentaient ou fréquentent encore leur église?
Il y a un peu plus de 150 ans les citoyens de Genève se regardaient comme des chiens de faïence entre catholiques et protestants. La religion officielle était le protestantisme (dans d'autres régions de la Suisse c'était le catholicisme). Puis ce "Kulturkampf" s'est apaisé sous les conseils et interventions d'un Général: le Général Dufour. C'est en effet "un homme de guerre" qui a mis un terme à ces luttes inutiles et peu glorieuses entre personnes se réclamant du christianisme. Depuis les catholiques se sont "multipliés" et représente un taux plus important de la population de Genève que les protestants. Ce qui fait dire à certaines personnes âgées, protestantes, que leur ancêtres avaient bien raison de craindre le catholicisme...
Beaucoup parmi les intervenant(e)s de ce forum ont été baptisés par un mouvement chrétien (je ne désire pas entrer dans le détail ni soulever de polémique), ce qui fait d'eux des chrétiens qu'ils ou elles pratiquent encore ou non. Nous n'échappons pas à l'influence qui nous entoure dans laquelle nous avons grandi, nous avons pu seulement, soit continuer de nous rendre dans notre lieu de culte, soit rester chez nous.
Que nous reste-t-il de notre parcours voire de nos parcours au sein du christianisme? Chacun d'entre nous peut répondre à cette question en son for intérieur. Que sommes-nous de plus, qu'avons-nous de plus qu'un croyant d'une autre religion (si toutefois nous croyons encore)? C'est à mes yeux une question intéressante et tenter d'y répondre devrait nous permettre de mieux apprécier ceux et celles qui nous entourent et que nous croisons dans nos villes, depuis que la terre est devenue un petit village globalisé. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Etre quelque chose (chrétien par exemple) Sam 28 Fév 2015, 22:53 | |
| Ce thème ne manquera pas de rappeler aux familiers de la Bible le contraste que la Genèse établit (intentionnellement ou non) entre le projet de Babel (chapitre 11) et la vocation d'Abra(ha)m (chapitre 12). A ceux qui se rassemblent pour "se faire un nom" (collectif, donc) et éviter la dissémination (à laquelle Yahvé les renverra par voie de différenciation linguistique) s'oppose celui que Yahvé appelle à quitter le groupe (ethnique et familial) en lui promettant de lui "faire un (grand) nom". Avec un peu de recul, il y aurait une certaine ironie à ce qu'une "communauté" se donne pour "ancêtre" ou "fondateur" un personnage plus ou moins solitaire et en rupture d'appartenance (ce qui vaut pour "Abraham" vaudrait aussi, mutatis mutandis, pour "Jésus" et pas mal d'autres). Comme si le groupe ne pouvait rendre compte de ce qui le distingue (pourquoi "nous" ne sommes pas comme "les autres") que par le récit d'une bifurcation "individuelle". Comme si la solitude du "héros-fondateur" et la gloire de son destin et de son nom individuels compensaient symboliquement une certaine honte inavouée d'être-collectivement (quelque chose). Il est vrai qu'en tout cela l'anachronisme guette: le mépris "individualiste" pour les troupeaux, les drapeaux et les étiquettes est plutôt récent, du moins en tant que phénomène conscient et... collectif. :) |
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