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| Paul, Marcion et la gnose | |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Paul, Marcion et la gnose Mer 06 Juil 2016, 17:12 | |
| Tant qu'on parle de "gnose", il ne me semble pas inutile de créer un fil à part pour la trajectoire "paulino-marcionite", qui à la fois s'y rapporte et s'en distingue. Je m'arrêterai dans un premier temps sur les "premières" épîtres du corpus paulinien, qui intéressent (ou devraient intéresser) particulièrement les historiens du "christianisme primitif" puisqu'elles en sont, selon toute vraisemblance, les plus anciennes attestations écrites. Et notamment la Première aux Corinthiens, où les énoncés d'allure "gnostique" sont particulièrement remarquables, surtout au chapitre 2, qu'il vaut la peine de relire intégralement: - Citation :
- Pour ma part, mes frères, lorsque je suis venu chez vous, ce n'est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j'ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d'autre que Jésus-Christ -- Jésus-Christ crucifié. Moi-même, j'étais chez vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement; ma parole et ma proclamation n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse; c'était une démonstration d'Esprit, de puissance, pour que votre foi ne soit pas en la sagesse des humains, mais en la puissance de Dieu.
Cependant, c'est bien une sagesse (sophia) que nous énonçons parmi les gens "accomplis" (les "parfaits", teleioi): une sagesse qui n'est pas de ce monde (aiôn, d'où "éon", susceptible de désigner "l'âge", "le siècle", ou la "puissance spirituelle" qui le domine) ni des princes (arkhontes) de ce monde, qui doivent être réduits à rien; nous énonçons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, celle que Dieu a destinée d'avance, depuis toujours, à notre gloire; aucun des princes de ce monde (idem) ne l'a connue, car s'ils l'avaient connue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur glorieux. Mais c'est, comme il est écrit (dans l'Apocalypse d'Elie, d'après Origène; cf. Thomas 17 !), ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas venu au cœur de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. Or c'est à nous que Dieu l'a révélé par l'Esprit (pneuma). Car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs (bathè, pluriel neutre de bathos) de Dieu. Qui donc, parmi les humains, sait ce qui relève de l'humain, sinon l'esprit de l'humain qui est en lui? De même, personne ne connaît ce qui relève de Dieu, sinon l'Esprit de Dieu. Or nous, ce n'est pas l'esprit du monde (kosmos) que nous avons reçu, mais l'Esprit qui vient de Dieu, pour que nous sachions ce que Dieu nous a donné par grâce. Et nous en parlons, non avec les discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit, en associant le spirituel au spirituel (pneumatikois pneumatika sugkrinontes, "en jugeant du spirituel avec les spirituels", ou "selon des critères spirituels", selon qu'on interprète le premier datif au masculin ou au neutre). Mais l'homme naturel (le "psychique") n'accueille pas ce qui relève de l'Esprit de Dieu, car c'est une folie pour lui; il ne peut pas connaître cela, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. L'être spirituel (le "pneumatique"), lui, juge de tout, tandis que lui-même n'est jugé par personne. En effet, qui a connu la pensée (noûs) du Seigneur, pour l'instruire ? Or nous, nous avons la pensée (idem) du Christ. Ce texte qui a déconcerté tant de lecteurs est absolument limpide pour quiconque est tant soit peu familiarisé avec les textes et la pensée gnostiques: on y retrouve, dans une concentration inhabituelle (un vrai festival !), les mêmes mots, les mêmes concepts, les mêmes motifs, les mêmes énoncés. Paul est-il donc "gnostique" ? Pas si simple: le contexte en effet (le début du chapitre que je n'ai pas mis en gras, mais il faudrait aussi relire le précédent) montre qu'il se distancie (par le motif central de la croix) d'une certaine "sagesse" associée notamment au nom d'Apollos (lequel est par ailleurs relié à Alexandrie, patrie de Philon, et plus largement à l'Egypte, foyer "gnostique" jusqu'à Nag Hammadi). Dans l'"exposition" que nous venons de parcourir, Paul assume ostensiblement le vocabulaire et la pensée "gnostiques", sur le mode du "moi aussi je sais causer gnostique si je veux" (cf. v. 6: c'est cependant bien une "sagesse" que nous annonçons aussi parmi les "parfaits"). Les conséquences historiques de cette analyse sont néanmoins considérables: il n'est plus question de considérer la "gnose" comme une "hérésie" ou une "bifurcation" tardives du christianisme primitif: elle est déjà là pour l'essentiel, partie intégrante et constitutive du tout premier "christianisme" (corinthien) qu'il nous soit donné de "deviner" à travers le texte paulinien. De plus, Paul n'en est pas "l'inventeur", elle le précède, puisque lui-même la rencontre et lui emprunte tout en s'en distanciant. Sa théologie la plus "originale", celle qui va se développer jusqu'à l'épître aux Romains, en est nettement plus éloignée. Dans le corpus paulinien au sens large (l'ensemble des épîtres attribuées à Paul par leur propre texte, quoi qu'il en soit de l'"authenticité" de cette attribution), sans préjudice de nombreux points de contact épars, la thématique "gnostique" ne redeviendra aussi sensible que dans les épîtres aux Galates et aux Colossiens (l'épître aux Ephésiens étant une reprise plus "ecclésiastique" de cette dernière, mais encore très sympathique aux thèmes "gnostiques"). C'est de l'ensemble de ce recueil que Marcion se prévaudra au IIe siècle. A l'opposé, les Pastorales (Timothée-Tite) -- naturellement inconnues de Marcion -- inventeront un Paul anti-gnostique, "corrigeant" (ou contredisant carrément) bon nombre de "ses" affirmations antérieures. A l'autre bout de ce parcours, Marcion est-il "gnostique" ? Il est particulièrement difficile de répondre à cette question dans la mesure où il n'est connu que par ce qu'en ont écrit ses adversaires (Justin, Irénée, Tertullien, etc.). Ce qui est sûr c'est qu'il est paulinien ( hyper- ou ultra-paulinien si l'on veut), puisque c'est à lui (et à son "école") qu'on doit la préservation, l'organisation et sans doute une bonne partie du développement du corpus paulinien (à l'exception, comme on l'a vu, des Pastorales), l' Apostolicon, et par extension (avec un Evangelion également attribué à Paul, un "proto-Luc" qui ressemblait peut-être plutôt à notre "Marc") le principe même d'un "Nouveau Testament" (face à une Eglise qui, jusque-là, ne considérait vraiment comme "Ecriture" que des écrits juifs ou réputés tels). Sa distinction du "Dieu de la loi" et du "Dieu de l'évangile", du Dieu "juste" et du Dieu "bon", le rapproche indéniablement du gnosticisme contemporain, mais bien d'autres traits semblent l'en éloigner: son choix de la foi ( pistis) plutôt que de la connaissance ( gnôsis) comme principe salvateur, sa vocation "ecclésiastique" qui le porte à tenter de prendre en mains l'Eglise de Rome ( toute l'Eglise, sans distinction entre "pneumatiques" et "psychiques") avant d'organiser sa propre (contre-)Eglise, sa réticence apparente pour la spéculation onto-cosmo-génétique à laquelle il préfère un dualisme plus "simple", son refus de la prolifération littéraire en faveur d'un "canon" défini, tout ça ne paraît guère "gnostique"... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: Paul, Marcion et la gnose Jeu 07 Juil 2016, 12:35 | |
| Cher Narkissos, quelle découverte que de lire dans ton message ce texte tiré de la première aux Corinthiens, chap. 2.
Ainsi Paul s'est lancé dans la production de textes gnostiques, même s'il n'est pas aisé de l'affirmer, de le prouver.
Merci d'avoir attiré notre attention sur une partie de la 1ere aux Corinthiens, chap.2 que nous aurions pu lire sans en remarquer des aspects "gnostiques". |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Paul, Marcion et la gnose Jeu 07 Juil 2016, 14:01 | |
| On peut en effet le dire comme ça, à condition de ne pas s'attendre à trouver dans la "gnose" ou "proto-gnose" de la correspondance corinthienne (que ce soit du côté de l'auteur ou des destinataires) un système aussi élaboré que dans certains gnosticismes du IIe ou du IIIe siècle. Cela posé, les similitudes n'en ressortent que mieux: le sauveur est étranger à ce monde, il ne s'y introduit qu'en trompant les maîtres de ce monde, qui ne l'ont jamais connu et n'ont donc pas pu le reconnaître; il sauve par la communication d'une connaissance spirituelle, d'au-delà du monde, accessible aux seuls spirituels. Ce langage chez Paul frappe d'autant plus qu'il y est inhabituel, en tout cas à ce niveau de densité et de cohérence. Ce n'est pas de sa part une simple élucubration personnelle de circonstance, pas non plus la construction patiente d'une "théologie" originale (qui, comme on l'a dit, va prendre dans l'épître aux Romains une direction sensiblement différente). Il endosse en quelque sorte un "prêt-à-penser" ou un "prêt-à-parler" qui lui préexiste parce qu'il est précisément celui d'une partie au moins de ses interlocuteurs -- on pourrait dire, en détournant à peine sa formule un peu plus loin, qu'il se fait gnostique aux gnostiques (Grec aux Grecs, dans le cas précis de cette épître à l' ekklèsia de Corinthe, vise en particulier cette forme de "sagesse"). Cela suppose, bien sûr, que Paul n'ait aucune objection de principe à ce type de pensée, même s'il va ensuite tenter de l'infléchir de nombreuses manières (p. ex. en subordonnant la connaissance à la foi et surtout à l'amour, chap. 8 et 13, ou en élaborant une conception positive du corps, à la fois "individuel" et "collectif", chap. 6, 10, 12, 15). Et que d'autre part ce type de pensée contribue de façon significative à la construction de sa "propre" théologie (on voit p. ex. comment l'idée de la dualité de l'homme [Adam] originel, "pneumatique" et "psychique", en 15,44ss, sera reprise et modifiée en Romains 5). --- J'ai signalé comme un autre moment de rapprochement entre la pensée (deutéro-)paulinienne et la pensée gnostique l'épître aux Colossiens. Là encore, il faut relire: - Citation :
- Il est l'image (eikôn, d'où "icône") du Dieu invisible (aoratos),
le premier-né (prototokos) de toute création (ktisis); car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, le visible et l'invisible, trônes, seigneuries, principats, autorités; tout a été créé par lui et pour lui; lui, il est avant tout, et c'est en lui que tout se tient; lui, il est la tête du corps -- qui est l'Eglise. Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, afin d'être en tout le premier. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude (plèrôma) et, par lui, de tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix. (1,15ss) Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie au moyen d'une philosophie trompeuse et vide, selon la tradition des humains, selon les éléments du monde (stoikheia tou kosmou), et non pas selon le Christ. Car c'est en lui qu'habite corporellement (sômatikôs) toute la plénitude (plèrôma) de la divinité (théotès), et vous êtes comblés en lui, qui est la tête de tout principat et de toute autorité. En lui vous avez aussi été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite par des mains humaines: par le dépouillement du corps de la chair, par la circoncision du Christ. Ensevelis avec lui par le baptême, vous vous êtes aussi réveillés ensemble en lui, par la foi de l'action de Dieu qui l'a réveillé d'entre les morts. Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et par l'incirconcision de votre chair, il vous a rendus vivants avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos fautes; il a effacé l'acte rédigé contre nous en vertu des prescriptions légales, acte qui nous était contraire; il l'a enlevé en le clouant à la croix; il a dépouillé les principats et les autorités, et il les a publiquement livrés en spectacle, en les entraînant dans son triomphe. Dès lors, que personne ne vous juge à propos de ce que vous mangez ou buvez, pour une question de fête, de nouvelle lune ou de sabbat: tout cela n'est qu'une ombre de ce qui est à venir, mais la réalité, c'est le corps du Christ. Ne vous laissez pas frustrer par les gens qui se complaisent dans "l'humilité" et le "culte des anges" au gré de leurs visions; ils sont gonflés de vanité par la pensée de leur chair, et ils ne s'attachent pas à la tête par laquelle tout le corps, bien uni grâce aux jointures et aux articulations qui le desservent, grandit d'une croissance qui vient de Dieu. Si vous êtes morts avec le Christ aux éléments du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous replacez-vous sous des prescriptions légales: "Ne prends pas, ne goûte pas, ne touche pas..." toutes choses destinées à périr par l'usage qu'on en fait! Il s'agit de commandements et d'enseignements humains qui ont, il est vrai, une apparence de sagesse -- culte volontaire, humilité et rigueur pour le corps -- mais qui n'ont en fait aucune valeur et ne contribuent qu'à la satisfaction de la chair. Si donc vous vous êtes réveillés avec le Christ, cherchez les choses d'en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu. Pensez à ce qui est en haut, et non pas à ce qui est sur la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, se manifestera, alors vous aussi vous vous manifesterez avec lui, dans la gloire. Faites donc mourir ce qui n'est que terrestre: l'inconduite sexuelle, l'impureté, les passions, les mauvais désirs et l'avidité, qui est idolâtrie. C'est pour cela que la colère de Dieu vient sur les rebelles. C'est à cela que vous vous adonniez autrefois, lorsque vous viviez ainsi. Mais maintenant, vous aussi, rejetez tout cela: colère, animosité, malfaisance, calomnie, paroles choquantes sortant de votre bouche. Ne vous mentez pas les uns aux autres: vous vous êtes dépouillés de l'homme ancien, avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau, qui se renouvelle en vue de la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé. Il n'y a là ni Grec ni Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni homme libre; mais le Christ est tout et en tous. (2,6--3,11)
Ici aussi, les points communs avec la pensée gnostique sont remarquables; en particulier la notion de "plérôme" (plénitude, cf. le Prologue de Jean) comme totalisation de la divinité et principe de résolution d'un "désordre" (ou "mésordre") cosmique conçu sur un mode généalogique et hiérarchique (trônes, seigneuries, etc., arrachés à leur autonomie, retournés et soumis dans l'image du "triomphe" romain, cf. déjà 2 Corinthiens). Une position clairement antinomienne (anti-loi) et antirituelle (dans le Christ c'est la loi même des puissances adverses qui est crucifiée et annulée; la "philosophie" et le "culte" répudiés consistent en observances rituelles et "charnelles", qui relèvent à ce titre des "principes élémentaires" du "monde" et non du Christ-plérôme). Une figure duelle de "l'homme" (ancien = soumis aux éléments du monde / nouveau = Christ image de Dieu). Et une eschatologie presque complètement réalisée: la "résurrection" a déjà eu lieu ( contra 2 Timothée !), elle est spirituelle, elle n'est plus susceptible que d'une "manifestation" (épiphanie) externe qui n'ajoute rien à sa réalité spirituelle présente. Mais les différences le sont tout autant: le Christ image de Dieu (comme l'Adam originel) pré(-)cède et englobe la création, qui est toute impliquée (pas seulement l'"esprit" à l'exclusion de la "matière") dans la réconciliation universelle (en "l'homme nouveau", c'est une création qui se renouvelle, cf. 2 Corinthiens 5 et Romains 8 ). De ce point de vue, il y a autant de "stoïcisme" que de "gnose" (c.-à-d. l'opposé diamétral, quant à la vision du "monde") dans cette théologie: le principe "catastrophique" de la gnose, selon lequel le monde résulte d'une chute, est contrebalancé par une rédemption qui le ramène à l' ordre du logos (selon le principe stoïcien qui est, lui, exempt de catastrophe). --- Dans un tout autre style (moins "myst[ér]ique", plus rhétorique), les convergences "gnostiques" de l'épître aux Galates (dont la théologie est grosso modo la même que celle de l'épître aux Romains, mais exprimée de façon plus polémique, plus agressive et aussi plus brouillonne) sont plus subtiles, mais non moins intéressantes. P. ex. (3,19--4,6): - Citation :
- Alors pourquoi la loi? Elle a été ajoutée à cause des transgressions, jusqu'à ce que vienne la descendance (sperma, aussi "semence") à qui la promesse (à Abraham) avait été faite; elle a été promulguée par l'intermédiaire d'anges et au moyen d'un médiateur. Or ce médiateur n'est pas médiateur d'un seul, tandis que Dieu est un. La loi est-elle donc contre les promesses de Dieu? Jamais de la vie! Si une loi avait été donnée qui puisse faire vivre, la justice viendrait réellement de la loi. Mais l'Ecriture a tout enfermé sous le péché, pour que la promesse soit donnée, en vertu de la foi de Jésus-Christ, à ceux qui croient. Avant que la foi vienne, nous étions gardés sous la loi, enfermés, en vue de la foi qui allait être révélée. Ainsi la loi a été notre surveillant (pédagogue) jusqu'au Christ, pour que nous soyons justifiés en vertu de la foi. La foi étant venue, nous ne sommes plus soumis à un surveillant.
Car vous êtes tous, par la foi, fils de Dieu en Jésus-Christ. En effet, vous tous qui avez reçu le baptême du Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme (litt. ni mâle ni femelle), car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ. Et si vous appartenez au Christ, alors vous êtes la descendance d'Abraham, héritiers selon la promesse. Or je le dis: aussi longtemps que l'héritier est tout petit, il ne diffère en rien d'un esclave, alors qu'il est le maître de tout; il est soumis à des tuteurs et à des intendants jusqu'au temps marqué par le père. Nous aussi, lorsque nous étions des tout-petits, nous étions esclaves des éléments du monde (stoikheia tou kosmou); mais lorsque les temps furent accomplis (litt. quand est venue la plénitude du temps, plèrôma tou khronou), Dieu a envoyé son Fils, né (litt. devenu) d'une femme et sous la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l'adoption filiale. Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans notre cœur l'Esprit de son Fils, qui crie: "Abba! Père!" Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils; et si tu es fils, tu es aussi héritier, du fait de Dieu. On remarque, comme je l'ai suggéré plus haut, que la "loi" est séparée de "Dieu" par une double médiation: celle des "anges" (cf. Actes 7,38.53; Hébreux 2,2) et du "médiateur" (Moïse), qui ici (contrairement à l'épître aux Hébreux) ne "préfigure" en aucune manière Jésus, puisque la "promesse" ( epaggelia), comme le "testament" ( diathèkè) ou l'"évangile" ( euaggelion), est unilatérale, elle est l'engagement d' un seul. L'"ancienne alliance" est une "économie" ou un "arrangement" tout entier placé sous le statut méprisé de l'esclavage (les anges, Moïse, ne sont que des "serviteurs", la loi elle-même n'est qu'un "pédagogue", c.-à-d. un esclave inférieur en droit à l'enfant qui lui est confié), radicalement opposé à tout ce qui relève de la relation Père-Fils, généalogique, ontologique, foncièrement libre (on n'en est pas encore à un "Dieu" distinct pour la Loi, mais par rapport à l'épître aux Romains, on s'en rapproche). Et, élément peut-être encore plus caractéristique, les fils sont déjà fils et "maîtres de tout", sans le savoir, sans connaître encore leur dignité de fils, alors même qu'ils sont soumis aux "esclaves". Cf. encore le développement sur le fils de l'esclave opposé à celui de la femme libre en 4,21ss. On notera aussi le dépassement de la "différence sexuelle" cher aux gnostiques. Mais ce texte, qui est peut-être de tous ceux du corpus paulinien le plus proche (de ce que nous savons) du "marcionisme", en plus "gnostique" peut-être, se distingue comme celui-ci de la gnose: c'est toujours la foi et non la connaissance qui "sauve". |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Paul, Marcion et la gnose Hier à 12:07 | |
| Marcion et les Évangiles canoniques. À propos d'un livre récent Par Christophe Guignard
Paul, Marcion et la résurrection : la thèse de Markus Vinzent
La question qui est à la base du livre de Markus Vinzent est la suivante : « Quand, pour qui et pourquoi était-il important de confesser le Christ ressuscité [12] ? » Il s’agit là d’une des (assez rares) questions qui font – ou du moins qui ont fait jusqu’ici – l’objet d’un consensus presque général dans le champ des études sur le Nouveau Testament et le christianisme ancien. Plus d’un lecteur aura été tenté de répondre spontanément que la Résurrection du Christ a été importante – essentielle même – dès les origines pour une large majorité des chrétiens et parce qu’il s’agit là d’un élément central du kérygme néotestamentaire (Ac 2, 32 ; Rm 1, 4 ; 1 Co 15, 17, etc.). On s’en doute, la réponse apportée par Vinzent est tout autre. Alléguant un déclin de l’intérêt pour la Résurrection dans les premières générations chrétiennes [13], il considère que celle-ci, « bien qu’elle fût une conviction forte chez Paul, était peu importante pour la plupart des premiers chrétiens », mais qu’« elle a été redécouverte […] par un remarquable maître chrétien de Rome, Marcion de Sinope [14] ». Beaucoup d’auteurs, à la suite de Harnack et de von Campenhausen, ont attribué à ce dernier un rôle important dans le processus de fixation du canon néotestamentaire, qui aurait été déterminé en réaction contre le « canon » scripturaire qu’il avait défini [15]. Vinzent fait de lui celui grâce à qui la croyance en la Résurrection du Christ se serait imposée : « Si Marcion, qui enseigna à Rome après 140 apr. J.-C., n’avait pas repris les lettres de Paul et ne les avait pas jointes à un Évangile, la Résurrection du Christ ne serait sans doute jamais parvenue à faire sa place dans le credo chrétien [16]. »
Le quadruple Évangile après Marcion ?
Une telle lenteur ou même une difficulté à s’imposer serait cependant la conséquence attendue d’une rédaction tardive des écrits. En effet, l’on concevrait mal qu’un écrit apparu vers le milieu du iie siècle ait réussi à s’imposer rapidement, de façon apparemment uniforme et pratiquement sans résistances documentées, comme il faudrait le supposer si, entre la rédaction des Évangiles et l’affirmation du quadruple Évangile par Irénée vers 180, il ne s’était écoulé qu’une quarantaine d’années – voire nettement moins, puisque apparemment Vinzent situe la rédaction des Évangiles et des Actes dans une période « d’extraordinaire activité littéraire » entre 140 et 160 [40]. Qui plus est, dans cet intervalle de quarante ans, c’est un double processus qui serait parvenu à terme : d’une part la reconnaissance individuelle des futurs Évangiles canoniques et d’autre part leur constitution en une collection considérée comme fondamentalement unitaire, l’unique Évangile selon quatre présentations. À elle seule, cette invraisemblance a de quoi susciter le scepticisme face à la chronologie des écrits du Nouveau Testament telle que la propose Vinzent [41]. Elle n’est que plus problématique si l’on suppose que ces Évangiles qui s’imposent si facilement dans la Grande Église ont été composés en partie dans des écoles gnostiques [42] !
Plus généralement, la lecture des pages que Vinzent consacre à la constitution du Nouveau Testament [43] laisse au lecteur toute une série de questions sans réponses. À commencer par le problème synoptique, que ne résoudrait en rien la priorité de l’Évangile de Marcion : si l’on admettait cette dernière, comment devrait-on se représenter les rapports littéraires entre Mt, Mc et Lc ainsi que leur chronologie relative [44] ? Un autre problème est celui du rapport littéraire entre Jn et l’Évangile de Marcion et/ou les Synoptiques – l’on retrouve, mutatis mutandis, la fameuse question du rapport entre Jean et les Synoptiques [45]. Si Lc et Ac datent du milieu du iie siècle, comment expliquer qu’il ne subsiste aucune trace de ces livres circulant ensemble et qu’ils ne nous soient parvenus que séparément ? Et qu’en est-il des évangiles apocryphes ? Comment et pourquoi les quatre Évangiles devenus canoniques se sont-ils imposés au détriment d’autres évangiles, dont plusieurs (l’Évangile selon Thomas et l’Évangile selon Pierre, par ex.) peuvent justement être datés de la même période que celle à laquelle Vinzent assigne la rédaction des premiers ou, en tous cas, du iie siècle ? La réponse à cette question paraît singulièrement peu aisée si l’on ôte aux futurs Évangiles canoniques l’avantage d’une plus haute antiquité. Il est difficile de contester la pertinence de la remarque que faisait von Campenhausen pour expliquer le choix de l’Église (à ses yeux, en réaction à Marcion) de reconnaître divers Évangiles plutôt que d’en créer un unique (comme le fera Tatien en composant le Diatessaron) : « [I]l n’était pas possible d’opposer aux évangiles qu’on voulait rejeter et combattre comme des “falsifications” – et avant tout l’évangile de Marcion – une œuvre nouvelle récemment et artificiellement composée [46]. » Il y a là des questions auxquelles la thèse de Vinzent ne paraît pas pouvoir apporter de réponse satisfaisante, et la liste pourrait aisément être allongée. C’est toutefois en abordant le problème sous un autre angle que je proposerai ici des éléments de réfutation.
L’Évangile de Marcion
Marcion, suggère Vinzent, « n’a ni trouvé, ni utilisé, ni édité l’Évangile, mais il l’a produit dans son école romaine [47] ». Il faut rappeler ici que Marcion ne se concevait pas comme un innovateur – bien qu’il l’ait effectivement été à bien des égards –, mais comme le restaurateur d’une doctrine altérée (cf. Tertullien, Contre Marcion I, 20, 1) et qu’il ne s’attribuait ni autorité ni révélation particulières [48]. Une telle attitude n’est guère compatible avec la création d’un évangile, fût-ce à partir de diverses sources (orales ou écrites), comme Vinzent l’envisage [49]. « Il se savait simplement élève de Paul, écrit Harnack ; il ne voulait marcher que sur ses traces et comme il se croyait bien loin d’enseigner une piété ou une mystique propres […], il aurait certainement considéré comme le plus grand sacrilège le fait de créer lui-même la vraie tradition ou même l’Évangile [50]. » L’hypothèse de Vinzent est d’autant plus étonnante qu’il est prêt à reconnaître que « Marcion partageait l’idée de Paul que l’Évangile n’était pas d’origine humaine et qu’il ne devrait pas y avoir d’autre Évangile que celui que Paul lui-même enseignait [51]. » Si telle était l’autocompréhension de Marcion, il est bien plus cohérent de supposer avec Harnack que, pour restaurer l’Évangile authentique, il a choisi parmi les quatre Évangiles transmis et que, Mt et Jn étant d’office disqualifiés par certains éléments trop judaïques (et, dans le cas de Jn, par l’affirmation que le Christ « vint dans son domaine » qui heurtait de front sa conception d’un Sauveur « étranger » au monde du créateur), son choix s’est porté sur Lc plutôt que sur Mc parce qu’il contenait davantage de paroles de Jésus [52]. À ces explications du choix de Lc, il faut en ajouter une toute simple et probablement plus décisive : si Marcion a vu en Lc l’Évangile auquel se référait Paul, c’est parce qu’il a reconnu en Lc 22, 19-20 la tradition paulinienne de l’Institution (1 Co 11, 23-25) [53]. Les sources suggèrent que Marcion a examiné les quatre Évangiles et Harnack s’y fie sur ce point. Le témoignage de Tertullien à ce propos paraît clair.
Mais voici que rencontrant l’Épître aux Galates où Paul […] accuse […] certains faux apôtres de pervertir l’Évangile du Christ [54], Marcion s’emploie de toutes ses forces à détruire le statut d’évangiles pour ces œuvres qui sont proprement l’œuvre d’apôtres [Mt et Jn] ou de personnes apostoliques [Mc et Lc] et sont publiées sous leurs noms : son but étant, bien sûr, de conférer à son évangile le crédit qu’il leur ôte [55].
Marcion a donc très probablement connu les futurs Évangiles canoniques ou, en tous cas, certains d’entre eux [56]. Cependant, bien qu’il y ait là un élément des plus problématiques pour sa thèse, Vinzent ne discute pas ce passage. En revanche, il en cite un autre qui, s’il ne concerne que Lc, n’en atteste pas moins clairement que cet Évangile préexistait à l’Évangile de Marcion (ibid., 4, 4-5) :
Si l’évangile attribué chez nous à Luc […] est celui-là même que Marcion, au long de ses Antithèses, met en accusation comme interpolé par les champions du judaïsme pour faire corps avec la Loi et les Prophètes, […] il y a un fait certain : Marcion ne pouvait mettre en accusation qu’un évangile qu’il avait trouvé en place. Personne ne critique une chose qui ne se produira qu’après, et dont on ignore qu’elle se produira. La correction ne précède pas la faute [57].
Cette dernière remarque résume l’argument de Tertullien tout au long de ce passage, que R. Braun exprime fort bien dans le titre qu’il place en tête de cette section dans la traduction des Sources chrétiennes : « Produit d’une correction, l’évangile de Marcion est postérieur [58] ». Tertullien en appelle ouvertement à la chronologie pour établir lequel, de l’Évangile de Luc ou de l’Évangile de Marcion, est falsifié (ibid., 4, 1). Comment, dès lors, Vinzent peut-il invoquer ce passage à l’appui de sa thèse ? En effet, ce passage fournit un argument d’autant plus fort en faveur de la priorité de Luc que Tertullien s’appuie explicitement sur les affirmations de Marcion lui-même dans ses Antithèses. Voici le commentaire de Vinzent :
Tertullien admet que Marcion accusait les « champions du judaïsme » d’avoir falsifié son Évangile pour le rendre apte à être combiné avec ce que Marcion considérait comme l’Ancien Testament, (à savoir) la Loi et les Prophètes. Marcion ne l’avait ni « trouvé » ni abrégé. Cependant, Tertullien retourne l’accusation de falsification émise par Marcion et rétorque rhétoriquement que c’est lui [italiques de l’auteur] qui « critique » quelque chose [59].
L’on peut se demander qui, de Tertullien ou de Vinzent, opère un retournement pour servir son argumentation. En effet, contrairement à ce qu’affirme ce dernier, à s’en tenir à ce que Tertullien écrit, ce n’est pas l’Évangile de Marcion (c’est-à-dire l’Évangile tel qu’il l’édite) que l’hérétique accusait les « champions du judaïsme » d’avoir falsifié, mais bien celui que la Grande Église attribue à Luc. Et ce point, Tertullien fait bien plus que l’« admettre », il l’exploite à son profit ! Lire ce passage comme le fait Vinzent, en supposant que Marcion affirmait que des judaïsants avaient falsifié son propre texte évangélique, n’est possible que si l’on admet préalablement le point qu’il est censé illustrer. Le raisonnement est circulaire [60].
Le texte invoqué par Vinzent finit de se retourner contre sa propre argumentation lorsque l’on s’interroge sur l’identité des « champions du judaïsme ». Sa lecture suppose qu’il s’agit de contemporains de Marcion, évidemment des membres de la Grande Église. Cependant, c’est une tout autre identification que suggère le premier passage cité ci-dessus, qui évoque semblablement aussi la corruption de l’Évangile authentique par des judaïsants. La principale différence entre les deux passages est que, dans le premier, Tertullien évoque les attaques de Marcion contre les Évangiles de l’Église, tandis que, dans le second, où il s’agit de départager le troisième Évangile et l’édition corrigée de ce même Évangile produite par Marcion, il ne s’intéresse logiquement plus qu’à Lc. Dans les deux cas, il se réfère explicitement à des critiques que Marcion adressait aux Évangiles. Les Antithèses ne sont citées comme source que dans le second passage, mais, dans la mesure où Marcion n’a pas laissé d’autres écrits (sauf une lettre mentionnée par Tertullien), il ne fait guère de doute qu’elles constituent également la source du premier passage [61]. Il est donc très probable que les « champions du judaïsme » du second ne soient autres que les faux apôtres judaïsants du premier. Dans ce cas, Marcion attribuait la perversion de l’Évangile non pas à des chrétiens de son époque, mais à des contemporains de Paul.
La reconnaissance par Marcion lui-même de la précédence chronologique des Évangiles de l’Église et, en particulier, de celui qu’il avait entrepris d’expurger de ses prétendues interpolations judaïsantes est d’ailleurs à la base même de l’argumentation de Tertullien dans le § 4, dont j’ai cité un extrait ci-dessus. Si, sur la base des Antithèses, les marcionites avaient été en mesure de contester ce point en rétorquant que les interpolations judaïsantes étaient postérieures à Marcion (comme Vinzent le suppose), l’argument de Tertullien aurait risqué de se retourner dangereusement contre lui. Sa façon d’argumenter suppose au contraire qu’il était pleinement convaincu non seulement de l’antiquité de Lc et des autres Évangiles reçus par l’Église, mais aussi de la reconnaissance par Marcion lui-même d’avoir travaillé à partir d’un Évangile existant.
L’examen du passage de Tertullien invoqué et discuté par Vinzent montre que l’interprétation traditionnelle des sources, qui suppose que Marcion a produit son Évangile à partir de Lc, ne se laisse donc pas si facilement renverser : Vinzent ne peut apporter la preuve que Marcion serait le créateur de son Évangile – si ce n’est des évangiles en tant que genre littéraire.
https://shs.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2013-3-page-347?lang=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Paul, Marcion et la gnose Hier à 13:22 | |
| Circulez, y a rien à voir...
Quand la "recherche" francophone en matière de NT ou d'histoire des christianismes primitifs (ici Guignard, 2016) fait mine de s'interroger ou de se laisser interroger sur son "consensus" -- soit la récitation d'un catéchisme et d'une histoire sainte à peine revêtus d'un vernis scientifique, rationaliste et critique -- elle choisit des thèses isolées, fragiles et de portée limitée (ici Vinzent) qu'elle peut "réfuter" d'autant plus facilement, de sorte que tout le monde continue de dormir en paix et de répéter les mêmes choses, assuré de les avoir "vérifiées", ou du moins qu'elles n'étaient pas sérieusement menacées. Le "consensus" n'en est conforté que dans l'opinion générale des perroquets...
Bien sûr il n'est pas question d'arriver à des certitudes historiques face à une tradition ecclésiastique (celle de la "grande Eglise", orthodoxe et catholique) qui a construit et rabâché tranquillement son histoire pendant des siècles, en éliminant systématiquement les opinions et les récits divergents dès lors et aussi longtemps qu'elle en a eu le pouvoir. D'autant que les "historiens" de l'époque moderne étaient eux-mêmes en grande partie des "religieux" (catholiques ou protestants, dans ce domaine-là peu importe), et que les rares "laïques" (ou "laïcs") qui s'intéressaient à ces questions n'étaient pas pressés d'engager avec leurs révérends collègues une nouvelle guerre de religions dans les universités: tout le monde croit toujours avoir intérêt au "consensus", d'autant plus commode que les religieux peuvent citer les profanes qui citent les religieux pour faire autorité commune et vérité indiscutable en s'appuyant les uns sur les autres...
Pour ma part, c'est plutôt après avoir quitté ce milieu "académique" francophone que j'ai remis en question mes propres répétitions, en particulier grâce aux discussions avec des interlocuteurs intéressants sur JWD qui m'ont fait découvrir tout un pan de la recherche anglo-saxonne que j'ignorais (par exemple R.M. Price qui m'a dirigé vers de nombreuses autres études, du XIXe siècle à nos jours). Je n'y ai acquis aucune certitude historique -- d'ailleurs l'histoire en soi m'intéresse peu -- mais une certitude de l'incertitude générale (comme disait à peu près saint Augustin à propos des manichéens, il aurait pu se le dire aussi du dogme orthodoxe et catholique) qui m'a rendu plus attentif à mes propres répétitions et plus libre, du coup, de mes propres intuitions (plus exégétiques et littéraires qu'historiques), quoi qu'elles vaillent.
Il me paraît désormais tout à fait impossible de séparer nettement "Paul" de "Marcion", et un éventuel "proto-Luc" (marcionite, ou pré-orthodoxe) de "Marc"... Mais ce qui s'est passé derrière ou sous ces noms propres, l'histoire longue et complexe de la rédaction des textes qui a certainement pris près d'un siècle, de la seconde moitié du Ier siècle au milieu du second, cela ne peut être que l'objet de conjectures à partir de la seule chose ferme qui nous reste, les textes eux-mêmes dans toute la diversité de leurs variantes, qui peuvent bien être matériellement postérieurs (je veux dire les manuscrits, papyrus ou autres, du IIIe siècle et au-delà) mais n'en portent pas moins la trace d'une histoire longue et complexe, celle-ci fût-elle pour nous à jamais indéchiffrable. En attendant rien n'interdit à personne de se faire son idée, ni d'en changer, au fil des relectures... ni aux exégètes-perroquets de dater imperturbablement les textes du NT du milieu à la fin du Ier siècle, comme s'ils n'avaient plus bougé ensuite. |
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